Le doute avait envahi le cœur de Corvus. Des années de construction de soi lui avaient permis, malgré brimades et abandons, d'arborer cette confiance, cette stature qui avait fait sa fierté et avait sans doute contribué à l'accession récente à son rang. Mais c'était la légitimité de l'obtention de ce même rang qui, aujourd'hui, avait chassé cet aplomb. Le fier Chevalier d'Or, arrogant pour certains, digne pour d'autres, voyait son assurance se fissurer. Car il avait failli à sa mission et, il le savait, il aurait bientôt à rendre des comptes.

Son échec était d'autant plus cinglant qu'il était de son unique faute, à lui qui n'avait pas su tempérer les élans de son cœur. S'il se savait passionné en amour, il s'était découvert un emportement presque bestial pour la haine. Haine, mépris, il n'était pas encore certain de ce qu'il avait ressenti en entendant ce Marina vénérer le Dieu Unique, le Dieu menteur et tueur. Toujours était-il que ce païen était maintenant mort et les Marinas et les Saints en guerre de par ce geste qui était, maintenant qu'il s'était apaisé il le comprenait, complètement fou. Surtout dans les circonstances qui avaient servi de théâtre à cette folie.

Une menace primordiale, un Géant. Un contingent Saint, composé d'Antares du Scorpion, Shaokan du Dragon et lui-même. Élément imprévu : un groupe Marina, dirigé par le Général de la Sirène Maléfique et de deux compères, encore anonymes. L'un des deux sera bientôt mort. Il ne le sait pas alors. Le combat commence et, faisant fi de leurs animosités, les camps d'Athéna et Poséidon s'allient pour éliminer la menace. Cette mission aurait pu se solder par un retrait des troupes, qui se seraient quittées ni amies ni ennemies, simplement satisfaites d'avoir accompli leur devoir. Mais c'était sans compter sur Corvus. Une citation biblique, le ton monte. Et malgré ses piteuses tentatives de conciliation avec le chef Marina, il est bientôt la nouvelle cible de ceux-ci. Fort heureusement, il avait eu le bon sens de ne pas se tourner vers les enfants du Dieu des océans sans avoir au préalable achevé le monstre qui les menaçait. Mais de toute manière, l'issue était jouée : les trois Saints furent vaincus et, maigre compensation, le Chrétien fut tué. Ceci scellant le début de la guerre entre les Saints et les Marinas.
Et cette responsabilité, Corvus la portait comme un fardeau, une culpabilité pesante qui chassait toute autre pensée, tournant en boucle dans son esprit. Plus encore que la probable expédition punitive des Marinas, Corvus craignait le courroux d'Athéna et d'Arsiesys. Le Grand Pope était sage, compréhensif et sans doute clément, il n'en restait pas moins qu'un tel geste ne saurait être laissé sans punition.

Il était toujours Chevalier de la Vierge et il se demandait encore si cela durerait quand il reposa les yeux, machinalement, sur la missive qu'il avait reçu. Le message était court et il le connaissait par cœur. Il ne faisait que le fixer, pour avoir quelque chose sous les yeux plutôt que balayer la pièce du regard, comme un enfant perdu. La demande d'un entretien du Chevalier du Phénix, Elias, qui était si ses souvenirs étaient justes l'élève d'Antares. Corvus ignorait le but de cette rencontre. Était-il envoyé par Antares ? Peu probable, l'homme était plutôt du genre à régler ses affaires lui-même. Avait-il eu vent de l'incident, cherchait-il à lui apporter soutien, ou reproche, ou explications ? Ces considérations étaient mineures comparées à l'inquiétude de savoir le sort qui lui serait réservé après son geste démesuré, mais elles s'ajoutaient au malaise que vivait le Chevalier de la Vierge, lui enserrant le cœur d'une étreinte douloureuse.

Monter les marches qui conduisaient aux différents temples, c'était toujours quelque chose de particulier pour lui. Désormais assuré d'avoir une véritable place au sanctuaire, le Phénix ne s'embarrassait plus des questions qu'il se posait depuis tant d'années. Fini les doutes, aujourd'hui il savait ce qu'il avait à faire pour remplir sa mission. Bien sûr, tout n'était pas parfait. Et si les rumeurs étaient exactes - il n'en doutait pas réellement - Japheth avait disparu, laissant vacante la place du Cancer. Elias regretterait cet homme, il le savait. Car c'était précisément ce Gold Saint, avec Antares toutefois, qui l'avait initié à la perception des âmes et au pouvoir que cela pouvait conférer. S'il était ainsi aujourd'hui, c’était sans aucun doute aussi grâce à lui.

Bien sûr, tout les Gold Saint n'étaient pas comme Antares ou Japheth. Et le Phénix se souvenait avec amertume de sa rencontre avec Aquillas du Poisson, Kallas des Gémeaux et Narcisse du Capricorne. Trois chevaliers radicalement différents mais tous irritant d'une manière ou d'une autre. Si le premier n'était plus un problème depuis la perte de son rang, les deux autres restaient encore présents. Le Grand Pope avait évidemment besoin d'une telle force de frappe mais Elias redoutait que la plupart des chevaliers d'or ne soient comme ces deux là : incapable de suivre les préceptes d'Athéna, rongeant de par leur sottise la réputation de sa déesse.

D'ailleurs, s'il se dirigeait ce jour vers la Maison de la Vierge, c'était surtout pour rencontrer Corvus. Bien qu'il ne l'ait jamais rencontré, le Phénix en avait souvent entendu parler. Cet homme qui avait porté l'armure du Corbeau pour finalement s'élever au dessus des autres en prenant possession de celle de la Vierge. Une puissance incommensurable, il est vrai, et qui permettait à Corvus d'intégrer les Douze. Récemment, Elias avait entendu parler de la mission que le Gold avait effectué aux côtés de son maitre, Antares, et aux côtés de son ami, Shaokan. Si deux des personnes les plus importantes pour lui avait côtoyé cet homme, alors il se devait lui aussi de se faire une idée plus précise sur l'individu.

Déjà se dressait le temple. Il avait envoyé une missive au Gold pour l'informer de sa visite. Ne pas avertir de son arrivée aurait été une insulte pour l'un des plus hauts responsables de ces chevaliers, il le savait. S'arrêtant à mi-hauteur, juste avant de pénétrer dans l'enceinte d'une maison qu'il ne connaissait que trop peu, la voix d'Elias s'éleva, forte, sûre d'elle.

- Je souhaite m'entretenir avec le Gardien de cette maison. Elias, Bronze Saint du Phénix, en fait la demande solennelle.

