Les rayons du soleil sont lourds aujourd’hui. La chaleur accentue la pression sur els épaules du jeune homme. Tout en armure blanche, épaulette monstrueusement moche, il sue à grosse goutte sous son casque. Pourtant le saint sourit. Aujourd’hui est un grand jour, le premier du reste de sa vie. Depuis la veille il est l’heureux détenteur de l’armure du Centaure. Précisément, il est heureux d’être enfin en symbiose avec son étoile. L’armure elle…pas trop son style. Pour le coup il se doit de la porter mais à l’avenir il s’en passerait bien. À la seule idée d’un chevalier qui trouve son armure moche, il ne peut retenir un éclat de rire. Il aime bien quand tout va de travers, la vie lui semble bien plus fun dans ses conditions, bien loin de l’austère ambiance ou la rigidité de certains. Qui a dit « Bach » ? L’esprit tordu de Mercurio probablement.

Le voici donc devant la huitième Maison. Celle de son maitre, Antarès du Scorpion. Apercevant une écorchure sur l’un des premiers piliers, il ne peut retenir d’y passer une main avec un petit sourire. Il avait créé cette fissure, quelques années plus tôt lors d’une de ces pertes de contrôles. Ressentant un peu de tension, cela serait la première fois qu’il se présentait devant son maitre depuis l’examen, le jeune homme finis par pénétrer l’immense demeure. Il l’a connaissait presque par cœur. Voila cinq ans qu’il est sous la supervision du chevalier d’Or. Avec lui il a progressé aussi bien mentalement que techniquement. Voici venu le temps de recevoir les congratulations du maitre…ou ses reproches.

Évitant d’entrée par la grande entrée principale, le jeune chevalier préféra tranquillement contourner la maison du scorpion. Son but ? Les appartements privés de son maitre. Plus précisément, une petite fenêtre donnant sur une sale d’étude, le genre bibliothèque bien rangée. Aussi silencieusement que possible, dissimulant sa cosmo-énergie du mieux qu’il pouvait, il jeta un coup d’œil par le verre puis n’apercevant personne, pénétra à l’intérieur. Accroupi entre les étagères, il passait d’un rayon à l’autre, doucement, de manière à ne pas se faire repérer aussi proche du but. Enfin, il trouva sa cible. Une longue corde fait de métaux doré. Précisément, un abdomen de scorpion porté comme finalisation du casque de l’armure du même nom.

Son maitre était calme et de dos. Le jeune Centaure ne savais s’il lisait, méditait ou tout simplement attendais sa venue. Dans tout les cas, comme un chat devant sa proie, il ne put délaisser du regard l’extension doré. Son sourire était du même acabit. Un sourire de prédateur, joueur. Il attendit au coin d’un meuble, agitant ses doigts pour se délaisser de la tension puis sentant le moment venu, surgit sur sa cible, bras tendu et main ouverte.

Pour mieux la refermer sur du vide. Passé sa surprise, il émit un grognement d’irritation autant que de résignation. Ce n’était pas aujourd’hui qu’il arriverait à tirer le pompon du scorpion. Se relevant, un petit sourire gêné, plus pour la forme qu’autre chose, ses yeux croisèrent ceux du chevalier d’or.

-Yo maitre. Je suis rentré.

Intérieurement, il était simplement heureux. Il était devenu chevalier et revenu dans ce qu’il considérait le plus proche d’une maison. Non pas une maison à défendre mais une maison où vivre…

Là où était sa place.

Spoiler:

Une frappe sur le dessus du crâne fit tinter le diadème nouvellement acquis. Puis un profond soupir suivit.

...tu n'as toujours pas réussi à grandir un peu, hein...passons pour cette fois. La prochaine sera peut être la bonne.

