C’était une catastrophe. Sans savoir que cela était l’œuvre d’un géant, on aurait pu croire à un tremblement de terre, à l’acte de colère d’un Dieu. Tout autour d’eux n’était que mort et désolation. De « ville » la cité n’en avait plus que le nom. Les quelques mots du religieux Darius restait en mémoire du général de Chrysaor. Il était vrai que des années auparavant, alors fringuant porteur de son armure, loin d’avoir les cheveux blanc, Ajay avait ressentis avec force cette… espace. Une sensation que votre foi n’était pas la bonne ici, pas la bienvenue non plus.

Ce n’était plus qu’un espace vide dorénavant. Constat d’autant plus saisissant avec les destructions bien visible. Barindra observa son camarade effectué un signe de croix en une prière muette pour un des récents défunt. Le regard loin, le natif de Paliputra parlait à ses deux compagnons autant qu’à lui-même, exposant ses pensées au fur et à mesure.

-Si l’absence d’Apollon est responsable de ce massacre en règle, deux géants sont à soupçonner en premier. Les légendes nous indique que Mimas et Encelade ont été enfermé non loin d’ici. Le premier n’est rien de moins prisonnier du Vésuve. Ce serait le dieu forgeron qui l’aurait emprisonné sous des tonnes de métal en fusion. Si cette hypothèse est bonne, nous posséderons de précieux indice quand à un de ses points faibles.

Tout autour, le peuple meurtri ne leur prêtait que peu d‘attention. Trois hommes dans de larges capes et manteaux, surtout après l’attaque subit, cela ne leurs importait que de très loin. Ajay pour sa part laissait son regard trainé sur les alentours du village. Essayant de suivre l’axe de destruction, il cherchait le point d’entrée du géant et par-là la direction d’où il venait. S’il fallait arrêter et exterminer ce monstre et donc suivre sa trace, en apprendre le plus possible sur lui pouvait être la différence entre la vie et la mort. Les Dieux eux-mêmes n’avaient pus tuer tout leurs ennemis durant la gigantomachie. Ce n’étaient pas des adversaires à prendre à la légère.

Le général fit un long tour du village et revint avec quelques réponses, trop peu à son gout. Evoluant parmi les décombre, il évita les processions et amas de personne endeuillé pour allez trouver certaines plus à même de parler. Son choix se porta d’abord sur un ecclésiastique à la bure en miette et avec un bras recouvert de bandage. Malgré tout, il semblait avoir échappé au pire, probablement officiait-il dans un sanctuaire plus loin et n’avait reçus que des chutes d’objet. Malgré es yeux semblant vouloir sortir de son crâne, Ajay ne s’inquiéta pas outre mesure avant d’entendre ses propos.

-C’est la punition divine !! Dieu est venu nous châtier pour nos péchés ! Exterminer cette ville en guise d’exemple. Fi de Sodome ! Fi de Gomorrhe ! Nous devons aborder le reste de notre vie dans la religion de la bonté pour espérer ne pas trembler lors du jugement dernier !

Le porteur de la Chrysaor grimaça à l’écoute du religieux. Visiblement trop choqué pour apporter des détails précis, utile dans son délire mystique. Il s’en était même détourné quand le timbre de voix retentit de nouveau, arrêtant le général dans sa marche.

-Il nous a coupés de la lumière comme nous nous étions coupé de celle du Seigneur ! Il accoure au rythme des tambours du jugement et aucun homme, aucune cité, aucune armée ne peut se mettre sur son passage ! Paestum est tombé ! Rome le sera avec d’autant plus de force que ses péchés sont vil et innombrables !

Au vu de son délire purificateur, Ajay n’était pas étonné que le prêtre mentionne la capitale de l’empire romain d’Occident. Bien plus intéressant était l’image que ce dernier avait donné de l’attaque. Le « son des tambours », la « coupure du soleil »,… tout ceci était des indicateurs de tailles et de poids qui bien que restant vague, dessinait petit à petit le profil de l’ennemi à abattre. Barindra se retourna vers l’ecclésiastique qui regagnait de l’intérêt à ses yeux, malgré le tri à effectuer dans ses propos.

