Le souffle est court, ses paupières sont lourdes. Il a froid... ses doigts... ses pieds... où sont-ils? Il ne les sent plus. Au dehors, d'épais nuage foncent le ciel. Il le sent à la forte odeur d'eau chaude qui remonte à son nez. Un orage va éclater. Les premières grosses gouttes heurtent les gravas et le sol chaud des escaliers plus loin, là où le froid du chevalier tombé n'avait pas frappé. Il avait réussi. Il en était venu à bout et avait survécu... alors pourquoi... n'était-il pas content? Pas... satisfait? Non... en fait... il n'était simplement pas en paix. Son regard vert se posa d'abord sur son propre corps. Assis contre une colonne à ciel ouvert, son sang se mêlait à présent à la pluie, chaude, tombant sur le sanctuaire.


*Je ne peux plus bouger... *


"Urks...!"


Parler non plus. Il était bien trop faible. Son corps était tétanisé sous l'effort et la douleur. Dormin était prisonnier de sa propre enveloppe charnelle. Condamné à n'être qu'un simple spectateur. La frustration monta en lui alors qu'il porte son regard sur l'affrontement opposant Straw à son maître... nouveau maître. Tiens... depuis quand le considérait-il ainsi? Après tout, il avait dû endurer les caprice de la diva durant des semaines sans broncher, subir son ego démesuré et parfois quelques railleries... pourtant, Narcisse avait un bon fond. Il ne fallait pas s'arrêter à ces défauts. Il était surtout généreux et passionné... curieux de ceux qu'ils reconnaissait comme digne de lui. Un homme parfaitement honorable.

Lentement, Dormin se sentait partir loin de toute cette scène de bataille. Il se sentait léger, comme porté par il ne savait trop quoi. Ses yeux se ferment et sa main choit négligement sur son torse, sa tête sur son épaule. des mèches de cheveux roux caressent son visage agités par le vent. Il semble endormi, aucun sourire ne vient éclairer son visage au teint pâle. Une expression neutre et tranquille digne des statues de pierre blanches à l'entrée de certains temple.

Flashback:

L'odeur épouventable de la chaire brûlée et du sang... et toujours celle de cette pluie qui tombe sur une terre chaude. Il s'avance, se baisse et s'arrête. Devant lui, la carcasse fumante de l'homme qui avait été tout pour lui. A la fois un père et un mentor. Un fort sentiment de culpabilité s'empare du jeune chevalier de bronze. Il est seul, désespérement seul... mais il s'en fiche. Par pareil moment, il ne souhaitait voir personne. Quand bien même aurait-il eu quelqu'un à qui se vouer, il ne l'aurait pas fait. Dormin désirait rester éseulé avec sa peine et son fardaud... celui d'avoir été l'instrument de la mort de son maître. Se lamenter ne lui servirait à rien. il aurait beau crier, se mettre en colère, pleurer, se dire que c'était sa faut ou si j'avais ci, si je n'avais pas fait ça... rien n'y ferait et ne lui ramènerait cet être cher qu'on venait de lui faucher. C'était trop tard, le mal était fait et il devrait faire avec de toute façon... C'était la réalité de la guerre. Certains mourraient tandis que d'autre se levaient pour prendre part au combat et regrossir les rangs des combattants.

Il se mord la langue pour ne pas succomber. L'odeur s'échappant de ce cadavre calciné est répugnante. Il se sent nauséeux. S'il n'avait pas tant de volonté, il rendrait tripes et boyaux. Ses yeux le piquent, tant par les larmes qui brouillent sa vision que par la putréfaction et la fumé. Il prend sur lui, essaie de ne pas respirer plus que de raison et passe ses bras sous le corps fumant de son maître déchu. Au prix de gros efforts, il se lève et l'emporte avec lui. Peut-être était-ce l'armure qui lui permit de soutenir son poids? Dormin ne sait pas vraiment... Il marche ainsi à travers la brume et les rues encombrées de débris de la cité. c'était fini... il n'y avait plus rien à combattre ni à sauver ici... Le chevalier Andromède n'était plus... Dormin arrive à une coline donnant sur la mer, protégée par un grand chêne. L'armure est retirée et rangée dans sa cloth box pour ne pas l’abîmer. Il passe la nuit à creuser comme il peut... avec ce qu'il a trouvé et ce qu'il a sous la main. Une pelle récupérée à la hâte à l'entrée de la ville détruite, ses propres mains. Il avait creusé à s'en ouvrir la peau, manquant de se retourner les ongles...

