J’observais devant moi, la porte de mon temple venait de s’ouvrir. Sa présence avait pénétré la pièce, cette présence qui avait changé depuis quelques temps, ce n’était plus la même aura, et pourtant elle avait ce je ne sais quoi d’apaisant. Anitah venait d’entrer dans la maison du Verseau, ma jeune élève, la seule et unique, et je remerciais le ciel de n’en avoir qu’une comme elle. Elle se trouvait affublée de l’armure du Corbeau, une armure sombre contrastant nettement avec son teint écarlate d’une part, et avec la clarté de son aura d’une autre. J’étais étonné, j’avais prédit son ascension au rang de chevalier du Zodiaque depuis notre première rencontre, mais jamais je n’aurais parié sur une armure comme celle-ci. D’ailleurs, Corvus ne portait il pas lui-même ladite armure ? Cette question resterait sans doute en suspens, mais je notais de l’éclaircir plus tard, la disparition ou l’ascension de Corvus m’intéressait grandement.

Elle commença à parler, devinant ma présence. Depuis le début de notre relation de maître à élève, je n’avais pas perçu sa cécité comme un handicap, mais plutôt comme un atout, et je m’amusais toujours de la voir deviner ma présence alors que je n’avais fait aucuns bruits en m’approchant. Le froid me trahissait peut être, ou alors mon cosmos qui se dégageait de mon corps, en tout cas, ce détail me plaisait, elle se démarquait des autres, et j’allais rapidement avoir la preuve de son second atout : sa personnalité. La nouvelle combattante d’Athéna enleva son casque, j’étais prêt à répondre, mais ce fut sans compter sur ce qui allait suivre. Par chance, mes réflexes étaient assez bons, assez en tout cas pour réagir à temps et récupérer le casque qui se dirigeait à vive allure dans ma direction. J’avais espéré, je l’avoue. J’avais espéré que cette armure prène le dessus sur les mauvaises habitudes et le caractère bien trempé d’Anitah, mais je devais m’y résoudre, cette dernière ne changerait pas.

De toute évidence, elle m’en voulait de ne pas l’avoir prévenu pour son épreuve, ce qui pouvait paraître normal, mais c’était aussi évident que je ne pouvais pas l’aider sur ce point-là, mais bon. Le silence s’installa de nouveau, silence pendant lequel j’avançais lentement vers elle, le casque entre mes mains.

— Maintenant tu dois te reposer, les cernes sous tes yeux prouvent ta fatigue et le casque que j’ai dans les mains ne peut que confirmer mes dires...

Je posais le casque sur son ventre, attendant qu’elle ne le saisisse. Mon regard se posa sur ses yeux nacrés. Elle ne me voyait pas, mais je savais qu’elle devinait ma présence. Elle ne pouvait pas non plus voir le léger sourire qui s’affichait sur mon visage d’habitude impassible, j’avais de la fierté en cet instant, la fierté de voir cette tête de mule aboutir.

— Je suis fière de toi Anitah. Mais j’aimerais te poser deux questions…

Je lâchais finalement le casque et mon sourire disparut.

— Que penses-tu de cette armure ? Et que fait cet oiseau sur ton épaule ?

Le casque d’argent tomba sur le sol, le bruit résonna longuement dans la maison du Verseau. J’observais la nouvelle combattante, et lui lançait un regard désapprobateur, avant de réaliser ma propre bêtise. J’avais beau lui lancer tous les regards que je voulais, elle ne pouvait y réagir. Je me baissais en l’écoutant, attrapant le casque une nouvelle fois. Ce casque était gris, presque noirâtre, plus j’observais cette armure, plus j’avais du mal à m’y faire. J’écoutais les dires de ma disciple, en repensant à ma propre obtention d’armure. L’armure du Verseau m’avait trouvé suite à une épreuve peu banale, j’avais dans le même lapse de temps perdu mon premier maître et tué le second, ma force de vaincre et mon intelligence avait suffi à libérer la force du Verseau pour que l’armure accepte de se coupler avec moi. J’étais heureux ce jour-là, beaucoup plus que je ne pouvais l’être dans d’autres circonstances. Je pouvais affirmer qu’il s’agissait du plus beau jour de ma vie, l’un des rares jours où un sourire s’était affiché sur mon visage, auquel s’ajoutaient les rayonnements du soleil sur l’armure d’or.

