Athènes repose par une journée lumineuse mais froide. Les douze maisons semblent plonger comme dans un calme pour préserver quelques forces face à la rudesse de l’hiver. Pourtant, un jeune homme grimpe le long escalier menant jusqu’aux quartiers d’Athéna. Plus précisément, il gravit ceux le guidant jusqu’au septième temple. Son souffle provoque des buées dans l’atmosphère alors que son pas semble bien lourd sous cet amas d’argent. Arrivant en vue de la demeure du scorpion, ses yeux dorés se relève pour mieux juger l’ensemble de colonne et de salle à peine visible. La maison du scorpion. Sa maison et en même temps le territoire d’un autre. Un sourire timide accompagne ses pensées. Voila près de cinq ans qu’il vit ici, sous l’égide d’Antarès.

Probablement la première personne qu’il n’a jamais respectée. La seule qui est droit au qualificatif « maitre ». Même Bach et l’amélioration récente de leurs relations n’en as pas le plaisir. Pourtant…un doute reste. Narquois, caché dans les pensées du garçon aux cheveux couleur des blés. Il reste là, toujours prêt à surgir et l’entrainer dans les bas-fonds de la mélancolie. C’est bien parce qu’il a mis le chevalier d’Or sur un piédestal que son jugement est si lourd de sens. De peur d’y voir la déception, le rejet, Mercurio a retardé ce moment. Bien qu’il le côtoie quasiment tout les jours, le temps passé ensemble c’est amincis à un filet de sable dans le grand sablier. Tel une ombre évitant une lumière trop forte, le centaure avait évité le scorpion, lui préférant même les menaces de mort du phénix. Mais c’est ce même phénix qui, aujourd’hui, lui donnait la force de faire face à Antarès. La force de répondre de ses actions.

Le jeune homme reprit sa marche, le pas plus déterminé à défaut d’être plus serein. Longtemps il s’était cherché, souvent il avait pensé avoir trouvé son chemin que pour mieux se trouver. Seulement aujourd’hui, c’est un tout nouveau centaure qui galope parmi le sanctuaire. Un animal bien plus sombre qu’avant, réaliste. Enfin apte à se délaisser du regard des autres en âme et conscience. L’adolescent a laissé derrière lui les frasques pour attirer l’attention ou pour rigoler de sa vie vide de sens. L’adulte a accepté de faire partie de la marge et embrasse son destin bras ouvert. Il ne lui reste qu’un dernier obstacle avant de marcher sur ce chemin ombré.

Arrivé aux portes du temple, bien que porte soit un bien grands mots pour un large espace entre deux colonnes; le jeune homme se tient dans ce soleil froid qui éclaire cette journée fatidique pour lui. Les reflets argentés de son armure son plus adaptés à ce type de lumière qu’aux chaudes journées d’été faisant rutiler l’or. Le centaure clôt alors les yeux, se plongeant dans ses pensées. Mentalement, il évolue sur le bord du précipice. Son pied s’avance au dessus du vide et l’homme saute, tombe, chute. Désormais, il n’y a plus de retours.

Dans la réalité, Mercurio augmente son cosmos. Un cosmos, mi ombre, mi lumière, on y sent le péché et une véritable intention de nuire. Comme un son de cors, il appel son maitre, le défi. Sans bouger d’un poil, il attend la sortie du chevalier d’or et petit à petit, la forme caractéristique du scorpion se dessine dans l’ombre pour atteindre la lumière. Un sourire satisfait apparait sur les lèvres du jeune homme.

-Bonjour maitre. Voila bien longtemps que nous n’avons plus discuté n’est-ce pas ?

Sur ce même perron, près d’un an plus tôt, se déroulait une des discussions les plus importantes de la vie de Mercurio. Il jurait à l’époque de vivre sa vie pleinement sans avoir peur, ni se retenir. Il avait dépassé sa promesse. Pas nécessairement pour le mieux. L’être qu’il était, la réputation qu’il possédait était assez loin des standard d’Antarès, Elias, l’autre élève du scorpion lui avait bien fait comprendre.

-Comme promis, j’ai vécu cette première année pleinement. J’ai gouté à tout et plutôt deux fois qu’une.

Le jeune homme parlait vite et fort, son pouls s’accélérant sous le stress. Même maintenant, il n’était encore qu’un enfant sous le regard de son maitre. Probablement à jamais. Bras grand écarté, il englobait le monde dans sa pensée comme dans ses gestes. Il était un chat qui grossissait son pelage pour paraitre plus menaçant… plus sûrs qu’il ne l’était réellement.

-Si je viens vous voir aujourd’hui c’est parce que ce temps d’enfant est terminé. Ma période d’essais en temps que chevalier d’Athéna n’est pas des plus glorieuse, je le comprends bien mais cela ne me dérange pas. Mieux, je l’assume et le clame haut et fort !

Mercurio fit quelques pas vers Antarès, espérant paraitre plus confiant, la démarche assurée. Ses bras étaient retombés vers le sol alors que ses poings se fermaient. Son cosmos rentrait en ébullition, pour l’instant encore sous contrôle, encore gardé à un simple niveau d’excitation. S’il voulait se montrer confiant, il ne voulait pas se montrer menaçant. Pas encore.

-Mais si je veux continuer sur la voix qui est la mienne, je dois quitter l’enfance pour rentrer dans le monde des adultes. Je suis prêt et décidé mais si ma philosophie, ma vie sont désormais sur le point d’évoluer, il me reste encore une chose. Une dernière ancre que je dois relever. Je dois me dresser face à vous, me rebeller contre l’autorité, je dois oublier l’enfant pour devenir homme. Je dois tuer le Père.

Son regard c’était fait plus durs à mesure qu’il prononçait ses paroles. Le centaure bandait sa résolution pour effectuer un acte bien connu, naturel mais en même temps qui vous hérissait le poil. Dur est le moment de quitter le cocon familial.

J'étais sorti au grand jour, avisant un cosmos connu, mais pourtant différent. Bien différent, à vrai dire. Plus belliqueux...Alors ce moment était arrivé, aussi loin que j'avais pu le repousser, hmmm? Je savais avoir fait quelques erreurs de jugement vis à vis de mon second élève, mais cela ne faisait pas de lui un échec, loin de là. Chacun avait son évolution, et devait passer par différent chemin afin de trouver sa voie. Si je ne m'étais jamais interposé, si j'avais continué de croire en un chemin certes tortueux, mais au final aboutissant sur de bonnes choses, c'était parce que j'avais décelé tout cela dans le cœur même du Chevalier du Centaure. Il ne s'était pas particulièrement illustré ces derniers temps j'en avais eu l'écho, le Sanctuaire restant un petit monde où les nouvelles circulaient très vite. Mais devais-je lui jeter la pierre? Nous étions au moment parfait, où je lui servirais une nouvelle fois d'instructeur. Tellement parfait, en fait, qu'il suivait de près l'enseignement et l'accompagnement prodigués au jeune Phénix, quelques temps plus tôt. Lui aussi avait requis mon aide, et nous avions accouché dans la douleur de quelque chose de nouveau. Je n'avais qu'à être une sorte de borne de repérage, que mes élèves devaient passer à un moment de leur apprentissage, essayant de les aider au mieux à comprendre ce qu'ils étaient et pourquoi ils agissaient ainsi. Mercurio me salua, l'aire bravache, ayant vraisemblablement les nerfs en pelote. Au ton de sa voix, légèrement discordant, un peu trop fort, je jugeais qu'il devait être rongé par le stress, se donnant une contenance.

Il est vrai, mon disciple, et te voir me réchauffe le cœur. Et la vie vécu t'a-t-elle apporté un quelconque enseignement que tu veuilles partager avec moi?

J'eus la réponse rapidement. Ainsi voulait-il "couper le cordon". Soit, la confrontation faisait partie des choses que j'avais envisagé, sachant qu'un jour mon élève, dans sa logique d'auto-destruction, aurait à s'en prendre à la figure même de père que j'avais arboré à mes dépends. Je ne lui en tenait pas rigueur, m'étant déjà préparé à cela. Et puis, quand bien même voulait-il s'en prendre à moi, il échouait dans le rôle de grand méchant qu'il voulait se donner, se présentant plus comme l'enfant qu'il était, et s'attirant encore une fois mes faveurs. Peut être étais-je trop conciliant avec lui...mais cette confrontation m'aiderait moi aussi à me changer.

