C’était la deuxième fois que le colosse venait au pilier de l’atlantique sud. Celui du légat. Encore une fois, la pression exercée par le bloc de roche était impressionnante, d’autant que s’y ajoutait celle du légat par la même occasion. Maintenant le marina de la tortue pouvait la séparer de la colonne soutenant l’océan mais l’effet n’en était que démultiplier. Un petit rire nerveux s’échappa de ses lèvres tandis qu’il franchissait désormais la porte du complexe. Les pieds des fameux piliers étaient composés de divers bâtiments, simple appartement à complexe d’entrainement sous la vigilance du gardien. Probablement des garnisons entières devaient être stationnées ici quand les armées de Poséidon étaient complètes. Certains l’étaient déjà pour les piliers les plus « faible ». Venir attaquer le légat était suicidaire, qu’il soit entouré de soldat ou non.

Cette fois-ci, Nova est venue équiper de son armure, prenant le conseil d’Orpheus à la lettre. La dernière fois, voila maintenant quelques mois, la Tortue était venue à la sirène en tant que récent Marina. Récent mais surtout revanchard. Il avait toujours, deux ans après, cette bile au fond de la gorge. Pour survivre sur la terrible ile de Malaho, il lui avait fallut ronger son frein de longs mois, de longues années, se fixant un objectif élevé pour continuer d’avancer. Rayer sa vie de soldat romain n’avait pas été facile et être seul, coupé de tous l’avait plus marqué qu’il ne voulait l’admettre. Il s’imaginait déjà, héros de la chrétienté, bras armé de Dieu pour vaincre ses Dieux païens, tous pécheurs qu’ils étaient.

Malheureusement, la vie est cruelle avec les fous et les naïfs. Elle ne fait aucun cadeau et brise facilement les illusions des désespérés. Ayant pris en charge la formation de nombreuses légion de marina, la nouvelle vie de Nova ressemblait étrangement à l’ancienne. Petit à petit, il se sentit si ce n’était attendri, pris de pitié envers ses soldats d’un Dieu dans l’erreur. D’un Dieu guerrier et Maléfique. Sa discussion avec son ami Mnéséas n’avait fait que le plonger dans un doute plus profond. Lui homme de pensée et de raison avait une foi absolu dans le dieu au trident.

Le temps passé mais les mots dansaient toujours dans l’esprit du colosse. Il du en venir à l’évidence. Sa vie sous-marine n’était point différente de sa vie terrestre. Ses hommes, ses femmes n’étaient pas différent des précédents. Pourquoi alors vouloir leurs pertes à tous ? Car il ne se voilait pas la face, tuer Poséidon verrait la destruction des mondes aquatiques. Les paroles d’Orpheus, des mois plus tôt vinrent apposer de plus en plus de soupçons, de question.

Selon le légat, leurs Dieu tutélaire voulaient agrandir son territoire, au dépit d’Athéna particulièrement ? Cela voulait dire la guerre. Cela voulait dire des pertes humaines. Pour autant, des années plus tôt, le jeune Batiatus qu’était Nova avait occulté ces choses là au profit d’un empire romain rayonnant. Ou tout du moins le croyait-il. C’est perdu dans ses pensées sur l’île de Malaho, son « refuge » qu’il gambergeait sur les nombreuses questions qui l’habitait.

Finalement, ne trouvant aucune réponse satisfaisante, il décida d’aller questionner directement l’un des principaux porteurs de réponses, le légat. Aujourd’hui, alors qu’il pénétrait son complexe. La peur l’embrasait de nouveau. Pas al peur de la mort, ni de la puissance du lieu. La peur de la réponse qu’il entendra. Car Nova n’était pas un fou, ni un aveugle. Il avait vu la déchéance de Rome. Il avait vu le partage de l’empire romain en deux entités différentes. Sans hésiter, il dirigea ses pas vers la grande silhouette non-loin, encore légèrement dissimulé dans l’ombre à cause de la distance. Ses lourds pas résonnèrent dans le bâtiment comme autant de réticence s’envolant à mesure qu’il se jetait dans la gueule du loup.

-Bonjour Légat Orpheus.

