* * *

Les mains jointes, je priais les étoiles de m’accorder leur protection dans la difficile tâche que la Déesse me confia en mettant sur ma route l’Armure d’Or que je portais maintenant. Celle à l’effigie du beau et ambigüe Ganymède, qui comme moi, était aussi prompt à aimer qu’à haïr, vivant ses sentiments avec plénitude. Dans le ciel, les étoiles de la constellation du Verseau scintillèrent lentement, comme pour répondre à mes interrogations et me rassurer quand à l’avenir pourtant sombre qui se profilait de plus en plus à l’horizon. Il faut dire que la conversation avec Sokaris de la Balance m’avait retournée : un Grand Pope presque inexistant, des Chevaliers d’Or qui mourraient et disparaissaient, les Titans, les Spectres, les Soldats d’Arès, l’alliance fragile avec les Ases… Nous étions très loin de la simple dualité avec les Marinas de Poséidon dont parlait son vieux maître. Ou bien peut-être tout simplement n’était-il plus aussi clairvoyant qu’auparavant ?

Hannon en doutait et misait plus sur un habile jeu de la part du vieil homme pour ne pas fragiliser la volonté de glace de son élève dont les motivations quelque peu ténébreuses pouvaient à tout moment le faire basculer dans l’obscurité éternelle. Ne pensant alors n’avoir qu’un seul adversaire, Hannon s’était adouci et avait fait ses premiers pas au Sanctuaire… pour y découvrir une situation plus dramatique que jamais dans l’histoire des Saints d’Athéna. Du moins, par rapport aux récits de l’âge d’or du vieux maître, oui, c’était catastrophique. Dans un tel contexte, comme celui-ci avait eu le même maître qu’Hannon, il comprenait que le solitaire Narcisse s’était lui-même mit en tête d’apporter aux jeunes chevaliers ses connaissances pour que perdure la volonté des fiers Chevaliers d’antan. Mais cela était-ce suffisant ?

Il inspira profondément, le dos bien droit, assit au milieu du Colysée où s’entraînaient les Chevaliers d’Argents et de Bronzes. Il s’habituait peu à peu au fait de porter l’Armure d’Or et devait bien avouer que c’était aussi lourd que le lui avait prédit Zénon. Grâce au cosmos il pouvait porter l’armure mais bouger avec était difficile et il s’y habituait tant bien que mal d’heures en heures. Il était tard, le silence régnait sur les lieux… L’ambiance parfaite pour lui, et pour ainsi s’entrainer du mieux qu’il le pouvait à bouger avec tout cet or sur le dos… Mais tandis qu’il se relevait, des bruits de pas retentirent en haut des marches du Colysée : qui venait donc troubler la quiétude de ce lieu à une heure si tardive ?

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* * *

Derrière une mèche de cheveux bleutée, les yeux verrons du Chevalier d’Or scrutèrent ceux de l’inconnu. Il y trouva les traces d’une colère immédiate et brûlante. Qu’est-ce qui était à la base de celle-ci ? Hannon l’ignorait et ne désirait pas spécialement le savoir, car pour l’heure il avait ses propres interrogations en tête et ne désirait pas se lancer à tailler le bout de gras avec le premier venu. Mais dans les faits et en vertu de son statut, renvoyer sèchement cet homme aurait été malvenu et irrespectueux de son statut de membre du Sanctuaire sacré. Aussi répondit-il avec une certaine douceur, mais distance, à celui qui se nommait Shaokan, Chevalier de Bronze du Dragon et chef des… Mythiques - ce qui ne renseignait en rien Hannon sur ce qu’était ce groupe -.

