La bataille du Sanctuaire s'était soldée par une réussite. Oh, certes, aux yeux du monde, les Berserkers d'Arès s'étaient contentés de passer, ne causant que quelques dommages sans pour autant porter un énorme coup à l'intégrité des rangs adverses. Mais le plan avait été rempli. Ils voulaient savoir de quoi leurs rivaux étaient capables, comment leur système de défense supporterait une attaque de leur part. Et la conclusion pouvait être qu'il n'y avait là rien de brillant. Certes, les chevaliers d'Athéna s'étaient rapidement mobilisés, et la force des Titans avait de quoi surprendre et les accaparer. Mais d'après les rapports de ses Cardinaux, Ephtal savait aussi que la résistance n'était pas si efficace que cela. Des morts, il y en avait eu, mais pas dans le clan du Prophète. Des Gold Saints avaient été vaincus, d'autres avaient péri, et ce sans parler du sens de l'honneur assez discutable chez certains... Ephtal prenait cela pour la perdition, ni plus ni moins. Il manquait sans doute à la tête de ces hommes une main de fer, quelqu'un pour instaurer une discipline militaire indispensable. Quelqu'un qui prendrait en main ses hommes afin de s'assurer qu'il pouvait compter sur chacun d'eux.

Cette erreur, le Cardinal de la Mort ne la commettrait pas. Il connaissait chacun des Berserkers. Il avait même été les recruter un par un, parcourant des miles et des miles pour cela. Et il avait même entraîné la plupart personnellement, à commencer par les autres Cardinaux qui le secondaient. Et sur tous ces hommes, deux élèves lui restaient encore. L'un d'eux avait particulièrement fait sa satisfaction. Straw n'avait pas démérité, certes, mais Nosgoth avait eu l'avantage de se mettre en avant sous les yeux de son maître. L'assassin n'avait pas pu profiter de l'ombre dans laquelle il aimait se draper, mais s'était néanmoins démarqué de bien belle manière, en tenant tête face au Gold du Bélier. Toutefois, la formation n'était pas encore terminée... Cet homme avait encore du potentiel à développer, ce dont Ephtal était certain. Il était déjà un guerrier plus confirmé, son baptême du feu réussi, mais il pouvait aller plus loin encore dans la maîtrise cosmique, ce dont le Prophète voulait s'occuper dès à présent. Pas de temps à perdre pour cela, autant battre le fer tant qu'il est chaud ! Voilà pourquoi la Tarentule avait été conviée dans l'Antichambre du Feu où le maître des lieux l'attendait déjà...

L'heure de faire mes preuves était arrivée et il semble que je ne m'en étais pas si mal tiré. Que ce soit en terme de qualité de combat qu'en gestion de mon énergie. Tenir tête à un chevalier d'or sans en mourir, voilà un exploit qui me faisait plaisir. Et qui avait attiré l'attention de mon mentor. Ephtal m'avait demandé de le rejoindre dans l'antichambre du Feu et ce n'était certainement pas pour faire causette. Il avait vu de ses yeux ce que j'avais fait et un rapport sur mon intervention était donc inutile. Par ailleurs, étant celui qui avait organisé l'attaque, il avait déjà eu la possibilité de récolter les informations des autres intervenants.

Mes blessures étaient totalement remises désormais et j'allais pouvoir faire honneur au rang qui était le mien. A mesure que le temps passait, j'apprenais de mieux à mieux à gérer l'étrange pouvoir qui émanait de ma cuirasse. Et la Tarentule m'allait à merveille pour dire vrai. Un instant la discussion que j'avais eu avec mon maître quelques temps auparavant me revint en mémoire, m'arrachant un sourire honteux. Vouloir l'armure de la Famine. Rien de moins. Je n'avais cependant pas oublié l'ambition qui était mienne mais je savais que le temps ferait de moi

C'est donc d'un pas décidé que je pris la direction du lieu de rendez-vous. Dans mon dos, ma cape rougeâtre claquait sur mon armure tandis que je focalisais mon esprit sur le futur entretien. N'avoir qu'une vague idée de ce qu'il attendait de moi n'était pas pour me rassurer mais la confiance que je portais en cet homme était réelle. Je n'avais pas rejoins son armée sans raison, lui qui m'avait déjà sauvé la vie. Une dette que je rembourserai le moment venu, je me l'étais juré.

J'arrivais enfin dans la pièce gigantesque. Une odeur étrange m'arrivait d'office au nez et mon regard s'attardait déjà sur le corps qui commençait tout juste à pourrir. Les phalanges du chevalier du Centaure se trouvaient également là, jetées négligemment sur le sol. Ce qui m'arracha un nouveau sourire. Mais passons, je n'étais pas ici pour contempler ces trophées. Je posais genou à terre devant celui que je respectais et que je suivais. La Mort. Et ma voix se répercuta dans la pièce, assurée, dans l'attente.

- Seigneur Ephtal, je suis à vos ordres.

