Alors c'est ça leur citadelle? Joli p'tit caillou, ça en jette. Au moins, le pauv'type qui voudrait s'en prendre aux Berserkers sait à quoi il a affaire...enfin s'il arrive à trouver la porte...

Telles étaient les pensées du farouche guerrier d'orient alors qu'il foulait les terres du Dieu Arès lui même, son nouveau patron. Car oui, renier des Dieux de chez lui dont il n'avait jamais vu la couleur ni une quelconque manifestation, à tout bien réfléchir, avait été facile. Au moins, avec Arès, y avait du vrai, du concret, de la puissance. Et du vivant, le colosse s'en abreuvait avec frénésie, comme pour combler un vide sans fond, à l'intérieur de son âme.

Ou alors c'est peut être juste des conneries de philosophes pour faire pleurer les lectrices, narrateur à la mords moi le nœud.

Bref, le Perse avait suivi pendant des lieues et des lieues le cavalier et sa monture, ne faisait preuve d'aucune fatigue apparente, quelque peu impressionné par l'aspect sinistre de son guide, par la vrai impression de mort qui se dégageait de lui. N'avait-il pas dit qu'il était Cardinal du même nom? Sur un autre, on aurait pu en rire, mais sur lui, ça se tenait. Sans aucun doute.

La porte d'Obsidienne valait le coup d’œil, elle aussi. Comme taillée d'un bloc, elle pivotait pourtant pour laisser entrer les deux hommes.

Hey, Prophète, j'me demandais, si vous me permettez, comment elle a bien pu pousser là c'te citadelle? J'veux dire, même si c'est souterrain et tout, il a bien fallu des esclaves ou quelque chose dans l'genre pour creuser les galeries, non? Et comment ça s'fait que personne a jamais tenté de venir vous botter l'cul?

Amoureux des grands espaces, le géant voyait d'un mauvais œil le fait de s'enfermer dans un espace exigu. D'autant que, même si on pouvait déblatérer tout un baratin sur le fait que la cité était imprenable et tout le tintouin, il n'en restait pas moins que les schémas de pensée de l'oriental avaient du mal à se faire à un trou dans le sol. Il avait vu mieux niveau nid d'aigle. Mais bon, tout avait une raison en ce bas monde, il s'y ferait, donc. Comme toujours.

Et tandis qu'il progressait dans les boyaux du monde, une foultitude de question lui venaient en tête, avec un trio sur les marches du podium: "Qu'est ce que je fous là? Pourquoi moi? Qu'est ce que j'y gagne?" Il hésitait à les poser, ces questions. De la première impression qu'il avait eu, le Prophète était pas quelqu'un de très loquace, mais il avait le verbe précis, la parole claire, lorsqu'il s'exprimait. Le genre de type qui savait se faire comprendre de ses hommes, sans élever la voix. Et se faire respecter, indubitablement. D'où le fait que le colosse marchait sur des œufs. On avait connu plus tête brûlé, avec lui, mais il savait vraisemblablement pas par quel bout le prendre, son nouveau chef. Pesant le pour et le contre, il fini par juger la stupidité de sa réflexion, à la vue de ses questions. Il était pertinent de penser qu'un soldat ne devait s'interroger sur sa condition, mais quand les dieux s'en mêlaient, il était de bon aloi de rajouter une pincette de foutues questions existentielles.

Prophète, euh, sauf vot'respect, je peux vous poser une question? En fait je me demandais pourquoi vous étiez venu me chercher de si loin pour m'emmener dans votre bastion...je connais mes capacités lorsqu'il faut combattre contre des hommes de chair et d'sang, mais vous, vous dégagez quelque chose qu'est loin d'être naturel, sans vouloir vous offenser. Et je pense pas que le Dieu de la Guerre envoie son représentant juste pour chercher un type à enrôler dans la garde de la citadelle. Alors quoi, je suis spécial, moi aussi? J'ai loupé quelque chose?

Véritable novice en matière de phénomènes macrocosmique et microcosmique, l'homme ne s'était jamais aperçu qu'il diffusait du cosmos en continu, ce qui était en partie responsable de sa croissance et de sa force toutes deux disproportionnées. Au final, il savait au fond de lui même qu'il était spécial, mais il ne comprenait juste pas ce que le Cardinal de la Mort avait vu en lui. Ce jour était dédié à l'apprentissage, celui de sa nouvelle vie. Et il avait le meilleur des guides, un type qui puait la puissance, et qui aiguisait son appétit, comme une fleur tendue vers le soleil.

Un nouveau retour en la citadelle, sa récolte dans ses pas. Un nouveau fauve avait été trouvé et ramené parmi les siens pour servir sa divine majesté Arès. Peu à peu les armées du maître de la destruction reprenaient forme, ses incessants va-et-vient finissant par porter leurs fruits. Et à présent que la plupart d'entre eux étaient formés, ils disposaient d'une force d'une frappe respectable qui, en s'adjoignant de précieux alliés comme ils l'avaient fait pourraient vaincre le Sanctuaire. Le plan était à cogiter, mais il est vraisemblable que l'impatience d'Arès prendra peut-être bientôt sa fin. Il ne manquait qu'un seul et unique élément pour que la victoire soit totale et assurée, mais pour cela il ne pouvait rien. Seule l'attente était dans ses moyens à ce sujet... Pas de quoi se plonger dans ces pensées pour l'instant donc. Il n'est d'aucune utilité de se faire du mouron sur ce pour quoi l'on ne peut rien... D'autant que celui qu'il avait ramené, le Lazar, avait manifestement quelques interrogations à éclaircir.

Il me semble évident que pour venir nous affronter, il faut déjà connaître notre existence. Et même si ce problème là est réglé, encore faut-il parvenir à nous trouver...