« Je ne suis pas un pédagogue, et je ne recherche en ce lieu que sa quiétude en cette heure tardive, Shaokan du Dragon. Tu peux m’appeler Hannon, Chevalier d’Or du Verseau comme tu l’as souligné. » Il croisa les bras et releva légèrement la tête. « Tu sembles en proie à la confusion intérieure, ton aura est très perturbée. Et comme je ne suis pas un bon pédagogue, pourquoi ne pas profiter de ce lieu pour extraire de ton esprit toute trace de colère de la plus expéditive des manières ? Celle-ci ne sied guère à la Déesse et à ses disciples. Nous ne sommes pas des brutes d’Arès : nous sommes des Chevaliers saints. »

Hannon allait vite en besogne mais il était ainsi, et risquait peut être de troubler certains acquis concernant le comportement des Chevaliers du Verseau qui foulèrent la terre du Sanctuaire. Un pas en arrière, son profil présenté, il leva une main vers Shaokan, l’invitant à le rejoindre pour cette danse qu’il souhaitait engager à la lumière des étoiles. Cela lui ferait du bien et l’habituerait plus vite encore au fait de porter son armure. Et s’il proposait une solution aussi expéditive à cet inconnu, c’était aussi parce qu’il avait en sainte horreur les comportements violents - et par expansion, voir un cosmos aussi agité que le sien lui faisait le même effet -.

« J’ignore ce que sont les « Mythiques » mais si son chef voulait bien se donner la peine de se reprendre par un peu d’entrainement, cela me permettrait de voir si l’enseignement que j’ai subi en prévision de ce jour aura réellement porté ses fruits. »

Ce n’était même pas une invitation : c’était presque un ordre. Mais quand il s’agissait de percer les gens à jour, Hannon était assez fort, et il savait dors et déjà que le Chevalier du Dragon ne refuserait pas cette invitation pleine d’une douce torpeur à vous donner envie d’y répondre positivement. Et puis, si au passage cela lui permettait d’évacuer et de se remettre sur le droit chemin, tant mieux… Mais honnêtement Hannon se fichait un peu de la manière pourvu que le résultat soit là !

« Alors beau guerrier ? Qu’en penses-tu ? » Chantonna-t-il d’un ton guilleret et moqueur, l’histoire de titiller son égo et de le pousser un peu plus vers lui. Et oui, quand Hannon veut quelque chose, il se donne les moyens de l’obtenir, et comme là il veut un combat pour s’entrainer, il aura un combat pour s’entrainer, point.

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Hannon haussa un sourcil étonné, feint bien entendu car il jouait la comédie pour amener ce jeune chevalier d’orient à se recentrer sur l’essentiel de lui-même pour l’affronter. Il savait cependant plus de choses que ne semblait le croire Shaokan sur sa propre Armure, nonobstant le fait qu’il avait été à bonne école avec Zénon. Et le sentiment de colère lui-même, était une chose bien connue du Chevalier d’Or à la chevelure bleutée. Hannon nota surtout que son interlocuteur avait donné un mauvais sens à ses paroles : la rage et la colère des Soldats d’Arès n’étaient en rien les mêmes que celles qui devaient étreinte le cœur des Chevaliers Saints. C’est pourquoi, la pseudo-surprise passée, le Verseau se contenta de sourire plus largement.

« Nous ne vivons pas de destruction, et la paix est notre seule passion. Peu importe le prix à payer, jamais nous ne détournerons de ce pacte-lié. Et si par mégarde nous devions nous en détourner, alors qu’Athéna nous châtie et que nous soyons exilés. » Devant l’air d’incompréhension de Shaokan, Hannon commenta ce qu’il venait de dire. « C’est une prière, celle des Chevaliers d’il y a presque quatre générations maintenant. La colère n’est pas notre ennemie, tant que nous la maîtrisons. Est-ce ton cas Chevalier de Bronze ? » Il se remit en garde, les jambes arquées, prêt à combattre. « Nous allons vite le savoir… »

Et ainsi naquit pour la première fois au sein du Sanctuaire l’aura de glace d’Hannon du Verseau.
Tout autour de lui, l’air frais devint glacé. Son aura explosa et devint même visible à l’œil nue : une aura dorée, comme celle de tous les Chevaliers d’Or de son ordre. Certaines étoiles brillèrent plus fort, et le jeune homme aux yeux verrons fît un premier pas en avant. Le froid s’intensifia encore. Un second pas, et la température baissa encore d’un cran. Et lorsqu’il effectua un troisième pas, fléchissant les jambes pour bondir malgré la distance qui le séparait de son adversaire, la température ambiante se rapprocha dangereusement de zéro.

