Un jeune homme aux longs cheveux blonds dans le dos, marchait rapidement la petite colline derrière le sanctuaire. Il grommelait dans sa barbe (qu’il n’avait pas), jurant, crachant à l’encontre d’une seule personne. Anitah. Cette dernière avait obtenu son armure, ce n’était pas trop tôt et n’était pas venu fêter ça avec lui. Sacrilège ! Blasphème ! C’était son maitre qui lui avait annoncé la nouvelle et dans le quart d’heure, le jeune centaure avait disparus, suivant du mieux qu’il le pouvait la trace de cosmos de la toute nouvelle sainte du corbeau. Courant presque pour rattraper son retard par moment, il finit par atteindre le sommet de la colline, apercevant une rivière en contrebas bordé de nombreux petits arbres. Plus singulièrement, une autre personne, toute habillé d’armure se baignait. Un sourcil intrigué se leva sur le front du Centaure tandis qu’il dévorait la distance à grande enjambées.

Arrivé à quelques mètres des deux camarades, il stoppa nette. Stupéfait, choqué. Son regard allait d’Anitah à Orseis au corbeau et ainsi de suite.

-Tin… Y a trop de piaf ici…

Puis sans crier gare, voila que le Centaure se laisse tomber au sol dans un petit bruit sourd quand ses fesses juste recouvert de toile touche l’herbe verte. Il déboucha sa bouteille et commença goulument à la vider poussant un large râle de contentement une fois son souffle récupéré et sa soif étanché. Son regard se posa sur le tas de pierre non loin et le jugea sans intérêt. Posant son menton dans sa main, légèrement affalé sur lui-même, il releva enfin les yeux vers les deus jeunes femmes devant-lui.

-Yo.

Rien d’autres. Tout est normal ici. Plus exactement, Mercurio se fout de ce qui peut être légèrement curieux. D’une main mal assuré, il tend la bouteille vers son amie d’enfance, voix indigné et œil colérique.

-Hey toi ! Depuis quand tu ne viens même pas me tenir au courant de tes nouvelles ? Pas Cool Ani, pas cool !

Le regard du jeune homme grimpa jusqu’au corbeau sur l’épaule de la jeune fille. Une moue bizarre s’afficha sur ses lèvres tandis que l’incompréhension prenait place sur le reste de son visage.

-C’est nouveau ça… c’est pour faire un barback en cas de petite faim ? Je peux m’occuper du feu si tu veux…

Et comme pour appuyer ses dires, Mercurio laissa une petite flamme naitre au bout de son doigt. Sous ce nouvel apport de la lumière, la bouteille toute proche se para de teinte orangé et rouge, le liquide ambré devint plus cuivre dans ses couleurs. Un peu plus et le jeune centaure avait la bave aux lèvres…

Interloquée, je fixais Anitah, crachotant une eau que je n'avais pas pu m'empêcher d'avaler. Je me passais une main sur le visage, battant des yeux. Ses mots tombèrent, pleins de vérité. De trop de vérité. Trop pour que je ne sois pas surprise. J'étais nouvelle ici, j'étais un chevalier fraîchement promu dans les rangs d'Athéna. L'armure s'était certes parfaitement ceinte sur mon corps, épousant encore mieux mon âme comme je le sentais instinctivement chaque fois que je la revêtais. Mais malgré cette correspondance, malgré cette fusion qui se devinait, je n'avais rien de remarquable... Surtout par rapport aux autres Saints.
Mais elle, elle le chevalier du Corbeau, l'argentée qui me dévisageait de son regard mort mais ô combien clairvoyant, venait de me dévoiler. Beaucoup, en me voyant m'entraîner, avaient pensé que je faisais partie des combattants les plus calmes et en paix avec eux-même.

C'était vrai. Mais, comme venait de l'annoncer Anitah, c'était aussi faux au plus haut point. La sérénité absolue que je m'imposais quand cela était nécessaire n'était qu'un leurre. Un palliatif.
L'eau coulait sur moi, scintillante. Avec ma blondeur tiède et sa blondeur glacée, nous étions deux pareilles, deux reflets qui se dévisageaient en chiens de faïence.

- Je ne peux pas, répondis-je très simplement.