Soit, tu veux évoluer, te dépasser une fois de plus, et cela passe automatiquement par moi, à tes yeux. J'en suis honoré. Mais penses tu vraiment qu'il faille me tuer pour t'épanouir en tant que Saint de la déesse? Ne penses tu pas que ce comportement serait indigne des préceptes de sagesse apportés par notre maitresse à tous? Bien sûr, je sais que ces termes te servent à gagner du courage, mais à l'avenir choisis les avec plus de discernement. Ils meurtrissent bien plus cruellement que les coups, et pourtant peuvent t'amener eux aussi à la mort.

Un vent souleva les pans de ma cape. J'en profitais pour la rejeter de côté, ouvrant les bras en un geste d'invitation.

Je vais pourtant accepter ton offre. Il va de soi que tu puisses un fois de plus mesurer ma force, et moi la tienne. J'espère qu'au delà de ce combat tu comprendras certaines vérités, comme cela a toujours été, en fait. Sache qu'avec un tel cosmos déployé, tu m'obliges moi aussi à monter le niveau d'un cran. Je n'ai jamais été tendre avec toi en entrainement, par soucis de sincérité à ton égard, et ce n'est pas aujourd'hui que je commencerais. Si tu dois arpenter ce chemin, viens donc. Je serais là pour te relever, si jamais tu finis un genou à terre.

Je n'avais pas peur de vaincre, de même que je n'étais pas effrayé à l'idée de me faire botter le train. Advienne que pourra, comme le dit le vieil adage. J'étais en paix, bizarrement. Si c'était la forme que devait prendre cette leçon, et bien soit!

Mercurio fut soulagé. Pendant un moment, un long moment, il avait pensé être refoulé par son maitre. Signe qu’il n’avait pas encore le niveau, signe qu’il était toujours dans cette enfance dont il revendiquait s’être séparé. Comme un enfant pourtant, il avait attendu l’approbation de son père spirituel. Malgré ce qu’il avait vécu, malgré ce qu’il avait expérimentés, il ne restait qu’un enfant ayant passé toute sa vie dans un cocon protégé. Seul ces derniers mois avait été une expérience rude du monde réel. Son changement venait de là. Les berserkers, Alpharius se blessant, Elias et même Bach, tout ceci n’était que secondaire. Le monde extérieur est sans pitié, sa main n’est pas douce. C’est un poing de fer dans un gant de fer.

Antarès serait le seul capable de le juger prêt, capable d’y faire face.

Un petit sourire vint se loger sur le visage du centaure, sourire de soulagement tandis que ses yeux se retrouvaient braquer vers le sol. Il n’avait pas eu conscience d’avoir baisser la tête, son corps se délassant de lui-même en fonction des réactions du scorpion. Lorsqu’il reprit la parole, le timbre de sa voix ne pouvait tromper personne sur ses sentiments.

-Je vous remercie maitre. De m’accepter aujourd’hui comme hier, de m’avoir éduqué et recueilli. Je tiens à vous dire qu’aujourd’hui, si je dois vous affronter c’est bien parce que vous êtes la personne la plus digne et honorable à mes yeux.

Mercurio n’avait pas avancé, négligeant la proposition du chevalier d’or pour l’instant. Avant de lever la main sur Antarès, avant de « passer à l’ennemi », il tenait à mettre tout mettre au clair. Appliquer le point final à ce chapitre de sa vie.

-Je donnerais tout ce que j’ai aujourd’hui car c’est là mon seul espoir de vaincre. Seulement ainsi je pourrais tuer cette image du père. Ainsi, je pourrais m’en démarquer pour devenir l’homme que je peux être…que je dois être. Votre ombre est très impressionnante Maitre.

Le centaure eut un petit rire nerveux. Il craignait avoir blessé le scorpion quand il ne voulait que se donner courage, se forcer à agir. Sans se retourner. Plus jamais. Enfin, Mercurio fit un pas, répondant à l’invitation d’Antarès. Ce temple, il le connaissait bien. Voila cinq ans qu’il l’arpentait comme sa demeure, sa maison…sa zone de sureté. Pourtant, aujourd’hui, tout semblait différent. Du moindre éclairage à la disposition des colonnes. Aujourd’hui, il rentrait dans le temple du scorpion et il n’en était qu’un étranger. Tout du moins se forçait-il à penser de cette manière. Il s’arrêta en son centre, l’un des plus grands espaces vides que la maison d’Antarès possédait. Le véritable lieu des combats.

Pour autant, le blondinet resta immobile, silencieux en son sein. Il faisait son deuil de cette habitation, du confort qu’elle prodiguait à son âme. Mains jointes, il effectuait une prière silencieuse pour qu’elle protège ses habitants comme la déesse, à la fin du chemin du zodiaque. Car il le savait, sa route à lui, l’emmènerait loin d’ici. Peut-être même ne reviendrait-il plus jamais au sanctuaire. Cette simple pensée lui serra le cœur.

Lorsqu’il se retourna vers le gold saint, il s’était recouvert d’un masque s’expression, éloignant tout sentiment qu’il jugeait superflu. Il savait que son style de combat, celui qu’il avait développé pour l’aider en ce sombre chemin qu’était son destin, n’était pas des plus digne. Non, il n’affronterait pas son maitre en un vrai face à face. Des années plus tôt, il en rêvait. Pouvoir se mesurer à l’homme qui l’avait recueillis, lui prouver sa force, sa valeur, le fait que le chevalier d’or n’avait pas perdu son temps en l’éduquant. Tout jeune centaure, il lui avait déclaré être honoré de prendre sa relève dans le temple du scorpion si Antarès disparaissait un jour. C’était la fin d’une époque béni. Le crépuscule d’un enfant qui jouait encore au chevalier de bois.

Le silver saint d’aujourd’hui observa sa main quelques instants. Il avait vaincu ses peurs, ses monstres d’enfant. Il pensait posséder une bête sanguinaire enfermé au plus profond de son âme. Avec l’aide de l’homme à la crinière bleuté, il avait dompté ses démons, s’en était servis comme un simple outil. Mieux que ça, sa maitrise s’étendait dorénavant plus loin que les limites de sa chaire. Le jeune homme écarta légèrement les bras. Antarès hocha-t-il la tête ou Mercurio imagina-t-il l’accord de son maitre ? Dans tout les cas, le chevalier du centaure laissa son cosmos se manifester.

Depuis son petit coup d’éclat quelques minutes auparavant, l’aura du silver saint s’était calmé. Il soufflait à présent sur les braises pour en rallumer la chaleur. De fait, la température ambiante augmenta de quelques degrés avant même que des flammes ne se créent dans ses paumes. Le centaure ramena ses deux mains à hauteur du visage pour souffler dessus, projetant ainsi onze flammèches vers Antarès. Les flammes se placèrent tout autour du gold saint formant ainsi la constellation protectrice de Mercurio. Onze points dans l’air d’où se créèrent des petits centaures grands comme une épée. Il s’agissait de la seule attaque sans illusion du silver saint. Une première flamme pour un feu bien plus dantesque le temps passant. C’était, dans l’esprit torturé du jeune homme, la seule qu’il considérait « honnête ». ce dernier s’élança alors vers son maitre aussi vite que possible, son poing armé prêt à frapper le visage de l’homme aux cheveux bleus. Les petits centaures les frapperais ainsi tout les deux comme dans un sacrifice commun, une peine partagée.

Ainsi, Mercurio déclenchait finalement cet affrontement, apposant la première pierre à son édifice. Celui de l’ombre.

J'avais raison à son sujet, au sujet de la candeur qui restait au fond de lui, et qui faisait de lui un être exceptionnel, digne en tout cas de siéger à nos côtés. Je ressentais l'amour qu'il éprouvait pour les choses l'entourant, ce lieu qui avait été tant de foi son refuge, et pourtant je sentais une pointe de regret dans sa voix, comme s'il s'apprêtait à tirer un trait définitif sur tout cela. Saisissant sa remarque quant à mon ombre, je partais en conjecture sur sa signification. Voulait-il sortir de mon ombre, comme cela le laissait entendre? Ou étais-ce autre chose? Avait-il vu la part d'ombre cachée en moi? Je n'aurais la réponse qu'en le laissant se dévoiler, alors qu'il serait dans le feu de la bataille. Feu qui d'ailleurs couvait déjà en lui, allant jusqu'à se répandre à mon encontre, sous son impulsion. Je reconnaissais bien là mon élève.

