Rome… Mon Amante secrète.
Blood posait doucement la pointe de sa sandale sur la pierre moite. Pas après pas, elle savourait ce contact délicat, a la fois si banal et si précieux. Ses yeux dévoraient ces pierres irrégulières et fendillées qui se déployaient sous son regard et s’offraient a elle, comme la ville tout entière. La crainte éreintait souvent son cœur, et elle évitait les rues où l’on trouvait auberges et beuveries, car les hommes, surtout enivrés par l’alcool, lui inspiraient peu de bonnes choses. Ces expériences passées avaient développés chez elle une forte méfiance à l’égard de ses personnes qui la voyait sans cesse comme inférieure, un bel objet de possession. Sa condition ne lui plaisait guère, mais elle ne croyait pas pouvoir se révolter. Alors, elle s’effaçait. Comme le corbeau de jais qui traversait la voute céleste obscure. Elle se fondait dans la pierre et dans la nuit, faisait une avec elles et devenait invisible aux yeux de ceux qui ne savaient pas les regarder. Elle, elle les regardait. Avec amour, avec passion… Ses doigts tendrement caressaient les édifices, s’imprégnait de leur contact granuleux. Elle sentait la brise se faufiler entre les tissus blancs qui couvraient son corps et caresser sa chaire, elle sentait la nuit la pénétrer toute entière et s’en enivrait bien plus que de tout alcool. Il y avait en elle une interaction entre son corps et le monde qui lui semblait tout à fait magique. Elle fermait les yeux et elle sentait Rome couler dans ses veines. Elle rouvrait les yeux et distinguait avec acuité chaque cavité, chaque trace, chaque herbe folle perdue entre la pierre et le roc. Tout cela éveillait en elle un ravissement certain et lui apportait la paix.
Dieu sait qu’elle en avait besoin, de cette paix… Si elle ne pouvait se plaindre de sa vie au vu de sa condition en tant que femmes sans famille, l’être en elle la torturait. La voix vicieuse sifflait a ses oreilles, la meurtrissait et ne cessait de chercher à l’avilir. Elle la fuyait désespérément, et ce qu’elle avait trouvé de mieux en ce but était une étoffe par-dessus l’œil, de solides barrières psychologiques, et ça… Ces fugues nocturnes. En ces instants seuls, elle trouvait en elle une force nouvelle qui repoussait loin de son esprit cette essence obscure qui lui laissait si peu de répit.

Blood avait changé, depuis son premier jour. L’innocence du début, déjà si fébrile, c’était enfuie pour substituer a la jeune fille ouverte et gaie une jeune femme énigmatique et solitaire, ouverte qu’en apparence. Mais sa curiosité n’avait pas tarie. Alors pourquoi ne cherchait elle pas de nouveaux horizons ? Le temps était passé, et le cœur de l’empire lui était bien familier désormais. Il était devenu son palais, son second corps… Ne s’en lassait elle pas ? Non, bien au contraire. Chaque Nuit, elle se sentait découvrir de nouveaux secrets. Tout était neuf, plus passionnant encore… Les rues lui réservaient encore bien des mystères. Pas seulement les rues : mais aussi les lumières, les arbres, les toits, les places, Rome toute entière. Et ce soir-là, c’était vers l’Amphithéâtre que la menait ses pas… Cette clameur, elle aussi elle la connaissait. Mais elle n’avait pas cherché à pénétrer sous la terre pour en percer le sens : le vrombissement qui s’élevait sourdement des profondeurs ne lui inspirait rien de bon. Elle préférait le sentir vibrer en elle par la plante de ses pieds et tourner ses yeux vers le ciel infini. Ciel qu’elle chérissait de tout son cœur, le perçant de son regard avec insistance, comme pour y distinguer le dessin du corps du grand Uranus. Les Dieux étaient-ils réellement la, abaissant peut être leur regards sur elle ? Elle ne saurait le dire, mais elle y croyait, quelque part, au plus profond d’elle. Une foi sourde l’animait a l’égard de ses êtres supérieurs, insaisissables… Peut-être était-elle fascinée par la promesse de beauté qu’ils représentaient.
Mais pourquoi lui avaient ils donné Beast, pourquoi était-elle là ancrée au fond de son corps … ? Elle chassât cette question sans réponse de son esprit, et reporta a nouveau son esprit et ses pensées vers son objectif. C’est alors qu’elle sentit qu’il y avait quelqu’un, non loin…. Un frisson la parcourut. Tout était calme : elle ne savait pas même comment elle parvenait à percevoir cette présence, mais elle savait. Son pas se fit silencieux, son avancée prudente. La personne semblait calme… Et elle se sentait, en une certaine mesure, attirée. La curiosité, encore : très certainement. Il ne s’agissait pas d’un ivrogne, ou quelqu’un qui pourrait se jeter sur elle. Du moins était-ce l’impression qu’elle avait…

La voix qui résonna dans la pénombre la fit tressaillir. Elle ne s’était guère attendue à être repérée. Mais cette surprise ne la laissât pas interdite, ou intimidée : elle ne fit que raviver son désir de savoir qui se cachait derrière ce timbre, bien qu’il fut masculin. Légère, sa longue chevelure noire se mêlant au tissu pâle lui donnant des allures d’apparition, Blood se soustrayat à l’ombre de la ruelle pour se révéler a l’inconnu, et mieux le découvrir par la même.

