Alors que l’affrontement atteignait son apothéose, les attaques des deux camps partaient en tous sens, se rencontrant, s’entrechoquant et détruisant les quelques ruines de bâtiments qui s’élevaient encore dans la zone sinistrée du port. Quelque part sur le flanc de l’affrontement, l’énergie d’un des Chevaliers s’était tarie. Au même moment, une autre s’était élancée dans le ciel, poursuivie immédiatement par un Berzerker doté des mêmes capacités aériennes. A côté, le Python mimait maladroitement les capacités d’absorption du Cosmos de la Cardinale de la Famine pour dévier des attaques, et transmettre leur énergie à sa supérieure, qui pour sa part commençait à avoir la tête qui tourne à force de vouloir suivre tout ce qui se passait en même temps.

Après son dernier assaut, le tatouage de sang sur le corps et la Cuirasse de Frozia s’était peu à peu dissipé, et avec lui la puissance démente qui l’habitait. Respirant avec une certaine lourdeur, elle gardait son œil carmin fixé sur l’imposant corps du Gold Saint qui s’était tiré, non sans mal, de son assaut. Au passage, son adversaire semblait avoir regagné ses esprits. Peuh. Juste quand ça devenait intéressant! Franchement, elle s’était attendue à mieux ! Des semaines que la Démone avait attendu cette première sortie de la Citadelle, et au final on lui servait quoi? Un Géant soupe-au-lait, une gamine et un esthète qui s’était barré dans les fourrés pour faire des trucs louche à l’un de ses subordonnés. Par rapport au pied qu’elle avait pris à raser ce village de la carte en Calabria, c’était fade. Terriblement fade…
De nouveau, le Gros la chargea de face, sans finesse ni discrétion. Si son précédent assaut, guidé par la colère et la fureur, n’avait laissé aucune chance à la Cardinale de par sa nature imprévisible, celle-ci était d’une simplicité déconcertante. Frozia, lorsque sa cible arriva sur elle, fit un petit saut pour éviter le coup de quelques centimètres. Alors que le petit corps de la borgne effleurait celui du Colosse, elle lui souffla à l’oreille des mots qui sonnèrent comme son glas.


« Tu m’ennuis. »

Dès que cela fut dit, la Famine reposa pied à terre dans le dos du Bélier. Avec une expression neutre, presque lasse, sur le visage, elle frappa du talon dans le sol pour forcer les serpents de pierre du Python à sortir pour qu’ils viennent saisir les membres du Chevalier et le priver de tout mouvement. Désormais, tout était en place. La Cavalière Obscure avait terminé de jouer. Elle allait terminer les choses en s’y mettant sérieusement.
Déployant une quantité de Cosmo-énergie qui n’avait véritablement rien à voir avec ce qu’elle avait jusque-là montré. Laissant monter en elle un cri de rage, elle leva lentement ses mains vers le ciel, comme pour y pousser quelque chose, et l’air autour de la zone du combat se mit à vibrer. C’était comme un son, une vibration... Les battements d’ailes d’une nuée d’insecte. La renaissance d’une des plaies d’Egypte, enfin de retour au bercail.


« Allez. J’en ai marre de jouer avec vous. Il est temps d’en finir… EIGHTH PLAGUE ! »

Dans un bruit assourdissant, une épaisse brume écarlate s’éleva de tout le quartier où s’était déroulé leur terrible affrontement. Brume? Pas tout à fait. Nuée aurait été plus appropriée. Essaim encore plus.
Des dizaines de milliers de sauterelles s’élevaient dans les cieux d’Alexandrie. Ce n’étaient bien entendu pas des insectes normaux. Il s’agissait en vérité de tout le sang versé sur le champ de bataille. Celui de leurs victimes civiles, celui de la Cardinale, de ses adversaires, et même de ses alliés. Chaque goutte de sang s’arrachait de la plaie ou de la flaque où elle se trouvait pour prendre la forme d’un insecte dévoreur qui allait rejoindre ses compagnons dans le ciel, agrandissant un peu plus ce nuage mortel jusqu’à ce qu’il vienne voiler le soleil lui-même. L’essaim se mit à bouger sous l’impulsion du Cosmos de Frozia, et bien vite un tourbillon à la teinte sombre du rubis chuta sur le Chevalier d’Or immobilisé, l’enfermant dans un déferlement sans fin de petits insectes qui lui arrachaient la peau pour le dévorer vif. Pire encore, le sang dont les insectes étaient constitués était bouillant. Certains s’écrasaient sur sa peau, le brulant vif aussi bien que l’auraient fait les flammes de la Cardinale.

