Au Sanctuaire, 10 ans plus tôt. [Casshern, 18 ans, le lendemain de sa défaîte pour l'obtention de la Cloth de Persée]

L’échec semblait bien plus difficile à accepter que je ne l'avais imaginé. Pourtant sur le moment, je m'étais résigné à la défaite d'une simplicité qui me faisait désormais honte. Antares m'avait vaincu, et par conséquent la Cloth de Persée lui revenait. La gloire, la reconnaissance, l'armure d'argent bénie par la Déesse, ce n'était pourtant pas cela que j'avais perdu suite à cet affrontement mais quelque chose de bien plus important : Ma dignité. Mon adversaire me précédait en âge de quelques années mais sa puissance et la précision de ses frappes me dépassaient de loin. Face à cette épreuve, je n'avais fait que dévoiler ma résignation face à plus fort que moi en abandonnant. Je n'étais pas allé jusqu'au bout du combat lorsqu'il m'offrait le choix entre l'abandon ou une défaite honorable ou j'aurai pu libérer mes dernières forces peu importe le résultat. Non, tout ceci n'avait fait que mettre en évidence ma faiblesse d'âme... Je n'étais pas digne de rejoindre les rangs des Saints.

Alors pourquoi ? Pour quelle raison le destin s'était-il ainsi joué de moi, pour quelle raison ma simple vie de mortelle s'était élevée pour servir plus personnellement la sainte Déesse protectrice. Pour quelle raison depuis ma tendre enfance, l'on m'avait entraîné et poussé sans cesse à développer le pouvoir qui était mien. Malgré le cosmos qui m'habitait et la maîtrise que j'avais entretenu, j'en venais presque à regretter l'existence basique des habitants de ce monde. En fait, j'étais anéanti. Moi qui me croyais si fort, je m'étais surpris à briser mes propres illusions lorsque mon adversaire à la coiffe céruléenne m'avait poussé à bout, à la limite de mes compétences. Et je n'étais pas parvenu à les franchir, préférant me tourner vers mon passé, plus sécuritaire. J'étais bien faible, je ne méritais pas l'attention d'Athena et de toute manière ma démonstration de la veille m'avait sans aucun doute fait passer pour un couard devant les quelques spectateurs d'importance.

Ô Déesse, comment vous servir malgré ce déshonneur...

En réalité, j'avais bien une idée. Ou du moins, la manière la moins désagréable pour moi de fuir mes responsabilités en tant que chevalier divin. Renoncer à la majeure partie de mes pouvoirs pour parcourir le monde en tant qu'agent au service des Saints, apporter les informations et relever les événements mystiques qui déséquilibrent la terre des hommes. Un rôle offrant bien plus de liberté que finir comme un simple garde, et qui me permettrait sans doute de me rapprocher de l'humanité... Tracer une croix sur mon destin de puissance, c'était la seule chose qui s'imposait à mon esprit après la défaite que je venais d'essuyer. Alors je réfléchissais, seul, me rapprochant de l'entrée du sanctuaire ou je pouvais jeter un regard hésitant sur le paysage qui l'entourait. Un dilemme s'emparait de mon être.
Mais au fond, comment est-ce que je pouvais encore affirmer être maître de mon destin ?

En un instant la surprise venait me sortir de mes songes. C'était une agréable connaissance que je n'avais pas vu depuis un long moment qui m'interpellait. Bien que Sokaris me précédait de quelques années en âge, cela n'avait jamais été un frein à notre entente et je me réjouissais toujours autant de nos retrouvailles. Ses passages au sanctuaire semblaient de plus en plus rares maintenant qu'il suivait son maitre, Anathéma. Mais il fallait croire qu'il était rentré juste à temps pour assister à mon humiliation... Je me levais pour le saluer, bien que ma joie s'effaçait quelque peu à l'écoute de ses paroles. Le sujet était de toute manière inévitable et si quelqu'un pouvait m'aider à faire le point, c'était bien lui.

C'est vrai que tu as changé, je risque de faire pâle figure à côté de toi maintenant !

Je rigolais, même si en l’occurrence, je n'avais pas tout à fait tord. Je me doutais qu'au fond, Sokaris n'aurait pas lâché l'affaire comme je l'avais tristement fait à la fin de mon combat. Son regard sur moi devait être bien diffèrent d'autrefois...