« COLD STRIKE ! »

Hannon venait tout bonnement de disparaître aux yeux de son adversaire et de réapparaître devant lui pour lui porter un coup direct d’une rapidité étourdissante mais digne d’un Chevalier de son ordre. Le froid autour de Shaokan avait en effet servi à ralentir ses fonctions vitales et ses réflexes, pour le surprendre avec une attaque éclair vive et implacable. Et quand bien-même aurait-il esquivé cette attaque, le froid que dégageait Hannon à quelques centimètres de sa cible avait de quoi refroidir toutes les ardeurs, même les plus colériques…

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Le poing du Chevalier d’Or vint cueillir le Dragon alors que ce dernier tentait d’esquisser une tentative d’esquive un poil trop lente. Le froid était décidément l’arme la plus redoutable qui soit face à ce genre d’adversaire : empêtré dans son propre corps il ne pouvait s’échapper de cette aire glaciale qui entourait Hannon et était finalement destiné à recevoir ses coups sans pouvoir les arrêter. Tout ce qu’il pouvait faire, s’était se battre. Et à en croire le petit rire qu’eut l’homme à l’Armure de Bronze en se relevant après avoir volé de plusieurs mètres à travers le Colysée, Shaokan était loin de s’avouer vaincu. C’était d’autant plus intéressant pour Hannnon, car ainsi il pourrait observer la vaillance et la résistance de ceux qui étaient amené un jour à prendre la place des hommes en Or. Et pour l’heure le Verseau n’était pas insatisfait. Ce qui était déjà pas mal le connaissant.

Shaokan le compara à un ancien chevalier ayant résidé au Sanctuaire, Helios de son nom. Mais Hannon ne le connaissait pas et il ne put que plisser les yeux d’un air interrogatif face à la déclaration de son adversaire. Et puis, techniquement il n’était pas si vif que ça : il jouait du froid pour ralentir sa cible, mais conservait pour sa part une vitesse d’action « normale » pour un Gold Saint. Aussi lorsque Shaokan arma son bras et déchargea droit sur le Chevalier d’Or son attaque, celui-ci eut le temps de la voir venir. Relevant un bras en visière, Hannon fit quelques pas de côtés et…

« RING ! » Lança-t-il à Shaokan en le pointant de l’index.

La course du Chevalier de Bronze fût ralentit puis stoppée d’elle-même lorsque le Dragon comprit qu’il venait d’être possédé. Autour de ses bras flottait maintenant une étrange barrière glacée. Aucunement naturelle, cette entrave froide venait d’être créée par le Chevalier des glaces pour « museler » ce Dragon trop prompt à mordre. A quelques pas à peine de son adversaire réduit à le voir tourner autour de lui sans pouvoir se défendre, Hannon en profita pour lui glisser quelques mots.

« Merci de tes compliments Chevalier de Bronze mais ils me semblent peu adéquats : il est normal pour moi qui suis d’Or de te dépasser en compétences martiales. » Bien qu’il faillit lui dire, en tous points. « Je dois reconnaître que tu as bien encaissé ma première attaque. Mais il n’y a pas de communes mesures entre nos forces : ta colère ne saurait être plus forte que la mienne, froide et silencieuse. Allez, montres-moi ce que tu vaux vraiment, Shaokan du Dragon ! COLD STRIKE ! »

Hannon frappa de nouveau avec une puissance bien plus proche en termes de vitesse de ce dont il était capable sans armure. Et comme il n’était qu’à quelques pas de sa cible, inutile de vous faire un dessin…