-Ce géant est-il réellement remontez vers Rome ? Vous dites que rien ne peut l’arrêter, qu’en savez-vous prêtre ?

Le dit prêtre attrapa le général par les épaules bien que ce dernier le dépassait de deux bonnes têtes. Des larmes emplissaient des yeux de vieillard tandis que la peur se dessinait dans ses traits ridés par les ans.

-Vous ne l’avez pas vu ! Vous ne connaissez pas le visage de la colère divine ! L’empereur va périr par ses péchés, son orgueil comme ses armées ne l’ont pas arrêté à Salerne ! Le seigneur vient purger ces terres bénies de notre faiblesse envers ces barbares crasseux !

La peur s’était mélangée à la haine au cours de sa réponse. Visiblement le géant avait fait son effet sur le pauvre homme et il prêchait avec d’autant plus de conversion. Voir même plus qu’il ne l’avait jamais fait. Pour autant, Ajay jugeait ses propos justes. Il ne savait que peu à propos de ces « barbares » ou encore des péchés de l’empereur romain actuel mais visiblement, une partie de son armée avait pu gouter à la terreur d’affronter un monstre mythologique. Le général revint vers le légat comme le marina, leurs livrant ses premières conclusions.

-Nous pouvons maintenant être sûrs que c’est bel-et-bien un géant à qui nous avons à faire. Les dégâts comme les témoignages concordent trop pour que cela ne soit que des rumeurs amplifié par les commérages. Selon les dires du prêtre, il s’agirait là d’une œuvre purificatrice du Dieu Unique. En laissant ces considérations de côtés, il est clair que c’est un être particulièrement puissant de part sa taille et son poids au moins. Rien que physiquement, cela relèvera du challenge que de l’abattre. Enfin, il semble remonter vers le Nord, Naples ? Rome ? Dans tout les cas, l’armée romaine a essayé de l’arrêter en vain près de Salerne. Je pense que là est notre prochaine destination. Un aperçu de l’armée vaincu sera édifiant quand à la puissance de notre ennemi. De plus, si mes suppositions sont bonnes, un tel charnier laissera une trace facile à suivre, surtout si ses pieds sont imbibés de sang.

Lorsqu’il se tue, des pleures résonnèrent non loin. Ajay les avaient écarté de son esprit jusqu’à maintenant mais ils revenaient avec d’autant plus de force. Si cela continuait ainsi, il faudrait arrêter cette ignominie au plus vite. Il était une tâche à la surface de la terre, un crachat au visage de Poséidon et de tous les dieux. Une insulte rien qu’à se promener librement.

Il est vrai que ce spectacle aurait pu le laisser sans voix. Tristesse et désolation. Si seulement il avait eu un cœur ou des larmes pour pleurer les morts. Mais Orpheus n'était pas ainsi. Ces hommes n'étaient rien moins que des pantins. Sous la coupe du dieu Apollon, ils n'étaient finalement pas parvenu à se sortir d'une situation qui de toute façon les dépassait. En un sens, ce religieux n'avait pas tout à fait tort : ce monstre avait été envoyé pour purger la terre. Et il venait de frapper une population qui vouait un culte au dieu unique. Coïncidence ? Peut-être mais la remarque n'en était pas moins fausse. De toute façon, seul Poseidon avait le mérite de ne pas tromper les hommes. Toujours considéré comme un dieu tyrannique et colérique, il avait au moins le mérite de ne pas tenter de se faire passer pour un autre. Le regard d'Orpheus resta un moment braqué sur le visage de ce religieux. Sans doute trop longtemps car celui-ci, malgré son prêche plein d'entrain, finit par se calmer en rencontrant l’œil unique du borgne.

