Son frère n'était pas encore revenu de sa course et ils se tenaient tout deux informés par télépathie. Il était important de rester en contact pour savoir où en étaient les recherches, même si l'un comme l'autre savaient que Augure avait disparu. Pour de bon. Théodora avait obtenu le droit de le pourchasser mais Morokeï avait comme un étrange pressentiment. L'expérience se trouvait du côté de l'ancien Oracle. Mais la jeune femme avait fait preuve d'une belle détermination et il fallait qu'elle assume ses propos. Ainsi était Poseidon. Et ainsi était Morokeï. Alors que les portes se refermaient dans son dos, la voix d'un Marina l'interpella.

Tournant son regard vers lui, il reconnut les traits du Marina de la Sterne. Arion, comme il s'était présenté lui-même lors de la réunion. Le fait de vouloir une leçon était une bonne chose en soi, cela démontrait son envie et son implication. Mais la situation actuelle méritait toute l'attention du Légat et pouvait-il réellement perdre du temps à former un Marina alors que l'heure était grave ? Sur le point de refuser, il se retint tout de même. Sa tâche était de former ces armées et de s'en faire obéir. Les rapports, c'était une chose. Mais ils ne renseignaient pas aussi bien que les faits. De toute façon, Krosis veillait au grain et il ne pouvait sortir lui même du sanctuaire pour le moment.

C'est pourquoi, après avoir prit quelques secondes pour lui, il finit par accepter. Essayant au passage de se remémorer quelques informations qu'il connaissait sur cet homme. Mais le lieu ne prêtait aucunement à ce genre de débats et c'est pourquoi ils devaient se décaler vers l'arrière-cour.

- Soit ! Je vais voir ce que je peux faire pour toi... Suis-moi, nous n'avons plus rien à faire ici.

Alors qu'il se tournait dans la direction opposée, faisant claquer les pans de sa cape sur son armure, il envoya à son frère l'image mentalement de l'endroit où il se rendait. Après tout, il ne tarderait pas à le rejoindre alors autant lui faciliter la tâche. Alors qu'ils arrivaient enfin sur place, Morokeï se détendit subitement. Il avait été quelque peu stressé lors de la réunion et pouvoir maintenant relâcher la pression lui faisait un bien fou. Son cosmos, pourtant réprimé jusque là, se répandit tout autour de lui sans restriction aucune, traversant les matériaux et les êtres vivants se trouvant autour de lui. Comme un sonar cherchant à localiser avec précision les éléments se trouvant autour de lui. Un étrange sourire apparut sur son visage alors qu'il reportait son attention sur le jeune Marina.

- Je crois savoir que ton maître est le Général Ajay, n'est-ce pas ? Ne serait-il pas le mieux placer pour t'enseigner quelque chose ? Je ne remets pas en cause ta soif d'apprendre, comprends moi bien, mais je m'interroge sur tes raisons. Tu apprendras bien vite que je ne me distingue pas par ma force physique. J'ai quelques talents particuliers, disons le franchement, qui me permettent de passer outre ce problème. Mais tous ne peuvent pas forcément comprendre ce processus. Alors je me répète... Pourquoi moi à la place de ton propre maître ?

déjà il modelait son cosmos autour de cet homme, cherchant une faille dans sa défense naturelle pour s'y engouffrer. L'art de la manipulation devait être subtile. Ne jamais se dévoiler. Et les dons de la Sirène Maléfique complétait remarquablement les siens.

Il avait eu réponse à ses questions, bien que certaines choses restent floues. On demandait son aide et il était prêt à la fournir si nécessaire. Poseidon le lui avait ordonné après tout. Quitter les lieux auraient été la chose la plus judicieuse à faire... Pourtant Morokeï restait planté là. Il observait et avait trouvé ce qu'il cherchait. Une faille. Un sourire apparut sur le visage de l'homme aux cheveux rouges. Et il projeta alors sa conscience contre celle du Marina de la Sterne. Trouver un chemin dans l'esprit d'un homme n'était pas dur lorsque l'on y était habitué. Faire sauter les défenses naturelles du corps devenait alors un jeu d'enfant. C'était le même principe que lorsque l'on désirait parler mentalement à un chevalier. D’ailleurs la voix du Légat résonnait déjà dans l'esprit de Arion. Il était "entré".