Oui. Elle avait terminé de jouer. A présent qu’elle avait perdu son intérêt pour le combat qui l’opposait aux Saints, elle avait l’intention d’y mettre un terme pour passer au plus vite à la partie qui l’intéressait plus : trouver cette Divinité. Frozia ne savait plus exactement pourquoi elle avait changé sa route à la base. Pour aller au plus vite au combat? Moui… Il y avait aussi cet étrange sentiment de déjà-vu, mais elle cela lui échappait à présent. Pourvu que Straw n’ait pas fait de la merde de son côté…
Laissant le Bélier terminé d’être dévoré par son attaque, la Famine se détourna du spectacle comme on se désintéresse d’un jouet cassé ou défectueux. Elle avait bien tenté de stimuler les Saints en les provoquant, et à moment donné elle avait presque pensé que cela deviendrait amusant, mais au final ils n’avaient même pas excité la Démone qui sommeillait en elle. La Famine ne serait pas rassasiée aujourd’hui… Frozia siffla, appelant à elle sa monture qui d’un bond apparu à son côté. Alors qu’elle s’éloignait de sa précédente cible, elle décrocha son imposante lance du harnais de sa selle pour la tenir fermement en main. Se faisant, elle lança une dernière instruction au Python qui l’avait assisté tout au long du combat.


« Termine-le. »

Agacée, presque exaspérée du manque de saveur de ces combats, la Famine leva les yeux pour jeter un instant un œil sur le duel aérien opposant Rapafromaj et la gamine. Quelle poisse! C’était le blondinet qui s’était occupé de ceux qui semblaient un tant soit peu intéressants. Pourquoi c’était elle qui s’était chargée de la brute du groupe? Hein?!
Ruminant sa rage, la borgne s’arrêta finalement. Devant elle, elle fit s’écraser ce qu’il restait des sauterelles de sa précédente technique pour former une large mare de sang. Plantant son pied dans le liquide, elle le manipula, lui donna forme. Faisant s’élever une arche de sang vers le ciel, elle fit durcir le liquide pour lui donner une forme sombre et menaçant. Un arc. Un énorme arc qui faisait bien deux voire trois fois la taille de la cardinale. Un fin filin de sang liquide vint mimer une corde en jaillissant de la flaque de sang et banda l’arme qui pointait vers le ciel. Y apportant la touche finale, Frozia déposa sa lance de combat comme une flèche pour l’armer. Immédiatement, une quantité de sang entoura son armer pour transformer sa forme et lui donner une apparence souillée, impie, plus proche de celle d’une flèche. La Démone y accumula son Cosmos sans la moindre discrétion, la faisant vibrer de puissance, et allumant en sa pointe une violente flamme écarlate pendant qu’elle tirait sur la corde.
Tout était presque prêt. Cependant, dans son envie d’en finir, la Cardinale laissa sa propre énergie la déborder. Son œil rubis se mit à luire comme une étoile écarlate, et son Cosmos se répandit dans l’air autour d’elle, déformant l’espace, le temps, et la réalité elle-même. Lorsque finalement sa main vint lâcher la corde qu’elle avait tendue au maximum, relâchant par la même son arme de destruction massive, s’en était terminé.


« REALITYYYYY BREAKEEEEEER ! »

La flèche corrompue fila comme l’éclair dans le ciel, droit vers Calyps… Pour disparaitre au bout d’une vingtaine de mètres.
Reality Breaker. Peut-être sa technique la plus terrible. Elle déversait sa folie dans la réalité autour d’elle pour l’altérer, la modifier à sa convenant. En modifiant le principe de causalité, elle pouvait faire en sorte que les effets surviennent avant leurs causes, ou réduire les probabilités d’esquives ou de défense de l’adversaire à 0%. Comment faisait-elle? Elle-même n’en savait trop rien. Cela lui venait naturellement. Il lui suffisait de se laisser envahir par l’envie de briser ce monde qui lui était étranger, et le reste se faisait tout seul.
La flèche réapparue juste au-dessus de Calyps, ne laissant aucune échappatoire à l’infortunée Aigle. Fauchée par l'imposant projectile, la jeune fille fut ramenée au sol de la manière la plus violente et directe qui soit. Dès qu'elle toucha le sol, la lance explosa dans une gerbe de flammes dont l'intensité n'était égalée que par l'éclat meurtrier logé dans l’œil de la Cardinale. Alors que l'arc de sang noircissait et se désagrégeait en cendres dénuées de tout pouvoir latent. D'une pas pesant et menaçant, la Famine s'avança vers le lieu du crash de l'Aigle qu'elle avait adroitement provoqué, dans l'intention évidente de récupérer ce qui lui appartenait. Nulle jubilation ne pouvait se lire sur son visage. Du dépit tout au plus, et c'était là ce qui rendait Frozia plus menaçante que jamais.
Oui. C'était déjà terminé.