Me prenant l'arête supérieure du nez, juste sous la jonction des sourcils, comme blasé par cette intervention, je regardais à nouveau le jeune homme qui me faisait face. Il ne pourrait jamais vraiment réfréner ses pulsions. Devais je le condamner? Il était jeune, à l'aube de sa nouvelle vie. Autant qu'il conserve cette innocence, c'était le meilleur moyen de contrer les explosions sauvages qui l'habitaient, si souvent. Et puis, c'était devenu une sorte de rituel, avec le temps. Je considérais que le jour où il finirait par attraper cette queue, je n'aurais plus rien à lui transmettre. Mais l'heure n'était pas aux projections futures, il l'était à savourer le présent.

Je vois que ton armure te va à ravir...mes félicitations, fier chevalier du Centaure! Et si tu me racontais comment ça c'est passé?

Évidemment, j'avais pris soin d'assister à la rencontre, mais je voulais surtout qu'il exprime ses sentiments profonds lors de l'accomplissement de sa quête, le moment où il avait compris que la chose était possible, à sa portée, la sensation d'avoir une seconde peau, une seconde moitié d'âme. Bref, je voulais qu'il en parle pour désacraliser l'instant, le rendre accessible. Afin qu'il comprenne que c'était possible, qu'il avait réussi à se dompter. Le manque de confiance en soi était l'un des facteurs principaux de son comportement explosif, et je savais qu'il devait passer par là pour se canaliser. Délaissant complètement mon travail de copie du parchemin sur lequel je m'appliquais - et qui me prenait beaucoup de temps libre, étant donné que c'était la seule façon ce conserver ces très fragiles vestiges de savoir, sans les laisser tomber en poussière - j'invitais d'un geste le jeune homme à me suivre.

Une balade le long des colonnes baignées par le soleil serait le meilleur des cadres pour cette conversations, et cela permettrait en outre d'apporter du mouvements aux mots de mon pupille, qui je le savais était expansif quand il était question de raconter des souvenirs forts. Laissant là les rayons de l'astre du jour se refléter dans l'or de mon armure, souligné par l'éclat vif de l'armure du Centaure, je jouissais de se simple moment, heureux de voir celui que je considérais comme un ami, sinon un petit frère, dont j'avais la charge et que je devais protéger. C'était ainsi que je considérais mes fonctions auprès des Saints: protéger, faire grandir. Protéger l'humanité de ses démons, l'aider à grandir sur le chemin de la sagesse. Et il en allait de même pour les individus.

Et que comptes tu faire maintenant que tu as réussi à accéder à une armure d'argent? Comment veux tu te rendre utile? Quelles sont tes aspirations? Maintenant tu fais partie d'un grand ensemble d'hommes, il va de soi que tes aspirations doivent grandir à leur tour. De même que tu dois aussi grandir, hein?

Je savais que c'était peine perdu, mais comme le jeu de tout à l'heure, il n'y aurait pas de fin à mes tentatives. J'allais, forcer cette boule de nerf à porter son énergie vers des choses constructives.

Raté. Encore une fois. Mercurio fit une légère grimace, de déception mais aussi d’amusement. Ce n’était que partie remise. Le résultat final, cette grimace lui donnait un aspect particulièrement bizarre mais qu’importait, loin de lui cette idée de la beauté que transportait les grecs un peu partout. Pourtant…pourtant… il avait son propre avis sur la question. Surtout lorsque son maitre évoqua l’armure qu’il portait. Un rapide coup d’œil puis sa main allait tâtonner les grandes piques sur ses épaulières.

-À vrai dire…je ne la trouve pas très belle. Bien entendu, je suis fier d’en être le détenteur, c’est l’aboutissement…non, le début de quelque chose de génial. Pour autant, ces larges piques là…Mouarf. Pas génial.

Son regard vint se poser sur la longue tresse d’or du maitre avant de remonter croiser le regard de ce dernier. Les yeux du blondinet brillaient d’une petite joie espiègle, comme la danse de deux feux follets autour de ses pupilles. D’un grand sourire, un brin provocateur, il fallait l’avouer, le chevalier se délecta de ses mots avant même de les prononcer.