Et bien, je vois que la fougue est toujours tienne! Mais n'as-tu donc pas oublié quel est ma spécialité?

Profitant de son élan, je laissais son poing venir, avant de le bloquer de ma senestre. Au dessus de moi, les centaures miniatures, nés des flammes, abattaient leurs poings sur mes plaques, me faisant chanceler quelques instants...instants qui me permirent de repartir, tel un dard, le doigt tendu en direction du plexus de mon élève. J'y enfonçais mon ongle allongé, passant au travers de son enveloppe charnelle, pour toucher les points vitaux dont moi seul connaissait les emplacements. Je l'avais prévenu: rien ne lui serait épargné. Et tant pis si cela m'obligeait à le remettre sur pied ensuite, en lui fournissant mon propre sang.

J'espère te faire honneur, mon jeune ami, car je ne te cacherais rien, aujourd'hui. Tu vas m'avoir tel que mes ennemis me craignent. Ne t'inquiètes pas pour autant, je t'assure que ta vie m'est des plus précieuses. Rappelles toi donc pourquoi je fais un adversaire tout aussi dangereux que le Taureau!

Et je tournais sur moi même, pour le balayer d'un revers de ma jambe droite, dans l'intention de le repousser au loin. Telle était ma tactique: frapper puis se replier, harceler inlassablement l'ennemi, jusqu'à ce qu'il perde toute volonté de se battre. Je laissais au moins toujours le choix à mon adversaire de s'arrêter, de rendre les armes. Tel était mon crédo, ne jamais juger définitivement un être humain, lui laisser la possibilité d'une rédemption. Cela comptait aussi pour les êtres qui m'étaient chers, comme par exemple le jeune homme en face de moi. Plusieurs fois je lui avais laissé le choix de renaître, de grandir, et il avait fait ce choix en son âme et conscience, avec son libre arbitre. Seul un dieu pouvait passer outre ce fait. Et encore, je commençais à en douter, depuis un certain temps.

Maintenant dis moi ce qui te motive, maintenant que tu as vu le monde, et enduré des épreuves qui t'ont meurtri, mais appris à te relever?

Je faisais évidement au doigt manquant sur son poing, symbole de sa disgrâce lors de l'assaut du Sanctuaire par les forces combinées des Titans et des Berserkers d'Arès. J'essayais en outre de le pousser à s'exprimer sur son futur, sur la conséquence de ce duel, car je m'inquiétais pour lui, comme de bien entendu.

--------------------------------------

Silence. Douleur. Sang. Mercurio ne put rien face à l’attaque de son maitre, à peine pouvait-il assister spectateur à sa vie. Il sentit l’ongle traverser son armure puis sa chair, rentrer dans son corps et y déverser son poison. Ses lèvres s’articulèrent dans un cri muet tandis que du sang coulait autour des plissures. Quelques gouttes éjectées retombèrent sur le gantelet d’Antarès alors que son corps était rejeté en arrière maintenant libre du corps étranger. Pourtant, malgré la douleur, le jeune centaure souriait. Les paroles du gold saint comme le fait de subir son légendaire courroux prenait une forme de reconnaissance dans l’esprit du garçon. Ce dernier sauta vers l’arrière d’une manière assez désarticulé, ne cherchant pas ou peu s‘en faut à bien atterrir sur le sol dallé.

Une petite larme coulait sur sa joue gauche lorsqu’il s’accroupit. Une larme de joie. Il n’avait jamais réellement affronté son maitre et aujourd’hui, le fait de lui faire face le rendait heureux. Plus que dans ses paroles de garçon apeuré sur un quelconque patricide, il supposait trouver grâce aux yeux de l’homme à la crinière de nuit. Sans réellement s’en rendre compte, son corps bougeant presque instinctivement, le centaure avait évité le balayage d’Antarès. S’il ne l’avait jamais affronté, ce n’était pas la première fois qu’il voyait son maitre frapper. Il y a une grande différence entre un combat et une punition mais les mouvements et techniques restaient presque les mêmes…

-Ho non, je n’ai rien oublié de vos talents, ni de votre force. Ne suis-je pas venus pour affronter l’homme que je considère le plus fort dans ce sanctuaire ?

Le petit sourire qui avait disparu quelques instants étaient revenus avec ses paroles. Sans s’en rendre compte, il s’était comporté comme l’adolescent qu’il ne voulait plus être. Comme quoi, chasser le naturel, il revient au galop. C’était encore plus vrai pour un centaure. Mercurio se releva après la dernière question de son maitre, son regard se faisant plus sûrs. Cet instant, il l’attendait impatiemment depuis longtemps.

-Toute flamme provoque une ombre. Si Elias peut-être considérer comme une flamme dans ce sanctuaire, jugeant les impies et les rebus, je suis l’ombre qui se cache, se dissimule.

Encore ce discours sur l’ombre. Le jeune homme ne pouvait s’en empêcher, absolument convaincus de ce qu’il était désormais et qu’elle serait son destin. La chaleur augmenta encore dans l’enceinte à mesure que son cosmos se manifestait. Il sentait la sueur sur son front et dans son dos s’écouler lentement tandis qu’il se mettait en garde, sa main blessé face à son maitre.

-Quand j’ai compris que je n’approuvais pas tout ces préceptes d’honneur, de bienséance alors que nos hommes meurs à chaque combat, j’ai su quelle était ma voie. S’il faut que quelqu’un tombe pour tous les actes sales et déshonorantes alors je serais cet homme. Je me salirais les mains pour que tous les autres saints puissent rester immaculés. Je suis le lâche centaure qui trompe son monde, la bête humaine.

Alors qu’il terminait son discours, Mercurio laissa son cosmos se manifester d’une manière bien plus visible. Son doigt manquant se reconstitua petit à petit à la manière d’un peintre qui appliquerait la dernière couche de couleur à son tableau. L’ancien Mercurio aurait sourit d’une manière victorieuse, comme si ce simple fait était le but final à tout ses tourments. L’ancien se serait vanter et commencé à prendre tout ceci à la rigolade mais c’était exactement ce Mercurio là que le centaure voulait enfouir au plus profond de lui-même. Le silver saint s’élança donc de nouveau vers son maitre mais bien plus sérieusement cette fois. L’ombre se déplaça, se dédoubla si bien qu’en quelques pas, il y avait dorénavant une dizaine de Mercurio. Quand le premier vint frapper Antarès, ils atteignaient la vingtaine. Il s’agissait de simple mirage, image sans présence physique mais face à un tel nombre, qui en plus tentait d’entourer le gold saint, dure de retrouver l’original.

Chacun tentait de frapper le scorpion, passant au travers ou ne frappant que le vide que pour mieux revenir à la charge, si possible en visant le dos ou les angles morts. Une furie de coups fantomatique qui ne s’arrêtaient jamais. Le véritable centaure quand à lui courut avec les autres quelques temps, s’assurant de se fondre dans la masse avant de passer avec un petit groupe derrière l’une des colonnes entourant la salle. En quelques sauts contre le mur et d’autres éléments d’architecture, il atteint le plafond dans un dernier saut. Durant son jeu de plateforme, il n’avait pas utilisé de cosmos pour éviter de se faire repérer ainsi. Peut-être que ça ne suffirais pas, peut-être que son maitre l’avait déjà repéré mais dans tout les cas, il avait fait son possible pour passer hors de vue.