- Moi...

Elle avait répondu calmement a cette question un brin rhétorique, et son regard était venu se ficher sur celui du jeune homme qui se tenait devant elle. Il était plus âgé, devait avoir environ vingt ans. Sa tenue rappelait une condition similaire a la sienne, et elle s’en sentis un peu plus confiante que s’il en avait été autrement. Elle pour sa part devait paraitre bien jeune, pas plus de 16 ans… Mais son regard, pénétrant, fixe et a l’image de la voute céleste ne laissât rien paraitre de sa fragilité apparente.

Leurs regards s’enlacèrent pour rester noués l’un à l’autre. Blood, qui dans ses balades nocturnes savourait pleinement sa solitude et son intimité avec la belle amante, ne se sentit pas agressée par l’intrusion de cette personne dans son moment de paix. Ce jeune homme au regard dont elle ne pouvait soustraire s’imposait de lui-même à elle, et inexplicablement, un lien invisible semblait se créer entre lui et elle. Plus encore, ce lien semblait être déjà là, évident, comme s’il l’avait toujours été. Elle se sentit intriguée par la connivence naturelle entre eux. Cette rencontre imprévue, étonnamment, ne lui déplaisait pas. Jamais elle n’avait rencontré au pare avant quelqu’un qui lui faisait cet effet-là. Elle était toujours restée distante vis-à-vis des gens, et si il lui était arrivée d’éprouver de l’intérêt, mais elle ne c’était jamais inclue dans un « ensemble » autre que superficiel avec quelqu’un. Ici, le rapport était tout autre. En un sens, elle sentait qu’ils étaient un peu pareils… Mais elle n’aurait su dire pourquoi.

Un rire couvrit les murmures de la ville. Chose rare, un sourire léger se glissa sur les lèvres de la jeune femme. Elle ne prit pas la peine de répondre à cette question ci, qui ne lui était pas adressée, contrairement à la précédente. Elle se contentât de maintenir son regard, et de sentir qu’il y avait quelque chose justifiant cette réponse plus qu’il n’y paraissait. Blood n’avais pas reculé : un homme c’était approché d’elle, et pourtant elle n’avait pas reculé. Ce simple fait en lui-même avait déjà, venant de sa part, quelque chose de spectaculaire. Après réflexion, Blood songea que si elle ne se sentait pas agressée, c’était parce qu’elle avait l’impression vague que la personne qui se tenait face à elle faisait partie intégrante de ce tout dans lequel elle se fondait chaque nuit. Il n’était pas l’un de ces citoyens romains qui foulaient la pierre du pied sans la voir et l’arrosait de vices, il faisait partie, comme elle, de la ville. Sa présence en son sein était naturelle, partie intégrante de l’ensemble, tout comme elle l’était elle-même. C’était pour cela même, certainement, qu’il lui semblait familier. Et intimement, Blood sentait que la personne en face de lui était en proie à des réflexions similaires. C’était pour cela même qu’elle ne fut pas surprise par sa proposition…

- Mais le sont-elles réellement pour deux esclaves errants ?

Là encore, sa rhétorique était spontanée et semblait tomber sous le sens. D’ailleurs, les rue de Rome, même de jour, n’étaient jamais sures pour une femme seule. Et outre mesure, cet argument ne pouvait pas atteindre la demoiselle : elle avait appris à disparaitre aux yeux du danger. Mais qu’importe. A son Bonsoir, elle avait répondu d’un regard, d’un mouvement des cils, d’une légère inclinaison de la tête exprimant un Bonsoir muet, mais bien réel et tout aussi franc. Et comme il avait formulé sa proposition, elle avait pris l’initiative à son tour de faire quelques pas vers lui, tout naturellement. L’oiseau nocturne, en confiance, c’était posé sur une branche pour se rapprocher de ceux de la terre.

Sa réponse, implicite, était bien sur évidente. De toute manière, ne faisaient-ils pas déjà fis tous deux de toute prudence, par leurs escapades nocturnes ? Alors quelle différence, de les laisser se mêler un peu ou non. Bien sûr, pour la demoiselle, femme et esclave, un homme représentait spontanément un danger certain, et ce qu’elle redoutait le plus. Mais ici, elle n’avait pas tout à fait un homme en face d’elle, ou du moins pas un de ceux-ci. De ce fait, elle ne voyait aucune raison de refuser cette invitation qui ne lui déplaisait guère. Sa curiosité était toujours là, bien présente, et elle était avide d’en savoir plus sur cette part de Rome qu’elle n’avait pas encore découverte. Des questions, elle en avait. Mais elle n’était guère de ceux qui les posaient… Elle qui voulait tout savoir du monde tentait toujours de le pénétrer d’un simple regard, et, prenant le temps à parti, de comprendre par elle-même, par l’observation. Dans les rapports humains cependant, les choses étaient souvent différentes. Là, elle ne pouvait se contenter de l’observer pour comprendre : il y avait déjà confrontation entre eux, un rapport direct et frontal. Blood dans un premier temps c’était arrêtée face à lui pour lui répondre. Désormais, elle l’abandonnait à la lueur dansante de la flamme éclairant les abords de l’Amphithéâtre et le dépassait d’un pas léger, avant de, jetant son regard en arrière, l’inviter à marcher avec elle. Elle sentait bien, qu’ils n’avaient tout deux rien d’autre à faire.