Hé, tu m'as l'air toujours aussi optimiste qu'avant ! Mais ne t'avances pas trop vite cette fois ci par contre, car je crois vraiment que pour moi la quête pour l'obtention d'une cloth s'achève ici... Tu as vu mon combat n'est ce pas ? Et tu sais tout comme moi que les qualités premières que l'on demande à un Saint sont avant tout d'entretenir une volonté de fer et ne jamais douter de la voie que l'on s'est fixée.

Je me taisais. J'avais tout simplement prouvé après mon affrontement avec Antares que mes principes étaient vides de sens, j'avais abandonné sans prendre aucun recul et surtout, ma seule déception finale concernait l'opinion des autres. Même après la défaite, mes problèmes demeuraient ridicules. Je n'étais ni digne, ni acharné au point de retenter ma chance. Peut être que la vie inimaginable que la Déesse m'avait offerte n'était en réalité qu'une illusion dans mon existence, peut être que je n'étais tout simplement pas fait pour tout ça. Je jetais un regard en direction de mon ami pour essayer de lui faire comprendre que ce n'était peut être pas si important.

J'ai prouvé hier que je n'avais aucun de ses critères-ci pour le moment. Je pensais renoncer à rentrer dans l'ordre des Saints, me tourner vers quelque chose de plus... secondaires. Je dois y réfléchir...

En réalité, j'étais perdu. Mais la simple idée de me présenter comme candidat pour une nouvelle cloth me déprimait. Qu'en pensait Sokaris ?

Et à quoi bon ?

Bien que j'avais écouté tout ce qu'il disait jusqu'à la, je lui coupais la parole au moment ou il me relançait sur l'importance d'être un chevalier. Peut être que je n'avais pas encore digéré moi même mon retrait, mais en tout cas, je savais que tout ceci était irréversible. Même si je me morfondais peut être un peu trop depuis hier, les pensées qui stagnaient dans mon esprit me dégoûtaient, ou plutôt annihilaient en moi toute envie de m’éterniser au sanctuaire. Je ne désirais plus qu'une autre, rejoindre le monde qui m'avait vu naître et le découvrir d'une façon plus innocente. J'aspirai à une vie basique, et mes connaissances me permettaient de protéger mon entourage des nombreux dangers qui dégradaient le monde.

Désolé Sokaris mais... Je ne peux décidément pas me résoudre à me battre sans cesse pour protéger un idéal devenu imaginaire alors qu'un empire s'effondre sans que cela ne fasse sourciller la Déesse... Qui défendons-nous ? Ceux dont les familles sont ravagées par la guerre et qui finissent démembrés après les nombreux combats déclenchées par les invasions ? Si ma place est quelque part, elle n'est pas ici... Si c'est nécessaire, alors autant lutter contre un mal concret.

Sokaris était plus jeune, mais les disciples du sanctuaire étaient pour la plupart bien conscient des difficultés rencontrées et savaient faire preuve de maturité. Je ne retenais donc pas mes mots, d'autant plus que cela me libéraient d'un poids important, même si de telles paroles en présence d'un Saint pourrait être passible de punition.

Les gens sont de plus en plus distants envers les dieux du panthéon, le monde évolue et mène ses propres combats. Si Athena protégeait réellement cette terre alors pourquoi, pourquoi elle n'intervient pas ? En attendant, nous sommes voués à nous battre les uns contre les autres pour prétendre à des titres qui nous flatterons mais nous éloignerons sans cesse du monde dans lequel nous sommes nés. Tout ceci me dépasse de plus en plus Soka... Je ne sais plus vraiment vers quoi me tourner...

Oui si je le pouvais, je rejoindrai la foule dénuée de pouvoir pour leur apporter mon aide. Mais le lien qui m'unissait à l'ordre des Saints m’empêchait de me détacher entièrement du sanctuaire. Qu'est ce que je pouvais bien faire. Il me fallait plus de temps pour réfléchir, peut être que je pouvais poursuivre mon propre but sans pour autant tourner le dos à la Déesse. Je n'en savais trop rien, je fixais mon ami dans les yeux en espérant que ses paroles me recadrent, une chose que je n'aurai jamais du demander en tant qu’aîné. En temps normal, ça aurait encore du être mon rôle de le soutenir dans les moments difficiles. J'échouai dans un nouveau domaine. Peu à peu, je m'engageai dans une pente raide, et j'en étais conscient...