L'abomination qui avait perpétré ces ignominies n'avait évidemment pas fait dans la dentelle et les informations qu'ils avaient déjà recueillis confirmaient la présence de ce géant. Contrairement aux deux Marinas qui l'escortaient sur cette mission, Orpheus ne pensait pas qu'il y avait un rapport avec le départ d'Apollon. Pas directement du moins. Car avant ce monstre qu'il traquait, il y avait tout de même eu une attaque massive de titan de par le monde. Trop de coïncidences aux yeux du Légat. Selon lui, il ne pouvait qu'y avoir un lien entre ces affaires. Restait à savoir quoi - ou qui par extension - était suffisamment puissant pour dépêcher pareille force sur la terre. Prendre un tel risque restait dangereux. Pour tous. Et ce géant profitait effectivement de l'absence d'Apollon pour perpétrer ses forfaits. Mais le lien entre eux s'arrêtait là.

Chacun avait donné son avis en tout cas et ce ne pouvait qu'être enrichissant pour la suite. Car leur périple ne pouvait se finir là. Bien au contraire. Pensif, Orpheus se demandait si Poseidon avait au moins une idée plus précise de ce qui se passait. Ou s'il comptait surtout sur cette expédition pour en apprendre plus. S'il s'agissait du second cas, alors il lui fallait réussir à tout prix. Surtout qu'il serait surprenant que les autres dieux n'envoient pas leur propre force enquêter là dessus. Apollon avait beau s'être brouillé avec Athéna, ils n'en restaient pas moins frère et sœur et profondément liés entre eux.

- Un véritable cataclysme que voilà. Mais je doute qu'il existe un rapport entre Apollon et cette créature. A part qu'elle profite de son absence, évidemment. Je crains qu'il ne s'agisse encore d'une magie obscure. Et que ce géant soit lié de près ou de loin avec ceux qui ont libérés les titans du Tartare. Peut-être même que c'est directement l'un d'eux qui aurait fait ça. La raison m'échappe néanmoins.

Les larmoiement de plusieurs villageois coupèrent la parole au Légat qui s'en agaça. Non pas parce qu'ils pleuraient les défunts mais surtout parce que ce fameux prêtre revenait à la charge, mettant en garde les familles en deuil qu'il ne s'agissait que d'un commencement. Que la fin était proche et qu'il n'avait désormais qu'à se repentir pour espérer voir les portes du paradis s'ouvrir à eux et à leur famille. Cette fois, c'en était trop pour celui qui n'était que la voix d'un véritable dieu. Vif, il sortit de sous sa tunique sa flûte d'orichalque. L'éclat de cette dernière ne laissait aucun doute quant au fait qu'il s’agissait de l'arme originelle. Plaçant ses lèvres sur le bec, il se mit à jouer frénétiquement quelques notes. D'abord graves, elles virèrent rapidement aux aiguë à mesure qu'il enchaînait son air millénaire. La cible ? Le prêtre bien évidemment. Celui-ci semblait comme captivé par le chant de la sirène maléfique. Il n'était désormais plus le propriétaire réel de son corps. Sans dire un mot, alors que la mélopée continuait d'envahir l'espace aérien, l'homme se dirigea vers le puits du village, ce dernier étant à moitié détruit. Et sans la moindre hésitation, il se jeta dans celui-ci, s'écrasant en contrebas tandis que certains villageois accouraient, ne comprenant pas ce qui s'était passé.

Cessant de jouer maintenant qu'il aurait enfin la paix, Orpheus rangea son arme et reporta son attention sur les deux hommes face à lui. Qu'ils comprennent ou non son geste, il s'en moquait. Il n'avait pas à subir ce genre de prêche alors qu'il servait le Seigneur des Océans. Si encore il n'avait pas insisté. Sans doute qu'il aurait pu le rendre inoffensif mais le Légat ne s’embarrassait jamais avec ce genre de détails. Une sorte de mise en garde muette.