" Une autre manière de combattre que le simple échange de coups. Tu as donc frappé à la bonne porte, Arion. Car tu vas t'en rendre compte rapidement, tu es dès à présent mon prisonnier ! "

Comme en écho à ces propos, les deux esprits se matérialisèrent l'un en face de l'autre. Morokeï toujours aussi sûr de lui, Orion certainement surprit de la façon dont les choses se déroulaient. Un observateur extérieur ne pourrait voir qu'une chose : deux hommes se faisant face, sans échanger de paroles, sans bouger la moindre parcelle de leur corps. Mais dans l'esprit du jeune homme, le véritable entraînement allait débuter. Modeler un esprit pour obtenir ce que l'on veut n'était pas une chose facile. Un pouvoir que peu connaissait et que peu savait employer. Mais qui était de circonstance ici.

" Nous sommes dans ta tête, Marina. Et c'est ici que nous allons te former. Nous allons devoir plonger au plus profond de ton être. Tu dois comprendre que le corps n'est qu'un outil que ton esprit utilise à sa guise. Il n'existe que deux barrières : l'imagination et la volonté. Imagine un endroit, n'importe où, n'importe comment, qui nous permettrait de nous entrainer en toute sécurité. Modèle le avec ton esprit. Et si tu y parviens, nous serons alors en mesure de débuter l'entraînement. "

Il y a une chose qui n'était pas encore faisable pour Morokeï : créer de lui même ce terrain propice à l'entraînement. Et la raison en était évidente... Dans le cas présent, il n'avait pas soumis Orion à sa volonté, il s'était seulement invité dans son esprit, piégeant ce dernier dans son propre corps. Un peu comme il avait fait avec Orpheus, à l'exception que ce dernier avait été réellement privé de son autonomie, ce qui n'était pas le cas ici. Ainsi, il ne pouvait interagir avec son élève du jour autrement que par la pensée. Pour le moment du moins.

La plupart du temps, les personnes sous ce pouvoir pensaient à un lieu qu'ils avaient connus, un endroit familier, sécurisant. Un souvenir important, le genre de chose que Morokeï ne possédait pas en réalité. Nul besoin d'explications supplémentaires pour faire comprendre à Arion que seul lui était capable de créer au sein de son être. Il allait devoir organiser son univers afin de bénéficier d'un vrai échange avec le Légat. Les premières choses auxquelles il penserait se matérialiseraient ici même. Et sans doute comprendrait-il le fonctionnement rapidement.

" Une fois que tu auras créé ce monde particulier, tu essayeras de m'exclure de ton "jardin". Par la force ou par la pensée, ce sera à toi de décider. Mais ton but est simple ! "

- Cet endroit convient parfaitement. Une pure merveille en vérité...

Et il pensait chaque mot prononcé. Morokeï restait un homme profondément humain, d'une certaine manière. Et il ne se lassait pas de contempler les paysages d'une telle beauté. Même si la réalité voulait qu'ils ne soient pas réellement à cet endroit, l'imagination de Arion avait fait son travail et le rendu était proprement parfait. Ce monde que venait de constituer le jeune Marina serait un tremplin pour le Légat. Car si l'imagination n'avait finalement aucune limite, Morokeï savait tout de même comment interagir avec l'esprit d'un homme.

Prêt pour encaisser la suite, il se tournait désormais entièrement vers Arion, attendant que celui-ci agisse. Ainsi il souhaitait d'abord tenter la force. Un mince sourire apparut sur les lèvres du Légat alors qu'il se préparait mentalement à réagir. Arion avait apparemment oublié une donnée d'importance et la leçon débuterait avec cette erreur. Il fallait bien commencer avec quelque chose de toute façon et il n'y avait rien de surprenant à ce que la Sterne en arrive à cette conclusion. La plupart des chevaliers utilisaient la force pour se sortir de situations compromettantes. Il s'agissait d'un sorte de réflexe défensif. Mais ce n'était pas toujours la bonne solution. La facilité ne résoudrait rien aujourd'hui.

Le poing s'abattit sur lui sans qu'il ne fasse rien pour l'en empêcher. Alors que sa propre image disparaissait sous la puissance du coup, un ricanement se fit entendre derrière le jeune homme. Un ricanement qui trouva rapidement un écho tout autour de lui. Plusieurs silhouettes apparurent, toutes reprenant la forme du Général de la Sirène Maléfique. Sortant de l'eau, du sable, même de la voûte... Une bonne vingtaine de Morokeï venaient de se former. S'il ne s'agissait que du monde de son élève du moment, le Légat était tout de même parfaitement capable de modeler cette création lui aussi.

- Tu as eu le mérite d'essayer, Arion. Néanmoins tu dois comprendre que le combat mental n'est pas soumis aux mêmes règles que les autres. La simple force peut t'aider mais seulement pour conclure... Ici, tu vas devoir agir avec ceci !