C'est comme si c'était fait, Cardinale.

Que l'étreinte finale du Python vous guide vers le repos éternel. Deadly Embrace...

Malheureusement, la partie se précipitait. Japheth tomba brusquement et contre toute attente : non pas qu’on ne se doutait pas de sa défaite prochaine, mais qu’elle fut aussi rapide et soudaine… L’Aigle n’en présageât rien de bon. Certes, elle était encore en pleine possession de ses moyens, mais un frisson désagréable parcouru son échine, et elle sentit que désormais, c’était différent. A commencer bien sur par les effectifs : ils n’étaient plus que deux contre trois. Et même si les saints semblaient en posture favorable, il était évident que les adversaires ne se trouvaient pas à bout de leurs ressources. Le sous nombre était un danger évident, un danger préoccupant. Malgré tout, elle se tenait prête à tenir face : c’était peut être sans compter, ou du moins pas suffisamment, les assauts qui allaient s’abattre sur elle.

La raie de lumière qui traversa les lieux ne passa pas inaperçue, tout comme l’accumulation d’énergie autour de Jevren. La jeune femme vit, quand il parvint a elle, l’estoc arriver sans mal, mais il sa vitesse était prodigieuse. Ce fut tout juste si Blood, dans son mouvement d’esquive, parvint à se décaler légèrement, assez pour que par miracle la lame ne la déchira pas de part en part. Malgré tout elle ne se soutira pas pleinement à l’offensive : le cosmos déchira ses tissus et coupa son flanc avec cruauté dans une gerbe de sang. Pour la première fois depuis le début de l’affrontement, l’Aigle fut réellement atteint : malgré le voile qui la protégeait, malgré les vents, le sang jaillit d’entre ses lèvres. Le dard du Frelon était parvenu a atteindre l’Aigle. La pointe, aiguisée et empoisonnée était passée outre le plumage pour atteindre la peau blanche. Malgré leur rencontre passée, leur condition d'adversaire les avait inévitablement rattrapée. Les plumes de la jeune femme alourdissaient celui qui venait de lui porter atteinte, et continuaient de lui voler sa vitalité... Et comme elle tenait sa main sur celle de Jevren et qu’aucun d'eux ne daignait bouger, dans cet instant ou suite à la coupure de la chaire les combattants sont toujours immobiles, une nouvelle lame s’abattit. Une flèche, pour être plus exacte. Mais il ne s’agissait pas de la flèche du chasseur qui de la terre vise l’oiseau comme un gibier ou pour se prouver sa valeur. C’était une flèche assassine, qui tombait droit du ciel au dessus d’Aigle et Frelon pour les faucher. Cette fois ci, la cape remplit son rôle, et la dague sombre ne pénétra pas la chaire, mais entailla cruellement le dos de la Sainte qu’elle emporta dans sa chute. L'oiseau chuta au sol, et plus bas encore semblât il, jusqu'aux feux de l'Enfer. Un ouragan de flamme ne fut dévié qu’à moitié par les Vents protecteurs de la cage, et Blood en sortit amoindrie, brisée presque.

– battement de cœur –

Le sang battait a ses tempes et coulait le long de sa peau pale, si blanche et douce. Autour d’elle, le voile de son cosmos Nocturne, de plumes fines encore continuait de penser ses blessures, tandis que les vents de la cage repoussaient loin d’elle les cosmos négatifs et les dernières flammes de la famine. Même presque morte, elle continuerait de se voir régénérée sans cesse par sa propre énergie. Malgré ses douleurs et ses blessures, elle n'était pas prête de laisser sa vitalité s'échapper d'avantage. Pourquoi … ? Parce qu’il était quelque chose qui lui faisait plus peur encore que la mort.

– battement de cœur –

- Tu les vois … ?

– battement de cœur –

Elle avait entre ouvert les yeux et son regard c’était posé sur les corps de civils et le sang qui jonchaient le sol. Mauvais souvenirs. Mais elle savait, malgré son cœur qui se serrait, qu’il ne s’agissait pas de souvenirs. Que ce n’était pas Beast la responsable, que ce n’était pas elle. Malgré tout… La voix ne lui laisserait pas de répit, et les gerbes douloureuses du passé se mêlaient au présent. Ses membres étaient endoloris… Elle avait mal. Et la, dans sa tête, il y avait la source de toutes ses frayeurs. Blood frémis et serra les dents, les sourcils froncés. Sa voix était à peine audible… Mais bien assez.