Était-ce trop en faire ? Elias savait que non. Il avait des principes, des convictions, et s'il n'appréciait pas réellement la plupart des Gold qu'il avait rencontré, il n'en restait pas moins respectueux de la confiance que leur avait accordé Athéna, par le biais de leur armure. Profaner un temple de par sa présence, sans être invité à entrer, était une chose qu'il ne ferait pas. Et le jeune homme voyait déjà en songe la tête que ferai Mercurio s'il l'avait vu faire montre d'autant de considération. Il haussait les épaules, attendant l'accueil de celui qu'il désirait voir. Il restait toutefois à lui faire une demande plus précise, qu'il sache pourquoi il était venu à lui.

- Accordez moi un peu de votre temps, Chevalier de la Vierge. J'ai des questions et je sais que vous êtes un des rares qui pourrait y répondre.

L'appel d'Elias le tira de ses inquiétudes comme un électrochoc. Sa présence, il l'avait bien ressentie, mais entendre sa puissante voix se répercuter dans la pièce le fit sursauter, preuve supplémentaire de l'état dans lequel il se trouvait. Ridicule d'avoir été surpris par si peu de chose, il s'enserra le front dans une main, resserrant son étreinte pour que la douleur le sorte de cette torpeur. Il était temps de revêtir ce masque d'assurance qui lui serait indispensable pour ne pas perdre la face – la logique le fit malgré tout sourire. Il était Gold Saint et ne devait pas laisser paraître ses inquiétudes qui étaient, de surcroit, complètement égoïstes.

« Entre, Elias. »

Il fit face à l'ouverture éclatante qui menait vers les marches, d'où viendrait le Phénix. Il l'avait déjà vu, sans pour autant s'être attardé sur lui, et c'était là l'occasion de faire plus ample connaissance. Il était donc venu pour obtenir des réponses. Corvus était curieux d'en connaître le sujet ; était-ce justement la venue des Marinas, ou peut-être – qui sait ? – des explications sur la finalité de la Mission à laquelle le Gold Saint avait participé. Toujours était-il que, malgré les ténèbres qui lui assombrissaient le cœur, il se devait d'accueillir le porteur de la légendaire Armure du Phénix avec les égards dûs.

« Bienvenue à toi, Phénix. Je suis heureux de te revoir, même si notre première rencontre ne nous a pas permis de bien apprendre à nous connaître. Je suis Corvus, Chevalier de la Vierge, et je suis prêt à répondre à tes questions. »

Il ne put s'empêcher cependant de détailler le jeune homme et dû reconnaître que, son casque retiré, il était plutôt beau. D'une beauté différente de celle qui caractérisait justement Corvus : lui qui était alors le digne représentant du Corbeau, avec son teint pâle et ses cheveux sombres, contrastait totalement avec la mine flamboyante et les cheveux dorés du Phénix. Oui, Elias est un bien bel homme et malgré les doutes qui tourmentaient l'âme du Gold Saint, il sait le reconnaître et le noter, dans un coin de sa mémoire.

Il est vrai qu'ils s'étaient déjà rencontrés, bien que cela ait été bref. De ce qu'il se souvenait, Corvus était resté quelque peu en retrait, obéissant aux ordres muets du Grand Pope. Des ordres qui étaient restés malgré tout d'une logique implacable : ne pas se mouiller de trop afin d'éviter une guerre ouverte contre les Marinas. C'est pourquoi Arsiesys et Corvus n'avaient pas participé à ce combat d'anthologie. Cependant la défaite des Saints ce jour là avait scellé leur mésentente. Et c'est avec une certaine émotion que le Phénix se souvenait de cette journée. Non pas qu'il avait honte de son comportement, loin de là. Il s'était lui-même battu avec courage et sa collaboration avec le chevalier d'Or Kallas aurait même pu payer si Narcisse s'était montré à la hauteur de son rang. Ce n'était donc pas cela qui l'avait dérangé. Mais il s'était avéré que son propre frère, Kahr qui se faisait appeler désormais Augure, avait intégré les rangs du Seigneur des Mers. Ce qui faisait de lui son ennemi, comme l'avait prouvé leur petite confrontation.

Et s'il ne s'était à ce jour jamais inquiéter de ce que pouvait faire son aîné, les choses étaient bien différentes désormais. Ce n'était cependant pas pour cela qu'il avait souhaité voir le chevalier de la Vierge. Quoi que cela concerne tout de même les armées du dieu Poseidon. EN quête de réponse, il savait auprès de qui obtenir ce qu'il désirait.

- Je vous remercie pour votre accueil. Il est vrai que notre première rencontre n'a pas été propice à une discussion. Surtout qu'après le départ des Marinas, je suis resté un moment alité. J'ai cru comprendre, selon les faits qui m'ont été rapportés, que la jeune femme que j'affrontais a continué de me frapper alors même que j'étais inconscient. Un tel manque d'honneur me soulève le coeur...

Contrairement à son comparse, Mercurio, Elias portait en haute considération les notions d'honneur et de prestige. Si Athéna était la déesse souveraine de cette terre, ce n'était pas sans raison. Et il savait que le devoir des Saints était de propager ces valeurs de par le monde. Malheureusement, trop peu des Gold existants croyaient en cette notion. Tout comme nombre de chevaliers, à l'instar du Centaure, pensaient que seule la victoire importait. Voir qu'ils se trompaient à ce point avait tendance à énerver le Phénix. Il se battait pour restaurer l'intégrité des âmes déviantes et voir un tel comportement parmi les hommes d'Athéna ne pouvait que l'exaspérer.

Quoi qu'il en soit, il se devait de poursuivre, d'exprimer à intelligible voix la raison qui l'avait poussé à venir chercher Corvus. Depuis peu, une sorte de frénésie secouait la plupart des chevaliers du sanctuaire. La plupart cherchait des compagnons pour s'entraîner ou pour améliorer leur maîtrise du combat. Et rare était l'homme à ne pas tenter de repousser ses limites. Pour sa part, Elias n'était pas dans la même conjoncture. Il faut dire que son retour du monde intérieur lui avait ouvert les yeux. Et que depuis l'évolution de son armure, il n'avait plus eu de contact avec ce double malfaisant qui habitait en lui. Cette part d'ombre qui n'était en réalité qu'un amas de doutes et de culpabilités.

- Je suis venu à vous pour deux raisons, Corvus. J'ai appris que votre dernière mission vous avait de nouveau opposé à des Marinas. Je n'ai pas eu l'occasion de voir mon maître à ce sujet et je désirais savoir si la femme que j'ai affronté ce jour là, Kyara, était présente ou non. Cela peut vous paraître quelque peu disproportionné comme réaction mais sachez que je n'aspire désormais qu'à la retrouver. Non pas par vengeance mais seulement pour purifier son âme qui est corrompue. La mission que ma confiée notre déesse ne peut être reporté. Châtier ceux qui profanent son nom et sa réputation est ma seule raison de vivre. Kyara de Scylla doit périr et seules mes flammes sont en mesure de lui apporter le repos auquel chaque guerrier peut aspirer.