Et tandis que je me levais, je repoussais la cape qui ornait ma cuirasse afin de libérer complètement mes bras. Je me sentais serein et en pleine possession de mes forces. Ce qui était préférable quand on s'adressait au Prophète, voix de notre dieu. Et son bourreau par la même occasion.

Nosgoth avait fait vite, n'offrant donc là aucun motif de déception au Prophète d'Arès. Il n'y avait pas de raison qu'il y en ait de toute manière... L'homme avait de l'estime pour son élève pour de multiples raisons, dont l'une des principales était le respect dont il était capable de faire montre. Et cette notion était primordiale pour le Cardinal de la Mort. L'on pourrait certes se poser des questions à ce sujet. Pourquoi le bras droit d'Arès - Dieu brutal de la Destruction - et ancien général d'Attila - chef barbare parmi les barbares - accordait-il tant d'importance au respect, autant des alliés que des adversaires ? L'on aurait pu penser le contraire, penser que cet homme était prêt à tout pour arriver à ses fins sans tenir compte des valeurs, ce qui n'aurait pas été étonnant avec son cursus. Mais c'était bien simple... Pour lui, le respect amenait la discipline, et la discipline était ce qui transformait un être sans intérêt en réel guerrier. Autant dire donc que l'attitude de la Tarentule lui faisait plaisir, non pas par orgueil de voir cette déférence à son égard mais simplement pour le précepte qu'ils partageaient.

De bout de sa faux, Ephtal alla ramasser l'index de Mercurio. Le trophée posé sur sa lame, il le présenta devant Nosgoth qui devait reconnaître ce vestige bien que quelques mètres les séparaient.

Tu te souviens de ça, n'est-ce pas ? Ah, la question ne se pose même pas réellement... Ta prestation lors de notre invasion du Sanctuaire a été clairement à la hauteur, si ce n'est ce petit souvenir... Tu es un excellent guerrier Nosgoth, mais je t'avoue avoir été étonné qu'un assassin puisse se laisser prendre en traître aussi facilement... Cela aurait pu te coûter bien plus cher...

Est-ce qu'il pensait réellement ce qu'il était en train de dire ? Qui aurait pu éviter ce coup, tout en se trouvant en plein affrontement, un combat du niveau de celui qui l'avait opposé au Bélier. Non, en vérité, Ephtal ne lui en tenait pas réellement rigueur. Mais c'était là un merveilleux prétexte pour le piquer au vif pour ensuite en tirer le meilleur. D'un mouvement sec, il fit tomber le petit bout d'os et de chair un peu plus loin, et la seconde d'après les deux portes se fermèrent brusquement, exterminant le couloir de lumière qui les éclairait jusqu'alors. Et ce fut tout... Les deux hommes se retrouvant dans l'obscurité la plus totale.

Tu as le potentiel pour un jour rivaliser d'égal à égal avec les Cardinaux. Mais c'est l'assassin de l'ombre que je souhaite tester aujourd'hui... Voir de quoi sont capables tes sens d'araignée...

L'on dit en effet que les arachnides sont capables de ressentir le danger pour s'en prévenir. Pourtant Nosgoth avait été victime du coup de Mercurio. L'ombre ne devait pas lui servir qu'à attaquer, mais aussi à se défendre... La seule couverture que l'obscurité offrait ne faisait pas tout ! D'autant qu'ici, il se retrouvait face à un homme qui n'avait pas besoin de ses yeux pour repérer sa proie... Et il en attendait autant de son élève ! Ephtal ferma ses paupières, lui permettant ainsi de concentrer son cosmos sans que la luminescence de son regard ne puisse indiquer sa présence ou éclairer la pièce. Expert en ce qui concernait le fait de ressentir la cosmo-énergie, même la plus ténue des traces au sein d'un être lui permettait de savoir exactement où il se trouvait.

Lentement, il positionnait sa faux, prêt à attaquer. La lame positionnée à la verticale proche du sol partit soudainement vers le haut, provoquant une onde de choc tranchante envoyée en direction de la Tarentule. Une attaque simple, une utilisation du cosmos tout à fait basique. Rien de mortel donc, mais tout à fait de quoi blesser. Bien entendu, il ne s'était pas donné la peine de le prévenir sur ce qu'allait être le test. Pas la peine de l'informer qu'il allait l'attaquer si justement il voulait lui faire travailler ses capacités à ressentir ce genre de choses...

J'observais un instant les phalanges qu'il me présentait, sans réellement comprendre ses paroles. Certes, j'avais été prit par surprise et je n'avais pas été en mesure de parer les attaques dont j'avais été la cible. Certes, j'en étais sorti affaiblis. Mais j'avais résisté. Et j'avais continué mon propre combat qui m'opposait au chevalier d'Or du Bélier. N'était-ce pas lui qui aurait du me couvrir pendant ce dit combat ? Car si j'avais été prit par surprise, lui avait été prit de vitesse. Je gardais néanmoins ces pensées qui étaient nées de ma frustration. Crier au scandale ne valait pas mieux à mes yeux que de quitter le combat comme un lâche. Car aujourd'hui, mon maître avait reconnu ma valeur au combat et c'est ce qui m'importait.