Alors qu’il prononçait les mots, le côté formelle le frappa, preuve de son anxiosité. Il serra les dents un instant comme pour endurer la sensation puis repris sa marche pas spécialement plus rassuré.

-La formation des troupes se passent comme prévu…mais ce n’est pas le but de ma visite. C’est probablement inconvenant ou pas de mon ressort mais maintenant que nous sommes sur le pied de guerre, j’aimerais connaitre les intentions de notre seigneur sur l’avenir des habitants à la surface.

Il espérait que sa tension ne serait pas visible mais en doutait. Son regard haut de deux mètres était rivé dans l’homme qu’il s’était juré de tuer pour atteindre le dos du Dieu des mers. L’homme dont il se demandait si tout ceci en valait réellement la peine…

Son rapport n'était qu'une façade et quelque chose clochait. Quelque chose qui semblait avoir énormément d'importance pour cet homme mais qui échappait encore pour le moment à Orpheus. Se tournant complètement vers lui, le Légat réfléchissait à la réponse qu'il pouvait donner au Marina. Car les projets de Poseidon ne regardait que lui. Pouvait-il partager une information ? Certainement... Mais à savoir s'il le désirait, c'était là une toute autre question. Orpheus, dès son premier entretien avec la Tortue, avait comprit que quelque chose habitait l'âme de cet homme. Une chose qui semblait en parfaite contradiction avec la scale qu'il portait et le rôle qu'il avait à jouer dans ce conflit. Et s'il venait à lui aujourd'hui, alors autant en profiter pour avoir réponse à ses doutes.

- Ta question est trop vague, Nova de la Tortue. Parle sans détour et tu auras peut-être la réponse à tes questions !

S'il n'y avait aucune animosité dans ses propos, le Légat restait néanmoins sur la défensive. On ne venait jamais à lui pour lui demander ce genre de chose. La parole de Poseidon était d'or et personne ne contestait ses décisions. Pour le moment, Nova ne contestait rien, évidemment. Mais il semblait craindre la suite des événements. Comme s'il était plus attaché à la vie de pauvres inconnues qu'à l'ambition de l'Empereur des Mers. Le doute transpirait dans ses propos. Et le manque de foi était visible.

Recouvert de sa scale d'Orichalque, Orpheus attendait la suite. Savoir que ses armées - non, celles de son Seigneur - se préparaient l'emplissait de joie. Le rapport de force était encore trop déséquilibré entre Athéna et Poseidon et le Légat n'avait encore aucune idée des alliances que cette dernière nouait à l'heure actuelle. Il savait que sa marche de manœuvre était réduite de ce côté là, Poseidon n'étant pas un dieu partageur et désirant s'accaparer ce qu'il considérait comme son bien. Ce qui déséquilibrait plus encore les combats à venir. C'est pourquoi il attachait autant d'importances à la formation des troupes de l'Empereur. Et c'est pourquoi il exigeait autant des généraux qui avaient à charge la protection des différents piliers.

- Je sens en toi le doute. N'as-tu donc pas foi en ton dieu pour te poser autant de questions ? Peut-être qu'il est préférable que je lise dans ton cœur, finalement...

Alors qu'il s'adressait une dernière fois à lui, Orpheus avait levé son bras gauche, laissant clairement apparaître l'objet central de son pouvoir. Cet objet symbolisait à lui seul la toute puissance de la Sirène Maléfique. Capable de lire dans le cœur des hommes, capable d'inspirer des sentiments divers dans l'âme de ceux qui entendaient ses mélodies. Oui... De tous, le Légat n'était sans doute pas le plus fort physiquement ou le plus courageux, mais il n'avait pas été choisi sans raison par le Maître des sept Mers. Et sa dernière parole sonnait comme une menace étrange. Il n'en était rien pour l'instant mais Nova n'avait désormais plus le choix : parler clairement et exprimer ses doutes. Ou alors laisser son âme se faire charmer par la mélodie de la Sirène afin de dévoiler ses peurs à celui qui dirigeait les armées de Poseidon.