Tête vers le sol, son regard braqué sur le chevalier d’or, il déclencha son cosmos, créant une coulée de flammes sur son maitre. Seule technique de son arsenal n’étant pas affiliée à son totem, elle portait même le nom d’une autre déesse qu’Athéna. Hestia, déesse du feu sacré et du foyer. Le même foyer qu’il se préparait à quitter. Des flammes purificatrice d’une certaine manière…

Je ne savais si il avait choisi pleinement de m'affronter, de prendre en compte les risques qu'il encourait. En tout cas, le jeune Centaure mettait du cœur à l'ouvrage, fonçant à ma rencontre avec toute l'énergie dont il était capable. Le voir ainsi centré pour atteindre un objectif me désarçonna: mais quand avait-il décidé de se mettre aussi pleinement dans une tâche? Peut être que les combats qu'il avait du endurer l'avait rendu plus attentif, plus concentré sur certaines vérités et sur certains objectifs. Cependant, lorsqu'il entama sa comparaison avec le Phénix, se jugeant son opposé parfait, je fus mal à l'aise, complètement dépassé par ses pensées. Je le savais auto-destructeur, mais pour qu'il en vienne à ce schéma de pensée, une limite avait été franchie. Une limite que je n'aurais jamais voulu voir être dépassée. Et tandis que la multitude de doubles qu'il s'était créé fondait sur moi, je m'écriais, estomaqué.

Comment peux-tu souffrir d'une quelconque comparaison avec ton compagnon du Phénix, celui qui fut ton frère en ces lieux? Comment peux tu croire, toi qui est unique, être l'exact opposé de cet homme, sa part sombre en quelque sorte? Tu te trompes, Mercurio, tu te trompes gravement. Penser que tu vaux moins que lui, c'est rejeter tout ce que tu es, tout ce que tu as accompli. Ne crois tu donc pas en la sagesse de la Déesse? Penses tu qu'elle aurait accordé sa bénédiction à un fourbe, à un moins que rien, tout juste capable d'agir à l'encontre de tous ces préceptes?

Alors que je tentais de le trouver au milieu de tous ces doubles qui n'étaient fait que de vent, il fondit sur moi, par la voie des airs, déversant son feu sur ma personne. Ce feu qui m'englobait à présent, faisant luire mon armure, brûlant mon visage et mes bras, trouva un écho dans les pulsations de mon cœur, l'infinie descente et remontée du fleuve carmin coulant dans mes veines. Le venin du Scorpion s'anima, échauffa l'ensemble, malédiction m'apportant tant la puissance que le manque de contrôle. Je bondissais, en proie à la colère conférée par cet ichor vermeil, passant au travers des flammes pour fondre sur mon élève, la main tendue.

Il n'est nul besoin de porter toute la douleur et le déshonneur des Saints sur tes épaules! Te crois tu meilleur qu'un autre, pour souffrir de ce fardeau tout seul? Chaque homme agit en son âme et conscience, et doit comprendre pourquoi les choses doivent être ainsi faites, afin d'agir au mieux. Penses tu que je reste les mains immaculées, pendant que d'autres vont les plonger dans la fange et le sang? Jamais je ne permettrais que quelqu'un fasse le sale travail à ma place, que cela équivaudrait à jeter ma légitimité aux flammes!

Prêt à le frapper de ma paume ouverte, j'allais enfoncer mes doigts dans son âme, pour en retirer les fils de vie, qui serviraient à nourrir la colère du Scorpion, sa vitalité m’inondant alors le corps, comme une eau fraiche. Outre cet effet, dédié aux Moires et à leur contrôle de la vie, j'avais acquis assez de vitesse, par l'éveil du Scorpion, pour que ma frappe le sonne proprement. La colère pulsait en moi, profonde, roulante, alors que je me sentais désemparé devant les choix de mon élève. C'était une véritable torture de se trouver face à quelqu'un ayant vraisemblablement fait le mauvais choix, et dont on ne pouvait pas le raisonner. J'étais perdu devant son entêtement, comme devant une catastrophe à laquelle je ne pouvais qu'assister, impuissant. A vrai dire, ce moment partagé avec avec Mercurio était presque plus douloureux que ma traversée du monde onirique avec Elias, qui pourtant avait failli nous voir mourir tous les deux, sous l'impulsion du double maléfique de celui-ci. Ici, il n'était pas question d'entité malsaine, mais de choix réfléchis, désirés et acceptés, et je devais convaincre, non rassembler.

Comme souvent avec Antarès, les mots étaient emprunt de sagesse et bien plus blessants que ses attaques physiques pour Mercurio. Le jeune ne put s’empêcher de grimacer en l’entendant tenter de corriger ses pensées. Si le centaure avait toujours des doutes quant à son futur destin, le chevalier d’or trouvait les mots justes, visant là où l’assurance relative du garçon pouvait briser en éclat. L’ombre puis le corps de son maitre résistants à ses flammes ne fut que l’avatar de sa volonté sans faille, ses paroles fait homme pour prouver au silver saint son erreur. Tout du moins c’est ainsi que ce dernier le pris. Il fut tout de même particulièrement étonné de voir son maitre encaissez ses assauts. Il avait espéré griller le scorpion et visiblement, ce n’était pas assez. L’animal avait la carapace dure. La forme floue prit bien vite consistance, menaçante comme jamais, laissant la peur se déverser dans le corps du jeune homme.

Plus par reflexe qu’autre choses, les flammes se réunirent entre les deux combattants, formant un bouclier élémentaire qui réduirait l’impact de l’assaut. Cet amas de flammes sous l’impulsion de Mercurio lui aussi passa d’une forme floue à une consistance et des contours précis. Dans les airs séparant le sol du plafond du temple du scorpion, entre les deux combattants se trouvaient désormais un troisième guerrier. Plus vrais que nature, Bach s’interposait pour protéger le centaure de l’attaque ennemi. Malheureusement, cela ne restait que des flammes, peu importait les traits qui se dessinait dans leurs danses privés. Bien qu’entravant momentanément le scorpion, elles finirent par être traversé par la poussée de ce dernier.

Mercurio juste derrière sentit la paume de son maitre venir le frapper avec force. Il avait l’impression qu’un pilier venait de lui traverser la poitrine, quelques centimètres plus à gauche que sa précédente blessure. Juste au niveau du cœur. Ses yeux s’agrandirent quand il sentit son corps s’élever encore plus haut à cause du choc. Il sentit son armure se fissuré au point d’impact peu avant que tout son être ne viennent s’encastrer dans le plafond. Sous la combinaison des deux, son cœur s’arrêta de battre un moment et le plafond finit par l’envoyer dans l’inconscience. Alors commença la chute, lourde, sans compromis à l’image de ce que redoutait le jeune homme même.

Le réveil fut brutal et son corps traversé de douleur au moindre mouvement. À cet instant, le combat aurait pus être déjà finis si Antarès lui avait donné le coup grâce. Ou peut-être pas ? Mercurio ne savait combien de temps s’était écoulé depuis le choc au plafond et peut-être à peine quelques secondes avaient passé seulement. Le jeune ramena ses bras sous lui pour se relever, observant ses clones qui s’il n’avait pas encore disparus commençait à se désintégrer au gré du vent. Le centaure sentit le gout du sang dans sa bouche, probablement s’était-il défaussé une dent à l’atterrissage. Il se releva avec difficulté commençant à peine à entrevoir l’écart entre lui et un chevalier d’or.

En se relevant, une pensée traversa son esprit. C’est avec un sourire joueur, un sourire qui l’avait caractérisé si longtemps qu’il leva les yeux. Pourtant, dans ses yeux, aucun amusement ne prenait place. De fait, le sourire disparus rapidement quand il prit la parole.

-Oh maitre… Elias et moi n’avons jamais été frère malgré toute votre volonté. Cela me déplore mais c’est comme ça. Il est prompt à juger et je lui ais donné de l’eau à son moulin comme un enfant joue avec une chandelle. Je l’ai admiré à un moment, nos ressemblances physiques sont frappantes. Malheureusement et comme souvent, face à l’ampleur de la tâche, j’ai préféré abandonner. Enfin, je ne me considère pas meilleur qu’un homme au contraire. Je suis juste un outil plus adapté à certaines situation car c’est seulement ainsi que je trouverais ma place, je le crois.