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* * *

Hannon place ça main droite en visière, couvrant ses yeux pour ne pas trop souffrir de l’explosion de cosmos qui se déroulait devant lui et qui illuminait la nuit de milles feux. Que les étoiles ne soient pas trop jalouses, ce dragon-fou ne saurait atteindre la beauté de vos éclats. Je vais d’ailleurs l’arrêter avant qu’il ne soit prêt à attaquer. En le clouant en sol cet être de force et de colère ne saurait être capable de prendre son envol pour frapper ! Mais avant que le Chevalier du Verseau ne puisse esquisser un geste, Shaokan brisa la barrière de froid qui l’entourait. Hannon ne sentit très distinctement dans son aura, comme une déchirure au sein de son domaine : le Dragon venait de prendre son envol sous ses yeux, et l’imprudence qu’il avait eu de se croire apte à le maintenir en hibernation dans le froid glacial de son cosmos allait lui coûter cette passe d’arme !

« Alors c’est cela la fureur du Dragon ? » Commenta-t-il avec une certaine pointe d’admiration dans la voix.

Il était heureux d’avoir trouvé pareil adversaire pour tester ses capacités avec l’Armure d’Or sur les épaules, car au moins avait-il quelque challenge à le combattre même si, comme il l’avait souligné, un homme de sa trempe ne pouvait être qu’à peine inquiété par la force d’un Chevalier de Bronze. Ainsi, là où un mortel aurait vu un déluge de dragons d’une puissance et d’une rage incontrôlables, le Gold Saint voyait plus distinctement les rouages de l’attaque de son adversaire. Assez pour en saisir le sens, et entrevoir la faiblesse à son attaque. Une faiblesse qu’il comptait bien exploiter. Même si Shaokan s’était libéré de l’aura de froid pour déployer toute sa colère dans cette attaque, Hannon restait plus puissant que lui.

Les bras en croix, il arqua ses jambes et reçu de plein fouet le déluge d’énergie cosmique de son adversaire. Les dents serrées, il garda l’œil ouvert, attendant le véritable coup de poing de Shaokan. Gage de puissance, le Gold Saint recula presque d’un mètre dans l’arène ensablée, laissant derrière lui la trace de ses bottes dans le sol. Mais lorsqu’enfin le Chevalier du Dragon se rapprocha, l’homme aux yeux vairons vit enfin l’ouverture qu’il attendait pour passer à l’assaut ! Décroisant les bras, il prit une brusque accélération et passa sous la garde de son adversaire pour toucher du bout du doigt son plexus solaire. Puis il continua sa course et s’arrêta à quelques mètres de lui.

« Ton attaque était magnifique Chevalier de Bronze, ton maître t’a bien formé. » Hannon se tourna vers Shaokan, et tendit son index vers lui : une nouvelle barrière de glace entravait le guerrier venu d’orient. « Mais il te reste encore bien des choses à apprendre. Si ta puissance surpassait celle d’un Chevalier d’Argent, ta défense elle, laissait quelque peu à désirer. » Il prit une grande inspiration : mine de rien cet entrainement était épuisant et suivre la vitesse d’exécution de Shaokan n’était pas à la portée du premier venu. « Concentres-toi : ta colère peut également être une armure plus solide que n’importe quel matériaux si tu sais la manier correctement. Bien que contre moi, cela ne fasse pas grande différence… »

Les yeux clos, le Chevalier des glaces laissa son être s’ouvrir à l’univers. Il était proche d’atteindre le septième sens, et pouvait déjà tirer sa cosmo-énergie de celui-ci pour lancer l’attaque la plus classique mais aussi la plus dangereuse des Chevaliers du Verseau. Heureusement que son maître avait longtemps côtoyé un tel chevalier car ainsi il avait pu transmettre à Hannon tout ce qu’il y avait à savoir sur le sujet du froid, alors que lui-même n’était pas capable d’en produire, ancien porteur de l’Armure du Capricorne qu’il était. Rouvrant les yeux, son cosmos explosa puis se concentra dans son poing droit… !