- L’appel de celle-ci.

Blood s’enivrait, tranquille, du son légers de leurs pas sur le sol. Il était rare qu’elle marche au côté de quelqu’un… A vrai dire, elle ne le faisait tout simplement jamais. Instinctivement, elle fichait ses pas sur celui qui lui tenait compagnie, et marchait au même rythme que lui. Alors, très vaguement, instinctivement, elle sentait que cette unité qu’elle avait sentie entre eux et la belle Rome demeurait. Ses yeux se perdaient en face d’elle, tentant de pénétrer la pénombre la ou les lueurs dansantes n’apportaient pas leur clarté. Et comme elle tentait de se concentrer ainsi sur ce qui l’entourait et qu’elle ne voyait pas, elle sentit soudain une force nouvelle faire irruption auprès d’elle. Tout à coup, le tout avec lequel elle faisait corps se condensait dans le corps à sa gauche. Elle n’avait pas eu le temps de tourner la tête qu’un étau se referma sur son poignet.
En même temps que lui, Blood s’arrêta. Leurs regards se rencontrèrent à nouveau, et comme souvent, elle sentit que l’on tentait de pénétrer le sien pour y découvrir une lueur compréhensible, sans grand résultat. Une saisissante vibration nimbait l’esclave d’une pâleur diffuse. Le contact de leurs peaux, par ses doigts autour du poignet de la demoiselle, provoqua en son corps une impression confuse. Au premier instant, elle avait tressaillit au contact de cette aura. Désormais, spontanément, elle l’analysait et la sentait couler en elle… Comment se faisait-il que, entouré de cette lumière, il parvenait à faire converger en lui l’immensité que pressentait Blood au contact du monde ? Il brandit la main devant elle. Sa voix vibrait, elle le sentait plein d’émotion. Le regard de l’œil unique de la jeune femme lécha l’aura, la peau, les yeux qui lui faisaient faces. Mais non.
Oui, elle voyait. Elle voyait cette magie et ne la comprenait pas. Jamais elle n’y avait été confrontée avant ou l’avait ressenti pleinement d’une telle manière. Le halo devait se refléter dans sa pupille sombre, faiblement, et son incompréhension également. Il ne lui laissât pas le temps de répondre, et elle fut prise d’un frisson. Les ordres. Un homme. Deux choses qui instinctivement provoquaient chez elle un rejet, pur réflexe de protection, qu’il comprit bien assez. Le contact fut rompu. La force aussi. La totalité enfuis en un éclair pour ne laisser qu’un jeune homme et une jeune femme, deux esclaves face à face.

Blood retrouva très vite son calme, et sentit comme il cherchait à nouveau son regard, après s’être excusé les yeux baissés, qu’elle n’avait véritablement rien à craindre de cette personne. La peur l’avait déjà quittée, et avait été très éphémère, comme un songe n’ayant jamais existé. Leur condition commune la mettait en confiance, et oui, elle aussi, elle avait senti qu’il y avait quelque chose. Elle aurait voulu le lui dire, mais les mots avaient quittés sa bouche, pour ne laisser qu’un grand plein de vide et de silence. Un excuse-moi muet passa sur ses lèvres et au fond de ses pupilles.
Si elle avait eu peur, elle ne lui en voulait pas et c’était révolu. Au moins, elle cherchait à exprimer cela… Alors, les mots vinrent d’eux même.

- Comment t'appelles-tu ?

Ils n’avaient pas, commencés par là. Mais les vibrantes émotions avaient fait fuir le fantôme de l’amante, et s’ils voulaient la retrouver ils devaient tout deux retrouver la paix qu’elle leur demandait pour tribu. S’ils étaient tous les deux face a quelque chose d’aussi partagé qu’inconnu, le meilleur moyen certainement d’en comprendre d’avantage était d’explorer ensemble, d’en parler. En venir aux réponses à ses questions –aussi vides soient-elles, malheureusement-, Blood le ferait certainement. Mais voilà, elle avait une question, une question simple et elle avait choisi de la poser, comme s’il s’agissait là de sa compensation. S’il pensait avoir mal agit, alors autant qu’il accepte de laisser un peu de temps aux temps, que leurs langues puissent se délier progressivement. S’ils devaient faire connaissance, autant commencer par le commencement, pour en savoir d’avantage. C’était certainement très superficiel, comme approche, mais la jeune femme ressentait le besoin de mettre un nom sur celui qui se tenait immobile face à elle.

La question posée semblait avoir eu l’effet escompté, et un léger sourire se glissa également sur les lèvres de Blood. Il y avait dans cette question qu’elle avait choisi une force, celle de faire d’eux l’un pour l’autre plus que deux inconnus. Straw, il s’appelait Straw. Ce nom-là, elle savait qu’elle s’en souviendrait, simplement. Les noms, en règle générale elle s’en souvenait spontanément. Une liste, dans son esprit. Des évidences. Pas grand-chose, en fin de compte. Mais ici, c’était différent. Cette révélation, elle avait son importance, d’une manière ou d’une autre. Une inspiration.