-Au moins je n’ai pas de tresse. C’est déjà ça.

Un petit gloussement émana de sa gorge sans qu’il puisse le réprimer. Un petit manque de respect envers son désormais supérieur hiérarchique, une petite pique affectueuse envers son maitre. Surtout qu’il n’avait rien contre les tresses, au contraire, elles avaient tendance à l’amuser, attirer toute son attention au rythme du balancement. Comme souvent, un simple roulement des yeux fut la seule réponse d’Antarès. Comme souvent, ce dernier passa à autre chose, sans même se contenter de relever. Ce qui renvoyait Mercurio à ses attributions comme une simple tapette l’avait fait plus tôt. Docilement, l’élève suivis son maitre, ses mains se nouant derrière sa nuque tandis qu’ils arpentaient les couloirs de la maison du scorpion.

-Je les ais tous défoncer ! Ouais ! En un coup surpuissant, genre bourrin de service comme Le Vieux.

Cette fois-ci le rire cristallin du jeune homme retentit dans l’air. Un rire franc, joyeux. Sans qu’ils ‘en rende compte, une pression s’était installé sur ses épaules, celle des attentes de Bach, Antarès, les siennes. Celles de tous les reproches qu’on lui avait adressés. Ils e voyait déjà venir voir tout ses anciens camarades apprentis pour leurs balancer « Là ! J’ai réussis et pas vous ! ». Leurs montré à tous qu’il n’était pas qu’un petit con voué à l’échec. La plupart étant les autres apprentis du Vieux, aussi appelé chevalier du Taureau par certains.

-Non, cela n’as pas été facile. Du tout. Je ne m’attendais pas à devoir être soul les premières minutes. Les autres n’ont plus d’ailleurs. Heureusement que j’avais déjà une petite expérience de l’état d’ébriété parce que sinon je n’aurais même pas pus me mettre à genoux.

Nouveau rire, moins joyeux cette fois-ci. Il avait toujours eu du mal à avouer ces torts, même sur le ton de la plaisanterie. Le sentiment de danger, lorsqu’on s’approchait trop de ses vrais pensées, de son vrai « lui » pouvait le prendre au tripes au moins de l’immobilisé. Petit à petit il l’avait maitrisé. Bach puis Antarès l’y avait aidé. Pour autant, ce n’était pas encore terminé, loin de là…

-J’ai encore perdu le contrôle. Dès que j’ai réalisé que jamais je ne me sentirais entier. Jamais je ne me sentirais fier d’être un chevalier d’Athéna, digne de vos enseignements. Alors j’ai plongé dans mes travers. J’y suis allez volontairement tellement j’avais peur de me retrouver seul à nouveau.

La tête du jeune homme s’était baissé, les épaules courbées, la déception se sentait dans sa voix tandis qu’un gout acre emplissait sa gorge. Intérieurement, il jurait contre lui-même, d’avoir cédé à ses pulsions, pire, de les avoir totalement embrassés. Un léger voile passa devant ses yeux avant qu’il en relève le menton vers l’armure d’or de son maitre.

-Si j’ai réussi c’est grâce à vous ! Je me suis rappelé nos interminables séances entre ses mêmes murs. Cela n’a pas été facile mais j’ai su mieux me contrôler, agir intelligemment et précisément sans me laisser envahir par l’extase du sang. D’ailleurs vous avez vus mes plaques de glace ? C’était pas mal n’est-ce pas ? J’ai essayé de viser des points essentiels du corps adverse, comme votre scarlet needle.

Le jeune homme resplendissait de fierté. Suivre les pas de son maitre, se montré digne d’avoir reçus son enseignement, il vous aurait ri au nez si vous lui en aviez parlé quelques années plus tôt. Aujourd’hui, son sourire illuminait son visage, preuve des progrès accomplis. Ce fut d’ailleurs le sujet de la question suivante d’Antarès. Cette dernière prit Mercurio au dépourvu et pendant de longue il resta immobile, incapable d’y répondre. Sentant le regard interrogateur de son maitre, il se força à y réfléchir, serrant ses gencives sous l’effort de la concentration.