Quand il eut terminé, Mercurio jeta un regard circulaire dans la salle voyant leur affrontement. Comme s’il s’en imprégnait. De fait, il inspira longuement, laissant les souvenirs refluer à la surface de son esprit. Lorsqu’il reposa son regard sur son maitre, sa cape flottait près de ses mollets, ballotés de droit à gauche par la brise légère. Le centaure rutilait dans les quelques rayons du soleil l’atteignant. Tout son corps était recouvert d’or. Même ses cheveux possédait un casque et une protection descendant jusqu’en bas du dos. De longs cheveux bleus et une longue tresse d’or…

Derrière l’illusion restait le corps douloureux du jeune homme. Devant, aux yeux de son maitre, il était un miroir. Métamorphosé en Antarès lui-même, Mercurio fit de même avec ses clones, chacun prenant la forme du gardien de ce temple. De leur temple. Tous ensembles levèrent leurs index, laissant l’ongle carmin s’agrandir. La pensée ayant traversé l’esprit du silver saint se matérialisait. Qui de mieux qu’un chevalier d’or pour en combattre un ?

-Scarlet Needle.

Tous ensembles pointèrent leurs ongles sur le véritable chevalier d’or puis, manipulé selon la volonté de Mercurio, tous les mirages foncèrent sur le scorpion. Tous à la fois, différenciant cette attaque de la précédente. Chacun étant une flamme entrant en combustion d’autant plus forte lorsque ses congénères étaient proches et toutes venait se retrouver sur Antarès. Voici quel était la nouvelle roue d’Ixion, bien plus maitrisé, bien plus sécurisante pour son utilisateur et bien plus dangereuse pour la cible. Déjà la hauteur du feu atteignait le plafond, noircissant les blocs de marbre du temple…

Le Centaure avait usé de ses flammes pour se protéger de mon attaque, rendant mes coups peu pénétrants, comme s'enfonçant dans de la mélasse. Un instant, elles avaient pris la forme de ce vieux fou de Bach, ce qui n'arrêta nullement ma frappe, même si le feu stoppa la technique que je m'apprêtais à faire. Ma paume le toucha cependant, peut être par le simple fait de mon état de colère, alimenté par le sang du Scorpion, ou tout simplement car Mercurio ne pouvait maintenir cette barrière trop longtemps. Toujours est-il que je le vis s'envoler, meurtri, puis s'encastrer dans mon plafond, avant de retomber, tel une pierre, sur le sol de marbre. La chute avait été lourde, et je profitais de ce que mon élève était sonné pour retomber à mon tour, mais en douceur.

Je ne l'avais pas remarqué jusque là, mais malgré les apparences, ses attaques avaient porté, brûlant les parties dégagées de mon corps, noircissant mon visage. J'eus conscience un instant de la gravité de la situation: à mon sens, les choses allaient trop loin, prenant une tournure dont je ne voulais voir l'aboutissement. Il me fallait au plus vite stopper le combat, ou le désir de destruction de mon élève l'emporterait sur tout le reste. Il avait du contrôle, je devais l'avouer, bien plus qu'auparavant, où il avait tendance à sombrer dans une folie passagère qui lui ôtait toute raison. Cependant, je ne savais pas ce qui était le plus effrayant: un coup de sang ou une envie froide de continuer. J'optais pour un fin radicale.

Alors que le jeune homme se relevait, me faisant le triste constat de sa relation avec son camarade, je faisais état de mes réserves. Il avait tout de même réussi à les entamer de façon surprenante, ses entrainements avec Bach du Taureau avaient porté leurs fruits. Mi-figue mi-raisin, je me disais après tout que ce n'était que la suite logique de son évolution. La puissance ne manquait pas chez ce chevalier. C'était de sang froid, de tempérance, dont il avait toujours eu besoin. Et tandis qu'il se relevait, prenant le temps de regarder les alentours, comme s'il s'imprégnait des émotions en ces lieux, je mouvais mes doigts, les pliant et les dépliant pour en ôter la rigidité due aux brûlures. Le sang commença à s'échapper des pliures, craquelures causées par mon action, et vint tâcher le sol de marbre, repoussant la noirceur de la suie. Le fluide vital s'écoulait librement, à présent, réchauffé par le venin de la bête, et je serrais le poing, comme pour le contenir. Il ne fallait pas que ce poison se propage sur le monde, c'était là mon fardeau.

Et alors que je relevais les yeux, je fis face à moi-même, ou plutôt une image de moi même, comme si j'observais mon reflet dans un miroir, ou dans l'eau paisible d'un lac. Puis, partout autour de moi, les copies foisonnèrent, me pointant toutes d'un doigt vengeur, l'ongle acéré comme une promesse de déchirement. Je pouvais comprendre ce que mes ennemis ressentaient alors que je me préparais à les juger. Bien plus qu'une illusion, cela me permis une véritable introspection, une remise en cause de mon image. Était-ce ainsi que les autres me voyaient, ou bien seulement l'interprétation de celui que j'avais accueilli? Je ne saurais le dire, et n'en avait pas le temps, puisque les premiers clones fondirent sur moi, pour me toucher. Je me préparais à les recevoir, mais déjà le premier explosait devant moi, me cachant les autres. La suite ne fut pas longue, un véritable déluge de feu s'emparant de la salle, m'englobant dans sa spirale infernale. La chaleur m'assaillit, mes yeux se fermèrent sous l'effet de la chaleur, et ma peau se mis à cloquer, léchée par les flammes. Il fallait que cela cesse. Maitre des lieux, je laissais mon cosmos éclater, libérant une onde apaisante qui éteignit petit à petit le brasier. Loin d'être agréable, elle sonnait plutôt comme un véritable courant d'air qui rejeta les flammes hors de mon foyer, les bannissant sur l'instant.

Il faut revenir à la raison, Mercurio, tu te fourvoies. Laisses moi donc t'aider, allons ensemble trouver la finalité de ta quête, je t'en pries! Tu retombes dans la spirale destructrice dont on t'avais tiré, Bach et moi, ça crève les yeux! La forme a peut-être changé, mais le résultat reste le même...il n'y a qu'à voir ce que tu fais à l'endroit qui fut ton foyer, ce que tu veux faire de moi. Et c'est mon devoir que de te sortir de cette situation, encore une fois, dussé-je user de la force pour te maitriser.

Oui, c'était ainsi, je comprenais le cheminement que suivait son esprit, à présent. Il tentait de légitimer son choix par la force, d'emporter l'approbation par le seul fait de sa puissance. Et bien j'allais lui montrer qu'elle n'était rien, qu'il lui fallait verser dans la subtilité, dans l'introspection en même temps que la réflexion.

Le Scarlett Needle, hein...déjà utilisé, il devient obsolète. Souviens toi de la douleur causée par le premier, car le second sera bien pire, d'un tout autre niveau! Tu veux tuer le père, n'oublies pas que celui-ci à passé sa vie à protéger les siens, forgeant ainsi son esprit autant que son corps pour la bataille! Scarlett Needle, Antares!

De carmin, mon ongle passa à rubis, luisant d'un éclat vif. Dans mon corps, le Scorpion rugit, enflammant mon sang, emportant ma vitalité pour la déverser en un torrent d'énergie qui se concentra au bout de mon doigt tendu. Plus rapide que la lumière, je fondis, frappant le pauvre bougre de mon dard. Usant des canaux déjà endommagé par la toute première attaque, l'énergie se propagerait, explosant dans son corps. J'étais effrayé, autant par l'emportement que causait le réveil du Scorpion, que par ma capacité relative à contrôler la situation, pour ne pas blesser mon élève plus que nécessaire. J'étais passé au travers de l'illusion, maitre parmi les maitres des mystères du mental et de l'âme, voyant clair dans le jeu de mon élève, malgré ses efforts.

Mercurio observa ses flammes s’enfuirent comme si son maitre avait appelé à lui toutes les eaux de la méditerranée. Ces mirages firent de même, se désintégrant sans source de chaleur pour les maintenir, réduisant le jeune homme à néant, juste lui et sa main incomplète. Le centaure ne put s’empêcher de l’observer dans une grimace de dégout. Il sentit des remontés gastrique dans sa gorge et son cosmos se développa de nouveau comme apeuré de cette réalité trop choquante. Le blondinet remonta son regard cers le scorpion alors que son doigt repoussait, que tout autour de lui l’air ondulait, bientôt prêt à lui redonner ses armes.