Pour ceux de la surface, les armées d'Arès n'avaient été qu'un mauvais souvenir jusqu'à très récemment. Les berserkers s'étaient rassemblés sous sa coupe au cours de quatre dernières années sans faire de vagues... Certes, à présent, la situation était différente. Ils s'étaient présentés aux Marinas dans le but de former une entente, et même profités du réveil des Titans pour attaquer le Sanctuaire d'Athéna. Odin n'était pas entièrement en reste, puisqu'une délégation y avait été envoyée sans que cela ne mène pourtant à rien. Mais de toute évidence aucun d'entre eux n'avait encore tenté de trouver la Citadelle, pas à sa connaissance du moins. Cela viendrait peut-être mais jusqu'ici l'on pouvait considérer que leur planque était toujours parfaitement secrète.

Le nom complet et réel de ce fort est la Citadelle des Flammes Infernales. Les flammes sont certes un attribut de notre maître, mais il n'est pas à ignorer que la Guerre ne règne nullement aux Enfers... Il y a bien longtemps, en des temps immémoriaux, Athéna a refoulé son frère Arès de la surface du globe. C'est donc dans les sous-sols qu'il a dû prendre congé... Loin, très loin dans les profondeurs, où il a pu être recueilli par son oncle Hadès. Ce sont les hommes de ce dernier qui ont assuré la construction de nos installations, ce pourquoi une référence y est faite dans le nom de l'endroit.

"Et quand il se réveillerait enfin de son long sommeil, la vengeance d'Arès sur sa soeur serait proche". Rien qu'une pensée dont il s'abstint de faire part. Ce genre d'information n'a pas à tomber dans les oreilles d'un simple porteur de Cuirasse, d'autant plus pour une nouvelle recrue. Ôtant sa toge blanche de sa main libre de faux, il la déposa sur son épaule tout en poursuivant sur le chemin qui les mèneraient aux diverses antichambres, l'une après l'autre. Et ainsi, ils pourraient savoir quelle était la Cuirasse réservée à cet impétrant. Voilà qui faisait parfaitement le lien avec ce qu'il allait lui répondre désormais.

Tu ne t'en es donc jamais rendu compte ?

Le Prophète fit s'élever son énergie cosmique qu'il camouflait habilement en temps normal. Comme à chaque fois qu'il relâchait son potentiel, ses yeux s'illuminèrent d'un bleu clair mais non moins vif.

Cette énergie est le cosmos. Chaque être, chaque chose en ce monde en est fait, possède cette énergie en soi. Et lorsqu'un être est capable d'en prendre conscience, il peut alors en user pour briser les atomes... La "conscience" est un grand mot cela dit. Il y a une différence entre ressentir et savoir, la pleine connaissance n'est donc pas utile pour s'y éveiller, la preuve en est faite lorsque des êtres tels que toi y parviennent sans pourtant rien en savoir. Tu es là pour ça ! Pour apprendre, pour en acquérir la maîtrise ! Ainsi, tu deviendras bien plus qu'un simple humain.
C'est parce que tu as cette énergie en toi que je suis venu te chercher, sur ordre de notre maître. Le but n'est autre que de te donner la place qui est tienne, qui t'étais prédestinée ! L'un des bras armés de la Destruction... Car il n'y a qu'en anéantissant ce monde pourrissant et à la dérive que nous pourrons en faire ce que nous souhaitons réellement. Une nouvelle existence qui ne se réalisera qu'en réalisant tout d'abord un ménage par le vide...

Voilà qui répondait aux questions posées, tout en proposant - à son sens - un avenir qui devrait charmer ce fauve. La discussion faisant, ils avaient bien avancé dans les boyaux du dédale, jusqu'à en arriver aux abords de l'antichambre de la Terreur. La première des quatre, dans laquelle peut-être la Cuirasse de Lazar ferait son apparition...

Tel un rai de lumière déchirant la nuit, le Prophète avait ouvert les yeux de son nouveau disciple. Ainsi, l'être subtil et le corps physique se réunirent dans un big-bang silencieux, soufflant la conscience du colosse comme un fétu de paille. Un instant pris de vertige, il se reprit, et contempla son corps pour ce qu'il était: un temple, un sanctuaire, emplit d'une énergie sans borne, la sienne, entièrement à son service. En quelques mots, le cavalier au masque d'albâtre lui en avait dit plus sur lui qu'en toute une vie faite de sensations. Il sut alors, à cet instant, qu'il n'allait pas lâcher de sitôt celui qui l'avait amené ici, et qu'il était d'ores et déjà une créature d'Arès. Bien étrange paradoxe pour celui qui n'a jamais accepté aucun maitre.

Faut bien s'adapter, et puis, avec ces types là, j'irais loin! J'suis même pas sûr d'apercevoir la fin du voyage!

Point important, selon lui, d'ailleurs, car un homme d'affaire doit toujours penser à ses prochains coups, surtout quand ses affaires s'apparentent au pillage et aux combats. Le Prophète parlait bien, ça oui, il était d'une efficacité difficilement égalable, et la machine tournait à cents à l'heure, dans la grosse caboche du colosse. C'était comme s'il était face à une porte s'ouvrant sur une infinité de possibilité. Et au milieu de tout ça, une tâche d'encre.

Mon bon Seigneur, et une fois que l'ménage sera fait? Une fois qu'on aura vaincu, tué, annihilé, que restera-t-il? Est-ce qu'on aura encore une raison d'exister, en tant qu'Apôtres de la Guerre? Est ce qu'on devra finir par avoir la paix et la prospérité? J'dois avouer que ça m'fout un peu les foins, à vrai dire, et j'aime autant m'imaginer qu'on s'mettra alors joyeusement sur la gueule entre nous.

Certaines réflexions n'étaient peut être pas vouées à être exprimée tout haut, mais le caractère impulsif de l'animal le poussait pourtant à les formuler. Car même s'il pouvait passer pour simple sur certains aspect, ayant un avis tranchés sur beaucoup de chose, il suivait pourtant un chemin de réflexion qui, sans être affilié aux standards du genre, restait efficace, à son niveau. Et alors qu'il avisait cette troublante réalité, leurs pas les menèrent dans la première des antichambres, celle de la Terreur, véritable maelström de fumées caustiques emplissant l'atmosphère. Tels les tentacules d'une créature tapis dans l'ombre, ces appendices, comme animés de conscience, s'enroulaient paresseusement autour des jambes de l'oriental. Elles restaient cependant à bonne distance du Cardinal, comme repoussées par un champ de force invisible. Complètement cachée par la purée de poix alentour, l'ensemble de la pièce paraissait se résumer au duo planté au milieu des limbes.