-Je…je vais défendre les intérêts de la déesse Athéna. C’est un peu idiot mais je n’ai pas d’envie d’apporter la paix au monde où défendre la terre contre les forces du mal. Plus précisément, cela reste très obscur pour moi. Mon « monde » est d’ailleurs assez petit, je n’ai que peu de souvenir de mon village, de loin pas ma période préféré de ma vie, le reste c’est ici, le sanctuaire. Donc je n’hésiterais pas à le défendre, ça c’est sûrs, après… je crois que je me contenterais d’obéir aux ordres pour l’instant.

Un sourire gêné s’afficha sur le visage du garçon. Il savait que ce n’était pas la réponse qu’attendais généralement les gens mais face à Antarès, il se devait de dire la vérité si ce n’était par respect, juste par logique, il le connaissait mieux que personne. Même Bach n’avait pas cet honneur.

-Maintenant, s’il y a une chose dont je suis certains et dont je comprends et soutiens la fonction, c’est la défense de cette maison. En votre absence, je ne laisserais personne posé ne serait-ce qu’un pied à l’intérieur où la contourner, je peux vous l’assurer ! C’est votre mission et en tant que telle, il est de mon honneur de vous suppléer s’il le faut…et si cela vous va bien entendu.

La déclaration se termina avec des mots prononcés plus calmement, comme un retour à la réalité. Antarès pourrait très bien l’envoyer balader et écraser ses rêves d’une phrase implacable, il avait toutes les raisons pour le faire même. Pour autant, tel était la situation et les sentiments du garçon. Mercurio abaissa légèrement son torse dans un rapide salut qu’il maintint ainsi plus longtemps que la normale, comme pour appuyer ses paroles. Il se releva, le regard interrogatif bien qu’il essaya de le cacher du mieux qu’il pouvait. Soit pas grand chose face à l’œil avisé du Scorpion. Ayant l’impression de marcher sur des braises ardentes, il reprit la parole.

-Si je peux me permettre… quelles sont vos aspirations à vous ? Je viens à peine d’être nommé chevalier et tout ceci me parait encore assez abscons mais voila longtemps que vous occupez ce poste. Vous devez vivre tout ceci bien différemment que moi. Peut-être avez-vous déjà rencontrez la déesse elle-même ?

Ce que je pouvais affirmer, c'était que le jeune garçon continuait à avoir de l'enthousiasme à revendre. C'était en lui offrant des défis comme celui de porter l'armure du Centaure qu'on pouvait le canaliser, j'en étais persuadé. Il apprenait petit à petit la mesure de la responsabilité qui était la sienne. Il y avait encore des choses à corriger, certes, mais il pêchait plus par inexpérience que par réelle mauvaise attitude. Il fallait dire que j'étais exigeant avec lui, presque autant qu'avec moi même, ce qui n'était pas peu dire. Je préparais une réponse lui laissant des pistes de réflexion lorsqu'il me prit de court, réitérant son serment de fidélité. Cela me prit au dépourvu, mais me permit de transiter sur le sujet, m'offrant une opportunité de confier une mission au petit. Sa question suivante, en attente ardente d'une réponse de ma part, était des plus appropriée.

Mes aspirations...et bien j'ai vu trop de guerre, trop d'injustice frapper l'Homme depuis ma naissance. Alors j'essaye toujours de lutter pour un avenir meilleur, mais force est de constater que ça n'a pas l'impact que j'espérais...

J'avais dit tout cela en scrutant l'horizon, regardant la ligne de crête trancher dans le bleu du ciel. Puis je me tournais vers lui, suivant du doigt l'arête qui se terminait par la pointe de son épaulette. Bizarrement, celle-ci faisait écho à la pièce de mon armure, dressée comme un croc de part et d'autre de ma stature.