Le regard de Nova suivit le mouvement de son supérieur. Une menace silencieuse avant d’être une exécution sonore. Un sourire crispé se dessina sur ses lèvres. Drôle de situation pour n’importe qui d’autres que ses soldats. Un monstre physique qui aurait pus détacher la tête de son collègue à main nue s’il l’avait voulu et pourtant…pourtant…le pouvoir était bel-et-bien de l’autre côté, dans les mains du borgne aux yeux clairs. Un moment, le colosse se plut à l’idée de passer sous le contrôle du général. Il saurait tirer plaisir d’un monde sans question, sans doute. Un monde simple comme les animaux pouvait le ressentir. Plus de questions existentielles, justes l’exécution pure et simple des ordres, comme un automate. Finalement, il trancha en deux. Il ouvrirait ses pensées, quitte à les perdre par la suite.

-Pour partager mes doutes, il faut que je vous parle de ma vie précédente.

Le colosse s’assit à même le sol, en tailleur. Ses larges paumes vinrent se caller sur ses genoux. Le symbole même d’un rocher inamovible, résistant aux assauts des flots. Il se tue quelques instants, choisissant ses mots, organisant ses pensées. Les épaules voutés perdus dans ses pensées, il se redressa fièrement dès lors qu’il sentit prêt. Il jouait son esprit, sa vie, son destin sur un coup de dé. La voix calme, posé, il laissa son âme être jugé par le Légat..

-Je suis né Quintus Oenomaeus dans la religion du Dieu Unique.

Nova marqua une petite pause, son regard braqué vers son interlocuteur. Il voulait voir sa réaction à la découverte d’un « traitre » parmi eux. Quand il reprit la parole, son ton n’avait pas changé. Il n’avait pus détecter de réelle indices sur les pensées d’Orpheus mais s’il ne l’avait pas exécuté sur le champ, il était prêt à écouter le reste de l’histoire du marina de la tortue.

-Toute ma vie j’ai vécu dans sa lumière, parcourant le chemin qu’il avait décidé pour moi. Je n’ai jamais dévié malgré des proches suivant les anciens dieux. Je me suis engagé jeune dans l’armée romaine. Je rêvais de gloire, de beauté, de bien non pas pour moi mais pour Rome. Je rêvais de la grande Rome, la ville éternelle. Malheureusement cette Rome n’est plus depuis longtemps. J’ai mis très longtemps à m’en rendre compte et je me suis juré de gravir les échelons pour apporter ma pierre à l’édifice. « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ».

La mâchoire de Nova se serrait régulièrement, preuve de sa déception d‘avoir failli à sa tâche. Il n’essayait pas de le cacher, il avait décidé de jouer carte sur table et irait au bout de sa démarche.

-Au cours d’une mission dans la mer noire, mon navire a sombré dans une tempête. Mon Dieu ne venant pas à l’aide de mes hommes, j’ai prié le seul Dieu que j’estimais capable de me porter assistance. Contre la vie de ses hommes, Quintus est mort noyé ce jour-là. Un chevalier nommé Nova a commencé son entrainement sur une île du pacifique une semaine plus tard.

Le colosse fit une nouvelle pose. Il avait exposé son histoire, ce qui l’avait poussé durant sa vie précédente. Le plus durs restait maintenant à avouer. Qui était le marina Nova. Ce qu’il cherchait… et son peu d’intérêt pour Poséidon. Son regard se fit plus sérieux, plus…intensif.

-Je suis donc rentré au service de Poséidon par devoir. Je n’ai aucune admiration à l’encontre de celui-ci. Surtout qu’il n’est pas réputé pour sa bonté. Je connais la mythologie, On en parle à demi-voix, ses colères sont redoutées. Soyons franc, il l’est un Dieu maléfique. Je m’en étais même défié pendant mes deux années sous ses ordres.

Jusqu’à présent, Nova avait tout donné ou presque pour se faire jugé coupable. Venait maintenant la partie la plus délicate. Comment convaincre quelqu’un après lui avoir avoué tout ces méfaits ? Comment prouver sa bonne parole après tout ceci ?

-Si je viens te voir aujourd’hui Orpheus c’est car je ne suis plus un enfant de huit ans. Je sais que le monde n’est ni blanc, ni noir. Surtout, Je sais que cette cité idéale à laquelle j’aspirais n’existera probablement que dans mon esprit. Je ne vois donc pas d’un si mauvais œil, ce côté… destructeur de Neptune. Tout ce que j’aimerais en réalité, c’est connaitre l’après. Je ne doute pas qu’il y aura des morts, des destructions. Je ne doute pas que dans une guerre où mêmes des dieux entre en jeu, peu de choses continuerons d’exister. J’en reviens donc à ma première question, quelles sont les intentions de Poséidon pour l’avenir des habitants de la surface. Seront-nous une simple force de désolation ? Ou serons-nous des bâtisseurs ?