L'obscurité fut alors maîtresse des lieux. Le bruit sec des portes se refermant en étant évidemment la cause. Je comprenais peu à peu quelle était la nature de cet entretien. Et je comprenais mieux ce qu'il voulait dire en me parlant de test. Le noir était complet et aucune lueur ne venait perturber cela. Un instant je fus décontenancé, je ne m'en cache pas. Passer subitement de la lumière à l'obscurité la plus totale... Désagréable sensation que voilà. Mais plus encore, c'est cet étrange sentiment qui me perturbait plus encore.

Un courant me fouettait le visage et j’eus tout juste le temps de placer mes bras en croix devant moi que l'onde m'emportait au loin. Je ne l'avais pas vraiment vu venir mais ma réaction m'avait tout de même préservé d'une partie de l'assaut. Une sorte d'avertissement en quelque sorte et j'en prenais conscience. Alors que je me relevais, je compris que l'atteindre serait mon plus gros problème. Je ne voyais rien et j'avais face à moi un expert de la détection de cosmos. Autant dire que l'araignée était prise dans sa propre toile. Mais je n'abandonnerai pas. Pas maintenant alors qu'il remarquait enfin mes capacités. Il souhaitait tester l'assassin ? Il n'en serait pas déçu.

Libérant une infime partie de mon propre pouvoir, je tendis les mains vers l'avant, lâchant alors une multitude de fils tout autour de moi. Si je ne pouvais voir mon adversaire, je pouvais au moins le sentir avec ces fils. Peu à peu, je formais dans le silence une immense toile d'araignée imprégné de mon cosmos. La moindre onde et je la détecterai. Mais ce n'était qu'une sécurité et pas encore une véritable attaque. Prendre son temps pour frapper et tuer. En somme, ma véritable spécialité. Sans un mot, je plaquais la paume de ma main sur le sol afin d'en détecter la moindre vibration. Alors que je ressentais enfin quelque chose, je tentais une approche. Un leurre en réalité et j'espérais sincèrement que cela fonctionne.

Je déclenchais mon assaut. Un courant électrique se précipitait vers mon mentor, dans l'espoir de le clouer sur place.

Son coup avait touché. Les yeux fermés, il avait pu en suivre mentalement le trajet, ainsi qu'en vivre la rencontre avec la masse cosmique que représentait Nosgoth dans son esprit. Trop brusque et soudain pour qu'il puisse parfaitement appréhender ce danger, mais il n'y avait pas à le blâmer, l'entraînement ne faisait tout juste que commencer après tout. Ce n'était qu'une première étape, qu'un premier pas vers de nouvelles aptitudes. Car si Ephtal ne doutait pas que la Tarentule possède des sens aiguisés, ce n'était pas cela qu'il désirait lui faire travailler aujourd'hui. Le Cardinal de la Mort savait à quel point il pouvait être utile d'être capable de ne pas compter uniquement sur ses sens basiques. Capter l'essence même du Cosmos avec précision permettait d'être redoutable en toute circonstance. L'obscurité absolue n'était plus un problème pour qui savait se fier à une autre vue. Un sens supérieur plus difficile à développer que les autres, mais dont Ephtal avait fait une priorité pour lui-même, jusqu'à en être un maître à présent. Très peu d'hommes sans doute étaient capable de l'égaler sur ce point. C'était la manière dont il avait lui-même développé son Septième Sens. Là où bien d'autres s'en servaient pour lancer de terribles attaques, lui avait appris à le développer de manière simple, à laquelle il pouvait faire appel autant qu'il le désirait. S'il parvenait à inculquer un peu de cela à son élève, cela ne pourrait que le rendre plus redoutable encore.

Car il l'était déjà, c'était un fait ! Tout d'abord, le Cardinal de la Mort ne comprit pas exactement ce que Nosgoth tentait de faire. Une diffusion étrange de cosmo-énergie, si fine que le plan ne lui sauta pas aux yeux. Il dut user de réflexion pour parvenir à comprendre ce qu'il était en train de faire. Quoi de plus normal pour une Tarentule que de tisser sa toile ? Oui, ça ne pouvait être que ça, il se demandait même comment il avait pu douter maintenant que le rapport était fait. Finement joué. Sous son masque un sourire se trace sur le visage d'Ephtal. Ainsi ses mouvements seraient repérés, méthode alternative à celle qu'il était désireux de lui apprendre mais qui devait tout de même avoir une certaine efficacité. Et bien si c'était cela, il lui suffirait alors de ne plus bouger ! Prêt à attendre, il posa le bout de la hampe de sa faux au sol et... ce fut là une erreur ! La seconde d'après, une vague électrique venait à sa rencontre, un flash rapide qui dévorait la distance entre les deux protagonistes. Il planta sa faux un peu plus dans le sol tout en se déplaçant d'un pas agile pour se positionner derrière elle. Une partie de cette énergie électrique, de cette foudre serait canalisée vers le sol. Il pourrait ainsi se permettre d'encaisser les résidus.