- Va t en, Beast. Ne te rappellent ils rien … ? – •○ – Laisse moi tranquille. La voix susurrait a son oreille… Tu ne penses pas ce que tu dis la, ma jolie petite Blood… Va t en Beast !!

La voix s’en fut. Son poing avait frappé le sol avec rage, elle l'avait repoussé aux fond des affres de son être. C’était fini.

– battement de cœur –

D’habitude c’était fini. Calyps fut prise de sueurs froides, alors que le rire qu’elle détestait plus que tout autre se mit à résonner dans sa tête. « Pourquoi ris tu ? », aurait elle voulu hurler… Mais elle ne put pas. Alors, elle tournât la tête vers sa droite. Un instant au par avant, le frelon était sur elle. Lors de l’Assaut qui lui avait déchiré le dos, il ne devait pas avoir été directement atteint : pourquoi alors ne l’avait il pas attaqué à nouveau ? Il en aurait eu tout le loisir, vulnérable comme elle se tenait là. Malgré elle, elle entendit. « Parce que je l’ai fait avant qu’il ne le fasse » Elle voulut repousser de son esprit cette voix doucereuse qui susurrait sans cesse, mais non. Secouée par la douleur, l’Aigle cracha a nouveau du sang. Quelque chose ne marchait pas. Et comme elle allait se redresser pour reprendre le contrôle, elle sentit a nouveau une agression extérieure s’ajouter a ses problèmes. Elle n’avait pas la force de lutter.. Un anneau de cosmos se formait, et malgré un étrange sentiment de sureté elle n’était pas dupe. Aux yeux de la jeune femme, la situation était bien trop angoissante déjà en son intériorité pour qu’elle ne se fasse prendre a ce piège. Comment se laisser gagner par la confiance quand en soit même sévit notre peur la plus profonde, qu'elle est en train de s'agiter pour se montrer au grand jour ? Et pourtant… Elle n’avait pas la force d’y échapper.

- Tu n’as d’autre choix que de me laisser sortir.

Elle était brulante… Son souffle, haletant, soulevait sa poitrine parée d’argent. Malgré les assauts, son armure tenait bon et la protégeait toujours. Mais ca n’était pas suffisant. « Tu le sais. » Oui, elle le savait. Mais elle avait décidé de se battre, au nom de cet armure. A quoi bon céder maintenant ? Ni maintenant ni jamais, elle ne céderait pas, elle ne devait pas céder ! Malheureusement, c’était plus aisé a dire qu’a faire… Sa vue se brouillait et ses forces étaient au plus bas. Le sang coulait. Blood…



De l’extérieur, on ne comprit sans doute pas grand-chose. L’Aigle s’était échoué au sol avec violence et était demeurée la sans bouger, en sang et en sale état. Puis, doucement, un rire s’était élevé. Un rire fou, qu’on eu put attribuer a Frozia peut être, mais qui n’était pas tout a fait pareil. Qui avait quelque chose de moins enfantin, de plus mauvais même. Un rire profond et calme qui était allé s’élevant. Puis, c’était la main de la sainte qui doucement c’était élevée : elle était passé sous le voile de ses cheveux, avec douceur, avait caressé la peau comme pour se délecter d'un contact depuis longtemps oublié... et d’un geste sec, avait arraché le bandeau de son œil bandé. Non, Calyps n’était pas borgne. Son cosmos déjà sombre s’était mis a crépiter autour d’elle et à s’assombrir encore, et sa chevelure avait retrouvé petit a petit cette vie qui lui était propre, ses mèche rougissant a vue d’œil en leur bout se mettant à léviter légèrement au dessus du sol tel de fins serpents.

L’instant d’après, elle était sur Frozia.

Elle avait léché le sang au coin de ses lèvres, et s’en était trouvé vivifiée. Désormais c’était ce même liquide écarlate qui formait des milliers de plumes braquées sur la Cardinale en prise avec la démone, dont la main était allée trouver prise sure a son cou. La poigne du monstre n’était pas comparable avec celle de la frêle Sainte qui habitait le corps quelques instants au par avant. Ses doigts longs et fins semblaient fichés la, comme si la place leur avait été prédestinée, et elle eut soulevé le corps sans mal si elle avait fait une taille pareille a celle du bélier.

- Écoute moi bien ma petite Demoiselle…

Et son sourire carnassier n’avait rien à envier à la famine. Ni le rouge de ses yeux.