Le travail est long et laborieux, mais Dormin, porté par l'énergie du désespoir, tient bon. Alors qu'il met son maître en terre, rebouche le trou et tasse la terre, l'adrénaline se dissipe, ses effets avec et Dormin s’affaisse. Il tombe dans les hautes herbes à la gauche de la tombe. Ses forces l'abandonne. Il ne peut que rester ainsi sous la pluie qui tombe drue sur lui. Ses longs cheveux rouges tombent sur son visage comme des ruisseaux pourpres, trempés et plaqué sur son crâne. Plus que jamais il ressemblait à une jeune fille ainsi coiffé. La pluie se mêlait à présent au larmes et lavait sang séché et sueur. Tous ces liquides se mélangent et créent une boue dense autour du jeune chevalier. La douleur physique qu'il ressentait était tellement moindre comparé au chagrin qui l'animait à ce moment là. Il aurait voulu se griffer, se déchirer l'abdomen de ses ongles terreux pour s'en arracher les entrailles tant ces dernières étaient nouées. Le pauvre Dormin portait le poid de sa hardiesse et de sa culpabilité... Plus jamais ça...


"ASSEZ!!"


Son cri déchira le tissu de rêve qui l'entourait et l'entravait. Les chaines filèrent avec fureur à nouveau vers Straw. Il ne laisserait pas l'histoire se répéter. Pas encore!! Dormin tremblait de tout son corps sous l'effort. Ses dents se serraient, un filet de sang coulait encore entre ses lèvres délicates ouvertes sous les coups reçus. Vaillament, il se relève encore une fois. Son aura profite d'un second souffle et lui donne la force de s'élancer vers son maître, perdu, prisonnier à son tour de son propre corps. Dormin devait agir avant que le piège de Straw ne se referme totalement sur Narcisse et ne l'emprisonne pour de bon, le livrant à un destin bien pire que la mort... Dormin cours tandis que ses chaines foncent dans une autre direction. Il arrive finalement aux côtés de Narcisse. Il pose sa main sur son épaule, lui indiquant sa présence. Il se veut rassurant, fort, pour soutenir le chevalier d'or. Lui rappeler qu'il n'est pas seul. Par ce contact, l'aura d'Andromède se diffuse en Narcisse et lentement les acouphènes cessent... Le bruit revient.


"Je suis là..."


Il lui sourit, malgré le fait qu'il ne puisse pas le voir. Sa main tremble, il vacille, glisse sur son épaule et s'écroule à nouveau. L'adrénaline ne fait plus son office. Il tient à peine debout. Mais ce n'est pas grave. Les chaines avaient frappé une dernière fois, exprimant toute la rancoeur et toute la frustration du bronze saint à nouveau... plus jamais ça...

Que se passe-t-il donc à présent ? Narcisse a un peu de mal à le découvrir. En effet, maintenant qu'il avait été rendu sourd par l'étrange technique de combat de Straw, le chevalier d'or était un peu désorienté et surtout perturbé. Ce n'était pourtant pas le moment de tourner en rond en se lamentant sur son propre sort ! Était-il un homme ou bien, un chevalier ? La deuxième réponse était évidement la plus à même de renforcer sa combativité. Mais ce qui se passa alors, Narcisse ne l'avait nullement prévu.
Aux prises avec Straw, l'homme qui accompagnait le porteur du froid, le Gold Saint esquiva deux de ses coups avant de voir arriver sur sa droite les prémisses d'un cosmos devenu totalement incontrôlable et donc, dangereux pour son utilisateur. Mais cela ne semblait pas inquiéter celui qui utilisait cette attaque. Comme son camarade face à Narcisse, est-ce que cet inconnu était venu au Sanctuaire dans le but d'y mourir ? Une opération suicidaire, voilà bien de quoi il s'agissait là et pourtant, les deux hommes s'accrochaient coûte que coûte, même après avoir été repoussés puis contrattaqués par les Saints d'Athéna. Ils n'avaient sans doute aucune échappatoire. Peut-être même pensait-il sortir de ces combats victorieux ?