Mais je suis au moins sûr d'une chose, c'est que je peux aider à apporter le changement à ceux que je réussis à atteindre. Et peut être que, de proche en proche, ce changement s'étendra au monde entier...enfin tout cela n'est qu'utopie, peut être. Toujours est il que les aspirations de la déesse ont trouvé écho en mon cœur, et que je me bats pour ce même amour qu'elle porte à l'humanité. Et même si cela implique de devoir pardonner aux humains pour leurs fautes.

Finalement, cette question était vraiment plus difficile que je ne le pensais. Croyais je vraiment à mon discours? Avais je seulement envie d'y croire? Comment pardonner à certains hommes leur barbarie, les actes ignobles dont ils avaient été les instigateurs? J'avais soif de vengeance pour certains d'entre eux, et je devais terrer ce sentiment tout au fond de moi, au risque de le laisser pourrir et m'empoisonner. Et surtout ne pas transmettre ce fardeau à d'autres personnes.

Mais tu ne peut pas comprendre effectivement, pas maintenant du moins. Il te faut voir le monde, rencontrer les personnes pour lequel tu es sensé te battre. Tu n'as connu que le Sanctuaire, c'est vrai, mais ne penses-tu pas que c'est un bon point de départ pour un but noble? Défendre ce qui t'es cher...tu ne peux te permettre de perdre ce que tu as acquis, ce que tu as mérité. Vas dehors et regarde ceux qui subissent l’injustice, qui sont sans aide aucune, laissés pour comptes! Apportes leur ton aide comme nous te l'avons apporté.

Il devait réaliser quel destin était maintenant le sien, quel était le but de la succession d'événements qui l'avait amené en ces lieux, à cet instant précis. Il était une pièce du puzzle, rien de moins que ça, un maillon de la chaine, aussi important que les autres. J'en revenais à ce qu'il m'avait proposé plus tôt, tournant le regard vers l'intérieur de ce qui était ma "place forte", mon foyer en quelque sorte, accordé selon mes souhait, totalement personnel. Mercurio y avait une place, c'était évident. Baissant la tête en un geste révérencieux, j'acquiesçais, donc.

Mais bien sûr tu es le bienvenu ici, à assurer la protection de cette maison. Tu es chez toi en ces lieux, tu les connais par cœur, et j'aurais franchement peu de logique à rejeter ton offre. Il suffira de régler ce détail au niveau du Pope, je pense. Mais ne crois surtout pas qu'il faut t'échouer sur cette maison comme un bateau sans équipage! Ta place est dans le Monde, pas reclus comme un vieillard.

Il fallait qu'il comprenne une bonne fois pour toute que son passé n'était pas un obstacle pour vivre en société, et surtout qu'il était appelé à agir directement sur la société actuelle. C'était la contrepartie de l'acquisition de son armure, il était au service de l'Humanité toute entière.

Mercurio regardait son maitre discourir, écoutait ses paroles comme ses pensées formé par des mots, des phrases. À un point du dialogue, il ne put s’empêcher de penser qu’il n’y avait personne dans sa vie qu’il ne respectait plus que le chevalier du scorpion. De son armure d’or, l’homme aux cheveux bleu était la lumière guidant les pas du tout jeunes centaures. Son chemin serait difficile, à moitié dans l‘ombre, à moitié dans la lumière. S’il devait tomber cela ne serait que pour mieux pardonner aux autres pécheurs. Pour autant, il n’en était pas encore là. Si Antarès semblait avoir vu, connus des ennemis comme des guerres, pour Mercurio…l’ennemi était tapis au fond de lui.

Chaque combat était un jeu d’équilibriste. Utilisé assez de puissance pour vaincre mais pas assez pour se laisser à ses instincts les plus basiques. L’épreuve d’attribution de l’armure du centaure le lui avait encore confirmé, il n’était toujours pas maitrisé. Probablement qu’il lui faudrait des années d’entrainement supplémentaire. Probablement qu’il lui faudrait des années d’expérience auxquelles éprouvés ses capacités et sa résistance.