Fort, très fort, réellement. Alors que le sol n'était fait que d'une terre sèche et poussiéreuse, il était parvenu à ressentir la simple vibration d'une arme entrant en contact avec le sol. Enfin, était-ce bien cela ? Ça lui paraissait être la réponse la plus logique. Et cela faisait part d'un réel talent, car très peu auraient été capables d'une telle prouesse. En tout cas, il ne pouvait plus se permettre de rester simplement sur place, et tous ses mouvements seraient repérés, ressentis soit par le sol ou par la toile tissée plus tôt. Réagir vite et bien... et une idée qui apparaît déjà ! D'un bond vif il se propulse, mais pas vers Nosgoth. Aller au corps-à-corps ne servirait pas le cours qu'il souhaitait donner. Ce fut vers le cadavre pourrissant qu'il se jeta. Atterrissant à côté, il le jeta alors immédiatement dans une autre direction, restant sur place pour sa part. Une diversion... Faire croire qu'il s'était déplacé en deux temps... La dépouille activerait les systèmes de défense de la Tarentule, détournant son attention de la provenance véritable de l'attaque. Car bien sûr, attaque il y aurait !

À l'instant même où le cadavre touche le sol, sa faux fend l'air, envoyant une nouvelle fois son onde de choc quoi qu'un peu plus puissante cette fois. Et de là, attendre simplement... Voir s'il tomberait dans le piège et aviser lorsque réaction il y aurait...

Mais que faisait-il à bouger ainsi ?

L'impression qu'il me donnait, c'est qu'il testait mon système de détection. Les vibrations me permirent de visualiser très clairement l'endroit où il s'était posé la première fois, avant de quitter la place presque immédiatement après. Ma tête se tourna presque automatiquement vers la seconde destination. Je n'essayais plus de le voir de mes yeux, je savais que cela serait inutile tout comme j'étais persuadé qu'il me localisais mieux que je ne le repérais. J'avais un gros désavantage en ce lieu : il s'agissait de son antre, un endroit qu'il connaissait par coeur. Avantage du terrain et avantage de perception... En combat réel, je serai certainement mort.

Mais je n'eus guère le temps de préparer mon offensive. Car je sentis de nouveau ce fameux courant de cosmos qui m'avait percuté la première fois. Et ce courant n'arrivait pas du côté auquel je m'attendais. Trop rapide pour être esquiver, surtout lorsqu'il s'agit d'un assaut surprise, je tentais néanmoins d'en limiter l'impact. J'avais appris ma première leçon, celle qui consistait à ne pas se laisser toucher deux fois par la même technique. Et mes fils déposés précédemment allaient me servir de rempart. La toile d'énergie se leva presque instantanément. J'étais peut-être moins doué que mon mentor mais mes réflexes restaient bons.

Impact. Douleur. Il avait frappé plus durement que tout à l'heure à en croire la morsure que je venais de subir. Je pestais contre ma naïveté. Je venais de me faire avoir doublement. Entre la feinte et l'assaut plus fort que prévu, ma toile protectrice n'avait fait qu'illusion. Mais c'était aussi dans ces situations complexes que je parvenais à tirer toute la quintessence de ma cuirasse. Ma défense n'avait pas vraiment bien fonctionné mais cette toile que je m'évertuais à tisser depuis plusieurs minutes avait une vocation offensive. Je me jurais de ne plus me faire avoir de la sorte. Et j'avais désormais l'avantage de savoir où se trouvait précisément Ephtal. Qu'il tente de nouveau de me doubler et je l'accueillerai. Car je ne parvenais peut-être pas à le visualiser d'une manière plus conventionnelle mais ma méthode personnelle était à mon sens plus sûre. S'il ne bougeait pas, je ne pouvais pas le détecter, certes. Mais maintenant que je savais où il était, comment pourrait-il me duper encore ?

Je ne pus m'empêcher de sourire lorsque je constatais que ma toile était fin prête. Je tournais mon corps tout entier vers l'emplacement où je croyais que le Prophète se tenait. Si je faisais erreur, j'en payerai le prix fort. Mes les vibrations s'étaient arrêtées et je traquai le moindre mouvement désormais. Mon réseau était si étendu dans la salle que j'allais pouvoir prendre au piège celui qui désirait me tester. Un assassin devait pouvoir capturer sa proie et l'exécuter en silence. Cette technique était parfaite pour cela. Je savais qu'il avait certainement deviné la raison première de ces fils tout autour de nous. Mais je doutais sincèrement qu'il puisse anticiper ce qui allait suivre. Quoi qu'avec un seigneur de la Guerre comme lui, on ne savait vraiment pas. La toile était posée à même le sol. Et elle n'attendait que la décharge d'énergie que je m'apprêtais à envoyer. Car contrairement à tout à l'heure où j'avais tenté un assaut frontal, j'allais cette fois diffuser le courant électrique dans la totalité de mes fils, générant alors un piège qui "collerait" ma proie à l'endroit exact où elle se tenait, me permettant alors de l'achever. Ou de porter un coup dans le cas présent.