-Soyez-en assurez Maitre, jamais je ne voudrais du mal à vous ou cet endroit mais vous n’avez pas tort. Je sais tout de cette spirale et de son but ultime…malheureusement. Je l’ai juste accepté. Je me trompe peut-être mais c’est là le destin que j’ai choisis.

Mais Antarès ne l’entendait pas de cette oreille. La quantité de cosmos qu’il amassa en lui-même était impressionnante et déjà Mercurio reculait, inconsciemment. Cet assaut serait presque d’un autre monde, bien loin de la douleur habituel que le gardien pouvait attribuer et de fait, le centaure ne tarda pas à prendre ses quatre jambes à son coup. Des dizaines et des dizaines de doubles émergèrent du sol comme voulant s’interposé entre l’élève et le maitre. Leur créateur lui s’échappa sur le côté espérant naïvement qu’une telle puissance ne serait utilisable qu’en ligne droite.



Il avait tort.





Il n’avait pas fait deux pas que l’ongle d’Antarès s’enfonça de nouveau dans sa poitrine. Mercurio eut l’impression que Zeus lui-même projetait sa foudre sur l’agneau perdu d’Athéna. Cris, larmes, le centaure ne put rien retenir tellement la déferlante s’emparait de son corps. Sous le poison du scorpion, la chute ne lui était même pas accordée. Tout son corps était tétanisé, le maintenant debout alors que ses yeux roulaient dans leurs orbites. Une douleur capable de terrasser même la plus grande atrocité. De nouveau le jeune homme perdit conscience, tombant vers l’avant, son corps heurtant l’armure doré de son maitre.

Mais alors que le blondinet semblait rendre les armes, perdant son combat, son cosmos éclata. Une explosion de flammes entre lui et Antarès qui propulsa le jeune homme quelques mètres plus loin. Le choc conjugué à son cosmos grandissant tira le centaure des limbes de son esprit. Le silver saint était rentré dans un pilier que pour mieux retomber au sol. Ouvrant un œil douloureux, il aperçut le feu de joie qui dansait entre lui et le gold saint. Il s’aida du pilier pour se relever tandis que le monde ne se résumait qu’à un océan de douleur dû au poison du scorpion.

Il avait le souffle court, incapable de ne serait-ce que tenir debout sans l’aide de la colonne. Pour autant, ce n’était pas dérangeant. L’avantage de manipuler le feu et désillusions étant qu’il était bien plus dangereux à distance. Son cosmos s’enflamma, progressant sans cesse plus loin. Augmentant encore et encore. Autour de Mercurio, la réalité de plia à sa volonté, laissant des immenses sabots entourés le jeune homme avant que le corps d’un cheval puis d’un homme ne se dessine dans les airs. L’être fit quelques pas comme pour se dégager du pilier alors qu’il semblait s’ancrer de plus en plus dans la réalité. La tête du centaure atteignait facilement le plafond tandis que brillait des yeux dorés derrière une visière. Les mêmes yeux dorés que Mercurio. Sur le corps de l’homme, l’armure du centaure s’était également matérialisé et lui recouvrait le torse. Dans la main gauche reposait un bouclier faisant près de deux mètres de haut tandis qu’une immense lance de plus du double reposait au creux de son bras droit.


Le centaure ainsi créé, manifestation de l’âme de Mercurio et de son armure à la fois, chercha leur maitre à tout deux. Lorsqu’il aperçut l’éclat doré de la gold cloth du scorpion, les sabots battirent le sol avant de ruer dans les airs. Le souffle encore court, Mercurio prit la parole, présentant sa plus puissante réalisation à l’homme qui l’avait recueilli.

-Puisque…vous vouliez…utilisez la force…pour me maitriser…Alors je vous présente…ma plus grande création… La nouvelle Proxima Centauri.



Le bout de la lance s’enflamma. Un point rouge d’abord comme une fenêtre sur l’enfer qui devint bientôt une gigantesque porte. La créature se mit en position de charge et attaqua Antarès créant de gigantesques explosions de flammes à chaque fois que son arme touchait quelques choses. Une avalanche de coups de lance pour une avalanche de flamme. Un enfer au cœur même du sanctuaire athénien. La manifestation du monstre, mi-homme, mi-cheval.

Encore une fois, le Scarlett Needle avait trouvé son point d'ancrage, meurtrissant les nexus énergétiques pour bloquer le système du jeune Centaure. A voir la façon dont ses yeux se révulsèrent, la perte de conscience dont il fut la victime, tout cela m'indiquait que la douleur était bien trop importante pour être supportée. Avais-je mal dosé mon coup? Avais-je finis par me faire consumer complètement par le venin du Scorpion qui saturait mes artères, propulsé par le soufflet de forge de mon cœur? Un instant, l'effroi me saisi de ses griffes froides, poignantes. Comme une eau glacée, cette prise de conscience vint laver mes vaisseaux de la souillure, me laissant dans un état de choc momentané, qui fut rompu lorsque le feu se déclencha, explosion cosmique qui nous repoussa tous deux, mon élève et moi.

Tandis qu'il filait s'encastrer dans une colonne du temple, je faisais quant à moi une série de roulés-boulés, n'arrêtant le cycle qu'à grand-peine. Levant les yeux, alors que je raffermissais ma réception au sol, je puis constater que mon champ de vision était entièrement composé de flammes vives, puissantes. Le feu qui brûlait dans le cœur de Mercurio n'était pas éteint, loin de là, et je me retrouvais bientôt face à la représentation fidèle de l'avatar de son armure, me toisant de toute sa hauteur. C'est alors que je compris ce que je m'étais refusé de voir en face, depuis le début: le jeune chevalier ne changerait pas d'avis. Il était prêt à tout miser dans cette fuite en avant, donner sa vie ici et maintenant pour partir défendre les préceptes d'Athéna à sa manière. Se salir les mains au nom de la déesse...je reconnaissais bien là l'influence des combats que mon apprenti avait pu endurer, qui avaient laissés en lui des blessures inguérissables, à l'image de ce doigt manquant, ravi alors qu'il restait prostré dans la poussière du champ de bataille. Les bourreaux auquel il s'était frottés n'avaient eu aucun scrupule à écraser les derniers vestiges de son innocence, et à distiller en lui les prémices du désespoir le plus noir et le plus profond. C'était clair, à présent, l'homme en face de moi cherchait à en finir avec son existence.

Mais je ne pouvais le permettre.

Devant moi, le Centaure onirique chargea, me frappant de sa lance embrasée. Comme un portail ouvert sur le Tartare, la pointe de son arme déversa un torrent de flamme qui me traversa, finissant par m'englober.

Toute chose doit être faite en plein conscience. Sinon tu ne vaux pas mieux que cette feuille qui se laisse emporter par le ruisseau. Ton intellect n'est pas seulement la clé, tu le sais, puisqu'il ne peut expliquer la totalité des choses qui t'entourent, et que tu as pu vivre, surtout depuis ton arrivée ici. Il t'es donc inutile, arrivé à un certain point.

Cela s'applique-t-il à toutes les actions, mon Maître?

Oui, de l'utilisation de ton cosmos pour frapper ta cible, jusqu'au simple fait de respirer. Tu es éveillé à certaines vérités de l'existence, et ce changement en toi doit s'élargir à toutes les strates de ton être. Cela prends aussi une place importante dans tes choix, dans tes décisions. A quoi te sert l'énergie, si tu reste dans la contemplation? Elle est mouvante, changeante, en perpétuelle évolution. Elle s'ancre donc dans l'action. Vois tu où je veux en venir?

Je dois vous avouer que vous m'avez perdu à la première phrase, Maitre.

Malgré son regard indulgent, Pontius soupira.

Chacun de tes choix décident de la suite. Il est très important que tu comprennes cela. Même l'inaction à des conséquences. Mais si tu décides de faire tes choix en pleine conscience de ceux-ci, alors tu deviens le maitre de ta destinée. Car tu n'es plus obscurci par le voile vaporeux du futur. Tu connais les tenants et aboutissants.