-Sincèrement je doute être à même, aujourd’hui, de continuer votre œuvre Maitre. Par contre, rien ne me retiendras d’essayer, je peux vous l’assurer. Je vous crois sur parole quand vous dites qu’il me faut voyager de par le monde. Il est vrai que souvent je me suis demandé ce qu’il y avait « ailleurs ».

Le jeune homme rougit légèrement avant de piquer un fard en pensant à ce qu’il allait raconter. En lui, une alarme sonnait pour dénoncer le danger que représentait le fait de se dévoiler autant. Le blondinet banda sa résolution et mentalement se mit à marcher dans le vide, sur la petite ficelle qu’était son existence, prêt à tomber à chaque instant.

-Lorsque je cherchais mon « étoile » et vous savez que je l’ai cherché très longtemps, je me suis demandé où pouvait-elle être. Où son regard se posait sur cette terre et si je pouvais pénétrer dans son champ de vision. Dans ces moments-là, l’étroitesse de ma vie me frappait de plein fouet. Fouet est d’ailleurs le mot juste. J’en garde encore des brûlures en mon âme.

La tête légèrement baissé, le chevalier ne pouvait que regarder ses pieds tandis que sa langue s’agitait. Il avait l’impression d’avoir ses joues en feu et ses oreilles ne tardèrent pas à adopter le même coloris. Un petit rire nerveux surgit de ses lèvres sans qu’il ne puisse le retenir alors qu’il faisait une petite pause dans ses révélations.

-J’ai vécu toute mon enfance dans un monde gris, dépourvus d’intérêt, isolé de par mon attitude comme de la localisation de mon village. Après la venue du Vieux Taureau, j’ai toujours vécu au sanctuaire. Ho ! Je ne le regrette pas comprenons-nous bien. Juste que…des fois…

Sa voix se perdit dans un murmure alors qu’un sourire triste s’affichait sur son visage. Tant de questions, tant de doutes l’habitaient qu’il ne saurait les compter. Le fait de perdre le contrôle de son propre corps n’y était pas étranger. Comment être confiant, se sentir sûrs de soi quand votre propre chair vous trahissait ? Quand votre esprit vous enfermaient dans es pièces sombres de votre cerveau ?

-Des fois, je me dis que j’ai raté ma vie à rester si précautionneusement cloitré. Par manque d’intérêt d’abord, par peur ensuite…

Se reprenant, le jeune homme afficha un sourire radieux. De façade certes mais au moins il se forçait à se sortir de lui-même de son marasme. Il se fustigea mentalement contre une habitude loin d’être juste pour un chevalier d’Athéna avant de reprendre.

-Je sais que la caste des chevaliers d’argent est faite pour être envoyé en dehors du sanctuaire et bien que j’attende ce moment avec impatience j’appréhende aussi quelques peu. Probablement qu’un jour passez à l’extérieur, en vaudra deux passez entre nos murs protégé. Dans ces moments-là, il faudra que je garde à l’esprit vos paroles !

Le poing levé devant son visage, Mercurio avec le regard conquérant, exprimait sa motivation. Les meilleurs jours de sa vie serait à venir, il s’en fit le serment puis, comme s’il revenait enfin à la réalité (ce qui n’était pas loin d’être la vérité), il ramena son attention sur son maitre.

-Et vous ? Je suis sûrs que vous avez parcourus le monde, peut-être moins depuis que vous êtes le porteur de cette armure mais tout de même un peu non ? Peut-être même pourriez –vous m’en parlez, ce qui se cache derrière les cartes et les manuscrits que vous recopiez à longueur de temps…

Comme à son habitude, le jeune chevalier avait la nette tendance à se déprécier. J'avais appris à m'y faire, sans jamais cependant baisser les bras pour l'aider à acquérir une estime de soi. C'était un problème qui touchait le commun des mortels, et je n'y étais moi même pas insensible. C'est cependant quand il m'expliqua ses angoisses profondes que je me décidais à intervenir. Comme toujours, j'étais son pied posé dans la réalité, celui qui d'un revers de la main balayait les chimère qui pouvaient l'obnubiler autant, le coupant du monde.