- Moi...

Mais là était le problème. Que répondre ? Toujours ce même problème. D’autant que désormais… Le nom que lui avait donné Beast s’imposait de plus en plus à son esprit. La bête avait gagnée en emprise sur son esprit, tout simplement. Elle voyait cela comme une mauvaise chose. Et pourtant… Il y avait cet autre nom, aussi. Celui qu’on lui donnait. Elle en avait eu d’autres, brièvement, mais elle l’aimait bien, celui-ci. Et pourtant, il ne correspondait pas véritablement non plus. Finalement, elle opta pour une réponse franche.

- … Je n’ai pas vraiment de nom. On m’appelle Calyps, il semblerait que je m’appelle Blood…

Chose qu’elle n’avait encore jamais faite au par avant. D’une part, avouer ce qu’il en était, d’autre part révéler ce nom la… Celui qu’elle enfouissait au plus profond d’elle et qu’elle ne révélait pas, qu’elle détestait parfois secrètement pour ne pas savoir comment l’aborder. Elle ne savait pas vraiment pourquoi selon elle se sentait le besoin de le dire à quelqu’un : mais si cela devait être « quelqu’un », elle se disait « autant que ce soit lui ». Parce qu’il y avait en Straw quelque chose de différent. Par contre, elle ne savait pas ce qu’elle pouvait bien attendre de cette révélation. Mais c’était dit.
Désormais, ils se connaissaient. Il poserait sur elle le nom de son choix, mais ils se connaissaient, et c’était Lá toute la différence. Leur rencontre se limiterait elle à cette nuit-là ? Elle l’ignorait, et ne se posait pas trop la question. Peut-être serait-ce un peu dommage, de se contenter d’une éphémère nuit. Peut-être serait-ce là aussi la force de leur rencontre. Qu’importe, ils verraient bien. Pas ce soir. Un jour peut-être.

Elle acquiesça silencieusement, et ensemble, ils se remirent à marcher. Assez naturellement, il prenait place l’un à côté de l’autre, tranquilles, au cœur de la ville endormie. Le calme avait à nouveau laissé à Rome la place de s’installer en eux. Elle sentit qu’ils l’accueillirent ensemble, naturellement. Mais Blood contrairement au jeune homme à ses côtés n’était jamais allée aussi loin dans l’assimilation en elle de l’univers. Chez elle, le processus avait toujours été tourné dans l’autre direction : elle avait laissé le monde l’assimiler, plutôt que l’inverse. Mais elle pouvait s’essayer à ce nouvel exercice, pourquoi pas ? Leurs mains s’effleurèrent, elle se laisser bercer sans trop forcer dans l’immersion.

- Moi aussi, je le sens.

Il l’avait certainement compris, mais elle lui devait bien une réponse. Et c’était la moindre des choses qu’elle pouvait dire : celle qui était claire et évidente, contrairement aux autres.

Un nom… Qui était-elle ? C’était la question qu’elle se posait bien trop souvent, sans se poser de réponse. Elle s’était attendue à ce qu’il lui donne un nom, qu’il choisisse, mais sa réponse fut tout autre. Cette réponse la toucha. Blood, Calyps, l’inconnue demeura muette… Et réfléchit. Jamais, on ne lui avait dit ça avant. Aussi, jamais n’avait-elle évoqué ce problème. Mais cette réponse l’avait émue autant que surprise, et la laissait prise au dépourvu. Elle ne se sentait pas prête, a vrai dire, a se choisir un nom. Et elle ne concevait pas de nom qui put lui correspondre, si elle devait soudain en inventer un. Elle ne savait pas qui elle était. Peut-on jamais poser un nom sur ce que l’on ne connait pas ? Peut-être, qu’un jour, elle trouverait qui est Blood. Alors, elle serait cette personne. Ce qu’elle savait, c’est qu’elle n’était pas Calyps. Au fond d’elle-même, il y avait là une certitude. En attendant, non, elle n’était pas prête…
Elle avait besoin de se trouver. Elle ne l’avait pas encore fait et personne n’avais jamais essayé de la trouver en l’appelant par un nom ou un autre. Peut-être un jour trouverait elle, mais ce jour ne semblais pas être venu, tout simplement. Il était apaisant, Straw. Son ton doux avait projeté en elle quelque chose de nouveau, et elle savait que désormais elle continuerait, de chercher un nom, et qui elle était par la même. Et peut-être l’aiderait il à se trouver…