Mais il me fallait agir vite si je ne désirais pas qu'il s'envole. Ma réflexion précédente et l'élaboration de ma stratégie n'avait finalement prit qu'une poignée de secondes. J'étais encore dans les temps. Une lueur vive illumina un court instant ma cuirasse tandis que j'écartais les bras de part et d'autre de mon corps. L'instant d'après, je libérais plusieurs arcs électriques qui touchèrent l'ensemble des fils au sol. Comme une trainée de poudre, la toile s'illumina quasi instantanément, jouant le rôle qui était le sien. L’adhérence. Et maintenant que je pensais mon Maître piégé, je tentais d'abattre ma carte. Le corps à corps était à exclure avec un maître tel que lui. En d'autre circonstance, j'aurai porté un coup direct pour mettre un terme au combat. Ici, j'allais simplement générer un autre assaut multidirectionnel pour réellement le surprendre. Rejoignant mes mains l'une à l'autre, je libérais deux faisceaux d'énergie pur. Décrivant un arc de cercle, ils allaient se rejoindre à l'endroit exact où Ephtal était censé être prit au piège. Un véritable étau.

Sa tentative pour piéger Nosgoth avait fonctionné à merveille, malheureusement. Pourquoi malheureusement, alors que son plan avait porté ses fruits ? Et bien tout simplement car il aurait préféré le contraire... Il n'était pas là pour se prouver qu'il était capable de combattre tout à fait normalement dans ce climat, en sa propre antichambre. Cela, il le savait parfaitement. Son but ici était plutôt d'instruire quelque chose à son élève, de le rendre capable de ne plus se fier à ses cinq premiers sens mais plutôt à ses sensations quant au cosmos. Et s'il avait agi ainsi, il ne se serait pas laisser avoir par un cadavre, corps mort ne produisant donc strictement aucune cosmo-énergie. Cela lui aurait au moins permis de voir qu'il y avait progression. Car si les techniques de la Tarentule étaient au point, efficace dans la plupart des milieux et contre la majorité des adversaires qu'il pourrait rencontrer, il n'était pas encore au niveau que le Cardinal de la Mort souhaitait le voir atteindre.

Toutefois, la contre-attaque qui arrivait à présent, elle aussi, allait se montrer puissante et efficace. Se souvenant apparemment avec précision de l'emplacement atteint par Ephtal, Nosgoth envoya une grande décharge dans sa toile, avant d'envoyer deux faisceaux qui en courbe se rapprochaient dangereusement du Prophète. Ce dernier n'eut le temps que de s'armer de son cosmos en bouclier. Arès Shield, ainsi était le nom très simple de cette protection de haut niveau qui amoindrirait en bonne partie l'impact qu'il ne pouvait éviter. C'était bien joué, réellement très bien joué. Et il ne l'avait que trop longtemps laissé s'amuser avec sa toile qui se montrait plus dangereuse que ce qu'il en avait estimé. Le colosse bondit alors de biais pour se retrouver à mi-chemin sur la longueur de son antichambre, et encore en suspension il attaqua... Ce fut à son arc de glace qu'il eut recours d'une frappe de sa faux. Projeté contre le sol et non simplement contre son élève, le but était de se défaire de cette toile, de l'annihiler avant qu'elle puisse lui causer plus de tort encore. Non seulement tranchée, elle serait gelée également en partie ce qui ne pourrait que dérégler un tantinet cette protection, cette méthode de détection. Il y avait mis le paquet, non pas dans la force brute mais avait renforcé autant qu'il le pouvait le côté glacial de cette attaque. Et si en tant normal elle ne faisait qu'effleurer le zéro absolu, il était sûr cette fois qu'elle y était parvenue...

Faisant l'effort d'atterrir souplement, il tenta de n'en faire ressortir aucun bruit. Ce qui était impossible bien sûr, mais ce serait sans doute trop faible que pour être repéré avec précision. Juste une direction, tout au plus. Mais de toute façon, il allait fournir un autre bruit, bien plus conscient, en ouvrant la bouche pour mettre fin au silence qui régnait entre eux deux depuis que l'épreuve avait débutée. Parlant fort et face au mur, sa voix déjà camouflée par son masque, l'écho de cette salle très spacieuse et totalement dénuée d'obstacle lui viendrait également en aide.

Comment me sentir là où règne putréfaction ? Comment m'entendre là où les murs sont autant de miroirs pour les sons que je produis ? Comment me voir dans cette obscurité la plus totale ? Comment me repérer lorsque ta toile est défaite ?
Tu dois oublier les sens basiques des humains, car ils peuvent trop aisément être trompés, abusés, annulés... Ce ne sont que de simples petits bonus dont il ne faut jamais omettre qu'ils peuvent jouer en ta défaveur. Un seul sens est ultime; un seul sens est digne de nous, chevaliers divins ! Celui qui voit, sent, entend, touche le cosmos lui-même... Celui-là est apte à affronter toute menace...