Le jeune homme dormait, à présent. La journée avait été longue, et l'entrainement qu'il avait subi avait laissé des traces. Contrôler tant de fougue revenait à danser avec un Taureau enragé...pour sûr, Bach n'aurait pas été le premier à me contredire. Mais maintenant qu'il dormait paisiblement, je pouvais déceler la candeur présente sur le visage de mon apprenti, cette partie immaculée de son être qui avait su me toucher, malgré la multitude de barrières et faux semblants, à l'extérieur. J'aurais presque affirmé que son visage paisible souriait...mais ç'aurait été une interprétation de ma part, donc inexacte. Quant à moi, le mien était véritable, et franc. je souriais d'être le témoin privilégié de cette vision, la gardant en mémoire comme dans mon cœur. Me penchant un peu, je plaçais ma main de l'autre côté de la chandelle en jonc qui éclairait ce tableau et soufflait, fermant le rideau pour cette nuit.

Tu ne dois pas te laisser entrainer par tes désirs de vengeance. Ils ne doivent pas t'enchainer. Tu es le maitre de ton esprit, non le serviteur, balloté au gré de ses caprices.

Mais Maître, on ne parle pas de cauchemars où de chimères! On parle de la mort de personnes vivantes! Ne sommes nous pas au service de la Justice? Qu'est ce qui la différencie de la vengeance, pour ce point précis?

La Justice divine n'est pas ta Justice, et à partir du moment où tu veut la vie d'un homme en compensation de celle d'un être perdu, tu tombes dans le domaine de la vengeance.

Et suis-je le seul dont une personne chère ait-été ravie par ces monstres? Ne serait-ce pas un bien commun, si j'aidais à stopper ces exaction par leur simple envoi dans l'au-delà? C'est bien la mission que m'a confié la déesse, n'est ce pas? Protéger l'humanité...mais cela implique quelques fois de la protéger contre elle-même. Vous savez que j'ai raison sur ce point!

Acculé, dépité, le Chevalier du Scorpion se passa un main sur l'arrête du nez, comme pour faire le point.

Ce n'est pas ce que je veux dire, et tu le sais très bien, mon apprenti.

Il avait usé de ce terme, comme à chaque fois, pour me remettre dans les rails. En outre, il savait que cela m'énervait de plus en plus, avec le temps. j'étais d'humeur rebelle, passant nécessairement par une remise en question de l'autorité. Surtout quand elle me refusait mon dû.

Ce que je veux dire, c'est que tu te perdrais dans cette vengeance. Tu la recherches comme un papillon est attiré par les flammes. Et tout comme ce papillon affamé, tu finiras consumé à l'aboutissement de ta quête. Est-ce le destin que tu t'es choisi? Est-ce que tes malheurs, tes sacrifices, t'ont mené jusque là? Je sais pertinemment que tu n'as pas ce sens du gâchis. Reviens donc à la raison, cela ne te va pas de te mettre dans un tel état.

Je tombais à genoux, terrassé par mon incapacité.

Mais ils sont morts...ils sont tous morts, et je ne peux pas rétablir cet équilibre.

Songes à ton père, là où il repose, se promenant dans les champs éternels des Élysées. Il a traversé le Styx, et la douleur s'est évanouie. Penses tu qu'il souffre, à présent? Et demande toi donc si ton comportement actuel ne l'affecterait pas plus que ses maux passés. C'était son destin, de même que le tien est de protéger les hommes, en suivant les préceptes de la déesse. Il ne tiens qu'à toi d'empêcher que de telles tragédies se reproduisent. Tu es le meilleur choix possible pour cette mission. Souviens toi de pourquoi tu es là...

Au milieu des flammes, j'hurlais, emporté par ma souffrance physique et morale. Mon cri se mua en mugissement, alors que le Scorpion se dessinait derrière moi, dans une même position de défi, les pinces ouvertes, les pattes écartées. Je ne devais pas laisser les choses se faire, j'avais compris.

C'était mon devoir que d'assumer les conséquences à venir.

La puissance grimpa en flèche, s'emparant de mon corps et emplissant ma conscience. J'avais accepté de prendre ce fardeau sur mes épaules, en toute connaissance de cause, et je devais entamer les premières actions qui en découlaient. A commencer par mon apprenti.

Ce n'est pas à toi de souffrir pour ce que ces hommes t'ont fait subir. Puisque tu n'es pas apte à t'en rendre compte, je dois prendre les décisions qui s'imposent. Merci de m'avoir ouvert les yeux sur certaines choses, je te garantis que ceux qui souillent le Sanctuaire vont le payer très cher. Maintenant, il te faut tomber dans l'inconscience, car je ne peux permettre de mettre plus à mal mon temple. Saches que ton combat n'est pas vain.

Je me recroquevillais, laissant l'énergie fournie par le Scorpio Rising s'accumuler, puis je laissais le tout exploser. Le monde sembla se ralentir, autour de moi, alors que je prenais de la vitesse, traversant les flammes pour rejoindre mon élève en quelques instants. Je frappais alors, plusieurs fois, comme pour être sûr de le faire tomber, pour ne pas qu'il n'aille au bout de sa folie, pour le préserver. Me focalisant sur ma rage, je la laissais volontairement m'aveugler, pour ne pas flancher à ce moment, pour ne pas laisser la peine me submerger. Je faisais ce qui était nécessaire, j'avais fait mon choix, en pleine conscience, et j'en assumais les conséquences directes. Je m'occuperais bien de Mercurio, le protégeant des autres, et de lui-même, dussé-je le maintenir enfermé ici, dans mon temple.

Incapable de bouger, même la plus lente des attaques auraient put l’atteindre. Seulement il affrontait le scorpion doré. Probablement le saint le plus rapide de tout le sanctuaire. Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Mercurio, toujours adossé contre le pilier d’une main pour tenir debout. La plupart de ses techniques, ces illusions qu’il avait développé évitait justement le corps-à-corps. Cela ne pouvait pas être qu’une coïncidence. Comme si, en cherchant la meilleur manière d’utiliser ses capacités, de créer l’arme qu’il avait besoin pour accomplir ses idées, il avait volontairement pris l’opposé de son maitre. Le centaure se rappel encore facilement le temps où il s’inspirait des techniques d’Antarès pour combattre dans l’arène. Un temps bien plus simple. Bien plus naïf. Bien plus heureux au final.

Une larme coula négligemment sur sa joue, se mêlant à la suie et à la sueur. Elle y traçait une ligne purificatrice, nettoyant une toute petite partie de son visage. C’était une larme de regret et de douleur. Le jeune homme savait ce qu’il abandonnait dans sa quête et le prix était juste exorbitant. Sans bouger, il en était incapable, il aperçut à peine son adversaire se mouvoir. Il avait atteint le septième sens, un éclat de cosmos, une intensité difficilement égalable d’après la rumeur et pourtant, cela n’avait pas suffit. Ni à abattre Antarès, ni à suivre ses mouvements des yeux. Juste une forme floue au départ et une douleur nette, précise, encore plus accrue à l’arrivée.

En quelques dixième de seconde, le centaure eu l’impression d’être plongé dans un monde de douleur. Un tel niveau de souffrance était juste inimaginable. Se tenir debout était douloureux, s’appuyer contre le pilier était douloureux, laisser son cosmos s’échapper était douloureux. Le simple fait de respirer lui déchirait la poitrine. Il se croyait en miette, il se croyait réduit à néant sous l’avalanche de coup. Même les précédentes techniques du gold saint ne l’avaient préparé à un tel degré de souffrance. Étrangement son esprit tira cette conclusion alors même que son corps n’était qu’une victime du venin du scorpion. Le jeune homme était bien content de ne pas avoir subit le vrai courroux de son maitre plus tôt. Il n’aurait jamais eu la force de le provoquer dans ces conditions.

Mercurio resta quelques instants debout après le dernier assaut de son maitre. Tout son corps avait lâché prise mais rien que la puissance des coups l’avait repoussé, lui faisant garder son équilibre. Il avait fermé les yeux bien longtemps auparavant, ses bras ballottait sous les attaques de son adversaires sans plus rien faire pour se protéger. Enfin, l’attraction terrestre repris ses droits et ses genoux heurtèrent durement le sol. Tout son poids retrouvé porta son torse vers l’avant tandis que sa chevelure doré semblait voler dans les airs, suivant des courbes connus d’elles seules.