Quel dessein pathétique. Bien que sourd et incapable de sentir l'odeur de la sueur et du sang -ce qui ne lui manquait absolument pas-, Narcisse croisa le regard de l'homme à présent sans armure. Son corps était marqué de longues estafilades et aussi de plusieurs sillons ensanglantés. Excalibur avait bien rempli son office mais il restait encore à son adversaire la force de lancer une ultime attaque, quitte à éventuellement y laisser la vie tant le cosmos qu'il emmagasinait en un point précis était bien trop dangereux. Il lui parla. Narcisse ne comprit que quelques mots, parmi lesquels "Guerre" et "Arès" ce qui le surprenait un peu. Il n'eut pas le temps de pousser plus loin la réflexion... Que se passe-t-il lorsque l'on concentre autant d'énergie en un seul point ? Narcisse l'ignorait jusqu'alors ! Et bien tout simplement, ça explose... Le jeune homme à la chevelure d'émeraude balaya le décor qui allait être dans quelques secondes détruit par ce trop-plein de cosmos-énergie. Ses yeux bleus tombèrent sur le corps de Dormin.
Il était trop près de son adversaire.
Juste quelques secondes pour agir...!

L'explosion eut lieu. Narcisse n'avait jamais rien vu de tel auparavant. Il aurait juré que la nuit venait d'être remplacée par le jour. Quel dieu en colère venait-il de frapper le parvis de sa demeure ? Mais lorsque le cataclysme s'arrêta, le signature cosmique de celui qui l'avait déclenché avait disparue. S'il n'était pas mort, il était à présent hors d'état de nuire à nouveau à la tranquillité de ce lieu.
Et Narcisse n'était pas en meilleure forme.

Son dos était à présent à découvert. Son armure avait cédé, lorsqu'il s'était interposé entre l'onde de choc et Dormin, protégeant son disciple de son corps pour lui éviter une mort certaine. Cela venait de lui coûter sa protection, et une grande part de son énergie. Mais le résultat en valait le coup : le rouquin était toujours en vie ! Il avait encore quelqu'un à envoyer monter et descendre les escaliers jusqu'à Athènes ! Ahah... Ah... Bref.
Narcisse se retourna à temps pour voir Straw lui foncer à nouveau dessus. Décidément ces gens étaient tenaces.

Le labyrinthe de miroirs avait disparu, ce qui lui facilitait grandement la tâche pour rejoindre Narcisse. Encore une fois le mouvement de son adversaire fût trop rapide pour qu'il puisse l'esquiver comme ses autres attaques. D'un coup d'un seul... il fît noir sur Terre. Ou plutôt, c'était juste lui qui n'y voyait plus rien. Straw venait de lui retirer son sens le plus précieux : la vue. Bien sûr le Gold Saint pouvait sentir son adversaire par son cosmos mais cela ne valait pas une bonne vue à l'ancienne ! Le Saint perdit pied. Comment pouvait-il combattre à présent ? Le calme devint difficile à retrouver. Essayant de se fier à ce qu'il sentait autour de lui, le jeune homme s'écarta au mieux du corps de Dormin pour lui éviter d'être attaqué par leur dernier adversaire encore debout.
Bientôt, le noir fût remplacé par des lueurs, celles des cosmos des personnes en présence. Straw avait sans doute l'aura pourpre, tandis que son élève avait l'aura rose. Tiens, mais que faisait-il d'ailleurs ? Andromède s'en vint vers lui et posa sa main sur son épaule. Ce n'est pas le moment Dormin ...! Mais Narcisse aurait été bien sot de le repousser en cet instant. L'énergie de son compagnon d'arme se diffusa en lui et lui permit de dissiper un peu le mal qui lui avait été fait. Son ouïe se remit à fonctionner, lui permettant d'entendre la douce voie du chevalier. Celui-ci, le voyait-il par les auras de cosmos qui les entouraient, venait d'attaquer Straw, surement pour l'écarter du Capricorne le temps de le soigner. Ceci allait être largement suffisant. La vue n'était pas l'atout principal des Gold Saint. Ce qui l'était en revanche, c'était leur foi inébranlable en... Non je plaisante : Narcisse était juste enragé et le type qui avait osé s'en prendre à lui allait le payer au prix fort. Après il s'occuperait de celui KO, s'il était encore en vie, et après seulement, il se reposerait !

▪ Merci Dormin, dit-il d'une voix tremblante. Tu devrais t'écarter maintenant : il est temps d'en finir avec ces envahisseurs. Toi ! Lança-t-il à Straw plus loin. Que pensais-tu trouver en venant au Sanctuaire d'Athéna avec tes semblables ? La gloire ? Une victoire facile ? Je vais t'offrir la seule chose que mérite les gens de ton espèce, ceux qui troublent la paix d'Athéna.