Le regard du Phénix s'était fait plus déterminé encore alors qu'il prononçait ces paroles. Une aura argentée s'échappait de son corps et il n'était pas difficile de voir que seule cette mission importait. Certaines mauvaises langues au Sanctuaire disait de lui qu'il n'était qu'un fou, un fanatique. L’inquisiteur d'Athéna... Un titre qu'il aimait en réalité. Et à le voir ici et maintenant, nul doute qu'il se complaisait parfaitement dans ce rôle, comme si cela avait toujours été son but. Néanmoins les flammes qui l'avaient enveloppés quelques instants se rétractèrent et lui-même se calma. Comme s'il ne s'était rien passé.

- Ce qui m'amène à la seconde raison. Et je vous prie par avance de pardonner mon offense. Néanmoins, je dois m'assurer de la pureté de votre cœur. Et surtout, de votre âme. Ne prenez pas mal mes propos, Corvus. Sachez seulement que le don qui est le mien me permet de voir le lien qui unie l'âme à un corps. Et je n'ai pu passer à côté du votre. Trouble. Sombre. Je ne doute pas de vos compétences... Cependant, je dois peser votre âme. Un Gold Saint se doit d'être exemplaire, sans quoi vous entrainerez le Sanctuaire tout entier dans votre chute. Je ne saurai le permettre. Affrontez-moi, Chevalier de la Vierge, que je puisse vous libérer de votre culpabilité. Là est le seul moyen pour moi de jauger votre cœur.

Il est vrai que pour les chevaliers mineurs, Elias n'était pas obligé d'en arriver à de pareilles extrémités. Sa maîtrise des illusions était amplement suffisante pour obtenir ce qu'il désirait apprendre des autres. Une âme corrompue était facilement identifiable. Cependant, les Douze protecteurs d'Athéna étaient comme bénis par leur déesse. Il lui était donc impossible de lire leur cœur sauf lorsqu'ils étaient en plein combat. Et pour cause : lorsqu'ils luttaient, ils abandonnaient de manière inconsciente la protection du sanctuaire que représentait leur âme. Il lui était alors plus facile de s'insinuer à travers cette brèche à l'aide de son illusion du Phénix. Et de savoir qui était réellement celui ou celle qu'il affrontait. Cette introspection était cependant dangereuse pour lui. Car la puissance d'un Gold dépassait de loin la sienne. Du moins était-ce sa sensation à ce sujet. Sa demande était particulière. Et le risque que la Vierge l'envoie paître n'était pas négligeable.

Corvus se remémorait les évènements qui avaient eu lieu lors de la "visite" des Marinas à mesure que Elias les contait. Il avait en effet été simple spectateur de cette bataille, se rangeant aux côtés du Grand Pope à la fois pour assurer sa protection en cas de coup par derrière et pour ne pas déséquilibrer un combat qui devait être malgré tout mené avec honneur. Honneur, justement, semblait une notion chère au Phénix, qui insista sur ce point. Volontairement ou non, le savoir aurait aidé Corvus à mieux cerner le personnage et le but de sa visite. Il n'eut pas besoin de pousser plus avant son investigation silencieuse, puisque Elias annonça de lui même les raisons qui lui avaient fait franchir le pallier de sa Maison. Et la première l'étonna.

« Pour ce qui est de cette Kyara, non, elle n'était pas sur les lieux. Nous n'avons affronté que des hommes, même si certains d'entre eux seraient bien chanceux de mériter telle appelation. Nulle mention n'a été faite de cette personne. »

Corvus nota néanmoins la singularité de la demande. Ainsi, le Phénix avait une dent envers cette Kyara et voulait lui rendre la monnaie de sa pièce. Un geste assez curieux, sans nul doute disproportionné comme il l'avait dit, d'autant que bientôt les priorités seraient tout autre. Cela permit cependant à l'ancien Corbeau de mieux comprendre qui était le Chevalier en face de lui. Visiblement, il était fier de ses fameuses flammes, s'en enveloppant dans un accès de rage vengeresse. Et lorsque Corvus se demanda s'il n'aurait pas droit un jour à son tour à un tel traitement, il eut confirmation. Il laissa s'échapper un petit rire.

« C'est donc cela le but de ta visite ? J'avoue être surpris. Je n'attendais pas tel discours de la part d'un Chevalier de Bronze. Certains t'auraient dit présomptueux de vouloir purifier un Gold. Je dirais, pour ma part, que ce n'est pas une si mauvaise chose. Car tu viens à moi avec respect. Aussi la politesse veut-elle que j'accède à ta demande. »

A son tour, son cosmos irradia. Bien évidemment, la puissance que Corvus libéra dépassait celle d'Elias, mais il savait que se baser uniquement sur cela serait trompeur. La stratégie, l'endurance et la détermination – cette dernière qualité ne semblait pas manquer au Phénix – jouaient bien plus que cette question aussi barbare de savoir qui avait le cosmos le plus destructeur.

« Seulement, nulle interrogation, nul jugement ne sera nécessaire, car je reconnais bien volontiers que je ne suis pas pur. Je ne suis Gold Saint que depuis peu et je travaille à devenir, comme tu le dis, exemplaire. Pour l'heure, sache que je suis, comme tu l'as dit à nouveau, sombre. J'ai encore en moi l'empreinte du Corbeau et les rancœurs de mon passé. Je passerai donc par tes flammes et je tâcherai de ne pas y brûler. »

Il ouvrit alors le bal des illusions, des flammes et des gouttes de sang versées. Profitant de sa rapidité, il lança le premier l'offensive. Plongeant instantanément en état de transe, il enferma l'esprit d'Elias dans une réalité parallèle ; ou du moins essaya-t-il, espérant que son adversaire ne s'en libérerait pas avant d'en sentir les effets. A savoir une perturbation des sens, changeant les sensations pour pénaliser les réflexes du Phénix. Pour augmenter l'impact de cette attaque et se prémunir d'une éventuelle contre-attaque à l'aveugle, il disparut et réapparut dans le dos d'Elias, son bras tendu comme un sabre s'abattant sur son trapèze.
Il allait jouer ici l'acceptation du Phénix et il aurait sans doute à subir son purgatoire infernal. Mais il espérait bien ne pas lui faciliter la tâche et lui prouver que, homme pure ou non, il restait un Chevalier d'Or et qu'il ne saurait trahir Athéna.

Affronter un autre illusionniste, tel était finalement le destin d'Elias. Mais cela, il ne le sut que trop tard, alors même qu'il sentait sa perception s'altérer. Mine de rien, ce constat lui faisait plaisir. Affronter un Gold capable lui aussi de maîtriser cette arcane compliquée le ravissait. C'était comme affronter un autre adversaire pour savoir quelle flamme brulait plus que l'autre. La première fois, il avait perdu contre le Grand Pope. Cette fois, il escomptait bien un meilleur résultat. Et si ce n'était pas le cas, alors il n'aurait qu'à progresser encore et encore. Les Douze étaient de redoutables combattants et cela, il ne le niait pas. Mais était-ce suffisant pour servir véritablement sa déesse ?