Et alors ils restèrent là, a attendre quelque chose que Lazar ne comprenait pas. Le décor ne le mettait pas mal à l'aise, mais l'énervait plutôt. il avait la nette impression d'être noyé dans le fleuve des âmes, et il n'aimait pas ça. L'homme comprenait les paroles de son nouveau maitre qui, plus tôt, avait mentionné la collaboration entre son Dieu et le Dieu des Enfers. Nul doute qu'une telle alliance n'était pas de bon augure pour le reste des hommes. Et peut être cela répondait-il aux questions du bandit sur l'avenir, après tout. Une suite logique. Et alors qu'il allait demander la cause de cette pause, des halos de lumière successif se manifestèrent au travers des volutes de fumée, comme si on avait allumé pus éteint brièvement une torche. Suivant un schéma linéaire, ces illuminations intermittentes firent peu à peu le tour de la pièce, jusqu'à un ultime flash. Puis plus rien. Toutes ces manifestations délétères étaient beaucoup pour un seul homme, qui n'avait connu jusque là que la dure réalité du fer. Mais il songea que l'explication viendrait en temps et en heure de la part de son guide, et que celui-ci saurait répondre à ses interrogations, comme il l'avait déjà fait. Restant dans l'expectative, il attendit donc la suite des événements.

Étrangement, il ne se serait pas attendu à tant de questions de la part de cette recrue. Non pas qu'il était rare que les nouveaux arrivants aient quelques interrogations à éclairer, mais ils ne voyaient que très rarement aussi loin. De plus, le gabarit de cet homme tout considéré, Lazar correspondait plutôt à la définition du "taper mais surtout pas réfléchir". Au final il se montrait agréablement étonnant. Pour autant, Ephtal ne prit pas la peine de répondre immédiatement à sa dernière salve. Tout d'abord procéder à la vérification de l'antichambre de la Terreur. Si une des Cuirasses présentes ici réagissait, elle sortirait du sol pour aller recouvrir son nouveau porteur, le reconnaissant autant qu'elle le choisissait. Mais il n'y eut rien, pas la moindre réaction positive. La Cuirasse qui lui était destinée ne se trouvait manifestement pas ici. Un passage obligatoire auquel le Prophète ne trouvait strictement plus rien de remarquable. Si les premières fois il avait pris goût à tenter de deviner quelle armure réagirait, s'il avait trouvé quelconque sorte de magie dans ce rituel, il n'en était plus rien. Ce n'était plus qu'un train train incontournable qui était plus à même de le faire soupirer plutôt que de l'émerveiller. Cela fait, ils purent poursuivre leur marche vers l'antichambre suivante...

Question pertinente, à laquelle personne n'a sans doute réellement de réponse. Si tu veux la mienne... Je pense que cette état de guerre ne cessera jamais ! Les Dieux du Panthéon se livrent une bataille infinie qui dure déjà depuis des millénaires. Ces "bêtes" là ont la fâcheuse habitude d'être particulièrement tenaces. Tous les deux siècles environ, une guerre féroce éclate, le vainqueur garde le pouvoir jusqu'à ce que deux siècles plus tard ses divins parents refassent surface et que l'histoire recommence. Jusqu'ici, Athéna a toujours remporté la donne, lui conférant à chaque reprise un avantage certain pour le prochain affrontement. Il ne tient qu'à nous d'instaurer un nouveau cycle...

De quoi les occuper un instant durant leur trajet jusqu'à la prochaine antichambre, celle de la Calamité. Peut-être que là, ils auraient plus de chance ? Cela ne changeait pas grand chose au final, vu qu'ils accompliraient tout de même la route jusqu'au Temple d'Arès, et ce quoi qu'il arrive. Tous les Berserkers devaient être capables d'aller de la porte d'obsidienne au Temple, à eux ensuite de découvrir les autres endroits de la citadelle, véritable ville souterraine.

Rien ne se passa, enfin rien de ce qu'aurait pu s'attendre le guerrier. Reprenant la marche, son Prophète répondit à ses question, lui livrant sa manière de voir les choses. Une sacrée preuve de confiance! Déjà un sourire s'esquissait sur la face lunaire de son soldat, dévoilant l'éclat fugace d'une dentition défiant les standards humains. Mais une moue désabusée vint sitôt remplacer cette grimace, devant l'amère constat que la Mort faisait sur l'avenir des combattants. Comment combattre si on ne gagnait jamais? Cela lui semblait illogique. Bien sûr, il arrivait à appréhender quelque peu ces histoires de combats de dieux et tout le tintouin, mais sa relative isolation vis-à-vis de la déité faisait que cela lui paraissait pour le moins abstrait.

Qui sait, avec un peu d'chance et d'huile de coude, on pourrait instaurer bien plus qu'un cycle...Suffirait d'bien calculer notre coup, assurer une mainmise qui n'permettrait pas sa remise en question. Ça serait un sacré travail, c'est sûr, mais peut être qu'en profitant du fait qu'les autres dieux s'foutent sur la tronche...mais j'parle pour moi même, désolé Prophète.

C'était peut être trop tard qu'il se souvint qu'on ne cherchait pas ouvertement à se montrer plus malin que son dirigeant. Surtout que le type avait sûrement déjà eu tout le loisir d'y réfléchir, et c'était sûrement pas le genre de gars à aller cueillir des fleurs avec insouciance.

Leur pas les menèrent cette fois à une seconde antichambre. A la différence de la première, celle-ci n'était pas engloutie par la fumée, ce qui permettait d'en distinguer les contours, dans la limite qu'offrait les flammes des torches. Bizarrement, cette salle là n'offrait pas le spectaculaire attendu, alors qu'il arrivaient d'une antichambre qui se démarquaient clairement de n'importe quelle autre pièce du bastion. Celle-ci semblait comme en plein travaux, le stuc brisé des colonnade se mêlant aux statues démembrées. C'était clairement du sale boulot, du genre de quelqu'un qui n'a pas apprécié la déco, et qui s'est juste mis en tête de foutre son bordel, pour que d'autres l'arrange à sa place. Lazar ne put s'empêcher de poser une ultime question.