- A vrai dire tu me plais, je t’ai bien observée. Mais je n’admettrais pas qu’on abime ainsi le joli corps que j’habite, Elle pencha la tête de coté, et sa voix devint comme a son habitude un susurrement mielleux J’y tiens, tu comprends ?

Elle était sincère dans ses paroles. Son regard exprimait quelque chose comme un infini plaisir : elle semblait se délecter de chaque infime goutte de pouvoir en sa possession. De chaque geste, de chaque parole qu'elle se voyait libre d’exprimer ouvertement au monde. Il fallait bien dire qu'elle n'avait plus eu l'occasion de sortir depuis longtemps... Sa jolie demoiselle endurcissait et la repousser avec de plus en plus d'ardeur. La couronne de plume qui entourait la Cardinale se resserra sur elle pour percer sa chaire de multiples petits trous, tandis que le sang qui la recouvrait s’amusait à l’enserrer, et quand il le pouvait remonter dans sa bouche pour obstruer un peu ses voies respiratoires… Elle continua, d’une voix plus douce encore.

- Ah Mais au-delà de cela même, saches qu’il n’y a que moi, qui ai le droit de faire du mal à ma petite Bloody.

A ces mots, la bête lâcha la Famine aux épines ensanglantées.

Frozia disparut en un instant du champ de vision du Bélier, la suite ne fût alors plus qu'une succession de douleur. Bien sur il sentit le cosmos de la Cardinal exploser, mais il n'eût jamais l'occasion de voir l'œil de rubis de son, adversaire, ni la manière dont elle acheva son ultime attaque. Pas plus qu'il ne vit la manière dont Calyps affronta les trois adversaires sans son aide.

Tout ce qu'il vit fût son corps se recouvrir de sauterelles écarlate créées de son propre sang. Et étant donné le nombre important de blessure qui parcourait son corps, la déesse seule savait à quel point leur nombre était important. Sa vision fût de ce fait rapidement obstruée, de même que ses sens furent aussi expressément saturés par une intense douleur.

De l'extérieur il semblât se dissoudre dans l'essaim vorace, disparaissant dans un concert de grignotements ignobles. Et quand l'onde choc produite encore une fois par Casshern frappa sa position elle ne fît voltiger qu'une masse importante d'insectes sans pour autant le révéler, vivant ou mort. Même son Cosmos semblait avoir disparu, bien que la saturation d'énergie produite par l'utilisation simultanée d'autant de 7ème sens puisse grandement camoufler même la puissance d'un Gold Saint.

Au bout d'un moment la douleur s'estompa, et Alpharius atteignit un état de paix, une sensation de tranquillité. Il flottait dans un océan infini, au dessus de lui la lumière blafarde du soleil traversait la surface de l'eau dans un patchwork de reflets doux. Le Bélier fut pris d'une volonté de s'abandonner à cette paix. Sachant pertinnement que s'il luttait contre elle il retournerait à la douleur et la peine. Non il était bien là.

Il remarqua qu'il était ici nu comme un ver, les rayons de lumière caressant sa musculature d'ébène, glissant sur les innombrables cicatrices, souvenirs muet d'une époque où la douleur et la peur était son pain quotidien. Sa nudité n'avait rien pour le mettre mal à l'aise. Malgré son apparence austère et son visage sévère, Alpharius était un bel homme. Il n'aurait pas du se préoccuper de son corps exposé, d'autant que nul âme ne pouvait le voir en ce lieu.

Pourtant cette exposition lui laissait un sentiment de vide, de mutilation presque. Comme s'il lui manquait quelque chose. Ses mains tâtonnèrent dans le vide comme à la recherche d'un outil, un outil pour réparer ce vide. Puis son regard se portât sur les reflets lumineux, une forme étrange et familière se dessinant, une sorte de V aux extrémités arrondies. Bien sur Alpharius reconnu immédiatement sa constellation protectrice.

Non Ariès … Pas cette fois… Je n'ai plus la force… Eos est mort… Je n'ai pas pu le venger… Je suis seul à présent, à quoi bon continuer ?

D'aussi loin qu'il se souvienne Alpharius avait toujours été seul. Enfant, jamais il ne s'était lié à ses camarades esclaves, pas plus que l'amour n'avait jamais effleuré son cœur, et lors de son apprentissage, personne ne s'intéressait véritablement à lui. Un garçon faible, sans avenir. Même une fois qu'il eût acquis son armure il restait une âme solitaire. Bien sur il y'avait quelque étincelles dans ces ténèbres, Antares, Arsiesys et quelques autres. Mais en réalité une seule lueur persistait suffisamment pour illuminer son existence, et c'était son maître.