« DIAMOND DUST ! »

Le froid devint glace. La glace devint tempête sous l’impulsion du coup du Verseau. Et cette glace, en des milliers de cristaux traversa l’espace qui séparait les deux hommes pour venir frapper Shaokan et faire baisser la température de son corps de manière significative, en plus de le blesser de toutes parts ! Après une telle attaque, il n’aurait plus d’autres choix que d’abandonner la lutte au risque de blesser ses muscles. Hannon aurait pu lui dire d’abandonner avant cela, mais il avait senti quelque chose s’éveiller chez le jeune chevalier devant lui. Qui sait, peut être le Dragon allait-il se libérer de ses chaînes maintenant et démontrer à l’homme de Carthage que la rage la plus intense pouvait aussi faire la différence par rapport à la froide colère ?

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L’arrogance peut être une force quand celle-ci est justifiée. L’est-elle ici ? Pas vraiment. Shaokan était peut être rapide mais il n’en restait pas moins loin d’égaler la puissance d’un Gold Saint. Force était de constater la vision de ses blessures alors que lui-même ne portait aucun stigmate attestant qu’il ait été touché par une attaque du Dragon. Et pourtant Hannon s’épuisait de plus en plus, car c’était pour lui la première fois où il portait l’Armure d’Or pour combattre. Il n’était certes pas mécontent du résultat mais il ne pouvait que saluer cette rencontre salvatrice car en combat réel, s’il n’avait pas été entrainé auparavant à porter l’Armure il aurait couru au massacre. Grâce à Shaokan il pouvait donc entrevoir les exercices et efforts qu’il devrait faire pour être apte à combattre avec l’Armure d’Or. Quand à ce dernier ce combat semblait aussi lui apporter des choses, même si celles-ci restaient insondables à Hannon.

Quel besoin avait-il de ricaner en de pareilles circonstances ? Souhait-il réellement voir s’abattre sur lui la puissance d’un Verseau et finir en simple statue de glace ? Apparemment oui. Mais Hannon n’avait aucune envie de l’enfermer dans un cercueil de glace : il avait mieux à lui proposer, à lui qui semblait si fier de tenir la distance face à un Chevalier d’Or - ce qui en soit était remarquable -. Les yeux clos, il laissa le cosmos s’immiscer en lui et l’univers lui ouvrir ses portes. Sa puissance monta d’un cran et avec elle, sa compréhension de ce qui l’entourait. C’est pour cela que, même les yeux clos, il n’eut aucun mal à « voir » l’attaque de Shaokan qu’il évita avec légèreté. Les dragons fondirent tout autour de lui, et ceux que sa vitesse ne lui permettait pas d’esquiver furent parés du revers de la main et allèrent se perdre dans les cieux ou ailleurs dans le Colysée. Plusieurs émanations de cosmos explosèrent au contact du sol et soulevèrent des nuages de poussière de-ci de-là. Mais Hannon s’en sortit s’en une égratignure, en apparence. En réalité arrêter les coups à mains nues était quelque peu douloureux mais la douleur qu’il ressentait était liée à sa cosmo-énergie perturbée plutôt qu’à de réelles blessures physiques. Lorsque l’accalmie revint, Shaokan put constater que le Gold Saint était toujours à la même place.

« Alors je n’ai nullement besoin de courir si tu peux me voir arriver où que j’aille. » Dit-il en souriant, la tête penchée sur le côté. « Cela va m’économiser une dépense d’énergie inutile. »

Rouvrant les yeux, il fixa le Chevalier de Bronze de ses prunelles de couleurs différentes et continua pendant quelques instants la discussion qu’ils avaient engagée. Ce n’était guère subtil mais cela lui permettait de préparer en douceur son corps à s’ouvrir au septième sens pour la seconde fois, et sous l’égide de l’Armure d’Or.