Les différentes antichambres qu'on traverse depuis tout à l'heure représentent quelqu'chose, non? La pièce d'avant donnait pas mal, mais celle-ci on dirait une salle de jeu pour gosse turbulent...

Et alors qu'il portait sa main au menton, réfléchissant aux implications d'une telle remarque, un bruit le tira de sa rêverie. Sur le côté, sous un tas de gravas, quelque chose bougeait.

Qu'est ce que...

L'ensemble tremblait bel et bien, comme agité par en dessous. Faisant un pas en avant, instinctivement, comme pour se préparer à contrer un assaut qu'il savait venir, le géant se plaça devant son seigneur. Il ne l'avait pas fait à dessein, ni par volonté obséquieuse de lui plaire, mais ainsi le colosse avait toute la place pour manœuvrer. Et alors qu'il ouvrait les bras, comme pour se donner le temps de réagir de toutes les manières possibles et inimaginables, le tas explosa sous la pression intérieure, laissant surgir une créature plus qu'étonnante. semblable à ces cochons sauvages qui parcouraient la savane, mais en bien plus grand et féroce, il semblait fait de métal sombre, luisant, et hérissé de pointe. Fonçant droit devant lui, chaque halètement métallique semblable au râle d'une bête inconnue, le formidable bestiaux avait clairement désigné le Perse, qui s'était écarté de la Mort, comme sa cible unique. Pliant les genoux, l'homme se préparait déjà à l'esquive, alors que, dans un tintamarre de cliquetis et de bruits indescriptibles, l'apparition se scindait en une infinité de parties différentes, qui prirent de la vitesse et vinrent se fixer sur lui avec la force d'une charge de cavalerie lourde. Volant à travers les airs, comme un mannequin de paille, l'ensemble homme+plaques fini sa course au travers d'une colonnade couchée, qui se brisa dans un panache de poussière blanche.

Saloperie d'bordel d'bernacle. Par les couilles de Xersès! Qu'est-ce qui m'arrive?

Ploie! Ploooooooiiiie!!!

Luttant autant intérieurement que physiquement, le géant des sables se débattait au milieu des gravas fraichement créés, comme enroulé dans les cercles d'un pesant python. A l'intérieur de lui, un combat de titan faisait rage, deux volontés implacables cherchant à anihiler toute concurrence. L'esprit qui avait envahi son être était sauvage, intelligible, seulement compréhensible par le flot brut d'émotions qu'il lançait telle une lame de fond contre l'identité de son porteur, qui lui traduisait cela sous forme de mots clés.

Crève sal'té d'porc! L'est pas né celui qui m'fera mettre un g'noux en terre, si j'l'ai pas décidé. J'te boufferais l'cuissot avant qu'tu t'en rende compte, charogne!

Ploiiiiiie!

Cela dura-t-il une éternité? Il ne s'en souciait pas, tout à sa lutte. Puis finalement, ayant tous deux réalisé que cela ne mettait à rien, les forces en présence bondirent mentalement chacun de leur côté, aux aguets. Profitant de cette accalmie pour se relever, constatant par là même qu'il possédait maintenant une armure parfaitement adaptée à son corps, le Lazar se releva, l'air bougon.

Si j'avais su que l'accueil serait aussi chaleureux, j'aurais pensé à ram'ner des bières! Saloperie de cochon de merde! L'a bien failli m'avoir...c'est un cadeau de vous, ça, chef?

La présence rodait autour de sa conscience, attendant maintenant le bon moment pour attaquer à nouveau. Tel un bloc, l'Oriental faisait front, bien décidé à ne pas céder un pouce. Tout en songeant que les piques saillant des parties de son armure étaient bien pratiques, s'il devait arracher quelques intestins.

Je sais pas c'que c'est, mais j'ai un truc qui m'rôde dans la tête, et qui cherche à m'foutre à g'noux. Je suppose que c'est lié à c't'armure? Si c'est l'prix pour plus de puissance, pas d'problème, c'est pas la première fois qu'on essaye de me faire ployer. sauf que j'suis un coriace, moi! C'est pas aujourd'hui qu'elle prendra le contrôle, foi de Lazar!

Et de ponctuer sa phrase d'un poing rencontrant sa paume. Il n'était le subordonné que d'un seul homme, et celui-ci se trouvait en face de lui. Le reste était exclu. Et lorsqu'il prenait une décision, rien ne pouvait lui faire changer d'avis. Mettant un genou en terre, il baissa la tête devant la Mort. Ça lui était venu comme ça, d'un coup.

Je suis à vos ordres, mon Prophète.

Ephtal ne répondit rien... Il avait déjà ressenti qu'un changement s'était opéré. Un changement dans le cosmos ambiant qu'il ne pouvait que percevoir étant donné ses capacités poussées dans le domaine. Mais rien d'étonnant à ce que Lazar n'en ressente rien pour l'instant, tant qu'il n'y avait rien de visible. Mais bientôt, oh oui bientôt, il comprendrait... Cela ne saurait tarder, à voir le sol qui commençait à trembler, la terre vibrant là où la Cuirasse allait apparaître. Le Prophète savait qu'il n'y avait pas à s'inquiéter, prenant alors plutôt le temps d'observer les réactions de sa nouvelle recrue. Amusant... Là où d'autres restaient simplement à surveiller l'origine du trouble, lui s'était jeté au devant du Cardinal de la Mort, prêt à réagir à une éventuelle menace. Puis finalement, elle émergea... La Cuirasse du Phacochère, bardée de piques, agressive comme il se devait pour le fameux razorback. Une Cuirasse brutale qui irait merveilleusement bien sur ce porteur. Pourtant, leur première rencontre ne se passa pas tout à fait au mieux... Une situation d'un certain burlesque à vrai dire ! Autant Lazar que le Phacochère luttaient, essayant tout deux d'affirmer leur domination sur l'autre. Une rencontre soudaine et rude, un échange violent et cinglant. Pour le moins particulier et tout à fait inhabituel. S'ils arrivaient à s'entendre, l'on pourrait s'attendre à une grande puissance ainsi qu'une force de caractère clairement affirmée.