Bien que prit dans cette illusion, Elias perçut le mouvement dans son dos. Infime, certes, mais suffisant pour lui permettre de situer avec précision son adversaire. Corvus était rapide, plus qu'il ne l'était lui-même. Ainsi, inutile de jouer sur ce terrain avec l'un des gardiens, il le savait. Se retournant prestement, Elias repoussa l'attaque en plaçant ses bras en croix devant lui, réceptionnant alors le coup sans broncher. La dépense d'énergie était conséquente, il le savait, mais prendre pareille attaque sans réagir aurait été une erreur grossière. Et dans pareille position, la contre-attaque n'en serait que plus terrible. Du moins l'espérait-il...

- Je ne vois pas en quoi un Gold Saint serait plus pur qu'un autre chevalier, Corvus de la Vierge. Et pour ceux qui me jugeraient présomptueux, je préfère employer le terme de prudence. Notre déesse a des principes d'honneur et de vertu qui ont été trop souvent bafoués par ses propres soldats. Qu'ils soient simples bronze, comme moi, ou Gold...

Sa pensée se tournait déjà vers Narcisse et Kallas qui n'avaient montrés aucune trace de ce dit honneur dans leurs dernières actions. Et ne parlons pas de Sokaris, nouveau venu dans la sphère des Gardiens. Ainsi, pas étonnant que le jeune Phénix soit si méfiant. Les principes qui l'avaient aidé à grandir étaient ignorés par ceux qu'il vénérait depuis son entrée au Sanctuaire. Et si l'honneur n'existait plus pour la majorité des chevaliers, Mercurio en était d'ailleurs la preuve vivante, lui-même n'était pas disposé à oublier ces valeurs.

D'une impulsion, il repoussa le bras de son adversaire. C'est alors que les flammes autour de lui réapparurent. Plus intenses, plus mordantes. Au fond de lui, le Phénix se réveillait. Au fond de lui, il sentait sa douleur disparaître peu à peu. Le travail de régénération de cette armure n'était désormais plus tourné exclusivement à la réparation de celle-ci... Désormais, elle soignerait aussi ses plaies durant le combat, l'aidant à tenir la distance face à un adversaire qui le dépassait en terme de puissance.

Les flammes gagnaient déjà en intensité. Le but était simple : envelopper rapidement Corvus dans ce déluge, ce qui générerait immédiatement après la terrible illusion du Phénix. Une technique redoutable qui plongerait alors son adversaire dans les tourments de sa vie passée, neutralisant ainsi une partie des pouvoirs qu'il possédait en atteignant directement la source. C'est à dire son âme. Les flammes quant à elles seraient là pour le bruler, purement et simplement. Et Elias était curieux de voir si une armure dorée était capable de repousser pareil déluge sans broncher.

- Hōō Genma Ken !

Citation :

Physique cumulée à la cosmique dans ce rp

Corvus haussa un sourcil. Elias pouvait-il seulement le distinguer dans la confusion qui régnait en cette seconde dans son esprit ? Cette pensée s'échappa lorsqu'il répondit à sa rétorque.

« N'as-tu pas toi-même dit que les Gold Saints devaient faire preuve d'exemplarité ? Si tu te considères plus pur qu'un Chevalier d'Or, là tu seras désigné comme présomptueux. Tu peux le penser, mais l'affirmer t'attirera des foudres contre lesquelles mêmes tes flammes seront impuissantes, Phénix. »

Il avait repoussé son attaque au corps-à-corps, signe qu'il avait malgré tout surpassé l'illusion qui embrumait son esprit. Il demeurait donc dangereux et, comme Corvus l'espérait, le combat ne connaîtrait pas sa conclusion sur cette première offensive. La prudence était de mise, comme l'avait dit Elias. Et bien lui prit de se méfier car le Phénix tenait à faire honneur à son Armure : s'embrasant comme une torche, ou plutôt comme un brasier infernal compte tenu de l'intensité des flammes qui l'enveloppèrent, il passa à son tour à l'attaque.

» Toutes ces batailles... Ce n'est vraiment pas fait pour toi. «

La voix surgit du néant. Néant ? N'était-il pas, quelques secondes plus tôt, au beau milieu de la Maison de la Vierge. Il comprit en un instant ce qui lui aurait demandé, quelques années plus tôt, de longues secondes : une illusion. Un univers alternatif, intangible, inexistant en réalité. Tout ce qu'il verrait, entendrait ou ressentirait serait faux. Il se prépara à tout et chercha du regard l'auteur de cette déclaration. Ses yeux tombèrent... sur les siens.
On lui avait dit, étant jeune, qu'il était très beau. Ces déclarations s'étaient tues une fois rentré dans le camp d'entraînement qui allait devenir pendant de longues années son foyer mais aujourd'hui, un nouveau témoin de son physique diaboliquement angélique pouvait l'affirmer ; et le comble voulait que ce soit lui-même, conte de Narcisse revisité.

» Toi qui te plaisais à te décrire comme un homme délicat, cultivé, au dessus de la barbarie... Te voilà soldat. Qu'as-tu à dire pour ta défense ? «

Il était si estomaqué qu'il ne trouvait pas les mots. C'était à la fois lui et un homme différent face à lui. Ou plutôt il s'agissait de la représentation qu'il s'était faite de celui qu'il serait une fois adulte, rêve d'un jeune enfant déjà certain de ce qu'il voulait devenir. Ils n'étaient pas si dissemblables, mais leurs auras étaient, elles, sur une onde différente l'une de l'autre. Corvus sentait que son double était plus... distingué, presque arrogant, distant. C'est un regard méprisant qu'il lui adressa derrière son rideau de cheveux sombres.

» Avec tes convictions, tu as renoncé à la parole ? «
« Non. Mais comprends ma surprise. »
» Je la comprends. Comprends la mienne. L'homme d'esprit que je devais être est un guerrier. «
« Les évènements ont voulu que je le devienne. »
» Et toi ? Que voulais-tu ? «

***

Corvus combattait dans le monde qui s'était créé dans son esprit. Une attaque efficace, à n'en pas douter. Il avait dû ceindre son âme en deux, l'une partant dans l'univers où il était confronté à lui-même, l'autre se raccrochant à l'unique réalité. L'impact avait été minimisé par ce tour de passe-passe, mais il se retrouvait de la sorte diminué. Sa concentration était trop fragile pour qu'il se risque à complimenter son adversaire : sans transition, il passa à son tour à l'attaque, espérant briser l'illusion qui le retenait partiellement prisonnier par une contrattaque sentie. Joignant les mains devant son buste, il modela une flèche dorée qui tourbillonna lentement devant lui. Puis, lorsqu'elle pointa vers Elias, elle fusa dans sa direction, prête à lui traverser la poitrine et à libérer son énergie privatrice d'odorat.
L'attaque était cependant plus subtile, car en plus de cette flèche Corvus avait lancé une autre technique. Dans la traînée miroitante du projectile s'en trouvait un autre, une sphère lumineuse étincelante. Certes, ne pas la remarquer serait une prouesse, mais la Vierge espérait que l'attention de son opposant, déjà perturbée par sa première attaque, serait entièrement dédiée à la flèche ; et au poing qu'il allait abattre sur sa mâchoire, après s'être une nouvelle fois déplacé à une vitesse vertigineuse.

