- Le porter dans mes cheveux est-il un bon moyen de le conquérir ?

- Où te caches-tu, Narcisse du Capricorne ?

Le Capricorne tant désiré, était en cet instant en train de procéder à quelques ablutions dans les bains jouxtant les terrains d’entrainements du Sanctuaire. Entrainement il avait eu, et détente obligatoire il prenait après celui-ci dans le but de détendre ses muscles sollicités et parfois endoloris. Aucune nouvelle blessure, ni même d’hématomes ne venaient entacher sa superbe. Cependant le chevalier prenait garde à ne pas laisser apparaître ses avant-bras qui portaient tous deux les cicatrices de l’entrainement de Zénon son maître et ancien Gold Saint du Capricorne. Glissant hors de l’eau chaude, il dénigra son linge et présenta son corps nu à la lumière du jour. Pour prendre soin de sa peau, c’était le minimum que de se laisser sécher par l’astre du jour.

▪ Hum… ?

Narcisse tendit l’oreille. Une mélopée agréable dont les notes lui rappelèrent vite qui les jouaient lui parvint des abords du terrain d’entrainement. Un petit sourire apparut sur son visage : apparemment le chevalier de la Lyre était dans les parages.

Comment le savait-il ? Par le passé sa tante - préceptrice musicale à Constantinople - lui avait apprit à jouer de cet instrument et à en apprécier les sonorités pendant des heures. Le jeune homme à la chevelure d’émeraude avait donc apprit à reconnaître les notes d’un joueur, car chacun jouait différemment la même mélodie, avec son caractère, ses émotions…
Oréstis jouait actuellement pour être entendu, du moins c’est ainsi que le Gold Saint l’analysa en s’habillant tranquillement. Une tunique blanche plutôt sportive retenue par une ceinture en cuir. Des cuissardes de la même matière recouvraient ses spartiates et des protections sur les avant-bras cachaient à tous les seules cicatrices qu’il possédait. Le regard pétillant d’une certaine malice, Narcisse se dirigea vers la source de la musique.

Bordant le terrain d’entrainement où bien d’autres chevaliers s’entrainaient sans relâche, le Capricorne apprécia et nota les performances de chacun : il avait combattu au moins une fois contre chacun d’eux et savait de quoi ils étaient capables. Dans les temps à venir, leurs capacités seraient surement mises à l’épreuve. Arrivant finalement en haut d’un escalier, le jeune homme vit deux marches plus bas Oréstis dans une extravagante tenue jaune. Coiffé en queue de cheval, ses cheveux étaient retenus par une broche dont la forme ne manqua pas d’être notée par le Gold Saint.

▪ Voilà une bien belle mélodie pour accompagner un simple entrainement Silver Saint de la Lyre Oréstis, lança-t-il d’un ton rieur.

- Heu… oui, je, heu…

- A vrai dire, ma mélodie n’était pas réellement vouée à accompagner l’entraînement de tous ces… types.

- Je doute que ce genre d’individus soient sensibles à mon art, voyez-vous. Tout comme je suis hermétique à leur… amour des bains de sueur.

- Mais de toute évidence, vous n’êtes pas de ce genre d’individus ! Ne croyez pas que votre compliment ne m’atteint pas. Au contraire, j’en suis très flatté !

- Pour ne rien vous cacher, je jouais plutôt car j’étais à la recherche de quelqu’un. J’espérais qu’il serait sensible à ma musique et saurait me retrouver.

- Et je crois que j’ai réussi !

Tiens donc, Oréstis le cherchait ? Peut-être pour discuter, comme le Gold Saint le lui avait proposé après l'avoir accueilli au sein du Sanctuaire d'Athéna. Cette perspective était plaisante, surtout après un bon entrainement et un bain revigorant. De quelques pas, le jeune homme à la chevelure d'émeraude rejoignit le Silver Saint et s'installa à ses côtés comme pour savourer les quelques notes qu'il pinçait là. C'était surtout pour être au soleil et bénéficier d'un bain de soleil dont l'angle et l'inclinaison mettaient en valeur sa peau immaculée et ses yeux bleus resplendissants. Ceci était bien un art dont il était un grand praticien - et cela se comprenait dans l'enceinte du Sanctuaire -.