Tandis qu'il parlait, le jeune homme au dos blessé s'était écarté de son élève pour marcher en direction de sa cible d'une démarche princière. Son cosmos irradiait maintenant à l’œil nue. Narcisse venait d'atteindre le septième sens. Ce qui signifiait qu'à présent, il était en mesure de dévoiler sa plus terrible attaque. Le Gold Saint déploya son cosmos et le concentra à la manière de l'homme vaincu dans son bras. Mais cette technique était bien plus maîtrisée que ne l'était cette attaque suicide qui avait coûté à Narcisse un pan de sa demeure.
Voici à présent venir le temps de... trancher dans le vif du sujet les avis et les rancœurs. Excalibur, l'épée sacrée, la sainte arme confiée par la déesse au chevalier porteur de la juste destinée à faire régner la paix par celle-ci. La puissance d'Excalibur allait être démultiplié par le septième sens et toute l'énergie qu'était en train d'accumuler le Gold Saint du Capricorne. Une énergie capable de trancher n'importe quoi. Il ne prononça qu'un dernier mot, rendant grâce à cette technique qui était celle des Capricornes depuis longtemps.

▪ EXCALIBUR !

Son cri s'accompagna de la plus grosse décharge d'énergie cosmique jamais déployée jusque là par le chevalier. La volonté de tuer l'accompagnait, mais celle de mettre fin à cette bataille également. Excalibur creusa un sillon dans la roche, d'une finesse et d'une précision sans égal, en filant à la verticale en direction de Straw. Il ne resterait plus rien de lui après ça. Tant pis pour les informations, il n'avait qu'à éviter de croiser ma route. Adieu parfait inconnu suicidaire.

Narcisse regarda disparaître le Berseker Straw et son compagnon KO, le Berseker d'Arès de la Guerre, ou une connerie du genre. Et une énigmatique déclaration s'échappa à mi-voix de ses lèvres, au bord du ravin duquel il pouvait observer tout le Sanctuaire et le chaos y régnant.

▪ C'est nul.

Et où était bien Oréstis en cet instant ? Oui parce qu'il avait un disciple avec lui mais pas le second ! Le Capricorne espérait de tout cœur qu'il n'était rien arrivé de fâcheux à son joueur de Lyre préféré. Il aurait été dommage de perdre un tel talent qui pouvait encore régaler bien des oreilles dans sa demeure. En parlant de cela... Narcisse tourna le dos aux problèmes du Sanctuaire, et aux questions qui les accompagnaient pour faire face à sa demeure dont il ne pouvait deviner que l'étendue des dégâts. Lentement, il s'en retourna vers Dormin, manquant par trois fois de tomber sur des gravats soulevés par leur combat. La preuve de l'étendue des dégâts en somme. Narcisse se laissa tomber à ses côtés. Andromède était pâle et sa respiration faible, mais il était encore en vie et ça, ça méritait bien quelques louanges.

▪ Je suis fier de toi Dormin, dit-il en souriant gentiment au Bronze Saint. Nous avons tenu bon face à ces intrus et défendus le Sanctuaire. Et sans y laisser la vie de surcroit ! Enfin, cette affirmation reste à prouver hein ? Lui glissa-t-il avec un petit coup d'épaule joueur.

Peu de temps après cela, le Bronze Saint sombra dans un sommeil profond et agité. Trop de blessures, trop de cosmos utilisé bref, un combat de trop. Mais cela avait permis au Capricorne de voir qu'ils étaient prêts, tous les deux, à combattre. Cette nouvelle guerre allait être acharnée. Il en voulait pour présage cette nuit si agité dont le rideau de pluie les recouvrait à nouveau sur les marches en ruines de sa demeure. Après quelques minutes, Narcisse se releva et prit son élève dans ses bras, pesant plus sur le gauche que sur le droit qui était assez douloureux. La dernière projection d'Excalibur qu'il avait utilisé avait été un peu trop violente. Le jeune homme à la chevelure d'émeraude allait veiller Dormin, le temps que celui-ci se réchauffe et puisse de nouveau ouvrir les yeux. Ensuite il lui demanderait surement de l'aider à se défaire des drôles d'attaques de Straw qui l'avaient privé de la vue et de l'odorat.

Enfin, ce n'était pas si mal qu'il n'y voit rien pour le moment, pensa-t-il en traversant le hall de sa maison. Vraiment mieux...
Narcisse eut une dernière pensée pour ses adversaires. Une pensée, pas des plus amicale.