En observant plus attentivement la constellation il constata qu'elle ressemblait vaguement à une silhouette, et plus cette impression s'incrustait en lui, plus la forme évoluait, pour finalement ressembler à une femme faite de lumière.

N'abandonnes pas semblait-elle dire. Je te l'interdit. Elle ne parlait pas, mais le Bélier ressentait ses mots avec tous ses sens. Ils résonnaient dans son cosmos. Puis sans qu'il s'en rende compte son corps fût recouvert de son armure. Sa vie ne lui appartenait plus se rappela t-il. Il l'avait vouée à la seule cause valable de ce monde. Il n'avait pas le choix d'abdiquer. Il ne pouvait mourir sans le consentement d'Athéna.

L'essaim écarlate se mit à frissonner comme pris de spasme, quand soudain une énergie similaire au Big Bang se dégagea de la masse grouillante et une explosion de Cosmos dispersa les créatures, désintégrant leur forme et révélant à l'épicentre celle d'un homme.

Sa posture était à la limite de l'effondrement, son corps plus rouge que pale. Même son armure d'or virait à l'écarlate par l'effet des innombrables blessures qu'avait subit le Gold Saint, le sang inondant le sol autour de lui. Mais malgré cet état moribond, la flamme de la volonté brillait de plus bel dans le regard du Bélier, fixant Frozia de manière oppressante. Il parvint à tendre les mains droit devant lui. Grimaçant pourtant sous l'effort il ne semblait pas capable de continuer le combat, il persévéra dans sa posture avant de hurler.

CE N'EST PAS ENCORE FINI !! FROZIA SOIT JUGEE !!

PAR LA MORT D'UNE ETOILE !!!

Un Cosmos extraordinaire se déploya d'Alpharius à ce moment là. Un Cosmos comme seul pouvait en déployer 12 saints parmi tout le sanctuaire. Le 7ème sens d'un Chevalier d'Or d'Athéna. Une lumière aussi éblouissante que celle du soleil apparue à proximité de la Berzerker, englobant tout le champ de bataille de son irridescence aveuglante. Mais l'épicentre brulant de lumière solaire se trouvait plus précisément au niveau de Frozia. Fermant alors les poings, il rapatria ses bras contre son corps les croisant comme pour former un X. Ce fut ce mouvement qui acheva la technique.

En un instant toute la lumière fut comme aspirée vers son point le plus chaud, entrainant Frozia et les alentours en son centre, comme absorbé par une force aussi irrésistible que celle d'un trou noir. Si en temps normal le Starlight Extinction d'Alpharius lui permettait d'envoyer ses ennemis par de-là les dimensions, ici il n'était pas en état pour décider de la destination de ses cibles. Elles pouvaient aussi bien se retrouver propulsées à 1000 milliards d'années lumière qu'a simplement quelques mètres, mais le déplacement n'était pas son but, il ne voulait ici que détruire la matière dans un souffle identique à celui d'une étoile rendant son dernier soupir.

Et comme cette étoile moribonde, Alpharius s'écroula sur lui-même vidé de ses forces. Il ne s'étala pas de tout son long, comme soutenu même dans l'inconscience par la force de sa volonté. Mais tomba à genou les mains posé sur le sol en direction du ciel, et la tête basculé vers l'avant avec un visage paisible, un léger sourire sur les lèvres. Autour de lui Alexandrie avait disparue, il ne restait qu'un décors aride de roche et de sable. Un peu plus loin se trouvait également Japheth toujours inconscient mais en sécurité si tenté qu'il ait survécu à ses blessures. Dans son coma le Bélier ne pût avoir de pensée pour Calyps resté en arrière à la merci des Berzerkers, mais sa transformation en une autre personne l'avait faite se rapprochée trop près de Frozia pour pouvoir bénéficier de la teleportation offerte en dernière instance par le Gold Saint ...

Le début de la fin? Ou la fin du début?
Au final, personne ne pouvait savoir les choses à l'avance, et cela était particulièrement vrai lorsqu'il s'agissait d'un combat. C'était en partie pour cela que la Famine était à ce point accro à l'excitation et l'ivresse du champ de bataille. Parce qu'il y avait toujours quelque chose à voir, à entendre, à sentir, à comprendre... Parce qu'elle ne cessait de se perdre avec délice dans ce chaos, plongeant au cœur de la tourmente. Il n'y avait que dans ces moments qu'elle pouvait se sentir en "harmonie" avec ce monde qui ne tournait plus rond, du moins pour elle. Le reste du temps, il lui semblait tellement insipide et vide de sens...
Oui. Frozia était déphasée. Elle et ce monde n'étaient définitivement plus sur la même longueur d'onde.