- Nous allons suivre sa trace et allez voir du côté de Salerne. Tu as raison Ajay, s'il y a vraiment affronté l'armée de l'Empire, alors nous serons non seulement en mesure de savoir vraiment à quoi il ressemble mais aussi d'évaluer sa force qui semble monstrueuse. Ce village n'est rien. Partons au plus vite. Darius ? Comment penses-tu que l'armée réagira face à ce monstre en se voyant impuissante ? je crains qu'ils ne nous mettent des bâtons dans les roues et qu'ils ne comprennent pas nos questions. Il faudra être prudent.

Ajay hocha la tête à l’écoute des dires de Darius. Cela convergeait avec sa propre conclusion. Petit à petit, témoignage après témoignage, le monstre se dessinait dans leurs esprits. Des heures plus tôt, le général avait suivi le conseil du religieux. Il était vrai que malgré des contingents « barbares », étrangers en grec, de plus en plus présent sur els territoires romains ou même dans l’armée, les natifs étaient très rétifs à leurs intégrations. Leurs propres élites ne restaient qu’entre elles d’où le pouvoir de plus en plus grand accordés à ces étrangers qui s’occupait du sale boulot. Ahay et sa peau aux reflets d’ambre portait clairement la marque de l’Inconnue. Il avait erré quelques temps examinant la population. Ici aussi la dévastation étaient visible bien que plus sonore que visible. Peu importe où portait ses pas, les cris des agonisants se faisaient entendre. L’odeur également vous frappait les narines avec force, vous obligeant à marchez le nez couvert d’un tissus pour en atténuer difficilement l’effet dans certains quartiers. En dehors de la cité, un charnier avait été creusé et se remplissait avec une vitesse ahurissante. Lorsque le soleil se coucha bien plus tard, un second était déjà ouvert comme une cicatrice à la surface de la terre.

Entre temps, le général avait donc choisis une des plus grosses tavernes de la ville. La peinture s’écaillait sur le linteau de bois mais l’on devinait encore le symbole d’une épée croisé à un marteau. Visiblement un lieu détenu ou à l’intention des forgerons ou tout du moins des artisans. Ajay l’avait choisis car ceux-ci était généralement plus terre-à-terre. Elevé dans la rigueur de leurs professions, ils faisaient souvent de précieux témoins. Non loin du feu, un colosse se tenait, penché sur sa choppe mais ne la touchait pas des lèvres. Elle était d’ailleurs remplis jusqu’au bord, la mousse s’évaporant devant son nez. Le Barindra s’assit à ses côtés, silencieux pendant un moment, laissant à sa cible le temps de s’acclimater à sa présence. Par la suite, une fois servis, il commença par des banalités. « Vous ne touchez pas à votre verre ? ». L’homme remonta vers lui des yeux vitreux non pas de l’alcool mais du chagrin.

Ajay identifia ses yeux immédiatement. Ils les avaient contemplés dans son miroir pendant huit longues années. Il sentit comme un couteau sur sa gorge, comme une enclume placé sur sa poitrine. En lui sonna une alarme, preuve du danger à se tenir si près du précipice du deuil. Le général avala difficilement sa salive, buvant légèrement pour se donner une meilleure constance. Enfin, chuchotant presque, exprima ses pensées.

-Je comprends, je suis désolé pour votre enfant.

L’homme releva légèrement le nez surpris et voyant la grimace de chagrin qui se dessinait sur le visage du Barindra, se laissa lui aussi allez, les larmes pointant sans discontinuer de ses yeux. Entre les pleures, il en vint à confesser que deux de ses fils faisaient partit de la garnison de la ville. Tout les deux morts au combat. Blessé, il avait erré sur le champ de bataille entre les morts et les blessés sans pourvoir poser les yeux sur les siens. Ce n’était finalement que quatre heure plus tard qu’un camarade à eux vint lui présenter ses condoléances, ramenant leurs armes brisés, forgé par leurs propres pères. Il ne restait quasiment plus rien des glaives posés sur les genoux de l’endeuillé. Brisé nette pour l’une, en plusieurs morceaux pour l’autre, on avait l’impression de vivre la violence qu’elles avaient endurés sous vos yeux.