Le colosse avait posé cette dernière question avec espoir. Probablement trop mais il n’avait pu s’empêcher de se laisser porter par ses aspirations. S’il exprimait le respect et une attitude soumise de par son corps, ses yeux étaient emplis de ferveur. Une flamme revigorée par la révélation de la vérité. Une flamme qui pourrait dorénavant briller comme jamais ou s’éteindre en tentant d’y parvenir.

Peu à peu les pièces du puzzle s'emmanchaient, donnant alors une nouvelle vision de la situation au Légat. La religion du dieu unique faisait de plus en plus parler d'elle mais Orpheus n'en était pas inquiet. Il ne s'agissait là que de foutaises et de rumeurs alors que les dieux du Panthéon avaient déjà prouvés leur existence et leur toute puissance. Mais il comprenait à quel point cet élément empoisonnait la vie de Nova. Lui qui avait été élevé dans cette religion, lui qui s'était tourné vers Poseidon pour sauver la vie de ses hommes. Un acte étrange pour dire vrai mais l'Empereur des Mers avait exaucé sa demande en contrepartie de son savoir militaire. Désormais, cela ne faisait plus aucun doute : si Poseidon avait aidé ce mortel, c'était dans le but de se servir de lui en tant que Marina pour la suite. Le seigneur des Océans n'agissait jamais par compassion.

- Pour renaître, il faut déjà mourir.

Le Légat marchait maintenant, d'un pas leste, pensif mais rasséréné par ce qu'il venait d'entendre. Vouloir la mort d'un homme parce qu'il croyait en un autre dieu, c'était stupide. Car aux yeux du représentant de Poseidon, ce dieu "unique" n'était qu'une figure d'espoir pour le peuple commun. Tout juste pouvait-il prétendre à une place de marque parmi les autres déités. Si Zeus, Athéna, Apollon et autres existaient, pourquoi pas cette dernière figure après tout ? Mais unique, certainement pas. Et cette simple constatation devait normalement suffire à Nova.

Là où il comprenait le Marina, c'était concernant le caractère emporté de Poseidon. Il est vrai qu'il n'entrait pas vraiment dans la case des "gentils" dieux et qu'il était responsable de nombre de catastrophe. Mais son idée de la terre séduisait ses partisans et il souhaitait réellement reconstruire sur les ruines des anciennes civilisations mortelles. Les temps seraient durs mais ce n'était que pour la bonne cause, pour l'espoir d'un monde qui se voulait enfin meilleur. Et il fallait des sacrifices, pour parvenir à cette utopie.

- Une fois que la colère de Poseidon sera passé, une fois que personne ne pourra plus contester sa propriété, nous pourrons bâtir sur les ruines de ce que nous laisserons. Il faut que les humains redeviennent humbles, qu'ils craignent leur dieu, qu'ils le respectent. Tu n'as pas vu les images que m'a montré Poseidon. Atlantis... Aujourd'hui, les guerriers ne retiennent qu'une chose de cet endroit : le fait qu'il servait de base de formation et de point d'extraction pour les armées du Seigneur des Mers. Mais ils ont oubliés qu'il s'agissait avant tout d'une cité gigantesque, magnifique... Une cité qui faisait même des jaloux parmi les autres dieux. Pas de crime belliqueux, pas de vols ni de jalousies. La guerre épargnait cette cité. Elle était sous la protection de Poseidon en personne. Mais notre Seigneur perdit la guerre sainte. Et les autres le châtièrent en détruisant cette splendeur, coulant la cité entière dans les fonds marins.