Enfin, elles retombèrent sur le sol. Les mèches absorbant le sang du disciple qui s’était étalé tout autour de son propriétaire. Toute chaleur semblait s’être dispersée dans la grande salle et de fait, la main droite tendu vers le gold saint, comme accusatrice se retrouvait de nouveau mutilé. Une seconde passe puis cinq, puis dix. Une toux rauque émergea des lèvres de Mercurio alors qu’il relevait sa tête. Il regardait Antarès mais ne le voyait déjà plus. Ses yeux avaient perdu de leurs couleurs pour quelques instants encore, autre effet du venin.

Encore une fois, il reprenait conscience. Encore une fois, il s’accrochait aux minables reste de son existence. En temps normal, le combat aurait du s’arrêter là. En tant normal, ce combat n’aurait même pas lieu d’être. Mais les temps étaient ceux de la guerre. Du sang et de la terreur, des cadavres et de l’ignominie. La main dirigé vers le gold saint se vit pousser un nouvel index. La lèvre craquelée du jeune homme formait un discours muet à l’intention de son maitre. Il avait été trop loin pour se faire arrêter. C’est ce que Mercurio aurait aimé prononcé mais la vérité était tout autre. Il n’avait pas été assez loin. Là était le souci. Il lui fallait continuer encore un peu, briser ses dernières chaines pour accomplir sa destinée. Une destiné sous le parrainage de la vengeance.

Dans le dos d’Antarès, une pastille rouge se créa à quelques mètres de hauteur. Déjà, la chaleur qu’elle dégageait avait de quoi avertir le plus irréductible verseau. Si le gold saint se retournait, il verrait le centaure aux yeux rougeoyant juste derrière la pastille de feu le fixant comme jamais. C’était toute la volonté de Mercurio de tuer le père métaphoriquement…et presque physiquement pour y arriver. Une nouvelle fois, l’être mi-homme, mi-cheval frappa le chevalier d’or. Encore une fois, il déversa ses flammes dans le temple. Cette fois pourtant, la puissance était moindre. Les derniers restes de l’apogée du cosmos à son créateur. Ce dernier, toujours allongé dans son sang, perdit bien vite conscience, incapable de résister plus longtemps au poison de son maitre coulant dans ses veines. Pourtant, alors qu’il était plus vulnérable que jamais, un sourire satisfait trônait sur son visage. Il avait donné tout ce qu’il avait pu. Il avait brisé ses chaines. Un nouveau jour pouvait désormais se lever.











Lorsqu’il se réveilla, le jeune homme était allongé dans son lit, recroquevillé sur lui-même de manière fœtal. Son armure avait été détaché et ses plaies recouvert de nombreux bandages. Il ne se posa même pas la question de qui l’avait déposé ici avec douceur. À peine voulut-il se lever qu’un gémissement de douleur le prit, le laissant se rabattre sur le matelas, haletant. Mercurio ne put que tourner son cou pour observer ce qui avait été sa chambre pendant tant d’années. L’était-elle encore ? Il aurait mieux valut que non mais pourtant, cela lui déchirait le cœur de l’imaginé ainsi. Son armure reposait sur une table un peu plus loin. Le trou dans l’élément de sa poitrine avait la taille d’une main humaine, preuve la plus minime de l’attaque. Une longue fissure partait sur la gauche vers le cœur pour ensuite se briser en cinq plus petites.

Une toux grasse lui fit cracher du sang sur son menton, ses poumons criant leurs souffrances. Il n’osa pas prendre la parole et appelé son maitre à la rescousse. Non pas orgueil comme on aurait put le craindre, ni par envie autodestructrice ce qui aurait été pire mais par remords. Les paroles d’Antarès revenaient en boucle dans son esprit. L’application qu’avait mit le centaure à se défaire de son adversaire, au risque de détruire tout ce qu’il estimait lui donnait des maux d’estomac. Le jeune homme sentait la bile dans sa gorge.

Enfin, seul face à ses intentions, il pleura, incapable de se retenir plus longtemps. Assumer ses choix et les conséquences de ses choix étaient une chose redoutable. Peut-être trop pour l’instant, malgré toute l’attitude bravache qu’il avait affiché. Visiblement, il avait encore besoin de son maitre pour éclairer son chemin…

Frapper, encore et encore, jusqu'à ne plus penser, jusqu'à laisser ses instincts de survie prendre le dessus...Le sang du Scorpion avait cette fourberie, poussant à ressortir les plus noirs aspects de mon âme, mes doutes, mes peurs, pour en alimenter la colère qui me consumait. Au final, je n'étais encore qu'un enfant, un jeune homme apeuré à l'idée de finir seul, de mourir, de perdre même quelqu'un. Cette idée d'abandon sous n'importe quelle forme me terrorisait. Comme une poupée de chiffon, le Centaure, mon élève, se voyait balloté par chaque frappe, chaque coup imprimant sa marque dans les parties exposées de sa chair, fracturant un peu plus son armure. J'y mettais toute ma force, depuis longtemps contenue pour ne pas l'anéantir. C'était plus fort que moi, j'avais aussi cette épée de Damoclès au dessus de la tête, pauvre fou prônant la sagesse pour au final céder à ses plus bas instincts. On dit que le scorpion retourne son dard contre lui même, lorsque les flammes l'entourent. Cette légende n'était pas complètement fausse. De mes mains, j'abattais le travail accompli depuis des années, le monde que je m'étais créé autour de ce sanctuaire, de ces hommes que j'avais pris sous mon aile. Je comprenais, dans un éclair de lucidité cette destinée, cette roue du temps implacable qui nous obligeait à assister tour à tour à la création et la destruction de toute chose. Je ne faisais que renaître, à l'instar du Phénix, et du Centaure aussi, tuant mon ancienne existence pour faire table rase de ses défauts, et repartir sur autre chose de neuf, d'inédit.

Le coups s'arrêtèrent de pleuvoir sur mon apprenti.

Comme maintenu par la seule inertie de ces frappes, le jeune Mercurio resta un moment en équilibre, funambule sur le fil de ses propres jambes, avant de s'écrouler comme un château de cartes, rencontrant le sol avec une force qui me mortifia. L'énergie dévastatrice qui s'était emparée de moi était retombée, laissant place à la terreur pure. Que m'avait on poussé à faire? Que lui avait on fait? Je ne pouvais que me blâmer dans l'affaire: nous étions prisonniers de notre destin, poussés sur un chemin semé d'embûches et de faux semblants, complètement aveugles et incapables de nous prendre en main. Nous étions comme les puces d'eau, tout juste capables de nous agiter en tous sens lorsque le pavé venait heurter la surface de la mare...tombant à genoux, je tendais la main vers cet élève qui cherchait encore mon contact, pour me rapprocher lentement, encore un peu.

Les flammes s'ouvrirent derrière moi. Je n'eus comme réflexe que de prendre le jeune chevalier dans mes bras, lui offrant encore une fois ma protection. C'était peut être futile, puisqu'il ne sentirait pas les effets de son attaque, mais c'était une manière de lui prouver que, malgré ses tentatives, je restais celui qui le protégerait, toujours. Les flammes me prirent et tout ne fut plus que souffrance.


J'avais pansé ses plaies, bandé son torse, et déposé sur son lit, lui laissant du repos bien mérité. Les décoctions que je lui avais fait boire, les cataplasmes sur ses blessures, tout cela devait prendre du temps pour s'avérer bénéfique. quand bien même j'y avais ajouté de mon sang...Alors qu'il semblait si paisible, je quittais la pièce, le laissant seul avec son sommeil. J'étais moi même en bien triste état: il s'en était fallu de peu pour que les choses tournent vraiment mal pour moi. Et une partie de mon temple en portaient encore les stigmates, me rappelant ce que nous avions tous deux vécus peu de temps auparavant. Mais j'étais décidé et volontaire, laissant le Scorpion me caresser doucement de sa queue, enflammant mes veines par intermittence. Aujourd'hui, j'étais touché par une idée. Une idée qui germait déjà, poussant en travers de mon âme, et inondant ma tête de l'objectif à atteindre. Aujourd'hui, je voulais porter la flamme de la justice chez nos ennemis, pour ne plus rester défenseurs, mais aussi attaquant. Pour ne plus subir, mais agir. Il me fallait me mettre en marche.