Il est vrai que la condition physique et spirituelle d'un chevalier d'or dépassaient d'assez loin celles d'un Bronze. Elias était donc naturellement dépassé par la puissance de cet homme qui l'atteignit à plusieurs reprises sans qu'il puisse réagir. D'abord la flèche... Et son effet tout à fait déstabilisant. Plus d'odorat. Si cela pouvait paraître risible dans un combat, Elias comprenait d'emblée que son adversaire ne ferait que saper ses forces. Et le fait d’être prit ainsi au dépourvu laissait évidemment une brèche dans sa défense, permettant alors à la Vierge de l'atteindre à la mâchoire, envoyant propulser le blondinet dans le décors tant la force et la rapidité le surpassaient.

Le choc en lui même n'était pourtant pas si terrible. Et alors qu'il se relevait, posant sa main sur sa mâchoire endolorie, il étudiait les traits de son adversaire. Ce dernier paraissait calme et sûr de ses capacités. Il ne s'emportait pas ou peu. Et ce simple constat le fit sourire. En un sens, il lui faisait penser à son propre mentor. Lors de l'élaboration de son illusion, il avait perçu le trouble de son vis-à-vis. Son lien spirituel s'était quelque peu emballé. Le lien des Parques ne saurait mentir. Quoi qu'il en soit, Elias comprenait les propos tenues par ce Gold Saint. Qui était-il lui, simple bronze, pour oser juger un Gold ? Un des douze protecteurs de la déesse Athéna.

Peu à peu, le cosmos du Phénix s'emballait lui aussi. Peu à peu, les flammes régénératrices opéraient leur étrange manège sur l'armure du jeune homme. Mais surtout, c'était une attaque particulière que le Phénix allait envoyer contre son adversaire. Une sphère argentée entourait désormais le corps du jeune chevalier. Un vent étrange s'était également levé, englobant chacun des protagonistes de ce combat. Et déjà le Phénix tentait de prendre son adversaire dans une nouvelle illusion.

- Burning breath !

Son cosmos prit alors la forme de deux ailes de flammes, prenant position de part et d'autre de son corps. Et en un instant, il envoya deux puissantes pulsations dans le but de percuter son adversaire. Une première plus solide, pour le faire reculer. Une seconde qui toucherait son âme, pour perturber ses sens. Et pendant ce temps, il comptait sur le pouvoir de sa cloth pour soigner ses plaies. Ainsi était le Phénix. Perdurer encore et encore, sans laisser de répit à son adversaire. Certes, la puissance du Gold Saint dépassait la sienne. Mais ce n'était en rien une raison pour baisser les bras. Lui, le chevalier qui était appelé l'Inquisiteur. Lui, qui n'aspirait qu'à servir sa déesse...

Lui avait-on laissé le choix ? La seule réponse honnête serait "non". Il avait été enrôlé, non pas de force car il s'était résigné au sort qu'on lui offrait, mais même si sa dévotion envers les Dieux était déjà grande à l'époque, jamais il n'avait songé à devenir l'un de leurs Paladins. Il était devenu serviteur d'Athéna par la force des choses et Chevalier d'Or par son travail. Voilà qui faisait toute la différence.

« Ce que je voulais n'importe plus aujourd'hui. Je me suis battu pour être là où je suis. Si je n'ai pas voulu servir Athéna, j'ai voulu faire honneur à cette mission et devenir celui que je suis à ce jour. »
» Tu te contrefous donc de tes rêves ? De cet avenir brillant qui t'attendait, loin des champs de bataille, de la douleur et du sang ? «
« C'était un autre temps, une autre destinée. Je n'ai pas de regret car le devoir qui est désormais le mien est plus grand que tout ce que j'aurais pu espérer alors. Je ne suis pas soldat mais héraut. »


L'illusion se dissipa et les consciences séparées de Corvus ne firent qu'une à nouveau. Voilà une attaque fort déconcertante, qui avait eu un effet plus fort sur lui qui ne l'aurait cru. Il s'attarderait sur la nature de sa vision plus tard, une fois le combat fini. Car il n'avait pas le temps de souffler, en vérité.
L'attaque d'Elias le prit par surprise. La première vague d'énergie le frappa, l'électrisant d'un instant de salvation qui lui permit de parer le deuxième assaut. Seulement, encore embrumé par la technique qu'il avait précédemment surpris, il ne put se déplacer suffisamment rapidement pour l'éviter et c'est son cosmos qui vint à son secours, formant une barrière dorée qui pompa une quantité faramineuse de cosmo-énergie.
Voilà qui le mettait en mauvaise position délicate. Cette consommation exagérée allait, il le sentait, lui coûter beaucoup par la suite. Mais pour l'heure il devait contrattaquer. Comment handicaper son adversaire ? Une idée lui vint. Il avait déjà utilisé cette technique, mais s'il ne se trompait pas, elle pourrait lui donner un avantage certain, dans l'une ou l'autre situation... Sauf surprise. C'était le meilleur moment pour la réemployer.
Elias était encore partiellement piégé dans cette autre dimension, qui affaiblissait ses sens plus encore que le faisait la flèche d'or qu'il plantait régulièrement dans le corps du Phénix. Corvus, irradiant de son cosmos le plus puissant, réitéra l'opérant, enfermant plus en avant encore la conscience de son adversaire dans cette autre réalité, prolongeant sa désorientation. Selon l'ancien Corbeau, le Phénix s'en protégerait, puisque connaissant déjà cette arcane... C'est pourquoi il devait en profiter pour l'attaquer d'un autre front.
Une nouvelle flèche d'or fut décochée, mais cette fois-ci en plus d'être capable de priver Elias d'un sens – Ouïe – elle aurait une incarnation des plus tangibles. La flèche était nimbée d'une radiation brûlante, qui rappellerait aux terminaisons du Phénix le sens du mot "douleur"... Pour peu que le blond ne préfère pas se correspondre aux plans de la Vierge et préfère se protéger du projectile plutôt que de l'illusion.