Le contact fut subit, surprenant pour celle qui n’y était guère préparée. L’effleurement avait été naturel, l’étreinte eut un effet différent. Il ne vit pas cet éclair sur son visage. Mais elle ne retira pas sa main, bien au contraire. Elle laissât l’énergie l’envahir alors qu’elle la sentait plus forte, comme si le contact qui s’établissait entre eux en venait à exacerber leurs facultés. Les paroles de Straw se glissèrent en elle, et elle laissât la quiétude, le contact et l’univers ton entier l’envahir au son de sa voix. Ses paupières, closes, semblaient lui donner à voir bien plus que tout ce qu’elle avait jamais pu voir les yeux ouverts. Tout à coup, elle se laissait aller à posséder. Elle s’appropriait le monde plutôt que de se donner à lui, dans son infinie pudeur. Petit à petit, elle se fondait en tentant de dominer dans une certaine mesure, de son mieux. Blood n’étais pas habituée à dominer… Nox peut être le serait ?
Un sourire se glissa sur ses lèvres. Pour Straw, elle était Nuit. Voilà tout… Et ce sourire, elle ignorait qu’il trouvait résonance en lui, mais elle ressentait une harmonie qui l’amenait à aller plus loin encore. Une chaleur incroyable irradiait de la main qui enserrait la sienne, et il lui semblât que l’énergie qui jaillissait de cette main en venait doucement à couler en elle. Elle chercha à la comprendre, à se l’approprier… Tout en marchant, elle sentait que petit à petit, la chose devenait sienne. Elle comprenait en un sens, sans que cette compréhension ne soit accompagnée de mots, quelque chose de nouveau et d’unique. Alors, quand elle ouvrit les yeux, elle vit qu’à la lueur violette de l’esclave s’était mêlée un chaud Bleu Nuit.

- Oui...

Ce Oui était aussi vide de sens qu’il en était riche. C'était une réponse sans l'être, un accord, un Oui, tout simplement. Mais elle avait glissé son regard sur lui, et sa main sembla échapper à son emprise, se soustrayant comme l’eau qui s'écoule. Cependant, elle n’avait pas pour dessein de s’évanouir comme le ferait le voile nocturne dans quelques heures. Les doigts de Nox caressèrent ceux de Straw pour venir se glisser entre les siens, et rendre ainsi leur étreinte plus étroite et immuable. Pour l’instant, ils ne se sépareraient pas… Ils avaient encore le temps, de s’immerger ensemble sans briser ce contact, de le préserver. Ils avaient encore le temps de trouver sans mots des réponses aux questions que leur offrait le monde. La Nuit les irradiait de sa flamme d'un bleu profond. La Nuit était là.

Et comme attisée par le contact de leurs doigts enlacés, les flammes envahirent Straw. A son tour, elles envahirent le cœur de Blood, l’enlacèrent, et il ne fallut que quelques instants infimes pour qu’a la chaleur améthyste se voit mêlée au bleu de la Nuit. Avec lui, elle se mit à bruler et à sentir cette force l’irradier. Ils faisaient l’expérience ensemble, et leurs sens se développaient en étant confrontés les uns aux autres, leur puissance en faisait de même. Cette chaleur enivrante envahis son cœur et son esprit, elle se sentit elle aussi prise de puissance, son sourire répondant au sien.

Puis il y eu un craquement sec. Celui-ci désarçonna un instant la force de demoiselle, faisant vaciller son éclat. Dans un pilier, là, qui leur faisait face, il y avait une brèche profonde. Alors, et sans crier gare ni attendre qu’on l’y ai convié, la peur s’insinua dans le cœur de la jeune femme, un instant encore au par avant si passionné. Mais il y eu ses mots, sa réactions, ses gestes. Happée par le regard flamboyant de l’esclave, elle en oubliât ses inquiétudes secrètes pour l’instant encore, et entretenait le lien puissant qui s’était formé entre eux. C’est ça. Ils se retrouvèrent à nouveaux arrêtés et face à face, mais cette fois ci, c’était différent.. Même si cette fois-ci encore, il s’emportait dans son exaltation. Mais il ne posait pas de question : il donnait des réponses. Et cette fois ci était la deuxième, non la première.
Sa seconde phrase frappa l’esprit de Blood comme une sorte d’évidence. Il venait soudainement de poser un nom, un nom qui paraissait tombé du ciel, à ce qu’ils étaient en train de découvrir. Avec ce nom, il ouvrait d’un geste brutal de nouvelles portes, leur révélait un monde. Un monde dont ils faisaient partie, tous deux. Un monde qui n'était pas seulement celui des hommes, des bêtes et des plantes, qui n'était pas que la terre dans sa minéralité et sa vie, mais qui attrayait à une dimension supérieure. Un monde qui tenait du Divin... Leurs autres mains se lièrent à leur tour sous l’impulsion du jeune homme, et Nox répondis à ce nouveau contact sans gêne. Elle sentit en cette main nouvelle toute la force de ce qu’il ressentait, et le recevait en elle. Mais elle, était-elle capable de lui transmettre à son tour ce qu’elle ressentait ? Se laissant envahir, elle n’en prenait pas trop la peine, bien trop profondément impénétrable, bien trop peu habituée à se révéler. Mais de son mieux, elle lui répondait par l’accord de son corps, et par son regard. Quelque chose la possédait et l’étreignait toute entière. Elle aussi, elle avait l’impression d’avoir des ailes dans le dos et de pouvoir se projeter dans les airs si tel était son désir, elle aussi elle se sentait… Mais la crainte était trop forte, plus forte certainement qu’en celui qui lui communiquait ses émotions confuses et partagées. L’exaltation de la demoiselle était plus mitigée que celui de Straw ; malgré tout l’émerveillement qu’elle ressentait en effleurant cet univers nouveau, malgré son cœur qui palpitait et son souffle tout aussi puissant. Il n’y avait pas en Blood cette sauvagerie, symbole même du démon qu’elle tentait chaque jour de combattre. Il y avait en elle Beast, mais Beast avait beau être sauvage, plus encore que Straw certainement, elle n’était pas Blood. Et aux yeux de la douce, Beast était la chose la plus terrible au monde. Si le démon possédait toute cette force qui sommeillait dans son corps, qu’en ferait-elle … ? Comme elle se sentait à nouveau prise d’une crainte, le front de Straw vint se poser contre le sien.