L'ensemble des silhouettes pointèrent la tête de l'index. Puis l'un de ces clones se détacha du lot pour s'avancer de plusieurs pas. Il était également le seul à porter dans sa main droite sa fameuse flûte bénie de Poseidon. De toutes, cette apparition était le vrai Morokeï et Arion le comprendrait rapidement. Car déjà le Légat portait le bec de cette flute à ses lèvres, délivrant les premières notes. Peu à peu, les clones disparurent, se fondant de nouveau dans ce décor crée de toute pièce. Mais les notes ne faisaient pas que remettre de l'ordre. Car du côté de la plage, le sable se souleva pour laisser apparaître une silhouette humaine. Dans l'inconscience de la Sterne, Morokeï venait de saisir cette image en particulier. Une image qu'il associait à cet endroit.

L'homme qui venait d'apparaître possédait une longue chevelure rousse, attachée en queue de cheval. Le Marina du Goéland se tenait là, devant son élève, un bâton en main. Même s'il ne s'agissait que d'une illusion, la douleur mentale pouvait être plus dure encore que les coups physiques. Alors que les notes s'enchaînaient, renforçant le pouvoir du Légat et donc son emprise sur le mental de Arion, l'homme au bâton se rua en avant afin de corriger Arion. Sous le regard attentif de Morokeï qui cessa un instant de jouer.

Poussant sur ses jambes au moment de l'impact, Morokeï se mit hors de portée de l'attaque du jeune garçon. Il avait su rendre ce Laride inopérant et c'était déjà une belle avancée. Il venait de comprendre qu'il pouvait réellement interagir avec ce monde qu'il créait, qu'il pouvait donc s'en servir pour repousser l'agresseur. Lui, pour être précis. Alors qu'il se réceptionnait au sol avec grâce, il plaqua sa main droite sur ce sable, portant un regard étrange vers la Sterne. L'amusement se lisait clairement dans ses yeux jaunes : le Légat prenait plaisir à instruire ce jeune homme et il devait admettre que celui-ci se débrouillait bien pour une première.

- Voilà qui est mieux. Tu commences à saisir le principe de cette manipulation mentale. Pour ton corps comme pour ton esprit, je suis une intrusion. Une sorte de maladie, un germe qu'il faut éliminer pour que toi, porteur sain, tu redeviennes seul maître de tes actes. Plus tu parviendras à contrôler cette réalité, plus tu seras en mesure de gêner mes mouvements. Tout n'est qu'illusion, Arion ! Mais une illusion si réelle que tu pourrais mourir ici même si je le décidais.

C'est alors qu'un bruit assourdissant se fit entendre. Là, juste derrière Arion, deux colonnes de sable venaient de se former. Le vent venait de se mettre à souffler avec force et les deux petits ouragans semblaient maintenant se précipiter sur la Sterne. Il n'y avait aucune barrière dans un monde comme celui-ci. Seule l'imagination régissait cet endroit et Morokeï était un combattant spécialisé dans ce genre d'intrusion mentale. Les colonnes gagnèrent en rapidité et fusionnèrent ensemble, prenant au piège le jeune garçon qui semblait se trouver au coeur de cette tempête. Morokeï ne le voyait plus désormais.

Se relevant et poussant un petit soupir, il porta alors de nouveau le bec de sa flute à ses lèvres. Les notes jouées semblaient plus enjouées que les précédentes. Le Légat fermait les yeux pour se laisser transporter par cette musique. Malgré le bruit infernal, malgré ce sable en quantité qui devaient lui vriller les oreilles, Arion entendrait ce chant de la Sirène. Car nul humain ne pouvait se soustraire à la magie de cette armure. Toujours au coeur de la tourmente, Arion devait certainement réfléchir à une option pour se sortir de là. Bien plus dangereuse que l'apparition de Laride, celle-ci pourrait réellement l'emporter de vie à trépas s'il ne réagissait aps intelligemment.

C'est là que le visage de Morokeï apparut, se dessinant directement sur ce mur de sable en mouvement constant. Un visage horrible, géant, prêt à emporter le malheureux s'il baissait sa garde. Car sa bouche s'ouvrait peu à peu, déversant le sable dans le cœur encore préserver. Lorsque celle-ci serait complétement ouverte, l'intégralité du sable contenu par la tornade s’abattrait sur la Sterne. Il ne lui restait désormais qu'une poignée de secondes pour réagir. Sans quoi... Ce serait la fin pour lui. Il avait toutes les cartes en main...