Regardant derrière lui, le Capricorne se pencha un peu vers la Lyre et lui glissa quelques mots sur le ton de la confidence.

▪ Tu peux être hermétique à tout ceci, mais n'oublie pas que chacun ici partage le même but : servir Athéna. C'est également ton but n'est-ce pas ? Glissa-t-il avec un regard appuyé. Dans ce cas pardonne-leur ces mœurs qui nous agressent.

Le sujet était clos pour le Gold Saint. Après-tout, lui-même s’entrainait et transpirait à leurs côtés. Sinon pourquoi aurait-il donné rendez-vous à Oréstis ici-même n'est-ce pas ?
Se relevant, il commença à descendre quelques marches, les mains dans le dos. Se retournant, il lança un regard à la Lyre plutôt explicite. Quelque chose du genre, si tu veux me parler alors suis-moi donc, ou un truc comme ça. En tout cas le chevalier d'argent le suivit sans tarder et après s'être éloigné assez du terrain d'entrainement, Narcisse reprit la parole.

▪ Tu joues donc pour amener à toi ceux que tu désires voir ? La méthode est efficace. Dit-il d'un ton rieur. Que puis-je pour toi Silver Saint ?

L'inviter à la conversation sans y aller par quatre chemins était sans doute la meilleure méthode pour savoir rapidement ce qui lui valait le plaisir de sa présence. Ce n'était pas comme si le Capricorne avait un emploi du temps très chargé mais tout de même, perdre du temps - autre part que dans sa propre contemplation - n'était pas dans ses habitudes.

- Bien sûr, nous servons tous Athéna. Chacun à notre façon…

- Cette méthode est efficace pour peu que la personne que je souhaite retrouver soit sensible à mon art !

- Mais je ne tournerai pas plus longtemps autour du pot. Si je souhaitais vous rencontrer aujourd’hui, c’était afin de vous demander une faveur. J’aimerais devenir votre élève. Ou votre valet, ou quelque chose de ce genre, si vous le désirez.

C'est étonnant ce qu'une journée peut réserver comme surprises parfois. Quel était donc ce renouveau, ce regain d'intérêt pour le Capricorne ces derniers temps ? Et lui, que lui arrivait-il donc pour avoir d'un seul coup tant de facilité à accepter les gens qui l'entouraient ? Lui qui fût un temps pas si lointain n'aimait que lui et restait continuellement cloîtré dans son domaine à prendre soin de son corps, de sa peau, de sa chevelure d'émeraude ?
La réponse était cependant évidente. Aussi évidente que le déclin des jours : Narcisse avait grandit, aussi bien extérieurement qu'intérieurement. Et certains de ses masques, aussi faux pouvaient-ils être à leurs créations étaient à présent vrais et faisaient partis de lui comme de véritables expressions de sa personnalité. Le mensonge pouvait-il devenir réalité ? La réponse semblait toute trouvée.

Ainsi Oréstis de la Lyre était-il intéressé par le chevalier d'or, à tel point de désirer s’immiscer dans son entourage de la manière dont de ce dernier jugerait bon de l'y intégrer. Cette façon de s'écraser devant lui n'était pas forcément plaisante et aux yeux de Narcisse, cela dénotait un manque de motivation personnelle. Lui qui était si égoïste ne pouvait décemment pas laisser passer cela : s'il devait accueillir un nouveau Silver Saint au sein de sa maison, celui-ci devait être prêt à se battre pour deux choses.

▪ Tu me laisserais donc faire de toi ce que bon me semble Oréstis ? Dit-il en le laissant le dépasser pour se poster face à lui. Es-tu tout à fait certain de ce que tu souhaites ? La façon dont tu le formules est encore ce que tu pourrais appeler, tourner autour du pot.

Il reprit sa route, laissant à la Lyre le loisir de voir en ces mots ce qu'il voulait ou non y voir. Mais finalement, le Silver Saint revint à la charge sur ses talons. Soit avait-il comprit que les paroles dde Narcisse ne constituaient pas une réprimande ni un refus, soit était-il assez têtu pour insister. L'une et l'autre de ces options dénotaient des qualités que Narcisse jugeait essentiels à la sauvegarde de la paix et de la justice en ce monde. Ou bien tout simplement jugeait-il cela comme lui ressemblant assez pour être digne d'intérêt, à vous d'y voir ce que vous voulez. Narcisse reprit finalement la parole.