Alors qu'elle s'avançait vers sa lance plantée dans le sol, la Cardinale sentit une énergie qui éveilla un étrange écho dans sa poitrine. Tournant la tête, la borgne put voir avec surprise la jeune femme qui accompagnait les Gold Saints rester à moitié redressée, respirer encore en abattant son poing sur le sol, visiblement sous le choc, groggy même. Retirant d'un coup sec sa lance ouvragée du sol, Frozia toisa un instant sa précédente cible avec une certaine appréhension. Elle était parvenue à s'en tirer? Pas mal, mais malheureusement c'était terminée pour elle, comme pour ses petits copains... C'était ce que la Cavalière se disait, mais au fond d'elle une petite voix lui soufflait des mots incompréhensibles et dénuées de sens qui sonnait à ses oreilles comme une alarme défaillante. Si au départ la Démone ne parvint pas à saisir ce qu'il était en train de se passer, la réalité vint bien vite s'imposer à elle... Avec brutalité.
Un rire. une transformation. Et en un instant, une main qui se resserrait avec une force incroyable sur sa gorge. Pour autant, la Sainte métamorphosée n'arracha pas le moindre bruit d'étouffement à sa proie. Ce fut tout juste si un léger toussotement franchit ses lèvres lorsque son souffle fut coupé. Hormis cela, Frozia ne faisait que dévisager la nouvelle apparition avec un étrange regard brillant de... Fascination.

Malgré la douleur qui lui parcourait l'échine, un sourire en coin tordit les lèvres entrouvertes de la Famine. Ainsi, elle avait vu juste. La gamine avait bien un Fauve tapis en elle, au même titre que la plupart des Berzerkers... Et c'était ce Fauve qui venait de faire surface, en réponse aux assauts qu'elle avait subis. Et quel Fauve! Avec ces cheveux d'un magnifique rouge sang, ce regard cruel et mesquin mais porteur d'une force sauvage et indomptable, la Berzerker ne pouvaient que tomber sous le charme. Oui, vraiment, elle était magnifique. Un peu péteuse, mais magnifique.
Et dangereuse aussi.
Alors que le Cosmos de la nouvelle arrivante allait croissant, le sien allait diminuant. Sa précédente technique avait laissé quelques séquelles sur l'énergie de la Cardinale, et elle ne pouvait récupérer aussi facilement... Surtout que son adversaire était en train de pomper sa force comme une sangsue au travers de leur étreinte passionnée. Dans le fond, c'était presque agréable, mais à la longue cela risquait d'être problématique. Du coin de l’œil, la borgne vit ses deux acolytes esquisser un mouvement pour venir lui porter assistance. Frozia agit rapidement, leur bloquant la route de sa paume pour leur demander de ne pas intervenir. C'était à elle de s'occuper de cet adversaire. Elle ne voulait quand même pas que ses mignons petits suivants se fasse blesser par cette petite sœur. Cela aurait été malheureux...

Et puis cela devenait diablement intéressant.

Alors que l'émanation obscure du cœur de la jeune fille lui parlait, son propre sang se mit à la torturer, se coinçant dans sa gorge, se retournant dans ses plaies alors que les plumes écarlates la perçaient de part en part. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que le gros se remettait dans la partie, en balançant une énorme lumière sur elles pour visiblement l'anéantir et l'emporter dans la tombe. Devant un tel déploiement de force déchainé pour sa seule petite personne, la Famine se sentait toute émoustillée. Ahlala! Elle n'en demandait pas tant... C'était même un peu trop. Il ne fallait pas voir les yeux plus grand que le ventre. Quoique dans son cas, un de ses yeux était inexistant. C'était le néant, l'infini. Tout comme son appétit, au final.