Que faire lorsque l'on est complétement débordé par les attaques d'un adversaire ? Certains seraient tentés de se protéger, d'autres de fuir. Elias n'était pas ainsi. Il fermait simplement les yeux alors qu'il sentait la puissance destructrice de la Vierge lui arriver dessus. Seules ses flammes semblaient agir sur son corps. Le choc fut aussi effroyable que douloureux, projetant le corps du malheureux Phénix au sol comme s'il ne s'agissait que d'une marionnette de combats. La douleur serait effroyable, certes. Mais Elias n'avait pas agi comme un fou, bien au contraire. Car barricadé au fond de son esprit, juste à côté de celui qui lui prêtait sa force et son savoir, il était préservé. D'une certaine manière, il va sans dire. Les flammes de son armure avaient joués le rôle qui était initialement le leur. Préserver la conscience et l'âme du porteur de cette cloth mythique. On pouvait le cribler d'attaques, on pouvait même lui perforer le corps, cette technique lui permettait de ne ressentir qu'un effet amoindrit. Et son armure se régénérait presque instantanément.

Alors qu'il revenait à la réalité, Elias ressentit une fois encore les effets néfastes que lui projetaient sans cesse Corvus. Cette fois, c'était l'ouïe. Il n'entendait plus rien, il ne sentait plus rien. Et il semblait une fois encore ressentir les effets d'un pouvoir étrange peser sur ses frêles épaules. Mal en point, il l'était. Mais alors pourquoi ce sourire ? Les flammes n'avaient pas disparues. Et une fois encore, le Phénix se relevait comme s'il n'avait encaissé qu'un simple assaut.

- J'ai sondé votre cœur, Corvus de la Vierge. Et j'ai vu le vrai visage de votre âme, aussi étrange que cela puisse vous paraître. Et je vous dois des excuses pour le comportement qui est le mien.

Qu'il était étrange de ne pas s'entendre parler. Qu'il était étrange d'écouter ses propres mots avec son seul esprit et non pas avec ses oreilles. QUoi qu'il en soit, ces paroles, Elias les pensait réellement. Car ce qu'il avait vu l'avait convaincu de la pureté des sentiments de cet homme. L'ancien Corbeau devenu Protecteur méritait amplement la place qui était la sienne. Athéna avait une place prépondérante dans son cœur et nul doute qu'il serait capable de tuer et de périr pour sa déesse. Mais plus que cela, il avait senti une opposition entre lui et sa conscience. Il était en paix avec lui même. Ou du moins, en passe de le devenir. Car il était sûr de ce qu'il faisait.

- Néanmoins, il vous faut encore faire taire ces flammes qui ne demandent qu'une âme à dévorer. Et ce n'est pas avec ce que vous m'avez montré que vous serez en mesure d'y parvenir. Je vous en prie, Chevalier. Mettez-y toute votre âme ! Car pour ma part, je compte bien hausser un peu le débat. Phoenix, Hō Yoku Tenshō !

En un instant, le chevalier de Bronze avait levé les bras au dessus de lui, générant un étrange souffle tout autour de lui. Dans son dos, l'illusion du Phénix venait d'apparaitre, déployant ses ailes enflammées. L'air chaud semblait être crée par son apparition. C'est alors que Elias abaissa les bras, libérant deux nouvelles ondes vers son adversaire. Le souffle du Phénix était réputé pour ne laisser personne indifférent. Quiconque se trouvait sur la trajectoire de ces bourrasques était alors emporté. Âme, corps, armure... Rien n'était épargné. Cependant, le fait que ses sens soient altérés rendait ce souffle moins redoutable qu'il ne l'était à l'origine. Le travail de sape de cet homme fonctionnait et Elias commençait à douter de parvenir à l'atteindre plus. Mais habité par cette foi qu'il portait à sa déesse, il n'était pas encore disposé à baisser les bras.

Corvus fut éberlué lorsqu'il vit que la puissance de son assaut, un déchaînement de puissance comme il en faisait rarement, n'avait atteint son adversaire qu'à moindre échelle. Étrange autant que frustrant, le Phénix s'était relevé de son attaque sans, à première vue, en avoir particulièrement souffert. Était-ce une technique de défense qu'il n'avait pas pu lire, ou la fameuse régénération de son Armure qui aurait atteint un stade tel que tout dommage serait instantanément soigné ? Impossible à savoir pour l'heure. Corvus ne pouvait qu'espérer que cet exploit soit unique. Au moins pouvait-il sentir qu'il avait enfermé plus profondément encore la conscience d'Elias dans cette autre dimension de sa composition.

« Tes excuses sont acceptées Elias. Je suis impressionné que tu aies pu sonder mon âme et heureux que tu y ais trouvé la trace de mon dévouement pour notre cause. Et puisque tu souhaites finir cet affrontement, j'y mettrai moi aussi toute ma puissance ! »

Elias fut le premier à ouvrir les hostilités qui les menaient inexorablement vers la défaite de l'un ou de l'autre. Comme implorant le ciel les bras levés, le Saint invoqua l'animal mystique à l'origine du nom de son Armure et le flamboyant oiseau semblait prêt à faire brûler toute existence. Lorsqu'il rabattit ses membres Elias projeta un souffle ardent qui se répandit dans la maison comme un raz-de-marée. Il ne serait pas aussi facilement piégé que lors de la dernière attaque du Phénix et la Vierge para une partie de l'attaque, bras croisés pour résister à cette vague de puissance destructrice. Il sentit l'Armure se fêler sous la puissance de l'attaque, tandis que sa peau commençait à brûler... Corvus serra les dents. Il sentait que la puissance du Phénix déclinait, grâce aux sens qu'il avait tu.

Il était temps de tenir parole et d'offrir au Phénix un aperçu de la puissance d'un Chevalier d'Or. La conscience de Corvus s'ouvrit peu à peu à l'Univers, enveloppant son corps de cette puissance séculaire et infinie. Son Armure irradiait comme un soleil. Derrière ses cheveux d'ébène, ses yeux étaient devenus blancs.
Nulle vague d'énergie cette fois-ci, mais une pointe intangible qui vint percer, purement et simplement, les organes de son adversaire. L'attaque était fulgurante, implacable et peu de Chevaliers étaient capables de l'éviter.

Emporté par cette salve, Elias n'avait eu aucune chance d'en réchapper. La rapidité d'un Gold Saint était impressionnante mais pire encore l'était sa puissance. La douleur était telle qu'elle manqua de lui faire perdre conscience et seule sa dévotion pour sa déesse et la confiance qu'il portait en son armure lui permit de rester présent. A la limite, bien sûr, mais au moins n'avait-il pas encore perdu. L'impression d'avoir été crucifié littéralement parlant, voilà ce qu'il ressentait en ce moment. Et dans l'incapacité même de bouger un seul petit doigt. Quelle puissance mais surtout, quelle persévérance. La Vierge venait indéniablement de prouver sa supériorité sur le Bronze Saint. Autant dire que Elias se sentait quelque peu perturbé. Rejeté dans les tréfonds de son âme, il se sentit partir, délirant.