▪ Je jouais de la lyre dans ma jeunesse, mais les longues années passées avec mon maître ne m'ont pas permis d'approfondir cet art qui chez toi semble si naturel. Ta musique est la bienvenue dans ma demeure. Quand à ce que tu souhaites vraiment trouver auprès de moi, j'attendrais de toi que tu l’exprimes sans détour. Mais ne tardes pas trop : une occasion d'obtenir gain de cause est si vite perdue...

Le regard en biais du jeune homme était appuyé. En bon entendeur, Oréstis allait lui redemander ce qu'il désirait vraiment ici et maintenant. S'il ne le faisait pas, alors l'occasion ne se représenterait peut être plus, et Narcisse n'aurait qu'à profiter de sa musique sans rien lui apporter d'autre. Paradoxal était le comportement d'un homme fait de faux-semblants, qui des autres semblait exiger une vérité dont lui-même n'était même pas capable d'exprimer la simple expression. Distordue était sa vision des choses : le chevalier de la Lyre saurait-il le comprendre ?

- Soit. J’aimerais être votre musicien personnel.

- Pour tout vous dire, je… j’apprécie la beauté, et la recherche constamment.

- Et il ne m’a pas fallu longtemps avant de découvrir qui, dans ce Sanctuaire, avait dû être béni par Aphrodite elle-même !

- J’ai donc pensé que vivre dans votre environnement me serait bénéfique…

La réaction d'Oréstis était amusante. Aussi amusante que l'était cette situation nouvelle mais néanmoins intéressante. Le voici donc avec non pas un mais deux disciples puisqu'il comptait dors et déjà Dormin comme étant de son entourage. Un vrai prince entouré de sa cour devenait-il à mesure que le temps passait. Mais la plus grande cour au Sanctuaire était tenue par Athéna elle-même et tous ici étaient ses fidèles sujets. Le Silver Saint mit cependant un petit temps - sans doute à chercher ses mots - avant de répondre à son invitation de parler sans détours. Il ne devait pas être aisé pour un artiste de résumer sa pensée à une fragmentation aussi primaire que celle demandée par Narcisse mais c'était justement pour l'observer tenter d'acheminer la vérité ainsi jusqu'à ses lèvres qu'il faisait cela.
Et bien vite il fût satisfait d'entendre la Lyre lui avouer toute la vérité. Et celle-ci n'était pas très éloignée de l'idée que s'était fait le Gold Saint en lui posant la question : bien évidement que sa beauté était de la partie dans sa prise de décision ! Après-tout, qui pouvait être à ce point insensible pour ne pas voir en Narcisse un bel homme ?

Des barbares l'avaient fais par le passé et cela n'avait pas manqué d'irrité le jeune homme au plus haut point - et alors il n'avait pas hésité à s servir de ce qu'il avait apprit pour leur faire passer l'envie de critiquer quelqu'un -. Aujourd'hui Narcisse était plus posé, plus sûr de lui. Les critiques des gens jaloux de lui sonnaient comme des louanges à ses oreilles délicates.

▪ Nous ne saurons si cela t'es bénéfique qu'avec le temps Oréstis, dit-il en lui souriant, la tête penchée de côté.

Le chevalier d'or stoppa à nouveau sa course, arrivé au pied de l'escalier menant au Temple d'Athéna, sur le chemin duquel se trouvait sa maison - la dixième -. C'était là-bas qu'il se rendait - en même temps où aurait-il pu aller ? - et c'était là-bas qu'il allait attendre le joueur de Lyre.

▪ Prépares tes affaires et montes à ma maison quand tu seras prêt. Tu partageras ma demeure avec mon autre disciple, le Bronze Saint d'Andromède. Il monta quelques marches, l'abandonnant là, avant de lui lancer par-dessus l'épaule. A tout à l'heure Silver Saint de la Lyre Oréstis, joue-moi donc un air pour t'annoncer quand tu seras devant ma demeure.

Puis il continua sa route, certain de voir rappliquer Oréstis assez vite. En attendant il avait à se changer et à mettre des habits plus saillants. Et aussi à prévenir Dormin, accessoirement...