Au souvenir de ce que lui avait dévoilé Poseidon lors de leur première rencontre, Orpheus eut les larmes aux yeux. Il avait clairement en tête les détails architecturaux, la splendeur de la ville, le fait qu'il y faisait bon vivre. Et le dieu si cruel, le dieu vengeur que l'on dépeignait à travers les siècles, n'avait plus que le rôle de souverain et de protecteur. Ce que désirait Poseidon, c'était assainir le coeur des humains. Bien sur qu'il fallait des morts pour cela. Peut-être même beaucoup. Mais qu'était-ce cela alors qu'ils pouvaient rebâtir mieux ?

Portant ses lèvres sur le bec de sa flûte, Orpheus se mit à jouer quelques notes. La mélancolie et la tristesse ressortaient clairement de sa musique. Peu à peu, il déversait son cosmos dans les notes qui se répandaient autour de lui. Cette fois, aucune volonté de manipuler l'homme. Seulement de lui faire comprendre les aspirations de Poseidon. Et cela passait par les images, les sons, les odeurs. Il devait lui montrer la cité magnifique qu'il avait vu en songe. Il devait lui faire comprendre qu'ils n'étaient pas que soldats, porteurs de mort mais qu'ils étaient aussi les maçons de l'avenir, porteur de paix. Le libre-arbitre n'était que fadaises. Les humains ne l'avaient pas utilisés à bon escient. Leur priver de ce statut ne pouvait qu'améliorer leur quotidien.

- Je vais te montrer, Nova de la Tortue. Je vais te dévoiler ce que veut Poseidon. Peut-être comprendras-tu alors la raison de ma dévotion et celle de tant d'autres Marinas. Peut-être changeras-tu d'avis à son égard.

Un colosse marchait dans une large avenue, un autre était assis dans une large salle. L’un reposait dans l’ombre du bâtiment, l’autre sentait la lumière du ciel marin. Lorsqu’Orpheus plaça ses lèvres sur l’instrument maléfique, Nova cru qu’il subirait le courroux du légat. Adieu volonté propre, adieu croyance, bonjour simple soldat obéissant. Peut-être était-ce réellement ce qu’il c’est passé ? Il n’en savait rien. Tout ce qu’il voyait était…autre chose. Autre part. Comme emprisonné dans le propre monde de la sirène maléfique, une prison où il errait, solitaire.

Tout autour de lui, les bâtiments s’érigeaient comme voulant défier la mer d’imposer sa destruction. Seul, il arpenta les rues magistrales. Sa formation militaire lui détaillait tout d’un regard critique, calculateur : celle-ci, assez grande pour laissez circuler quatre chars de front, celle-là seulement deux. Les échoppes vides sur les côtés laissaient supposer une rue commerçante. Si le silence était quasi-total, la cité laissait une impression étrange, presque désagréable. Celle d’être épié. Non pas par des dizaines d’yeux mais celle…d’un étranger. Comme si des animaux l’avait repéré et c’était enfuis avant son arrivé. Sauf que ces animaux-là l’avaient fait des centaines d’années plus tôt. De plus, visible de chaque rue, chaque place, la statue de Neptune trônait au centre de l’île. S’il n’en était effrayé, ce n’étais qu’une statue, Nova gardait tout de même prudemment ses distances. Haute de près de trente mètres, elle supportait le plafond marin d’une main, tenant le trident de l’autre comme prêt à frapper tout ennemi posant le pied dans SA ville.

Car le marina n’en doutait plus. Aussi improbable que ce fut, il marchait dans les rues de l’Atlantide. Une douce chaleur l’envahissait, loin de la froideur habituelle des fonds marin, comme si cette cité…était bénie. Couvé chaleureusement par son fondateur. Pourtant le regard de celui-ci ou tout du moins sa statue, ne laissait que des frissons chez quiconque l’observait. Avec son trident armé, on le voyait sur le pied de guerre, on le voyait telle le calme avant la tempête. Une tempête monstrueuse.

Pourtant…Pourtant…des traces de combat étaient visibles. Brulures, bâtiments effondré. Autant de tâche dans cet agencement presque parfait. Chaque maison était de marbre, décoré de coquillages. Un vrai petit bijou d’architecture. Jusqu’aux fameuses traces donc. Rues retournés comme un simple tapis, pavé éparpillé un peu partout, on pourrait presque voir les traces de sang. Après tout, huit saints étaient venus brisés la cité…

En fait, plus on s’avançait, plus on se rapprochait de la statue, plus le champ de bataille se révélait à vos yeux. Des quartiers entiers avaient été rasés, faisant grimacer le colosse au milieu des décombres. Malgré son désamour pour le dieu marin, il avait encore moins d’affinité pour le reste du panthéon. Dans leurs mythologie, il leurs avait toujours préféré héros et demi-dieu, Héraclès en tête. De fait, l’intrusion des saints représentait l’ennemi plutôt que la victoire de la liberté.