Entouré du Légat et de Darius, Ajay prit la parole après ce dernier. Il avait recueilli de nombreux témoignage après le forgeron qui s’était remis avec une joie morbide à fixer son verre toujours plein. Se présentant comme un mercenaire perse, les gens l’avaient regardé effaré et effrayé. Effectuant des signes de croix sur eux-mêmes comme pour se protéger de devenir aussi fou qu’un homme voulant s’engager dans l’armée après un tel massacre. Malgré ça, nombreux furent ceux à lui décrire l’arrivée du géant sur les insectes pourpre qu’étaient l’armée romaine.

-Son pas est lent mais il semble posséder un sprint particulièrement redoutable d’après mes témoignages. Il aurait tout simplement traversé les soldats comme l’on traverse un champ de fleur, les éparpillant partout du simple mouvement de ses pieds. Une doyenne de la cité m’a également confié cette aura de mort qui l’entourait. Bien que cela doit être une manifestation de son cosmos, je ne pense pas qu’il n’ais même pensé à l’utiliser. La rumeur veut que ça soit Lucifer lui-même qui est envoyé ce fléau depuis les enfers pour montrer à tous l’absence de leur Dieu. Nous sommes loin de l’image du géant simple d’esprit qui dévaste tout là où on le pose. Sa monté vers le nord, laisse facilement supposer un but final à tout ça. Tout laisse à penser qu’il y a bien plus en jeu que ce qu’on nous laisse voir. Je crois que c’est encore cela le plus terrifiant.

Cette impression de naviguer dans le brouillard était des plus déplaisants. Ajay n’avais jamais apprécié ce genre de navigation, chaque vague, chaque rocher était traitre. Dans la brume rien ni personne ne peut venir vous aider. C’était typiquement la situation où ils semblaient être.

La fatigue se faisait ressentir pour le Légat. Pas physique mais réellement morale. Entendre ça et là que ce géant était une manifestation du dieu unique ou de son opposé commençait à l'agacer. Mais plus que tout, c'était aussi le comportement de ses hommes qu'il ne comprenait pas. Eux qui servaient le seigneur Poseidon, ils semblaient parfois jouer le jeu du dieu unique avec trop de passion. Pour le moment, il préférait ne pas faire monter plus encore la pression et écoutait donc les renseignements qu'ils avaient récoltés. Ils s'étaient bien débrouillés par ailleurs et personne n'avait pu suspecter leur réelle intention. L'empereur des Mers semblait avoir eu raison de vouloir envoyer une délégation au devant de ce géant. Car les choses s'envenimaient peu à peu.

Qui pouvait donc profiter d'une telle pagaille ? Car là était la véritable question. Ce géant, comme ces titans, n'était pas sorti sans raison. La puissance qui était parvenue à le libérer de sa prison n'était pas dérisoire et il fallait comprendre quel était le but d'une telle manifestation. Ses propres recherches lui avaient permis de vérifier les éléments qu'ils avaient déjà recueillis. Même si pour sa part, il n'avait pas eu la patience dont ses hommes avaient fait preuve. A l'image de Poseidon, Orpheus souhaitait aller droit au but et n'aspirait qu'à en savoir plus très rapidement.

Et qui d'autres que les stratèges de la Légion pour en apprendre plus. Capturer l'un d'eux n'avait pas été difficile. Pas avec la flûte enchanteresse que possédait le Légat. L'homme d'âge mûr avait suivi le son comme l'âne suivait la carotte, ne pouvant à aucun moment cesser sa course vers celui qui en était l'origine. Orpheus s'était dépossédé de sa tunique d'emprunt pour enfin laisser à l'air libre sa scale d'origine. Le stratège, un Général de la Légion, s'arrêta alors devant le Légat sans prêter attention à sa tenue. L'effet hypnotique de sa musique se dissiperait sous peu mais en attendant, il pouvait en profiter pour avoir réponse à ses questions. Si sa mélopée permettait d'obtenir satisfaction auprès des esprits faibles, elle n'empêchait aucunement à l'homme d’être conscient de ce qu'il dirait.