Tes capacités sont intéressantes, et peu d'hommes pourraient te faire face, Nosgoth. Mais ceux qui pourront passer outre tes défenses, ceux qui sont au delà des perceptions futiles des simples humains... Ceux là parviendront à te vaincre ! Or, tu ne seras un assassin utile que si tu peux te défaire des plus coriaces. Les simples pantins, l'on peut les affronter de face et les anéantir simplement. Ce sont ceux qui méritent que l'on utilise de ruse qui seront frappés dans l'ombre, efficacement. Et ceux là te ressentiront bien souvent avant même que tu puisses établir un quelconque lien visuel.
Mais... Si tu es capable de faire taire ton cosmos, de t'approcher suffisamment en te fiant au sien, et les yeux fermés le frapper mortellement... Là, tu seras réellement l'assassin redoutable dont j'ai besoin !

Pendant qu'il parlait, son énergie se massait autour de lui... Enfin, n'était-ce vraiment que la sienne ? C'était plutôt comme si le cosmos déjà éparpillé dans la pièce revenait à lui afin de panser ses blessures, réduisant un peu les dégâts qu'il avait pu recevoir lors de la dernière frappe de Nosgoth. Finalement, il se retourna rapidement vers lui, tendant sa main libre vers l'endroit où il sentait être son élève. Une vague d'énergie fut alors envoyée, prenant peu à peu la forme d'une multitude de faucilles. Enfin, encore fallait-il pouvoir les voir...

Il avait raison et je le savais. Bien que je ne sois pas comme les autres hommes, à me fier exclusivement à mes yeux, je n'en restais pas moins handicapé lorsque la nuit tombait et que je n'y étais pas préparé. Il venait de me le prouver de la manière la plus abrupte qui soit mais cela avait au moins le mérite d'être terriblement efficace. Et si ma toile était précisément la meilleure chose que je connaisse pour détecter et piéger un homme, il n'en restait pas moins que j'en étais dépendant. La glace venait de geler l'ensemble de ma toile, détruisant ça et là les liens de cosmos que j'avais patiemment tissé. De toute évidence, il me fallait apprendre son art si je désirais sortir de cette pièce. En vie, bien entendu.

Mais comment réagir et s'adapter alors que sa vie durant, on a utilisé ses sens comme s'ils étaient les plus importants ? Bien que piqué au vif, bien que persuadé que je pourrais réagir s'il m'était donné comme mission d'abattre un homme puissant, je savais qu'il avait raison en expliquant que les plus forts guerriers m'auraient sans doute repérés avant même que je ne tente une approche. Le cosmos était une chose si particulière qu'il fallait une parfaite maîtrise de soi pour en masquer la provenance. Et plus encore pour en détecter la présence lorsqu'elle se trouvait en d'autres corps. Je pestais un instant sur mon ignorance avant de me reprendre. Je ne devais plus attendre pour m'y mettre. Car la dette que j'avais envers cet homme m'importait plus que la vie elle-même. J'étais son débiteur et je paierai mon dû en temps voulu.

A mesure qu'il parlait, je tentais d'apaiser le tourment qui était mien. J'étais un assassin et je ne devais pas perdre ce sang-froid qui pouvait me sauver la vie dans les pires circonstances. En tant que Berserk de la Tarentule, je serai amené à combattre les plus puissants adversaires que Arès nous mettrait sur notre chemin. N'étais-je pas l'ombre du Prophète lui-même ? Il désignerait mes cibles et elles mourraient. Et pour cela, je devais saisir le lien particulier qui existait entre l'homme et son énergie spirituelle. J'avais déjà fait un grand pas vers l'avant, je le savais. Car mes fils n'étaient-ils pas déjà un moyen de détection du cosmos ? Si je parvenais à me concentrer exclusivement sur l'émanation d'énergie, alors je serais en mesure de repérer celui que je chassais. Car ce n'était rien d'autre que ça. Une chasse.

La voix résonnait tout autour de moi, je ne devais donc pas m'y fier. Mais je devais vite me préparer car déjà la voix du Prophète s'estompait, ne me laissant qu'une impression de danger plus forte encore que de raison. Bien que cela soit inutile dans cette obscurité permanente, je fermais les yeux. Plus un tic qu'une véritable action, cela me permettait surtout de chasser de ma tête ce qui m'était dispensable. J'avais peur de passer à côté de quelque chose de primordial. Sans mes fils, sans mes yeux, j'étais réellement aveugle. C'est là que le déclic se fit. Des fils de cosmos. Je ressentais mon cosmos et je le visualisais d'ordinaire automatiquement sous forme de filin, à l'instar de l'araignée qui tisse sa toile. Je considérais depuis toujours que mon cosmos était en réalité cette vaste toile interne dont je me servais lorsque j'en avais besoin. Mais si je parvenais à me concentrer suffisamment, peut-être que je serai alors capable de "voir" les filins émanant des autres êtres. Trop habitué à me fier à mes yeux, j'avais oublié ce détail.