Déambulant parmi les poutres calcinées depuis des années, son regard tomba sur un objet particulièrement inadapté aux décombres. Une poupée. Déchirées, brisé mais encore assez reconnaissable. Lentement, il se baissa pour la ramasser. Avec pitié, il en effaça les cendres qui la recouvraient avant de se relever. Pourquoi s’était-il attaché à l’objet ? Il n’en savait rien, seulement qu’il était persuadé que sa place n’était pas ici. Comme le dernier corps n’ayant pas eu de sépulture, abandonné de tous. Debout, le regard braqué sur la poupée, ce n’est que lorsqu’il se remit en mouvement que le changement le frappa. Des gens. Beaucoup de gens. Beaucoup trop. L’adrénaline se déversant dans son corps, il se replia de quelques pas, presque inconsciemment.

Partout autour de lui, les gens vaquait à leurs occupation, ne semblait pas le voir. Ici un boulanger cuisait son pain tandis que là des dames parlaient des derniers ragots de la ville. Le colosse en restait bouche bée, immobile, incapable même de penser. C’est dans ces conditions qu’il lâcha la poupée, sa main devenue inerte quelques instants. Dès qu’il en perdit le contact, tous les habitants s’évanouirent dans des volutes de fumée. Le choc avait été rude pour le marina et incapable de répondre à ses propres questions, il se sentit vaciller, ne se rattrapant qu’au coin du mur sur sa droite. À moitié brulé, il ne restait de ce dernier que le rez-de chaussé et un mur s’arrêtait au deuxième étage.

Dès qu’il le toucha, le spectacle recommença. En un clin d’œil, l’ombre du bâtiment le couvrit tandis que devant ses yeux, toute la rue se reconstruisait. Mieux, elle redevenait intacte en un instant, ses habitants l’arpentant de nouveau. Cette fois-ci, au moins le colosse comprit qu’il lui fallait un contact directe avec la peau et de fait, commença à remonter la rue avec ses doigts effleurant les briques chaude. S’il avait senti une chaleur précédemment, ce n’était qu’une brise chaude comparé à cet instant. Il se croyait dans un été chatoyant. Le même qui donnait verger gorgé de fruit, soleil radieux et joie de vivre. Il en avait même soif à force de voir ces divers marchant proposé boisson à tout ceux à portée de voix.

La marche de Nova le dirigea machinalement vers la statue gigantesque. En réalité, toute la cité s’orientait vers la dite statue. Elle trônait majestueusement en plein centre et le flux des passants s’y projetait régulièrement. Alors que les yeux du marina les observait avec attention, leurs conversation banale, quotidienne parvenait à ses oreilles. Comme un rythme suave, sucré. Il vit une jeune fille croquer une prune et c’est exactement l’image qui lui venait en tête. Un temps tout simplement heureux, à l’apogée de la cité. Un sourire benêt se dessina sur son visage pendant quelques instants… juste avant qu’il porta ses mains à sa gorge. D’un coup, d’un seul, l’air lui avait manqué. Délaissant l’heureux spectacle, il tomba à genoux, suffoquant. Ses yeux lui semblait vouloir sortir de ses orbites et s abouche aspirait aucun air malgré tout ses efforts. Enfin, comme quelqu’un qui brise la surface de l’eau pour accéder à l’air libre, il sentit ses poumons se remplirent.