L'entraînement était plus intense que jamais mais Elias aimait ça. Il aimait être dans cet état de fatigue, ne pensant alors plus à rien d'autre qu'à se reposer afin de reprendre des forces pour le lendemain. On lui avait dit que les entraînements seraient rudes, compliqués même. Il n'avait pas pensé que ce serait à ce point. Adossé à un pilier, essoufflé, Elias contemplait la surface de combats, alors même que le jour déclinait peu à peu. Les autres élèves rangeaient le matériel, prêt à rentrer aux dortoirs. Mais le blondinet restait là, seul, à profiter de cet étrange spectacle.

Il était impatient amis en un sens, il savait que sans cet entraînement, jamais il ne pourrait prétendre à porter un jour une des Cloth de sa déesse. Beaucoup de prétendants et finalement peu de postes, voilà la réalité qui était la sienne. Mais depuis son entrée en ce lieu, depuis qu'il avait prit connaissance du rôle des chevaliers d'Athéna et des différentes Cloth qui étaient là pour la protéger, Elias ne jurait plus que par une seule d'entre elle... Celle du Phénix, oiseau immortel, protecteur de la déesse. Une ombre se détachait d'un mur à proximité, se rapprochant alors de lui.

- Encore en train de rêver, gamin ? T'as bien bossé aujourd'hui mais tu devrais faire gaffe à tes camarades... Tu vas tous de les foutre à dos !

Le maître d'arme était un homme bourru. Pas méchant pour un sou mais un peu à côté de ses pompes, du moins c'était ce que pensait Elias de lui. D'ailleurs, le haussement des épaules et le soupir du jeune homme prouvaient allégrement qu'il se moquait de l'avis de cet homme. Qu'il soit réservé, qu'il préfère éviter le contact des autres, ça le regardait lui et personne d'autre. Tant que sa formation n'en était pas altéré, il va sans dire. Et ce n'était pas le cas. Alors pourquoi s'inquiéter des autres ? Seule Athéna comptait. Seule sa propre rédemption lui importait. Le reste n'était que futilité.

- Les autres m'importent peu. Ils ne m'aideront pas à progresser. Vos enseignements, si.

Le maître d'arme, d'expérience, savait quand il était inutile de parlementer avec un de ces mômes. Elias semblait buter et trop sûr de ce qu'il avançait pour pouvoir discuter réellement. Échanger son point de vue, c'était une chose. Mais là, ce serait peine perdue.

- M'ouais... Tu verras, tu changeras d'avis avec le temps. Repose toi un peu, demain sera une dure journée.

C'est ainsi qu'il quitta Elias, laissant celui-ci à ses propres réflexions. Les autres... Pouvaient-ils réellement lui apporter quelque chose à l'avenir ? A ses yeux, seule sa propre volonté de survivre et de surpasser les autres le conduirait quelque part.

Revenant à lui, avec à l'esprit cette fameuse détermination qui lui avait permit de se construire tout du long, Elias prit sur lui de se relever. Son armure était ébréchée mais cela ne l'inquiétait pas. Il connaissait le pouvoir régénérant de cette armure et savait qu'elle serait comme neuf une fois qu'elle se serait reposé. Le craquement au niveau de son épaule lui arracha une grimace... Cassée ou démise, il ne saurait le dire, mais la souffrance ressentie était proprement insupportable. Mais étrangement, ce n'était pas ce qui le dérangeait le plus. Aveugle. Son adversaire venait de lui neutraliser l'un de ses sens les plus importants. Dans le noir le plus total, ou peu s'en faut. Car si ses yeux ne pouvaient plus voir, son esprit parvenait encore à percevoir le fil des Parques du chevalier d'Or. Il allait donc se raccrocher à cela pour poursuivre ses attaques.

Peu à peu, les flammes reprirent contenance autour de lui. Faisant appel au pouvoir du phénix, le cosmos d'Elias matérialisait une fois encore l'oiseau millénaire au dessus de lui. Sauf que cette fois-ci, ce ne serait pas pour une attaque. Une sorte de larme unique roulait le long du plumage de la créature pour tomber sur Elias. Le lavant alors des pêchés et des effets négatifs de son adversaire. Une sorte de bénédiction divine en réalité. Et si sa vue ne revenait pas encore, au moins son ouïe lui semblait de nouveau intact. Ce qui serait une aide précieuse pour la suite du combat.

- Vous n'avez visiblement qu'une parole et je saurais m'y fier à l'avenir. Mais voyez comme le Phénix peut renaître, quelles que soit les entraves qui le maintiennent au sol. Voyez comme il n'est pas aisé de m'empêcher de combattre. Hōō Genma Ken !

Frappant l'espace devant lui du poing, Elias projeta son cosmos sous forme d'une vague enflammée dans le seul but de perturber une fois encore les sens de son vis-à-vis, répondant de la même manière que ce dernier. Une vague enflammée sur laquelle il comptait pour le replonger dans une transe particulière. Sauf que cette fois, il comptait ouvrir la porte de son inconscience pour déverser en lui culpabilité et peurs.

Le combat durait et la conclusion en était proche. Et, sans pour autant le mettre en avant, Corvus se sentait confiant. L'affrontement avait été âpre et le Phénix avait démontré qu'il méritait son statut de Légendaire : ses attaques avaient fait vaciller la Vierge et la confrontation avec ce qui avait été son moi intérieur avait chamboulé l'esprit du Chevalier. L'ancien Corbeau savait qu'un élément fort, inébranlable du Sanctuaire se trouvait face à lui et que s'ils devaient combattre côte à côte, un jour, il aurait alors un allié de poids. Le Phénix avait lui-même reconnu sa valeur... alors pourquoi poursuivre plus avant cette bataille ? La victoire était déjà acquise, aux deux camps.

Le Phénix lança son dernier assaut, après avoir été, visiblement, libéré d'une partie du fardeau transmis par Corvus lorsqu'une larme versée par la personnification de l'oiseau majestueux vint rouler sur le Chevalier brûlant. Bras croisés, le Chevalier d'Or encaissa la dernière offensive, ardente comme un brasier, qui le fit une nouvelle fois vaciller... Puissant, le Phénix l'était assurément, et pour l'heure ils ne sauraient pas qui était le meilleur des deux. Mais Corvus préférait qu'il en soit ainsi. Le respect demeurerait et il n'y aurait pas de rivalité pour envenimer la relation qui venait de se nouer entre eux.

D'un geste de la main, il chassa tous les handicaps qui pesaient sur le Phénix : la vue lui revint et il put constater que la Vierge ne contrattaquait pas. L'odorat également et ils partageraient ce parfum de sang et de fumée qui embrumait l'air. L'air vindicatif de Corvus avait disparu, au profit de cette mine accueillante qu'il avait offerte à Elias lors de son entrée dans sa maison.