Mon attention se reportait sur la jeune guerrière qui se trouvait devant moi, sur son visage je pouvais lire de la fatigue, mais pas beaucoup de bonheur, pour ne pas dire aucunes émotions positives. C’était comme si toute la mélancolie dont elle parlait l’avait envahie pour l’empêcher de réaliser son ascension au rang de chevalier d’Athéna. Je m’approchais une nouvelle fois, attrapant sa main droite pour la poser sur le casque pour qu’elle s’en saisisse.

— Ne le laisse pas tomber cette fois…

J’observais une nouvelle fois le corbeau, avec une envie folle de lui glacer les plumes. Il ne m’inspirait pas confiance, le noir de ses plumes l’était encore moins.

— Même si ta destinée en tant que chevalier d’Athéna était claire comme de l’eau de roche pour moi, j’étais bien incapable de savoir quelle armure allait te choisir, et même si l’épreuve laissait présager celle du Corbeau, le choix aurait pu être tout autre.

Je marquais une courte pause avant de continuer, laissant fluctuer mon aura autour de moi pour que Anitah puisse la ressentir.

— Puisque cette armure est si spéciale, à toi de lui donner un nouvel avenir et de changer sa destinée, de toute façon avec ton caractère, même une armure du Zodiaque n’y résisterait pas !

Je souriais à présent, et mon aura d’habitude si froide comportait une once de chaleur comme si mon cosmos traduisait mes émotions.

Plus nous avancions dans notre dialogue et plus le corbeau se faisait menaçant, comme si mes paroles se traduisaient directement en émotions négatives pour le volatile qui arrivait presque à me faire regretter mes dires. Des impressions nouvelles, une fois de plus je repensais à ma propre obtention d’armure, toute cette puissance, ce passé glorieux de chevalier d’or et la fierté qui m’emplissait alors que je revêtais l’armure du Verseau. Je ne pouvais cependant pas ressentir ce que pouvais ressentir Anitah en cet instant, mais une chose était sur : son destin serait moins funeste que celui des prédécesseurs de l’armure du Corbeau, puisque j’étais le garant de sa réussite. Rien ni personne ne toucherait mon élève et s’en prendrait à elle sans déclencher une riposte violente et funeste de ma part, c’était une chose sure et certaine.

Je souriais légèrement, ma jeune élève avait beau posséder un caractère bien trempé et des sautes humeurs à couper les rocher, elle manquait tout de même d’un peu de confiance en elle. C’était dans ces rares moments que j’avais envie de faire exploser mon cosmos et de corriger cette jeune impertinente. Ses sautes d’humeurs m’amusaient, nullement son manque de confiance.

— Indigne de ma confiance… Tu remets donc mon choix de t’avoir pris sous mon aile en doute ? Arrête de dire des choses pareilles Anitah, et puis cela ne te ressemble pas…

Je marquais une courte pause avant de reprendre.

— Ta question ? Tu veux savoir ce que je pense de cette armure ?

Je m’avançais une nouvelle fois vers elle, après avoir tourné les talons une fois son casque bien tenu entre ses mains. Je passais d’abord ma main sur son épaulette.

— Je n’aime pas sa couleur, et ton teint ressortira bien mieux avec des éclats d’or, mais avant, tu dois faire tes preuves à notre Déesse.

Ma main remonta lentement vers sa joue que je caressais légèrement d'un geste paternel avant de sourire.

— Et puis quelque chose me dit qu’avec toi, cette armure connaîtra un avenir plus glorieux et plus magnifiques qu’avec n’importe qui !