Mais Lazar finalement parvint à se relever, ayant fière allure dans sa cuirasse. Quelques questions à nouveau, ainsi que ses premières impressions quant à sa rencontre avec le Phacochère. Mais il n'était pas utile pour l'instant de perdre du temps avec cela, ils y reviendraient bien vite... S'il fallait former Lazar et l'aider à s'allier réellement avec le razorback, il préférait le faire dans sa propre antichambre, sans l'ombre d'un doute. Pas la peine de rester ici, s'il devait l'informer, autant le faire sur le chemin...

Ce n'est pas un présent de ma part, non. Il vient de plus haut encore... Chaque Berserker se voit attribué une Cuirasse possédant son âme et sa puissance propre. Telle la faux que je porte en ma main... Elle constitue non seulement une protection, mais surtout une aide constante, une alliée de poids dans chaque combat que tu devras mener. Celle que tu portes est celle du Phacochère. Elle ne jouit pas d'une très bonne réputation, mais elle est assurément redoutable. Elle t'a choisi comme son porteur, mais cela ne fera pas tout... Vous devez trouver votre propre osmose afin de gagner en efficacité... Et à ce que je viens de voir, mon aide ne sera sans doute pas de trop !

Que dire de plus pour l'instant ? Cette brute devrait trouver assez d'intelligence que pour faire le lien avec cette fameuse présence qu'il avait pu ressentir. Ils passeraient donc par la troisième antichambre avant de parvenir à celle d'Ephtal. Cette grande salle vide au sol terreux et poussiéreux, n'ayant nul autre décoration que des vestiges pourrissants de sa dernière visite du sanctuaire d'Athéna. Le couloir de lumière s'éteignit lorsque les portes se fermèrent, les murs et le plafond prenant alors feu immédiatement. S'il devait y avoir du grabuge, autant s'isoler de l'extérieur et se mettre en condition... Se retournant pour faire face à Lazar, il était temps de l'informer sur la suite du programme.

Avant d'aller plus loin, nous devons régler un point fondamental. Tu as déjà beaucoup appris aujourd'hui, mais cela n'est pas suffisant. Si ta Cuirasse et toi ne parvenez pas à vous entendre, vous ne pourrez jamais être efficaces ! Tu n'as pas à ployer intégralement si tu ne le souhaites pas, mais le razorback n'a pas non plus à se laisser entièrement dominer... Chacun d'entre vous devra trouver la place qui est la sienne, la part dont il devra faire don à l'autre. Essaye de la comprendre, de mieux saisir son essence... et laisse lui un passage ! Laisse-la approcher, et dresse là !

Aucune indication supplémentaire n'est donnée... Et même s'il l'aurait voulu, il ne l'aurait pas pu ! C'était différent pour chaque guerrier. Certains étaient capables de dominer entièrement leur armure avec aisance, d'autres fusionnaient tant et si bien avec elle qu'ils oubliaient même jusqu'à l'être qu'ils avaient pu être avant. C'est une affaire personnelle à laquelle il ne peut rien... mais si ça tournait mal au moins était-il là pour intervenir ! Les propriétés de son cosmos pouvaient faire taire un cosmos adverse, et romprait donc l'affrontement spirituel entre Lazar et sa Cuirasse. Les cartes étaient entre les mains du nouveau fauve à présent...

Le Guide parla, et ses paroles étaient justes, explicatives. Il confirma les interrogations de son nouveau disciple. L'armure n'était pas seulement une source de pouvoir, mais aussi une entité vivante, doué de raison - même si le mot n'était pas vraiment approprié ! - qui avait un aussi sale caractère que lui. Ce ne fut que lorsqu'il demanda au Perse de s'allier avec que celui-ci tiqua. S'allier? Même pas en rêve! Bizarrement, un lointain écho lui envoya le même sentiment. Comprenant que c'était de cette manière qu'il pourrait communiquer avec le Razorback, il garda cette pensée à l'esprit, alors qu'il s'engageait à la suite de son maitre, qui s'était mis en tête de l'aider à surmonter ce problème. Encore une marque de distinction, encore un argument convaincant pour renforcer le respect que Lazar portait envers le Prophète.

La traversée de la troisième chambre se fit sans heurt, alors que le soldat d'Arès s'habituait à sentir cet assemblage de plaque nouvellement rivé sur son corps. Cette pièce là était aussi spectaculaire qu'on pouvait s'y attendre, des flammes rampant sur les murs alors qu'un froid inhabituel habitait l'espace. Bizarrement, la seule pensée qu'eut le géant en passant à cet endroit fut que les Cardinaux ne semblaient pas vraiment présents en ces lieux.

Nan mais c'est vrai quoi, sont tous en voyage? C'est pas un peu genre, leur tanière? Sont d'ores et déjà bizarre, les Cardinaux...On dirait qu'c'est l'Porphète qui s'tape tout l'boulot.

Sur cette pensée sans réponse, ils arrivèrent jusqu'au point final, l'Antichambre de la Mort. Un sol de terre battue, nu, aucune fioriture, si ce n'était un cadavre pourrissant dans un coin, avec des relents fétides venant titiller les narines. Un véritable exemple des fonctions des Cardinaux! Par la Guerre, il avait apporté la Mort à ce pauvre type, et maintenant la Pestilence régnait sur son cadavre. Quand à savoir ce que la Famine venait faire là dedans...et bien elle avait du sûrement agir avant la mort, parce que là, c'était pas des plus ragoûtant...

Dans le royaume de la Mort, un pacte devait se faire. Une alliance devait naitre, ce qui était plutôt paradoxal, selon le colosse.