À quatre pattes sur le col dallé, dans l’ombre du bâtiment, Nova se trouvait loin de la lumière de l’Atlantide. Durant de longues secondes, il respira comme si sa vie en dépendait. Même après avoir recouvert un souffle normal, il ressentait cette tension, cette urgence de respirer via les traumatismes de son corps. La colère lui vint après. La sensation d’avoir été manipulé bien qu’il l’avait envisagé, n’était rien face à ce qu’il avait expérimenté. Suivit quelques instants plus tard, le sentiment de perte. Il n’était plus dans l’Atlantide. Elle n’était plus. Ce temps était révolus depuis des siècles mais la douleur était on ne plus présente. Il comprit alors que sa colère venait de là, de son impuissance actuelle face à ses envies. Il aurait voulus se défouler, se jeter sur le légat pour le mettre en pièce mais il savait ceci vain. Son calme habituel le reprenait petit à petit tandis qu’il s’efforçait à respirer régulièrement. Enfin, il révéla ma tête vers le musicien, général en chef des marinas.

-Que m’as-tu fais Orpheus ?

Car il le sentait au fond de lui. Il avait changé et il était incapable de revenir en arrière dorénavant.

La vérité éclatait enfin au grand jour et Orpheus en était heureux. Les mots étaient parfois de trop et s'il devait faire passer un message, il préférait utiliser des moyens qui n'étaient pas conventionnels. Il en avait le pouvoir alors il ne s'en privait pas. Il ne contrôlait néanmoins pas la portée de ce qu'il venait de projeter dans l'esprit de la Tortue. Chaque cerveau était différent et s'il projetait l'image de l'antique cité et de sa fabuleuse histoire, il ne savait pas comment la personne ciblée vivait l'expérience. Lui-même se rappelait ce qu'il avait vu. Poseidon avait voulu qu'il sache pour que sa foi ne vacille jamais. Et cette expérience l'avait changé.

Lorsque Nova revint à lui, la fureur l'habitait. Rien d'étonnant en soi mais le Légat restait sur ses gardes. On ne savait jamais comment pouvait réagir un homme en colère et dans le cas où il tenterait de l'attaquer, il devait être prêt à lui répondre. Mais Nova était plus intelligent que cela. Sa question acheva de confirmer à quel point il venait d'être bouleversé. Abaissant son bras gauche, Orpheus poussa un petit soupir, presque imperceptible, sachant pertinemment qu'il lui serait délicat de lui expliquer ce qu'il venait de vivre.

- Rien d'autre que de t'ouvrir les yeux, Nova.

C'était le moins que l'on puisse dire. Car s'il savait que le Marina avait été élevé dans la religion du dieu unique, il ne fallait pas oublié qu'aujourd'hui il servait le Maître des Océans. Et que contrairement à ce que pouvait prétendre cette nouvelle religion, il existait bel et bien un panthéon. Un panthéon extrêmement puissant et dont les membres se battaient entre eux depuis des générations afin de savoir qui aurait la propriété unique de la Terre. Cette nouvelle guerre Sainte qui approchait risquait même d'être l'une des plus violente. De ce fait, Poseidon ne pouvait se permettre d'avoir en son armée des hommes qui mettaient en doute son existence. Ou du moins qui mettait en avant, en priorité, celle d'un autre dieu.

Mais quelque chose avait changé dans son cœur. Serait-il plus à l'écoute de ce que Poseidon voulait ? Car s'il n'avait jamais montré un quelconque ressentiment, il n'en était pas moins un partisan de ce dieu dit "unique". Une vague plaisanterie pour celui qui servait le Seigneur des sept Mers. Une plaisanterie qui finalement ne le faisait plus autant rire que cela. Trop de personnes suivaient ce culte. Mais cela ne devait pas être possible au seing des armées de son Empereur. Si Nova n'évoluait pas, sincèrement bien sûr, il allait devoir mourir. Le chant de la Sirène n'était pas là que pour l'emmener dans le passé. Il était aussi là pour purifier les âmes.

- Tu as fait un pacte avec Poseidon. Tu as toujours eu un regard acéré sur ses actions passées. Ce dieu unique dont tu me parles... Il s'est éveillé trop tard sur cette terre. Tu viens de voir la vérité sur Poseidon. Pas seulement par la vue. Mais ton esprit a certainement saisi quelque chose d'important aujourd'hui. Le dieu des Mers n'est pas une chimère. Il est bel et bien réel et compte sur ceux qu'il a choisi. Tu en fais parti, Marina de la Tortue. Atlantis était une cité idéale. Mais la guerre des dieux l'a détruite. Aujourd'hui tu doutes de ton Seigneur et Maître... Sache que j'ai été compréhensif jusque là. Mais que je n'accepterai pas plus longtemps que la volonté de Poseidon soit bafoué en son antre. Nova !