Alors qu'un sourire mauvais fendait, son visage, Frozia ouvrit grand la bouche vers le ciel, comme une bête sauvage cherchant à dévorer un morceau trop gros pour elle. Au même instant, l'intense lumière dégagée par l'attaque d'Alpharius convergea vers son gosier, tout comme les plumes de la petite diablesse et le sang qu'elle manipulait. Le tout se mua, se compressa, s'écrasa et fusionna pour s'enfoncer dans sa gueule béante et être convertis en Cosmos pur. Sitôt que ses mâchoires se refermèrent comme un piège à loup sur sa proie, une énorme quantité d'énergie astrale se dégagea du corps du la Cardinale. Son œil carmin s'était remis à luire d'un éclat aussi intense que celui d'une flamme vive, et restait plongé dans ceux de sa compagne de jeu. Immédiatement, le Reality Breaker s'activa en puisant dans les réserves d'énergie nouvellement reconstituées de la Démone. L'air et l'espace autour des deux jeunes femmes se tordit, se troubla, et lorsque tout repris sa place, leur rôle était diamétralement inversés.
C'était à présent Frozia qui pressait son impitoyable poigne sur la gorge de la petite Silver Saint. Les marques rouges sur le cou de la Famine témoignaient que leur précédente position n'avait pas été qu'un rêve, mais une simple manipulation du principe de causalité avait suffit à leur faire échanger de place en un battement de cil. A présent, la borgne rendait la monnaie se sa pièce à la jeune fille qui s'était soudainement sentis péter plus haut que son cul. Passant sa langue sur ses lèvres d'un air appréciateur, la Famine approcha son visage de celui de sa proie, plongeant son regard rubis dans celui tout à fait semblable de sa compagne, semblant sonder et dévorer tout ce que sa pauvre petite âme pouvait contenir, la laissant, seule, nue et exsangue.


« Hoho...? J'me disais bien que t'avais une odeur plus appétissante que celle des autres. Juste ce qu'il me fallait pour relever le goût d'ce plat médiocre que vous m'aviez servis. »

Les doigts de Frozia se resserra sur la gorge de Blood, ou quel que soit son nom à présent. Là où les doigts pointus de sa Cuirasse s'enfonçaient dans sa peau, des perles de sang de mirent à couler doucement. Ce fut ce même sang, issu de blessure de la Cardinale comme de la femme Chevalier qui, comme la rouquine l'avait fait auparavant, vint tourmenter la cible de la Berzerker pour lui retourner la chair et les boyaux. Le sang, c'était SON élément. Il n'était pas question qu'une autre vienne lui faire de l'ombre sur ce terrain, qu'elle lui paraisse sympathique ou non.
Pendant que Blood se débrouillait avec ce petit cadeau qu'elle lui faisait, la tête de la Cardinale, à demi couvert d'un sang qui n'était pas le sien, se tourna vers le Frelon et le Python. Leur adressant un sourire qui aurait pu paraitre chaleureux s'il n'avait fait aussi froid dans le dos, Frozia pointa sa lance dans la direction du Sud, indiquant à ses hommes la direction à suivre concernant ses prochaines directives.


« Hey, le Moustique et l'Asticot... J'vais me charger des choses ici. Allez rejoindre l'autre insecte pour terminer ce qu'on est venus faire ici. On s'est bien amusés, mais il est temps d'revenir aux affaires sérieuses à présent. »

Au passage, la Famine nota que les deux guignols habillé en doré semblaient avoir disparus. Où? Aucune idée. Frozia ne sentait même plus leur présence, mais à dire vrai elle ne s'en doutait plus. Seule comptait ce joli petit morceau qui se tortillait entre ses doigts en ce moment même. La Démone allait se faire un plaisir de corriger cette petite sœur un peu trop sure d'elle pour lui apprendre les bonnes manières. Ainsi, Frozia pourrait peut-être finalement prendre son pied dans cette journée riche en rebondissement. Peut-être. Ou peut-être pas. C'était aussi ça qui faisait toute la beauté de la chose. Prendre le pari, et attendre de voir. La Démone ne demandait que ça.
La Cavalière relacha finalement sa prise sur Blood de la manière la plus violente qui soit : plutôt que de la laisser s'effondrer à ses pieds, elle la jeta comme une poupée de chiffon contre le sol à une dizaine de mètres, faisant preuve d'une brutalité qui lui était propre. C'était là son approche, plus directe, moins subtile, mais drôlement plus efficace. Frozia avait envie de pousser la chose encore un peu plus loin, à présent qu'elles n'étaient plus que toutes les deux. Elle avait envie de voir, de savoir, de découvrir... En somme, de se délecté de ce que cette nouvelle présence avait à lui offrir. Une nouvelle fois, une flamme dévorante s'était éveillée en elle, et des lambeaux d'énergie obscure commençaient à se dégager des feintes du bandeau sur son œil gauche.


« Qu'est-ce que tu disais déjà? Ah, oui... Tu penses avoir le monopole pour faire pleurer les gamines? Plutôt prétentieux, de la part de quelqu'un qu'est pas fichue de posséder pleinement son propre corps. T'es vraiment la proprio d'ailleurs, ou juste un parasite qui s'y est incrusté? ... Bah! Au fond, j'm'en fiche. Tu pourrais juste être une tarée comme les autres avec une, deux ou douze personnes dans la tête que ça n'y changerait rien. Danse pour moi, petite sœur. C'est tout ce que je veux. »

Et la Famine se jeta tous crocs dehors.