Sa poitrine se souleva, puis doucement, son souffle s’apaisa, et elle ferma les yeux avec lui. Sans le savoir, il l’avait libéré de ses craintes par ce geste irréfléchi, il lui avait apporté un réconfort que jamais elle n’aurait su réclamer… Soudain, elle se dit que cette force, elle était dans son corps. Et si elle pouvait ainsi la maitriser, elle pourrait peut-être … parvenir à devenir plus forte que Beast. Et être libérée de la peur. Quelque chose s’éclaira en son esprit.

Et elle entendit la voix de Straw, résonnant plus profondément en elle qu’elle ne l’avait encore jamais fait, malgré l’intensité de ce qu’ils étaient en train de vivre tout deux. Ce fut étrange d’abord, et elle fut surprise. Mais cette voix, elle l’accueillit et s’en abreuva, pour ne rien perdre de ce qu’elle tâchait de lui dire. Elle sentit en ses paroles qu’elle parvint à entendre distinctement le reflet de ses propres pensées, et resserra doucement l’étreinte de ses doigts sur les siens. Si elle parvenait mal à exprimer ses sentiments de vive voix, peut-être ce contact-là serait-il plus apte à lui donner les moyens de se faire comprendre… Nox lui répondit avec douceur, tentant par la même de s’imprégner de ses mots pour éteindre ses propres peurs.

~ Ce pouvoir est tien et t’obéis, ne te laisse pas envahir… Si tu as en toi cette force, alors trouve en ton cœur celle de la maitriser, je suis certaine qu’elle est la…

Le vent avait délié leurs mains sans qu’ils ne s’en rendent compte, et elle avait glissé son visage contre le sien, l’enlaçant, pour laisser la chaude énergie nocturne qui était la sienne réprimer le feu d’améthyste, et entourer Straw tout entier. Pour apaiser leurs peurs mutuelles, elle avait laissé son corps glisser contre le sien et son monde envahir sa force pour empêcher cette dernière de le dévorer et de lui transmettre encore ces craintes qu’il avait ressentit.

- Tu en es capable.

Malgré le geste de réconfort de Nox, la réaction de Straw fut violente. [STRAW VIOLENT] Alors qu’elle était parvenue a calmer ses peurs et ses errances dans son étreinte, les flammes violettes du jeune homme l’envahirent et assaillirent son esprit. Tout comme elles semblaient le tourmenter, elles attaquèrent la jeune femme si fragile… Alors, son démon en profitât pour en ressortir.

- Comment peux-tu penser un instant pouvoir me vaincre ?

La voix violente, perfide, susurrante de celle qu’elle haïssait de tout son être pour la douleur à laquelle elle l’avait condamnée, pour le mal qu’elle lui faisait chaque jour. La lueur bleue tressaillit, faiblis sous l’assaut des flammes violettes du jeune homme qu’elle serrait dans ses bras, et Nox fut envahie par Blood, face à Beast. Le sourire mauvais, le visage lisse, la pupille écarlate… Tout apparut en son esprit, ce terrible reflet d’elle-même, si beau, si terrifiant. Les lèvres rosées s’étaient fendues en un large sourire face a la douleur, face a la peur. Beast savait, Beast sentait. Elle sentait chaque serrement du cœur de Blood, chaque palpitation, chaque infime chose qui pouvait lui faire du mal. Et depuis des années maintenant, elle s’en amusait. Elle la prenait toute entière, elles faisaient siens son corps et sa voix, et méticuleusement, elle lui faisait du mal. Toujours, elle jaillissait telle une diablesse pour jouir de ses vices, sadique. A chaque fois, Blood était terrifiée. Et comme elle sentait ses bras qui l’enserraient avec force, ce corps qui était lui-même en proie a ses peurs et ses passions violentes, elle fut terrifiée pour lui. Ses muscles s’en raidissaient, elle devenait immobile, elle voyait même ses flammes bleues Nuit se teinter d’écarlate.
Mais Straw tombât. Le contact brisé, cette chute, qui semblait n’avoir rien en commun avec Beast et pourtant était inquiétante rappela Nox a la raison. En proie à son démon intérieur elle n’avait pu le retenir de ses bras… Avec force, Blood repoussa Beast. Comme toujours « Laisse-moi ! ». Et elle fermait violemment les yeux. Et elle projetait ton son cœur, ton son esprit, toute son âme contre l’être maudit. Cette fois ci, les lames bleutées explosèrent autour d’elle, et s’allièrent a l’esprit torturé pour le secourir. … Le monstre disparu.


Blood demeura debout haletante, chancelante… Elle ne sentait plus Beast la tirailler, et à nouveau, elle était toute maitresse sur son corps. Elle se rendit compte que l’état dans lequel elle se trouvait, ou elle se sentait intensément elle-même, était un fait rare. En fait, elle n’avait jamais été aussi en paix avec elle-même, loin de sa malédiction, qu’en cette soirée auprès du jeune homme. Et en cet instant, elle avait soudain pleine conscience de la puissance de ce phénomène.
…. Elle avait l’impression d’être seule dans son corps.