Un instant, le cosmos du Légat se fit plus intense, comme s'il s’apprêtait à rendre la justice de son dieu. Mais cette impression se dissipa presque immédiatement. Orpheus n'était là que pour écouter Nova. Et pour l'aiguiller sur le chemin qu'il allait devoir emprunter. Sa mort n'était pas encore désiré. D'autant que sa scale ne l'avait pas rejeté malgré ses principes. Preuve s'il en fallait que Poseidon savait. Il savait toujours de toute façon.

- Qu'en est-il de ta foi, désormais ? Crois-tu toujours que nous ne serons que des destructeurs ?

Nova savait que d’une manière ou d’une autre, il cesserait d’exister aujourd’hui. Ironiquement, il devrait renaitre de nouveau après son entrevue avec le légat. Soit il embrassait totalement la cause de Neptune, soit son esprit serait broyé par le cosmos d’Orpheus. Le colosse resta un moment sans voix après la question de son supérieur. Il sentait son corps parcourus de tremblement après la démonstration de force du borgne. Son regard glissa vers sa main gauche dont les spasmes étaient bien visible dans la lumière sous-marine. Serrant les dents comme le point pour interrompre cette faiblesse, il se releva, lentement mais surement.

-…

Le colosse sentit ses yeux s‘humidifié tandis qu’il se tenait debout, le dos droit. Un moment, la peur se présenta à son esprit. Il n’aimait pas laisser couler des larmes devant quelqu’un, signe de faiblesse. Encore moins devant le légat en personne. Prenant une grande inspiration, il calma ses réactions physiques avant de reprendre la parole d’une voix plus assuré.

-Je n’étais qu’un fou jouant un jeu mortel. J’ai pris le nom de Nova pour démontrer que je me suis détaché de ma vie d’avant. Aujourd’hui Orpheus, je t’en fais le serment comme à Poséidon lui-même. Ce nom est plus que jamais d’actualité. Si vous me laissez porter cette armure, je serais de nouveau…non. Enfin, Nova de la scale de la Tortue.

Son regard était franc mais surtout plein d’espoir. Non pas l’espoir de vivre mais l’espoir d’un monde meilleur. Le marina savait que cela serait difficile, que de longues journées mois, années peut-être serait nécessaire, que le chemin à parcourir verrait des morts tout le long. Pourtant, un demain meilleur semblait enfin se dessiner. Un demain possible et non plus une simple utopie déifiée.

-Je sais que Poséidon n’est pas un Dieu naïf, que ça colère est terrible et redouté. Sans doute qu’il ne s’agit que de la colère légitime pour parvenir à ses fins. Je comprends maintenant que l’eau purificatrice n’est pas qu’un mythe. S’il faut engloutir la terre sous les océans pour cette purification de l’être humain, alors c’est avec joie que je ferais partie de cette entreprise.

Inconsciemment ou presque, le bras de Nova s’était tendu, la main grande ouverte à mesure qu’il parlait, emporté par sa toute nouvelle dévotion. S’en apercevant, il ramena son poing vers sa poitrine alors qu’il s’agenouillait devant le légat.

-J’ai vu ce que pouvait donner la civilisation de Neptune. Sa grandeur comme sa destruction. J’ai vu Atlantis et elle m’est apparue plus réelle que Rome elle-même. Je sais maintenant qu’il n’y a pas que la destruction dans le cœur du Dieu des mers et j’en suis rassuré.

À genoux, Nova braquait son regard sur le sol marbré, en soumission face au jugement d’Orpheus. Pourtant, il releva la tête, vrillant son regard dans celui du général de la sirène maléfique. Son regard c’était fait plus durs.

-Apollon, Athéna et même Zeus lui-même ont eu leurs chances de bâtir de brillante civilisation. Peut-être y sont-ils parvenus temporairement…mais ils n’ont rien pu faire contre la déchéance de Rome. Il est temps que Neptune est enfin son mot à dire sur l’échiquier du pouvoir.

Il n’y a pas bête plus loyale que celle qui cherche à prouver sa valeur…