« Qu’est-ce que la vitesse si tu n’es capable de t’en servir correctement Chevalier du Dragon ? Regardes dans quel état te met ta capacité de déceler mes attaques : cela t’offre-t-il une protection supplémentaire face à elles ? » Hannon détailla le pauvre diable ensanglanté par la poussière de diamants, qui à première vue n’avait pas encore le niveau pour arrêter une telle attaque. « Tu devrais peut être arrêter là ce combat. » Dit-il en croisant les bras sur son torse. « Ta colère n’est pas la mienne, elle te consumera autant qu’elle ne ravagera le corps de tes ennemis. Peut-être suis-je en effet apte à te montrer jusqu’à quel point ce sentiment peut être puissant et salvateur, mais je ne suis pas certain que tu sois capable de le maîtriser. »

« Je te prédis ta propre perte, à l’instant où tu t’ouvriras toi aussi au septième sens Shaokan du Dragon. Seras-tu pour autant capable de stopper la colère en toi pour ne pas risquer de t’automutiler inutilement ? » Décroisant les bras, le Chevalier d’Or tendit sa main droite, index tendu, vers le ciel cette fois. « Je ne le crois pas. »

L’aura du Verseau se matérialisa, visible à l’œil nue, sous le regard de son adversaire. Le septième sens… L’univers et sa puissance à portée de main. De l’index tendu vers le ciel explosa une quantité incroyable de cosmo-énergie qui fila telle une flèche d’or du Sagittaire vers les étoiles. Et certaines en particulier répondirent à son appel : brillant de mille feux, les étoiles composant la constellation du Verseau réagirent à l’appel d’Hannon. L’air autour de lui devint plus froid encore, jusqu’à ce qu’une étrange lueur ne parvienne des cieux… Un visage d’une beauté extrême était apparu : Ganymède le magnifique. Et ce visage versa sur le monde ses larmes…

Hannon laissa son bras retomber et avec une arrogance au moins aussi visible que celle de son adversaire, tendit la main vers lui.

« GANYMEDE TEARS ! » Annonça-t-il en claquant des doigts.

Aussitôt, et sur la zone unique de l’arène dans laquelle ils se trouvaient tous deux, les larmes des cieux se matérialisèrent, et à cause du froid de l’aura d’Hannon, devinrent une multitude de lances de glace qui recouvrirent bientôt toute la surface du Colysée sans égard aucun pour ce monument ancien. Est-ce que sa vitesse pouvait lui permette de les esquiver, ces larmes divines ? Non, assurément, et c’était pour le lui montrer et lui prouver que malgré ce qu’il semblait penser il n’était pas encore à la hauteur de cette colère, qu’il avait déclenché cette terrible attaque. Mais il savait aussi, que cela n’arrêterait pas sa flamboyante énergie de lui insuffler l’envie de combattre : d’où sa prédiction. Le Dragon allait souffrir de sa propre colère et disparaître, vaincu par son propre sentiment trop fort pour lui-même. Au moins comprendrait-il qu’ils n’étaient pas faits du même bois… pour le moment.

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Mais c’est qu’il est tenace le bougre ! Qu’à cela ne tienne, je ne peux que lui rendre honneur en l’affrontant dignement jusqu’à ce qu’enfin son cœur trouve la paix en cette soirée de tourmente où sa route avait croisée celle d’Hannon du Verseau. Et si cela le menait aux portes de la mort, au moins aurait-il l’occasion de prendre toute la mesure de son emportement irréfléchi. Et quand il s’agissait de calmer les ardeurs le nouveau Gold Saint du Sanctuaire se faisait un devoir de ne pas agir dans la demi-mesure : toute menace « pouvait » être éradiquée à la manière forte, puisque trop souvent le discours ne suffisait à tempérer ces ardeurs.