Dites, avant de commencer, ça arrive souvent, ce genre de truc? Enfin, combattre pour sa Cuirasse...je pensais que ça arrivait comme ça et puis pof! On avait une armure qui filait du pouvoir...Bref, je vais tenter, maintenant.

Alors il sonda ce qu'il sentait à la périphérie de son esprit. Ces émotions, sorte d'éclairs perçant au travers de nuages denses. Il ne savait pas vraiment comment fonctionnait une armure, comment même pouvait se définir l'osmose avec une Cuirasse, et décida donc de se laisser porter par ce qu'il expérimentait. A sa manière.

Ramène ton groin, saloperie, on va se faire une tranche de lard!

Et l'énergie furieuse revint à la charge, l'engloutissant complètement sous sa volonté féroce de s'imposer. Telle une pierre au milieu d'un torrent, l'identité du Lazar s'attelait à ne pas perdre pied sous ce déluge de férocité. Chaque coup de boutoir de la bête, chaque charge contre son être, semblait disloquer son unité en un million de particules. Quand à ce qui se voyait à l'extérieur, on avait surtout l'impression que l'espace se distordait autour du grand en armure, qui pour le coup était à genou, tenant son crâne. L'air vibrait comme sous l'effet de coups de tambours gigantesques, soulevant des gerbes de poussière concentriques, de façon erratique, écho des coups de boutoir mentaux que se prenait le...

Mais ta gueule! J’essaie de me centrer là! Hey le Razor! Joues la mollo maintenant, s'rait temps qu'on hisse l'drapeau blanc!

Mais rien n'y faisait, la bête était incontrôlable, l'amure cherchant quasiment à le dissoudre dans sa volonté - ou était-ce son énergie? Que faire, résister où lâcher prise? Pour la première fois, le géant douta. Que ferait le Guide à sa place?

La question de Lazar était légitime. Mais la réponse qu'Ephtal pourrait faire n'aurait rien pour le rassurer. Il pesa sa réponse un instant, tentant de trouver les mots justes qui pourraient à la fois faire état de la réalité ainsi que d'éviter de faire croire à Lazar qu'il était tout à fait anormal et que son combat était sans espoir. Ce qui n'était pas le cas bien entendu, du moins pour le dernier point. Trop tôt pour juger de la "normalité" de cet homme. Et puis, qu'est-ce que la normalité, vu à travers les orbites d'un masque à l'image d'un crâne lugubre ? En effet, dur de porter un jugement clair là dessus lorsque l'on représentait la Mort. Soit. Ephtal se devait malgré tout de lui répondre avant de le laisser se débrouiller seul face à sa Cuirasse.

En vérité... Non, c'est la première fois que je constate une telle opposition entre une Cuirasse et son porteur. La plupart du temps, l'osmose se fait naturellement. La Cuirasse choisit son porteur et décide de lui offrir sa puissance; en contrepartie, le Berserker accepte cette présence et la reconnaît en tant qu'égale... tout se passe donc à merveille ! Il arrive parfois que ça aille un peu plus loin... que ces deux esprits fusionnent pour ne faire plus qu'un même. Mais jamais jusqu'à devenir une bataille mentale comme c'est ton cas. Il va falloir que vous y mettiez tous deux un peu du vôtre sans quoi cette entreprise est vouée à l'échec...

Et dans ce cas, Lazar ne serait d'aucune utilité... Trop puissant pour être un simple garde, s'il ne parvenait pas à trouver un compromis avec le Razorback il n'y aurait tout bonnement rien à faire de lui. Fermant les yeux, le Prophète ne voyait plus à présent que le cosmos de ces deux entités qui allaient se lancer dans leur bataille pour le pouvoir... Le simple affrontement n'était sans doute pas la meilleure chose à faire, mais il n'avait de toute manière pour le moment pas à intervenir. C'était à Lazar et à Lazar seul de trouver la solution... Tant qu'il n'y aurait pas de péril pour lui, le Cardinal de la Mort ne lèverait pas le petit doigt. D'ailleurs... Il n'était pas dit non plus qu'il intervienne réellement si le Phacochère se faisait trop violent. Que donnerait cet être si la Cuirasse prenait le plein pouvoir sur le corps de cette nouvelle recrue ? Ce ne serait peut-être pas une mauvaise chose dans l'absolu. Encore faudrait-il que cette âme soit alors contrôlable... Quoi qu'il en soit, il pouvait pour le moment se permettre d'attendre encore et de voir comment les choses évoluaient, le temps de prendre une réelle décision si cela s'avérait nécessaire...

La lutte continuait de faire rage, sous les yeux du plus important des juges. Tout à son combat intérieur, Lazar ne pouvait voir les réactions de son seigneur, et se retrouvait donc seul à décider de son sort. C'était bien la première fois qu'il ne fonçait pas tête baissée dans le tas, échaudé par cette puissance qu'il commençait à appréhender, désarçonné par cette nouvelle expérience. Il était au pied d'un cascade bouillonnante, et ne savait s'il fallait repousser les flots dans le sens contraire, ou faire la chute tant redoutée. L'armure sembla se lasser de ses tergiversations, car elle rompit le contact, le laissant meurtris, morcelé.

La vache, il y va pas avec le dos d'la main morte. Et moi qui pensait qu'le cochon était tendre...

La bête rodait toujours, comme un taureau faisant une boucle pour revenir à la charge. Indescriptible, l'entité n'était de sauvagerie, farouche détermination à rester libre et à maintenir son joug sur celui qu'elle avait choisi. Comprenant enfin qu'il lui faudrait passer par cette extrémité, le géant baissa sa garde, s'offrant à l'envahisseur. Il avait peur, même s'il ne l'aurait avoué à personne. Perdre sa personnalité, n'était-ce pas mourir? Mais il devait tenter, essayer de se préserver tout en offrant le contrôle à la bête.

Allez, viens saloperie! Viens t'payer une tranche!

La bête fonça, puis se fut le chaos.