Il fallut quelques instants à la jeune femme pour retrouver ses esprits… Lorsque tout ses sens et on esprit furent à nouveaux clairs, elle se rendit compte que suite à sa chute, Straw avait retrouvé ses esprits, et ne parvenant à se relever, c’était trainé jusqu’au pilier le plus proche. Tout naturellement et parce qu'elle était ainsi, elle s’en voulu de ne l’avoir aidé, et eu immédiatement un geste vers lui. Mais il fut arrêté. Ils se regardèrent, et finalement lui prit la parole.
Évidemment, elle ne fut absolument pas d’accord avec ce qu’il lui dit, et affichant un petit air de reproche, elle s’approchât de lui sitôt qu’elle eut retrouvé la pleine maitrise de ses muscles. Lorsque Straw murmura, elle se trouvait déjà agenouillée auprès de lui.

- Certainement.

Nox n’avait pas renoué le contact, mais elle était près de lui, et son regard était posé sur le sien. S’il prenait le temps de la regarder exactement, il verrait qu’elle était légèrement en sueur et essoufflée, encore éprouvée par ce qui venait de se passer. Doucement, ses flammes déclinaient pour ne plus l’entourant que d’un très léger crépitement. La Nuit, profonde, les englobait… Doucement, elle s’assit à ses cotés sur la marche de pierre, et demeurât.
Pour elle, il n’était évidemment pas question de poursuivre sans lui, et encore moins de le laisser seul là. Non seulement parce qu’il était esclave et donc potentiellement en danger. Mais aussi parce que oui, il avait pris une certaine importance aux yeux de la jeune femme. Des ennuis, elle ne considérait pas qu’il lui en avait causé. Mais elle ne prit pas la peine de le préciser. C’était évident, et il devait prendre la peine de s’en rendre compte. D’ailleurs, si elle avait pensé le contraire, elle ne serait certainement pas resté jusque-là, elle ne lui aurait certainement pas apporté ainsi son réconfort. En cet instant… Elle aurait voulu le soigner de ses douleurs, mais elle ne savait comment s’y prendre. Alors, elle restait, comme si cela pouvait servir à quelque chose.
Si elle était Nuit, il était évident qu’elle demeurerait jusqu’à ce que le soleil la chasse…

A nouveau, inlassablement, leurs regards se retrouvèrent. Le contact léger, simple effleurement de la main de Straw sur son visage, provoqua un imperceptible frisson le long de l’échine de Nox. Elle ne bougea pas cependant, acceptant tut naturellement ce contact… Et il l’enlaçât à son tour.
Leurs peaux étaient moites, et leurs souffles encore lourds. Doucement, Nox ferma les yeux et laissa aller sa tête au creux du cou de Straw, acceptant le réconfort qu’il lui donnait. La Nuit déjà avait été riche, éprouvante aussi… Mais elle les avait marqués tous les deux. Désormais, ils se laissaient aller au bras de la nuit, tendrement, se reposant à leur manière, ensemble. Longuement… Blood ignorait combien de temps, mais elle savait qu’elle aurait pu demeurer encore ainsi, plus longuement encore, jusqu’au lever du voile. Mais elle savait que son corps ne s’évanouirait pas comme la pénombre, mais qu’elle devait disparaitre avec les premières lumières. Leur rencontre le voulait ainsi… C’est ainsi que c’était bien.

Puis vint le moment. Nox posa sa main dans celle de Straw et se releva à ses côtés. La Nuit avait avancé, et ils savaient tout deux que le moment ne viendrait que trop vite, désormais. Alors, ils faisaient les choses dans les formes : elle acquiesça à ses paroles, lui rendant son sourire. Malgré la pointe de tristesse qui aurait pu aisément trouver place en son cœur, la jeune femme était plus sereine que jamais. Alors ils marchèrent.
Doucement, les deux jeunes esclaves marchaient ensemble dans la ville endormie, en direction du lieu où ils avaient été confrontés l’un à l’autre. Il semblait que le monde était vide, pour ne laisser qu’eux. Les rues étaient désertes. Cette fois ci, Blood ne tenta pas de s’immerger dans l’Univers qui l’entourait, ni de le faire sien. L’expérience de la découverte était derrière eux. Elle avait été palpitante, exaltante et éprouvante à la fois, son temps désormais était révolu. Ils ne marchaient plus que main dans la main, se disant milles choses sans mots ni sens, pensant sans penser pour tout simplement vivre cette nuit ou ils s’étaient rencontrés jusqu’à la dernière étoile.

Leurs pas les rapprochèrent du lieu, et se firent un peu plus lents encore. Une douce brise soufflait, faisant se soulever onctueusement la chevelure a la fois si longue et si légère de la demoiselle. Quelque chose annonçait que le voile pâle du matin ne se ferait plus désirer très longtemps… La Nuit était encore là, mais elle se faisait discrètement moins épaisse. Ce matin, il était inévitable. Et Nox l’acceptait… Lorsque la pénombre se sera enfuie face au soleil, Nox disparaitra pour laisser à nouveau place à Calyps, Blood, à celle qui n’était pas perdue. Car oui, en cet instant, elle était Nox, avec certitude, complètement. Elle ne le demeurerait pas, mais Nox demeurait en elle : et c’était cela même qui était important.
Ils s’arrêtèrent ensemble. Il était inutile de dire « c’est ici ». Ils le savaient tous les deux, que c’était au coin de cette petite rue débouchant sur l’amphithéâtre qu’elle était soudainement apparut. Pour cette raison même, ils s’arrêtèrent. S’ils allaient plus loin, ils se tiendraient plus loin que la où ils s’étaient tenus, et ce n’était pas ce qu’ils voulaient.