Mais voilà les paroles d'un vieillard! Quel âge as tu donc, pour considérer ta vie ainsi gâchée? Tu n'est qu'au point de départ d'une multitude de choses nouvelles! Reprends toi donc immédiatement, le jour n'est pas à l'humeur sombre, mais à la célébration d'une victoire éclatante.

C'était ce que je voulais qu'il comprenne. Au fond, son problème était simple, si simple qu'il était occulté par une multitude de faux semblants.

Aimes la vie, Mercurio. Et tu verras que tout sera plus simple pour toi. Comment peux tu n'espérer que survivre si tu renies l'existence même des choses, de ta personne? Aimes la vie, voilà tout. Tu verras que là, dehors, il y a beaucoup de choses qui te donneront envie de vomir, ou de hurler, mais tu trouveras des instants fugaces, des visions éphémères qui te feront te sentir bien plus uni que jamais. N'oublies jamais de prendre le temps d'un profonde inspiration, et de sentir la vie se répandre en toi. Car ces moments sont les plus précieux des trésors.

Puis je revins sur l'ultime question de mon élève. J'avais quelques réticences à exposer ainsi un sujet qui me tenait à cœur, d'autant plus qu'il était intimement lié à des blessures profondes jamais vraiment cicatrisées, et qui étaient source du même problème qu'avaient chacun de mes élèves, sur lequel je travaillais ardemment. Mes recopiages étaient une sorte de sinécure autant qu'une contrainte, un autre moyen de me souvenir pourquoi j'étais là, pourquoi je combattais au lieu de suivre les traces de mon paternel. Non pas que ma vie soit mauvaise, elle dépassait mes espérances, je me sentais à la fois utile et privilégié, mais le traumatisme restait vif, encore frais à ma mémoire. C'était ainsi. Mais l'heure était à la délivrance, à l'ouverture des cœurs. Mercurio m'avait fait un cadeau, en m'ouvrant le sien, et c'eut été impoli et rude de ne pas lui rendre la pareille. C'était aussi mon devoir, puisque ça l'incitait à continuer dans ce sens.

Vois tu, je suis de ceux qui considèrent que le savoir ne doit pas se perdre. Et c'est dans cette optique que j'ai entamé il y a un moment déjà un travail de copiste, afin que ce qui a été couché sur le parchemin ne finisse pas en poussière. Cela va des écrits historiques, aux cartes géographiques, en passant sur des traités philosophiques, des recettes de cuisine, bref je m'échine à regrouper tout le savoir dont je suis capable. Bien sûr, je ne prétends pas à faire de ma Maison la bibliothèque d'Alexandrie, mais si je peux préserver à mon échelle les traces de découvertes passées, peut être cela aura-t-il un impact sur le futur...

Je me grattais la tête, un peu gêné sur le coup. A vrai dire, je comprenais si personne ne s'intéressait à ma démarche. C'était personnel, voilà tout.

Mais dis moi, t'es tu trouvé une occupation autre que combattre, maintenant que tu as obtenu ce dont tu t'étais entrainé pour? Il est important que tu te trouves quelque chose qui te tienne à cœur, quelque chose qui te permettra de souffler, de t'aérer l'esprit. Sinon, tu finiras comme ce pauvre Bach, grincheux et nerveux! Tant de poids repose sur nos épaule...il est bon de pouvoir l'oublier, même un instant.

C'était vrai, il nous fallait ces moments. D'abord pour ne pas sombrer, se déconnecter de la vie d'homme, mais aussi pour se rappeler notre condition d'humain, malgré notre puissance et les choses dont nous étions capables.