A l'extérieur, les convulsions de l'oriental avaient laissé place à un ultime sursaut, puis plus rien. Se relevant, l'homme bardé de pointes fit face à son maitre, le regard vide, le visage impassible. Puis, soudainement, ses traits se tordirent en une grimace sous l'effet de la rage, et il beugla tout en fonçant à toutes jambes sur la Mort...pour s'arrêter au bout de trois pas, ayant retrouvé son stoïcisme. Le manège recommença, la bave aux lèvres, le postillon sauvage, l’œil humide. Puis Lazar stoppa au bout de cinq pas cette fois-ci, secouant la tête. Il semblait encore en pleine lutte interne, malgré l'apparente dissolution de son âme. Un éclair de lucidité apparu sur son visage, et il parla.

C't'armure, c'est juste d'la sauvagerie! J'ai AUCUN contrôle sur mes EMOTIONS! AUCUN! Aaaaah! MES excuses mon PROPHETE! Semblerait que J'PUISSE RIEN Y FAIRE! Muahahahahahaaaaaaaaaaah!

Il couru à s'en déboiter le bassin, fondant sur le Cardinal, guide de toute une armée. Le Razorbak lui ordonnait de se battre, cherchant à assouvir son besoin irrépressible de lutte, et testant dans la foulée la résistance de son nouvel hôte. Encore une fois, il se stoppa en pleine course, son visage se mettant à rougir, la pupille brillante. Il éclata en sanglots.

J'suis désolé! J'veux pas vous frapper...mon...Prophète...

La morve lui coulait du nez, mais il secoua la tête, l'envoyant aux quatre vents. A la place, des yeux de tueurs, qu'une main vint recouvrir. Tremblant, le corps du colosse se mit à tressauter, puis il éclata de rire, écartant sa paume pour ouvrir la bouche en grand.

AhahAhahAhah! Le sol par terre c'est de la poussière!

Et de finir sa phrase en tapant du pied, soulevant une large quantité de particules sous l'effet de l'impact. Il avait encore gagné en force, si c'était possible, mais restait complètement incontrôlable. Preuve en était la baffe magistrale qui partait en direction de l'imperturbable Prophète au yeux de feux follets. Au fond de lui même, le type était quelque peu horrifié. Surtout qu'il s'en prenait à quelqu'un qu'il appréciait pas mal! Et en plus, il était puissant. Peut être le pulvérisait-il...tout ça à cause de ce foutu cochon.

Ephtal ne bronchait pas tout en observant le manège de Lazar. Celui-ci semblait avoir les plus grandes difficultés à maîtriser l'âme de sa Cuirasse, plus encore qu'auparavant. Le combat n'était plus seulement qu'interne mais se répercutait également à l'extérieur, où l'homme éprouvait le plus grand mal à prendre le contrôle. C'était même plutôt l'inverse... Le Phacochère prenait le dessus peu à peu, parvenait à dicter au corps de son hôte des mouvements que ce dernier tentait de réprimer tant bien que mal. S'approchant de plus en plus du Cardinal de la Mort, ce dernier ne fit finalement qu'une chose : faire passer sa faux dans sa main gauche. Celle-ci, gantée, se referma avec fermeté sur son engin de mort en attente du pire. S'il ne se contrôlait plus, tout pouvait arriver, et les intentions du Phacochère ne semblaient pas être particulièrement amicales. Il s'approchait plus encore, semblant perdre le contrôle de plus en plus. Pourtant, Ephtal n'avait toujours pas pris sa décision sur ce qu'il convenait de faire pour eux. Il faudrait la prendre rapidement... Cela n'allait plus tarder ! En effet, après un instant où Lazar luttait pour reprendre le dessus, sa bouche s'ouvrit en grand pour s'exclamer sur un détail absurde, le Prophète analysant cela comme une expression de folie qu'il allait devoir réprimer. Et finalement, un coup... Une main qui vient à sa rencontre avec puissance. La faux du Cardinal de la Mort vient s'y opposer, bloquant cette frappe pendant qu'au même moment, sa main droite se tendait pour saisir Lazar à la gorge.

Que dois-je faire à présent, dites-moi ? Mieux vaut-il pour moi vous séparer et qu'on en revienne au point de départ, ou bien dois-je me contenter de vous éliminer tous les deux, ici, maintenant ? Un guerrier incontrôlable ne me sert à rien, et m'apportera même plus de soucis que de bénéfices...

Sa prise se resserra tout comme son cosmos se déployait. Une de ses plus précieuses arcanes était à l'oeuvre ici, tout comme il aspirait peu à peu l'âme du duo qui se tenait face à lui. De quoi l'affaiblir, leur faire ressentir le danger qui planait sur eux s'ils n'étaient pas capables de s'entendre. Sa voix rocailleuse en tout cas ne laissait pas de doute sur ses intentions : il n'hésiterait pas à mettre ses menaces en application si cela était nécessaire. Ce serait dommage de perdre Lazar, mais s'il se montrait d'aucune utilité, il en savait alors trop que pour pouvoir espérer survivre. À lui de faire le nécessaire pour dompter la puissance brutale qui prenait pour l'instant le pas sur sa volonté.

Imperturbable, le Prophète avait contré la frappe de sa longue arme de terreur. Vif comme la Mort, il s'était saisi du géant, n'ayant apparemment aucun effort à fournir pour stopper cette brute pourtant dopée par l'apport énergétique de l'armure. Au fond de lui, dans un tout petit noyau balloté par la conscience du Phacochère, ce qui restait de l'homme eut une petite pensée d'émerveillement devant cet homme. Puis son pouvoir se déploya.

C'était comme un longue chute vers un abime sans fin. Le genre de vertige continu, qui ne permet aucune adaptation. Il fallait se rendre à l'évidence: le vie le quittait. Leur duo ne verrait jamais le jour, sous l'impulsion du Maitre de la Mort. C'était une aubaine pour l'Oriental, un peu moins pour le Warthog. Affolée, la bête tenta de se soustraire au contrôle du Cardinal, comme on tente de s'arracher de flots en furie. C'était le moment ou jamais d'agir, celui d'essayer une tactique toute nouvelle. Profitant de la faiblesse relative de son armure, Lazar laissa éclater son noyau de conscience, cherchant non pas à combattre mais à forcer sa dilution dans celle de son animal totem. L'autre voulait de la domination? Il en aurait pour son compte. Ses expériences, sa vie, ses émotions et sa personnalité, tout allait y passer...