Leurs regards a nouveau s’embrassèrent tandis que les doigts de Nox se serraient doucement sur ceux de son égal. Elle fit un pas, deux, afin lui faire face. Sa seconde main vint retrouver celle de Straw, dans un contact qu’ils avaient déjà établis précédemment. Mais comme il lui avait rendu son étreinte, elle lui rendait ce geste. Demeureraient-ils muets jusqu’à ce que le moment vienne finalement ? Il n’était pas encore tout à fait temps. Alors, encore, elle demeurait, et profitait de ce qui restait de la nuit pour s’imprégner du regard qui lui répondait.
Non, elle ne tenterait pas de le retrouver… Leur rencontre était un hasard providentiel et ne serait pas oubliée. Le hasard l’avait rendu d’autant plus forte. Et ils savaient, qu’ils finiraient bien par se revoir un jour. Ils le sentaient. De toute manière, un lien c’était irrémédiablement formé entre eux… Le moment viendrait, par lui-même. Ensemble, ils savaient.

Son visage, son contact, sa chaleur… Elle s’imprégnait de tout cela. Et elle sentait la Nuit faiblir… Alors, elle fut à nouveau dans ses bras. De toute ses forces, elle se serrât contre lui tout comme il le faisait, enfouissant son visage au creux de son cou, y soufflant doucement. Tant que la nuit était encore là, elle se serrerait contre lui étroitement, s’abreuvant de son étreinte, pour ne pas l’oublier le jour venu.
Elle entendit ses paroles sans mal. Sa douleur était aussi la sienne… Et elle ressentait avec lui ce tiraillement provoqué par l’arrivée de la fin, par la cruauté du temps qui passe irrémédiablement. Pourquoi les dieux ne prolongeaient ils pas la Nuit pour eux ? Les mots de Straw trouvaient leur écho en Nox, mais lui n’entendrait pas de réponse, si ce n’est confusément peut être le cours de ses pensées. Tout comme la nuit, ses paroles s’estompaient. Cependant, il devait savoir, comme il la serrait dans ses bras, toutes les paroles muettes et indicibles. Pour elle aussi, cette aube était la plus difficile qu’elle n’aurait jamais vécu. Et si pour la demoiselle la Nuit avait toujours été salvatrice, sa libération, désormais, ce serait différent. Parce qu’il resterait ce souvenir, qui donnait à la pénombre une dimension nouvelle. A compter de ce jour, elle se sentirait plus entière le soleil couché, Nox brulant quelque part au fond de son être. La Nuit serait plus intense qu’elle ne l’aurait jamais été.

Elle aurait voulu demeurer dans ses bras… Elle aurait pu ne jamais se défaire. Mais elle savait, que cela était impossible, et était consciente de l’effort que lui avait demandé cet acte, la fin de leur contact. Encore malgré tout, ils se regardaient. Parce qu’ils ne pouvaient pas ne pas le faire, parce que ce regard leur était encore trop essentiel. Blood était calme, pleine de paix et de sérénité… Mais au fond de Nox, il y avait une violente passion, une force qui était née en cette Nuit. Et comme sa voix s’était déjà abolie, elle ne répondit pas aux dernières paroles du jeune homme. Mais cette fois ci, les réponses, bien que multiples, en son esprit furent distinctes. « Toi aussi.. » « Je t’attendrai aussi. » « Nous nous reverrons »… « Nous nous reverrons. » . C’est avec cette pensée, plus forte encore que toutes les autres, que Nox souleva doucement le bras, la main, tendis les doigts pour caresser le visage de Straw. Dans ce geste, elle mit toute la force de ce qu’elle ressentait, toute sa tendresse. Cet effleurement, si doux, si succinct, et pourtant si intense. Et comme il laissait son feu améthyste couler en elle, elle y mêla sa nuit sombre, laissant elle aussi son empreinte, son cosmos, une partie de son être auprès de lui. Ils n’oublieraient pas.

Puis l’effort. L’effort de retirer sa main et de ne plus chercher à nouveau à le toucher. Pas cette Nuit. Une autre peut être. Elle ferma les yeux dans ce même instant. Il y avait désormais trop de lumière pour que son regard subsiste. Le moment était venu…. Même si il y avait encore ce mouvement terrible à accomplir, même s’il lui restait à tourner les talons pour disparaitre. Comme elle était apparue, fantôme de blancheur face à l’esclave, au coin de cette petite rue de Rome, elle devait disparaitre à ce même coin dans cette sombre ruelle. Et il regarderait son dos, mais il ne s’avancerait plus. Il n’essaierait pas non plus de la suivre. Le jour n’était pas son règne.

Nox s’évanouit avec le premier rayon du soleil.