Je rouvris les yeux, rasséréné par cette révélation. Et tandis que je m’efforçais de voir ce qui ne pouvait être vu, d'entendre ce qui ne faisant aucun bruit, je perçus une perturbation dans l'air. Presque infime. Mais mes sens m'alertaient du problème. Ephtal m'attaquait. Bien que les formes soient indistinctes encore, mon esprit perçut l’attaque et sut d'où elle provenait. Rapidement, plus encore que mes attaques précédentes, je libérais mon propre cosmos pour organiser ma défense. Savoir d'où venait l’attaque m'aidait à la contrer. L'instant d'après, j'érigeais ma défense ultime : ma toile de cosmos. Celle-ci parvint à neutraliser l'ensemble de l'assaut et pour la première fois depuis le début du combat, j'étais parvenu à intercepter quelque chose complétement.

Mais mieux encore, je voyais désormais très clairement l'endroit où se tenait mon Maître. Bien qu'il ne s'agisse que d'une multitude de filin argentés, je parvenais à discerner sa position avec exactitude tant l'amoncellement d'énergie n'était pas naturel. Un large sourire apparut sur mon visage alors que je me tournais directement vers lui. Il ne le voyait peut-être pas mais il sentirait qu'il y avait du changement, j'en mettais ma main à couper. Comment n'avais-je pas remarquer avant tant ça me paraissait limpide maintenant ? Fou que j'étais à me fier aux sens communs alors que je n'étais pas le premier guerrier venu. Quelle arrogance de croire que l'on pourra toujours s'en sortir avec des artifices.

- Je vous vois, Seigneur Ephtal. C'est... C'est étrange mais je vous sens. Tout comme j'aie perçu cette offensive.

Et pour preuve, plutôt que d'attaquer, je projetais ma conscience vers la sienne, envoyant mon cosmos comme on aurait pu envoyer un objet pour le percuter. Son cosmos jouait le rôle de protection et sa conscience me rejetait. Mais il savait désormais que j'étais capable de percevoir ce fil ténu et pourtant réel qui me permettait de voir l'invisible. C'était encore un peu particulier mais je savais qu'en poussant ce don à son paroxysme, je serai alors capable de repérer mes proies avant que celles-ci ne puissent le faire.

Ses mots avaient de toute évidence été entendus, car déjà Ephtal pouvait ressentir que ça avait porté ses fruits. En effet, son offensive sur Nosgoth venait d'être contenue, un mur s'opposant devant ses faucilles d'énergie. Il avait suffit qu'il le mette sur la bonne voie, qu'il lui fasse comprendre exactement ce qu'il attendait de lui pour que tout de suite un résultat se produire. Ce Nosgoth avait réellement cela dans le sang, quel gâchis cela aurait été s'il n'était pas arrivé à temps pour l'empêcher d'être tué. Quel gâchis cela aurait été s'il avait simplement poursuivi la vie d'un simple humain. Ses dispositions à manier le cosmos allaient le mener loin, du moins c'est le destin que le Cardinal de la Mort lui prédisait. Pas pour rien qu'il avait décidé de l'affecter à sa propre armée, de le prendre sous sa garde. L'aider à progresser au mieux ne pourrait que donner d'excellents résultats, sans aucun doute.

Pourtant, la Tarentule n'en profita pas pour contre attaquer. Ce fut bien plus subtile que cela. Réponse cosmique il y eut bien, mais l'on ne pouvait pas appeler cela une attaque. Un simple contact, un effleurement de conscience. Il avait compris. Désormais, il saurait comment faire. Ne lui restait plus qu'à peaufiner cette apprentissage. Apprendre à voir avec plus de précision, apprendre à faire taire son propre cosmos pour n'être plus repérable. S'il parvenait à progresser dans cette voie, il ne pourrait qu'être le plus redoutable des assassins. Le manche de sa faux frappa le sol, déclenchant l'embrasement des murs et du plafond. Désormais recouvertes de flammes, ces parois généraient un éclairage abondant leur permettant à nouveau d'établir un contact visuel.

Tu as désormais compris à ce que je vois. Je suis fier de toi, tu es parvenu à faire d'énormes progrès en une seule séance... Il ne te reste plus qu'à travailler seul, qu'à poursuivre dans cet apprentissage. Il te reste encore pas mal de travail à accomplir, mais au moins à présent sais-tu dans quelle direction porter tes efforts. J'ai foi en toi, je sais que tu y parviendras.

Les portes s'ouvrirent et les flammes peu à peu se turent, laissant alors place au seul couloir de lumière courant de ce lieu. Et tout en approchant de son élève, Ephtal approcha le tranchant de sa faux de son avant-bras gauche pour y tracer une longue entaille. De quoi étonner Nosgoth sans doute, et ce n'était pas terminé... Serrant le poing à deux reprises, le sang commença à couler de manière plus abondante jusqu'à recouvrir sa main entière. Il traça alors une croix de sa paume sur le torse de la Tarentule. Ensuite, le colossal prophète leva le bras au dessus de la tête de son disciple, laissant son sang couler sur lui...