Ce fût donc avec un certain recul qu’Hannon s’extasia devant sa propre attaque et la puissance qu’il avait été capable de mettre dans cette attaque, en usant du pouvoir de l’Armure d’Or et de sa propre force, alliée à l’énergie de l’univers. Pour une première fois, il y avait de quoi applaudir ! Qu’il use de ce pouvoir contre un Bronze Saint, aussi combatif et résistant soit-il, prêtait moins à de quelconques applaudissements cependant… Mais n’avait-il lui-même pas refusé ses propositions d’arrêter là cet « entrainement » que lui-même considérait comme à sens unique ? Shaokan était simplement une cible mobile et réactive, et en l’affrontant Hannon voyait là le premier entrainement obligatoire avant d’autres qui suivront et qui le prépareront à affronter de « véritables » ennemis du Sanctuaire d’Athéna.

Mais finalement le Chevalier du Dragon semblait réellement tirer des enseignements, même inconscient, de cette bataille perdue d’avance où il se révélait d’une puissance assez intéressante pour tiquer dessus. Certes c’était la première fois qu’Hannon revêtait son Armure d’Or mais il restait un Gold Saint. Et pourtant cet oriental lui tenait tête, ou du moins ne s’était pas effondré malgré l’expression de la plus magnifique puissance qu’il puisse à l’heure actuelle développée face à ses adversaires. En effet, le Verseau se voyait mal aller au-delà d’une puissance supérieure aux Larmes de Ganymède. Et voilà que son adversaire se relevait une nouvelle fois, expulsant de son corps les lances de glace qui venaient de le transpercer, à tel point que le Verseau avait faillit s’avancer et se porter à son chevet pour constater de sa survie. S’il l’avait fait une minute plus tôt il aurait reçu de plein fouet ses propres lances glaciales… Les bras croisés, il ne chercha pas à bouger outre mesure pour esquiver la nouvelle et peut-être dernière attaque de Shaokan.

« Paradoxalement… » Lança-t-il assez fort pour couvrir la distance qui le séparait de son adversaire. « … Tant que tu ne maîtriseras pas le septième sens tu n’auras pas la possibilité de m’affronter avec une quelconque chance de me vaincre. »

Car Hannon n’avait en aucun cas coupé son lien avec l’univers. Et pour lui les dragons là, ressemblaient à de simples vipères s’agitant nerveusement pour mordre, acculées face à un ennemi invisible et bien puissant qu’elles : le froid. Et même si la vague d’énergie cosmique nécessita encore une fois qu’il la pare plusieurs fois de ses avant-bras, provoquant de nouvelles blessures musculaires qui lui promettaient quelques jours de repos, la majeure partie de l’attaque de son adversaire se perdit autour de lui… Inspirant profondément, le Chevalier à l’aura glaciale jaugea Shaokan du regard.

« La confiance en soi c’est bien… Mais n’oublie pas une chose, Chevalier du Dragon. » Hannon disparut de son champ de vision et réapparu à un souffle de lui, si proche que d’un simple mouvement de la tête il aurait pu toucher son front du sien. « Athéna n’a que faire des suicidaires : nous ne battons pas pour mourir mais pour protéger ce qui doit l’être. Un jour, tu devras apprendre à renoncer, pour pouvoir te battre à nouveau demain. Le sacrifice ne doit pas se faire en ton nom, mais en celui de notre idéal à nous, Chevaliers de l’espoir. » Il lui sourit, recula brusquement d’un pas en se baissant et en armant son poing droit et d’un cri, lança son attaque. « COLD STRIKE ! »