Haussant les épaules, Morokeï lui répondit sans détours. Il n'avait aucune raison de taire la vérité et de toute façon, il restait dans son propre domaine de compétence. Pour mourir ici, il faudrait que cet homme soit capable d'atteindre sa psychés. Ce qui n'était pas possible. Seul un expert en était capable, pas un simple apprenti dans le domaine du contrôle mental.

- Oui, je pourrais mourir en effet. Le subconscient est plus dangereux que tu ne le crois. Si mon mental croit que j'aie été mortellement touché, alors mon corps en ressentira les effets. Tout comme tu ressens la douleur ici, alors même que ce n'est qu'un monde illusoire, inventé par toi. L'âme est plus complexe que tu ne peux le croire, Arion. Et se battre ici comporte toute sorte de risque que tu ne peux même pas encore envisager.

Et qu'il n'imaginerait certainement jamais. Ce qui, en un sens, n'était franchement pas plus mal. Chacun son domaine de compétence après tout et ce n'était pas la Sterne qui lui volerait dans les plumes, sans mauvais jeu de mots. Puissant, il l'était certainement. Ce ne serait pas suffisant pour perturber le Légat pour autant. Néanmoins, la relève s'avérait prometteuse et ce n'était pas plus mal. Puisque les anciens généraux s'étaient enfermés dans une pseudo facilité, il était heureux de pouvoir remplacer ces mollassons par de vrais soldats. Cet homme en faisait parti, sans contestation possible.

Observateur, il laissait la Sterne évoluer dans cette tempête, attentif à ses faits et gestes. Et il fut heureux de voir la solution trouvée par cet homme. Pouvoir s'envoler pour sortir de l'oeil du cyclone était certainement la chose la plus judicieuse à faire. Même si lui-même n'aurait pas agi ainsi. Chacun sa méthode toutefois, et la Sterne s'envolant dans les cieux avait quelque chose d’étrangement symbolique. Le sable retombait au sol tandis que la silhouette du jeune homme commençait à retomber sur le Légat. Un grand sourire apparut enfin sur le visage du Légat. Si cette attaque semblait d'une rapidité qui frôlait le surhumain, ils n'en restaient pas moins tout deux enfermés dans un monde de rêves. Un monde où, finalement, tout était permis.

Le Légat ne fit que lever le bras, paume de la main ouverte, alors que le pied de la Sterne lui arrivait dessus. Et juste avant l'impact, le monde s'écroula. Alors même que la Sterne allait percuter le Légat, ce dernier mit fin au jeu alors même qu'il n'était pas le créateur de cette illusion. Les deux hommes se retrouvèrent nez à nez, dans une salle sombre, debout face à face. Plus de sable, plus de mer, juste la noirceur.

- N'as-tu donc pas compris la leçon que j'aie essayé de t'enseigner, Marina de la Sterne ? Tu t'es sorti admirablement de la technique de sable... Mais ton attaque suivante prouve que tu ne vas pas au fond des choses. Je ne dis pas que tu ne m'aurais pas touché. Pourtant vois comme j'ai annulé ton monde illusoire, sans difficulté. Un monde dont tu étais le maître du jeu. Tes règles... Mais tu ne l'as pas saisi. Tu m'as laissé dicté tes consignes et tu as toi même joué mon jeu alors que c'était l'inverse que tu aurais du faire.

Il laissait quelques secondes à l'homme pour comprendre ce qu'il disait. L'entraînement n'était pas un échec, loin de là. Mais ce n'était pas pour autant une réussite. Un statu quo qui pouvait toutefois être satisfaisant. D'un claquement de doigt, le corps de Morokeï disparut. Et ils revinrent à la réalité, à l'endroit exact où avait débuté leur conversation. Morokeï sentit l'extrême fatigue de son vis à vis. Combattre ainsi était plus éprouvant qu'on ne saurait le croire.

- J'espère que tu as compris la leçon, Arion. Que ce soit un combat mental ou réel, tu te dois de fixer tes propres règles afin de ne jamais te faire dépasser. Tu avais une occasion unique de pouvoir me repousser. Mais tu as préféré te battre avec des moyens ordinaires. Il te faudra dépasser cela si tu désires t'améliorer. Pense-y, jeune Marina... Vas te reposer maintenant. Nous referons le point sur cet entraînement quand tu auras appris la leçon.

certes, il le congédiait un peu brusquement. Pourtant il restait fier de ce qu'avait accompli cet homme pour une première fois. Les prochains entraînements risquaient d'être autrement plus complexes, pour eux deux. Ce qui n'était pas un mal... Poseidon pouvait être heureux : ses soldats étaient puissants !


Fin du mentor, merci ^^