Le retour du Temple fut aussi singulier que son accès. Cette fois-ci, au lieu de se laisser sombrer dans un gouffre sans fond, il fallait emprunter un courant marin et sous-marin afin de revenir non loin des côtes. Au moins, les Marinas de Poséidon ne souffraient pas d’une quelconque routine, encore que des voies aussi originales pouvaient bien devenir ennuyeuses par la force de l’habitude.
Ils n’avaient pas tardé à retrouver leurs chères montures, lesquelles ne pouvaient faire des Cardinaux ce qu’ils étaient si elles n’étaient pas présentes à leur côtés. Guerre flatta un instant l’encolure de Ruine avant de se hisser sur son dos. L’échine du destrier ne ploya pas d’un centimètre sous le lourd poids de son cavalier et ce dernier souffla même de satisfaction. Les Cavaliers et leurs destriers partageaient le même Cosmos. Il était délicat, même pour ceux du même accabit que Guerre de savoir si leurs compagnons étaient issus de leur Cosmos, de leur Cuirasse ou bien d’eux-mêmes … sans doute des trois à la fois.
Ainsi le Cardinal assimilait Ruine à un frère, non seulement à cause de leur symbiose mais également que Ruine était une entité née de la fusion de consciences, comme Guerre l’était lui-même : ils étaient deux nouveaux nés affrontant le monde.
Le regard du Berserker se posa un instant sur la crinière de son cheval, observant le paradoxe représenté dans les cristaux de glace emprisonnant par poignées les poils de la crinière de Ruine, alors que ses derniers dégageaient des flammes bleutées. Il s’agissait du même type de flammes que celles de l’antichambre : des flammes de froid. Elles virevoltaient et sortaient des yeux, de la bouche mais aussi des naseaux du compagnon de Guerre, tandis que son souffle se matérialisait, à lui aussi, dans un air glacé qui n’entourait qu’eux dans un rayon de quelques mètres.
Ces mêmes flammes subsistaient dans le sol après le martèlement de chacun des sabots de la monture, dont le « bleuoiement » se retrouvait également dans les symboles mystiques qui ornaient les flancs de ce dernier, du moins ceux qui n’étaient pas recouvert par d’épaiises plaques
Tel un père jaugeant son enfant, ou plutôt un frère envers son ainé ou bien son puiné, Guerre trouvait qu’il ne pouvait avoir meilleur destrier. C’est d’ailleurs cette union qui faisait que chaque voyage, peu importe le nombre de lieues parcourues, était souvent aussi court qu’une simple balade piétonne.
Mais au cours de son périple, Guerre sourit à plusieurs fois. Il percevait certaines pensées de son prophète, car celles-ci concernaient directement ce qu’il incarnait corps et âme. Ephtal réfléchissait et plaçait ses pions, évaluant stratégie sur stratégie. Friand de telles réflexions et pouvant être considéré comme se repaissant de ces dernières, Guerre conserva le silence, observant sans juger mais excité comme un enfant. Lui voyait un étau ténébreux se resserrer autour d’Athéna et d’Appolon, qu’il soit géographique ou même militaire, et l’ajout d’Odin dans un tel contexte ne ferait que serrer d’avantage la corde autour du cou de ces dieux insouciants.
Le sourire était plus qu’élargi lorsqu’ils s’engouffrèrent dans la Porte ouverte par le Maitre des Lieux en personne, ou presque …