Le jeune homme ne put empêcher le rire d’éclater dans l’atmosphère. En tant qu’ancien élève et chevalier tout simplement, il se devait dorénavant de respecter plus obligeamment la hiérarchie. Pourtant…pourtant, l’image d’un vieux Bach assis sur ses marches, armures d’or et canne en main en train de ronchonner attira son hilarité. Il s’essuyait les larmes aux coins de ses yeux quand il essayait de reprendre la parole. Il inspira profondément pour retrouver son calme avant de reprendre.

-Est-ce que je l’ai trouvé ? Je crois oui. Un moment, durant l’épreuve, je ne me suis plus senti seul. Que j’étais là où il fallait. C’était une impression très bizarre, très…inattendue. Est-ce que ça me forcera à continuer, toujours m’améliorer, me relever ? Ça je n’en sais rien pour être franc…

Le tout nouveau chevalier du centaure se passa la main sur la bouche tandis que ses yeux se perdaient un moment dans le vide. Il était vrai que cette sensation l’avait perturbé. Il était vrai qu’il y avait beaucoup repensé depuis. Comment pourrait-il la retrouver ? Voila qui était une bonne question mais est-ce qu’il s’y dévouerait corps et âme ? Il hésitait à y répondre. La peur de l’échec était si grande… il préférait quasiment ne rien tenter de peur d’être désapprouvé.

-Après réflexion probablement que non. Je n’ai pas encore trouvé de réel but à ma vie autre que servir notre déesse. Peut-être… non, sans doute qu’il faudra que je m’ouvre plus aux autres. Jusqu’à maintenant je suis resté souvent enfermé sur moi-même, toujours cette peur de l’inconnu. C’est quand même terrifiant de ne pas savoir ce qu’il se passe derrière ce mur, ce que pense cette personne,…

Le jeune homme se détourna de son maitre quelques instants, se spas le ramenant vers l’entrée du temple. Le soleil frappait son armure d’argent, son casque comme ses piques. SSon regard à lui se posait sur l sanctuaire qui s’ouvrait en dessous. L’escalier gigantesque comme un serpent se faufilant vers le reste du monde. Après les premières maisons, les terrains d’entrainements, les arènes comme les premières rues menant aux villages se laissaient deviner. Parlant pour lui-même autant qu’à son maitre, le jeune centaure reprit la parole.

-Jusqu’à maintenant, j’ai vécu toute ma vie dans un cocon. Protégé du monde extérieur. Protégé des étrangers. Protéger de moi-même… Je suis l’un des temples de cet escalier. Un amas de roche bâtit pour défendre Athéna mais immobile. Incapable de ne serait-ce qu’aller là où l’envie me porte.

Sans s’en rendre compte, Mercurio avait fermé ses deux poings de colère. De colère devant sa situation, de colère devant sa cage dorée qu’il s’était lui-même imposé. La réalité ne le frappa qu’avec plus de force. Il n’était pas un centaure fort et redoutable. Il n’était qu’un poney élevé pour promener des enfants. Il était un âne sans âme ni esprit.

-À partir de maintenant, je serais comme cet escalier. Je serpenterais entre mes devoirs et mes envies pour arpenter le monde. Je gouterais à ses plaisirs comme à ses peines. Si mes peurs me reprennent, je ne m’y jetterais qu’avec d’autant plus de force.

Sa voix avait pris de l’aplomb. De si haut, tout lui paraissait si clair, si possible. Un tout nouveau jour s’ouvrait à lui, une toute nouvelle vie. Le jeune homme se retourna vers le chevalier d’or, joignant ses mains dans la forme des prières chrétienne. Il se pencha vers Antarès alors que de nouvelles paroles s’échappaient de ses lèvres.

-Je vous remercie Maitre. Encore une fois il aura fallut vos paroles éclairés pour me permettre de mieux m’orienter.

Lorsqu’il releva le buste, Mercurio souriait. Un sourire franc tel qu’il n’en avait que rarement connu. Un sourire confiant en l’avenir. Serein.