Le cosmos est profondément lié à celui qui l'utilise. Chaque être possède un cosmos particulier, égal à nul autre. Et tous ont une particularité... Certains sont plus puissants, d'autres sont dévorants. Ils peuvent brûler, glacer, empoisonner... Nous pouvons certes parvenir à le manier avec suffisamment de précision que pour lui faire adopter d'autres aptitudes, mais il en est toujours une qui prédomine, dont l'utilisation sera encouragée. Le mien n'est pas plus puissant qu'un autre. Il ne brûle ni ne glace... Le mien annule celui des autres, en atténue les propriétés... Ta Cuirasse ainsi baignée devrait t'aider à ce que tu puisses mieux te soustraire aux sens des autres...

Ainsi nourrie, sa Cuirasse devrait également en ressortir réparée des dégâts même imperceptibles, ainsi qu'être mieux préparée aux chocs qu'elle devra subir prochainement. Le sang d'Ephtal était parvenu à réveiller l'âme d'Arès, allant presque jusqu'à lui enlever la vie. Il n'allait pas aller aussi loin cette fois-ci... Un litre devait s'être écoulé lorsqu'il ramena son bras à lui, qui s'entoura alors d'une aura rougeâtre qui refermerait la plaie.

Puisse cette offrande t'encourager et te porter chance. La Guerre Sainte fera bientôt rage, et il est sûr que j'aurai besoin de toi ! Alors va pour aujourd'hui, tu as mérité ton repos. Mais ne te repose pas sur tes lauriers et continue ainsi, Nosgoth de la Tarentule !

Citation :

Nosgoth est promu au rang d'argent. Sa Cuirasse sera donc désormais considérée comme une silver et non plus comme une bronze.

Les murs s’enflammèrent avec le plafond, amenant la luminosité qui manquait depuis quelques temps maintenant. L'entraînement semblait enfin s'être terminé et j'en éprouvais une certaine joie. Parvenir à saisir la particularité de cette technique n'avait pas été facile mais le gain pour l'avenir était juste énorme. Un assassin capable de percevoir les sens même de ses adversaires, voilà qui serait une plaie difficile à canaliser et Arès en personne pouvait en être heureux. Qui oserait désormais se dresser sur mon chemin ? J'étais fier et reconnaissant.

Cependant la suite fut moins joyeuse. Ou du moins plus trouble pour moi. Alors que mon maître approchait sa faux de son avant-bras, il s'entailla assez profondément la partie du corps, laissant le sang couler sans restriction. Je préférais ne pas réagir. S'il faisait cela, c'est qu'il avait quelque chose en tête. Quoi ? Je risquais de l'apprendre bien assez tôt. D'abord la croix sur ma cuirasse. Vint ensuite la véritable douche de sang. C’était quelque peu écœurant mais je restais toujours stoïque, préservant seulement mes yeux en les fermant un court instant, patientant le temps nécessaire avant que le sang ne continue sa route sur mon corps et ma cuirasse.

Les explications vinrent enfin. Je savais que le cosmos du Prophète était différent des autres. Pouvoir atténuer le pouvoir des hommes et des femmes autour de lui était une capacité impressionnante en réalité et les rumeurs s'avéraient donc fondées. Car dans la citadelle, deux cardinaux faisaient parler d'eux de par leur capacité latente. Okra de la Pestilence et Guerre de... De la guerre tiens. Et si la première laissait des effluves dangereuses à tous ceux qui respiraient l'air vicié, le second était capable d'interagir avec les sentiments des hommes. Mais le pouvoir d'Ephtal pouvait en limiter les effets. Je notais précieusement l'explication dans un coin de ma tête, ce genre d'éléments pouvant toujours s'avérer utile un jour.

Un changement se fit ressentir dans mon corps. Ma cuirasse semblait absorber ce sang, s'en nourrissant et se renforçant à son contact. Plus puissante, voilà ce que je pouvais comprendre en écoutant cet homme. Mais mieux encore, cette offrande allait aussi me permettre à moins me faire repérer par ceux que je chasserais. En réalité, Ephtal m'avait offert un cadeau extrêmement précieux en ce jour. Me permettre d'être un assassin plus efficace et moins facilement repérable : deux atouts précieux. Et rare, je le savais. Alors que son bras revenait vers lui, je remarquais la lueur qui l'entourait, sans doute un baume qui soignerait sa plaie. Trop honoré par ce que je venais d'entendre, je posais genou à terre, m'inclinant au mieux devant lui.

- Je vous remercie, Seigneur Ephtal. Je suis honoré par ce cadeau et je saurai m'en montrer digne.

Les mots étaient superflus. Ainsi je me relevais et quittais la pièce. Prendre du repos ne serait pas un luxe et sans doute que mon mentor en avait aussi besoin. En un sens. Et tandis que mes pas résonnaient dans l'antichambre, je me surpris à penser à Alpharius du Bélier. Notre prochaine rencontre risquait de le surprendre. Car aussi noble que soit son cœur, je me jurais de le voir battre au creux de ma main la prochaine fois que nos routes se croiseraient.