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* * *

Ah le fanatisme individuel… Qu’est-ce que je déteste ça, pensa-t-il avec dédain et une certaine once de tristesse. Quel honneur y avait-il à mourir de cette façon pour Athéna ? Souhait-elle simplement voir ses Chevaliers tomber pour ses beaux yeux ? Ce n’était pas son point de vu, ni celui de celui qui l’avait formé. Et s’il avait dû nommer d’autres personnes dans le Sanctuaire partageant ce point de vu, il aurait nommé les trois élèves de Narcisse du Capricorne, continuant de poursuivre l’enseignement de Zénon et de la volonté des Chevaliers d’un temps plus ancien de se battre pour leur idéal avant toute chose. Parce qu’après-tout, où était cette déesse dont parlait Shaokan du Dragon ? Est-ce qu’elle les observait en cet instant à travers les étoiles ? Jugeait-il leurs actes et leurs choix ? Peut-être, mais cela ne l’empêchait pas de les laisser libre d’agir tels les humains qu’ils étaient. Et peut-être était-ce là une erreur qui se transmettait de génération en génération, de croire que leur bataille devait avant tout honorer un idéal commun au départ dicté par Athéna rappelons-le, mais c’était dans sa nature d’Homme que de faire des erreurs.

Ce que remarquait Hannon de ce fait, était que la vision des chevaliers du Sanctuaire variait beaucoup d’un individu à l’autre. Et cela, l’énervait… Les yeux clos, il laissa faire Shaokan, bien qu’il aurait pu l’arrêter avant qu’il n’amorce son attaque. Mais il tenait à le voir souffrir de sa propre colère, exactement comme le Chevalier du Verseau le lui avait annoncé. Lorsqu’il rouvrit les yeux, ses pieds quittaient le sol avec ceux du Dragon : une technique suicidaire que voilà, tout à l’image de la folie dont semblait être fier l’oriental.

« Je vois que tout en toi semble aller vers le sacrifice Chevalier de Bronze. C’est dommage, j’ai cru l’espace d’un instant que ton potentiel pourrait servir Athéna mieux que ça… Maintenant laisses-moi te dire une chose. » De ses bras entouré de cosmos, il se débattit et se libéra de l’emprise de son adversaire, repoussant sa cosmo-énergie à l’aide de la sienne. Libéré, Hannon tourna sur lui-même pour faire face à Shaokan.

« Ta technique aurait pu être intéressante, si tu n’avais pas omis un léger détail : je suis un Chevalier d’Or. » Voilà qui résumait assez bien la situation.

S’écartant de son adversaire d’un salto aussi aérien que gracieux, Hannon se concentra et dans l’air de nouveau glacé vers lequel il venait de monter avec Shaokan, forma une très légère glace sur laquelle son pied se posa délicatement avant de céder et de lui permettre de contrôler sa chute. C’est ainsi qu’avec une simplicité digne de sa puissance, le Chevalier du Verseau atterrit sur le sol de l’arène, sans une égratignure de plus. Par contre, il était fatigué, cela ne faisait aucun doute. Inspirant profondément, il fit battre sa cape blanche et fit demi-tour, alors que dans son dos, le Dragon s’écrasait au sol, seul. Lui par contre il avait dû avoir très mal…

Du haut des escaliers du Colysée, le Verseau se retourna après avoir ôté son casque et lui lança avec neutralité et sérieux.

« Un mestre viendra à toi très bientôt, Shaokan du Dragon. Merci pour cet entrainement, il aura été fort utile. Et pendant le temps que tu as à passer ici, réfléchis à mes paroles : défendre autrui pour un idéal de paix, et défendre autrui pour Athéna, dans le fond, n’est-ce pas la même chose ? »

Hannon tourna les talons et s’en alla. Et ce n’est qu’une fois hors du champ de vision d’un Chevalier du Dragon à terre mais potentiellement encore conscient qu’il se permit de baisser les bras et de souffler un grand coup. Cette armure est vraiment lourde ! Tout comme peut l’être la mentalité de certaines personnes. Mais comme il l’avait souligné avant de partir, ils se battaient pour la même chose, en des noms et des idéaux différents. N’était-ce pas la preuve qu’ils étaient sur la bonne voie, chacun à leur façon ? Oui, sans aucun doute, mais il ne pouvait pas s’empêcher de trouver énervant ce fanatisme stupide. C’était ainsi, et il était presque impossible de faire changer d’avis Hannon sur ce point. En attendant il avait dix maisons à remonter avant d’atteindre sa demeure et de s’y reposer… Paye ta vie de m…

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