La bête compris, s'en réjouit, puis s'affola, comprenant aussi qu'elle ne serait plus elle-même. Commençant à partager certaines expériences, certains fragments de la mémoire du colosse, elle put le juger. Et c'est d'elle même qu'elle décida de s'extraire, rompant tout contact. Ce fut comme un coup de tonnerre dans la conscience de l'homme, le laissait quasiment nu sur un sol froid, si cela pouvait se définir ainsi, à l'intérieur de lui. Mais avec une victoire...il savait maintenant que l'autre avait vu en lui un égal, toujours un rival, mais néanmoins utile, un bon Vaisseau...

Ouvrant les yeux, le bandit constata qu'il avait sombré dans l'inconscience, sûrement par trop plein d'activité cérébrale. S'époussetant, il vérifia que rien ne lui manquait, et constata qu'il ressentait quelque chose à présent, quelque chose qui n'était pas du ressort de son corps, mais qui était pareil à l'un de ses organes. Son armure tout d'abord. Il pouvait en caresser toutes les aspérités, connaitre toutes les courbes, rien qu'en y songeant. Et que dire du noyau furieux qui bouillonnait au creux de son plexus, ce concentré d'émotions brutes, animales! Il était comme neuf.

Ouais enfin, y a quand même des réparations à faire, vu la claque que j'viens d'me prendre!

Et il avisa les ondes de puissance qui venaient piquer sa peau, comme un vent irritant, fourmis désagréables qui se propageaient sur toute la surface de son épiderme. Et la source était évidente. Le Cardinal de la Mort était là, ses yeux luisants dans la pénombre. Avisant cette image sublime, l'homme tomba à genoux, les bras ouverts, tout entier émus par cette scène. Les mots qui sortaient de sa bouche à cet instant, il ne les avait jamais prononcés de sa vie, et encore moins pensés. Sa tête se pencha alors, dans un acte de soumission.

Maitre! J'suis tout entier dévoué à vot'service. Mon bras est votre, les cœurs de nos ennemis seront mangés par mes soins, si vous l'ordonnez! Vous m'avez offert la vie, le renouveau, la puissance! Je ressens les choses à présent. C'comme une porte ouverte en moi! Je ressens l'action d'votre pouvoir, je peux sentir c'vent qui racornit ma peau. C'est...divin. Que dois-je faire, à présent? Que puis-je faire avec c'qui m'a été offert? C'est bien beau d'avoir un super arc, si on n'est pas foutu de savoir en tendre la corde...

Ephtal relâcha sa prise comme il sentait les changements se produire. Des perturbations de cosmos diverses, mais bien différentes que celles provoquées par le combat mental. Des fluctuations qu'il pouvait ressentir et donc s'adapter en conséquence. Autant ne pas se précipiter donc et s'éviter de l'achever avec trop de hâte. Un soldat de plus était préférable à un cadavre, même si Lazar aurait fait une décoration pourrissante du plus bel effet en son antre. Et puis... Ce n'était toujours pas tout à fait exclus, surtout lorsque le porc tomba inconscient au sol. Est-ce que le Phacochère allait anéantir son esprit, et le laisser pour enveloppe vide au sol, qui finirait par expirer son dernier souffle sans que le Prophète ne souffre d'aucun effort ? Il ne le pensait pas, mais la possibilité n'était tout de même pas à écarter. Mais elle l'était de plus en plus tout comme les secondes s'égrainaient. La fureur laissait place au calme puis à l'entente... S'il parvenait à se relever, alors véritablement un guerrier de plus serait à compter dans ses rangs. Et avec bonheur, c'est ce qui se produisit. Lazar rouvrit les yeux, sans doute sur un monde nouveau. Le trouble dans son regard n'était clairement plus de même nature. Auparavant, c'était celui d'un homme luttant pour la survie de son esprit. À présent, il s'agissait de celui d'un être venant de découvrir l'étendue de ses nouvelles possibilités. Tombant à genoux, ses mots exprimaient clairement cela. Ce premier apprentissage allait pouvoir toucher à sa fin...

Du vent ? Si tu parviens à en ressentir dans cette pièce, c'est que toute cette épreuve t'as plus affecté que tu ne pourrais le croire...

En effet, une fois les portes de son antichambre fermées, rien ne pouvait venir de l'extérieur... D'ailleurs... Il frappa de l'embout de sa faux contre le sol, faisant s'éteindre les flammes qui couvraient les parois. De même, les portes s'ouvrirent à nouveau, recréant le fameux couloir de lumière de cette antichambre.

Toute arme pour être parfaitement maniée demande beaucoup de pratique. Si tu souhaites apprendre à t'en servir au mieux, il n'y a donc pas d'autre solution que d'énormément t'entraîner et combattre. Le premier tu peux le faire seul, le second, ma foi, tu ne manqueras pas de trouver en nos rangs de nombreux assoiffés d'affrontements. Et lorsque tu auras progressé, tu trouveras alors en moi un maître qui sera heureux de t'aider à aller encore plus loin. Mais pas pour l'instant. Tu en as déjà bien assez fait pour aujourd'hui, c'est donc plus de repos que d'efforts dont tu as besoin.

Se retournant, il fit les quelques pas qui le séparait de la sortie menant au Temple, sans pour autant s'arrêter de parler.

Maintenant, va Lazar ! N'oublie pas que désormais tu es un élève de la Mort, et que l'armée du Feu est tienne... C'est une chance, mais la contrepartie est que tu te dois de devenir irréprochable... Sans quoi je serai là pour te dérouiller si cela est nécessaire, ne perds jamais ça de vue !

Quittant alors l'endroit, il laissait à Lazar la responsabilité de poursuivre son chemin seul pour le moment. D'apprendre ce qu'il avait à apprendre par ses propres moyens...