« Je pense qu'il est temps de mettre fin à cet affrontement, avant que l'un de nous deux n'écrase l'autre sous le poids de ses attaques. Tu as été un adversaire vaillant et puissant, Elias, je te respecte pour cela. Je n'ai nul besoin de te faire souffrir d'avantage et toi également, je pense. Nous nous sommes prouvé l'un l'autre notre valeur et cela me suffit pour ma part. Es-tu d'accord pour décider d'un match nul ? »

Il lui tendit la main, une main parcourue d'indomptables spasmes et d'un filet de sang... Une poignée de main pour sceller leur amitié, plutôt qu'un poing fermé pour assoir la puissance de l'un ou de l'autre, c'était bien là l'essence même de la sagesse ?

Il avait raison et ce n'est pas Elias qui contesterait ce fait. Il avait pesé l'âme de cet homme et avait découvert qu'il était digne de porter une des douze Gold Saint d'Athéna. L'un des rares parmi ceux qu'il avait déjà croisé en vérité et cela le ravissait et le rassurait en même temps. Ainsi, à quoi bon savoir lequel des deux était le meilleur combattant ? La priorité n'était pas de savoir qui vaincrait l'autre mais plutôt de s'assurer qu'ils étaient bel et bien digne de servir Athéna. Finalement, sa déesse ne s'était pas trompé avec tout le monde et c'était une excellente nouvelle. La main tendue méritait qu'il la saisisse et c'est précisément ce qu'il fit. Les flammes s'étaient éteintes pour ne laisser que fatigue et douleur. Affaibli par ce magnifique combat, il l'était, mais l'un comme l’autre n'avaient pas à rougir de leur prestation.

Quel plaisir aussi de voir ses sens lui revenir. On ne s'attendait finalement pas à être autant gêné mais lorsque l'on se trouvait dans la situation, on s’apercevait de l'importance que revêtait certaines choses. Elias n'était pas un sot et il venait d'apprendre une leçon aujourd'hui. A quoi bon se blesser inutilement après tout : ils servaient la même déesse et avec la même conviction visiblement, ce qui n'était pas rien. Chacun à sa manière bien sûr mais chaque rôle avait son importance. C'est pourquoi il acceptait de bonne grâce la fin de ce combat.

- Vous avez raison, nous n'avons pas besoin d'aller plus loin. Nous ne sommes pas ennemis après tout...

Un repos bien mérité les attendait et l'un comme l'autre en avait besoin. Et savoir que Corvus respectait sa force plaisait au jeune Phénix. Il n'avait guère de doute quant à ses capacités mais voir qu'un des douze protecteurs reconnaissait en lui un véritable défenseur de sa déesse ne pouvait qu'être valorisant. Ces années de travail n'étaient pas vain et si Antares le lui avait déjà confirmé, l’entendre de la bouche d'un autre avait quelque chose de rassurant.

- Certains diront que je prends mon rôle un peu trop à coeur... Il est vrai que le Phénix ne doit pas se permettre de remettre en doute la place d'un des Douze Gardiens. Cependant je ne suis pas homme à donner ma confiance à tous et à de trop nombreuses reprises j'ai pu lire le vice dans les coeurs des nôtres. Mais je puis vous assurer que vous êtes à la hauteur de votre rang. Par ailleurs, jamais avant ce jour je n'avais été privé de mes sens... Désagréable sensation, je dois l'admettre. Vous possédez un don rare, Corvus.

Poussant un long soupir, Elias ferma un instant les yeux pour se recentrer sur son cosmos. Il connaissait la nature belliqueuse du sien et savait qu'il se devait d'être toujours sur la défensive, ne serait-ce que pour contenir son double. Ce dernier avait disparue depuis son évolution d'armure et le test passé auprès de son maître mais la prudence restait de mise. Et si cet être sombre qui centralisait à lui seul les peurs et les frustrations du blondinet n'était plus réapparut depuis, il n'en restait pas moins à l'écoute de son propre corps. Et de son âme.

Lorsque Elias saisit la main que Corvus lui tendait, ce dernier fut soulagé. Leur combat avait été dantesque et la Vierge en savait l’issue incertaine. Mieux valait donc qu’il se conclue sur un accord, plutôt que sur l’humiliation de l’un d’entre eux. Il ne voulait pas l’avouer au Phénix, mais après la déconvenue qu’il avait connu face aux Marinas, se faire battre par un bronze aurait ajouté à ses doutes. Il n’avait vraiment pas besoin de ça et guerroyer pour savoir lequel des deux était le plus fort risquait d’apporter plus de mal que de bien. L’apparente sagesse de la Vierge cachait en réalité des préoccupations plus humaines, mais il était inutile de s’y attarder.

« La dévotion envers Athéna dont tu fais preuve ne peut être blâmée Elias. Certes, tu fus un peu cavalier de me défier de la sorte, mais c’est lors d’un combat que se révèlent le mieux les cœurs. Je ne t’en blâme pas, rassure-toi, mais le Chevalier de la Vierge que je suis ne peut que te conseiller de faire preuve de plus de tempérance à l’avenir. »

Il ponctua la remarque d’un sourire chaleureux. Ce n’était pas un reproche, bien évidemment, puisque, contrairement à beaucoup de jeunes poulains que Corvus avait connu dans son camp d’entraînement, le défi lancé par Elias avait un but autre que de décider qui avait les plus gros bras. La démarche derrière son geste était, elle, louable, bien qu’un peu présomptueuse – en quoi un Bronze pouvait-il juger du mérite d’un Or ? – et on ne pouvait le lui reprocher.

« Ce don m’a été offert en même temps que cette Armure. Autrefois Chevalier du Corbeau, je n’étais pas capable d’handicaper de la sorte mes ennemis. Je te remercie de ce compliment, même si je suis conscient de mes faiblesses. Pour profiter pleinement du potentiel qu’offre la Privation des Sens, je me dois d’être plus endurant. Et face à toi, j’aurais été bien en mal de parvenir jusqu’aux plus hautes strates de cette arcane. »

Son sourire se refroidit légèrement à cette annonce, qui était loin d’être anodine. Elias avait été perturbé par la disparition de l’odorat, de l’ouïe et de la vue ? Il n’avait encore goûté aux entraves les plus puissantes de cette technique, qui aurait tellement pénalisé le Phénix qu’il n’aurait guère pu lui tenir tête. Ainsi, Corvus précisait malgré tout qu’il était Gold Saint, et que le match nul ne signifiait pas pour lui une défaite. Même s’il se doutait qu’Elias ne serait pas assez sot pour se targuer d’une victoire par forfait, il était important de préciser ce point ; même sans le dire ouvertement. Juste pour éviter tout excès de confiance.

« J’ai été pour ma part stupéfait par les capacités régénératrices de ton Armure. L’endurance qui me manque, tu l’as assurément. Tu es un adversaire coriace, Elias ! »