- Je suis le représentant de celui que vous nommez Neptune. La Légion Romaine a été confronté à une créature qui dépasse de loin vos simples compétences. J’aie besoin de savoir la direction qu'elle prenait et l'étendue des dommages. Parle, Romain.

Et il parla. Si ses explications étaient encore un peu confuses, sans doute liées au traumatisme de cet interrogatoire et de l'attaque du géant, Orpheus obtint toutefois quelques informations satisfaisantes. Et alors qu'il allait relâcher son emprise sur cet homme dont il n'avait plus besoin, plusieurs légionnaires arrivèrent sur la place. D'abord surprit de voir l'un de leur généraux ici sans la moindre escorte, ils réagirent plus mal encore lorsqu'ils repèrent l'armure d'Orichalque. Puisque l'homme était encore hébété, ils prirent cela comme un acte d'agression. Une armure qui leur était étrangère, un homme qui semblait prendre en otage l'un des leurs, il n'en fallait pas plus à ces fous pour réagir. Ces humains étaient d'une stupidité sans pareille. Et ce maudit géant en était responsable en quelque sorte. Les gardes avaient déjà mit la main à l'épée lorsque Orpheus s'adressa à eux. Son œil unique ne laissait présager rien de bon pour ces malheureux. Car le Légat ne portait aucune compassion envers ceux qu'il jugeait. Sa mission était au dessus des lois des hommes et il ne répondait de ses actes que devant l'empereur des sept Mers en personne.

- Vous n'auriez jamais dû sortir l'épée du fourreau, légionnaire. Vous venez de vous condamner. Siren Song !

Ils n'eurent pas même le temps d'esquisser un geste. La mélodie paralysa chacun d'eux, laissant le Légat maître de ses mouvements pendant que ceux-ci ne pouvaient aucunement réagir. Au moment même où Orpheus lâcha sa flûte, les hommes tombèrent au sol, tous morts. L'effet de l'attaque avait simplement libéré une puissante décharge de cosmos dans leur cerveau, détruisant ces faibles humains de l'intérieur. Rien de bien difficile pour un homme qui savait maîtriser son cosmos. De toute façon, il avait enfin eu réponse à ses questions.

Ainsi, s'il avait écouté les rapports de ses deux subordonnés, il ne pouvait que faire un rapprochement avec ses propos infos.

- Les informations semblent concorder. Il pourrait se diriger vers Rome et ses alentours. Si sa destination reste encore inconnue, nous pouvons toujours remonter sa piste. Pas difficile quand je vois les dégâts qu'il occasionne partout où il passe. Sa taille n'est pas clairement définie néanmoins. La peur fait dire de biens étranges choses et ces soldats ne sont pas entraînés à affronter ce qu'ils ont vus. Pas étonnant que certaines descriptions se contredisent les unes des autres. Dépêchons nous de le trouver. Je crains que ces agissements n'attirent d'autres forces en ce lieu et on ne peut prendre ce risque.

Les ordres étaient clairs : remonter la piste et trouver ce maudit géant afin de lui mettre la main dessus. Ils n'avaient que trop traînés ici et Orpheus redoutait effectivement la finalité de ce plan. S'il se moquait de Rome, s'il se moquait des civils, il ne parvenait toujours pas à savoir la raison d'un tel déferlement de haine. Qui que ce soit, la personne qui tirait les ficelles dans l'ombre devait mourir au plus tôt. Et seul ce géant pouvait les conduire à lui. Du moins, telles étaient les espérances du Légat. Une nouvelle course effrénée débutait. Et à mesure qu'il se rapprochait de Rome, les dégâts étaient plus importants encore.