Maintenant que j'y étais... Je me laissais aller en arrière sur la berge opposée, laissant le courant caresser ma taille au passage. A peine aplaties, mes mèches se rebellaient toujours, s'hérissant sur mon buste et autour de mon visage. J'y glissais un index distrait, jouant avec une boucle que j'essorais bien inutilement.

- Si je déploie mes ailes, je ne me retiendrai plus. Il faudra que je m'envole pour longtemps, jusqu'à l'épuisement le plus total. Et ce vol prendra une tournure brutale. Violente.

Anitah ne m'avait jamais vue m'exercer à l'aide du cosmos, et c'était bien normal. Les seules fois où je l'avais fait, où j'avais pratiqué mes techniques, c'était en compagnie de mon maître. Lorsque les énergies affluaient en moi, elles nourrissaient ma force d'âme, c'était vrai... Mais à ne pas les manipuler, à ne pas les faire rejaillir sous une forme plus raffinée, elles ne tardaient pas à me brûler et à me faire ployer sous leur poids. Or, lorsque je les extériorisais, cela prenait l'apparence d'une fontaine dangereuse qu'il fallait subir et maîtriser sous peine de les voir prendre une tonalité blessante, voire meurtrière. Cela, je n'en étais pas capable sans quelqu'un pour m'aider.
Et cette personne, à moins d'être suffisamment forte, en souffrait inévitablement.

Je laissais l'eau me détendre, m'abandonnant tranquillement à l'ondée régulière qui flattait mon bassin. Progressivement, je me rouvris au monde, laissant venir à moi les cosmos des environs. Prudemment, j'étendis le mien comme on peut s'étirer après un trop long sommeil dans une position inconfortable. J'effleurais celui du Corbeau, si délicatement qu'elle ne le sentit probablement pas.
Je me corrigeais en me mordant la lèvre inférieure. C'était Anitah ; elle l'avait forcément senti.

Je levais soudain les yeux sur le corbeau qui reposait sur son épaule. Sombre, désormais silencieux, il me fixait de ses petites agates brillantes, comme jaugeant ma réaction et ma propre attitude vis-à-vis de sa maîtresse.
Tout aussi subitement, je tournais la tête pour observer la silhouette qui se dessina, une seconde plus tard, derrière l'épaule d'Anitah.

Mercurio.

Désinvolte, il cueillait la vie d'une main et la giflait de l'autre. Oui, il la giflait, car il vivait son existence à un rythme infernal, en marchand sur trop de pieds et en prétendant s'en moquer. Evidemment qu'il s'en moquait.
Mais on peut se moquer de la douleur ; ce n'est pas pour autant qu'on ne la ressent pas.

- Mercurio ?

Je me rappelais avec un sourire la première fois où nous nous étions rencontrés, l'impudent chevalier du Centaure et moi. Il n'avait pas pu trouver mieux que de me peloter, avant de me courtiser en bonne et due forme. Avec l'adresse de l'effronté, avec la maladresse de celui qui désire sans aimer. Oui, il avait marché sur mes pieds, ce jour-là. Et il avait continué tout au long des deux ans qui s'étaient écoulés depuis ce jour.
Qui donc le joyeux blond n'avait pas troublé au moins une fois au Sanctuaire ?

Je n'arrivais toujours pas à déterminer si c'était un malheur de supporter sa compagnie, ou un grand privilège.

- Veux-tu poser cette bouteille d'alcool ou au moins ne pas t'en approcher avec des flammes au bout des doigts ?

Avec un soupir aussi exaspéré qu'amusé, je me décollais du bord du ravin pour m'avancer, sortant de l'eau avec regret. Au moins, notais-je avec un brin de coquetterie, mes mains avaient été efficacement lavées au cours de ma... chute.
Quelques pas encore m'amenèrent au niveau d'Anitah. Je proposais un doigt tendu vers l'oiseau, laissant un filament de mon cosmos se perdre dans son plumage avec un murmure aimable l'invitant à s'y poser quelques instants - le volatile avait l'air un rien revanchard et assez mal luné ; en somme, un défi à amadouer qu'il me tardait de relever, par caprice. Je fixais ensuite celui qui avait proposé d'en faire son repas.

- De quelles nouvelles parlais-tu, d'ailleurs ?

-Baaaah t’en fais pas !

Mercurio fit un vague geste de la main, oubliant les reproches qu’il venait de faire quelques instants plus tôt. De suite il afficha un grand sourire à son amie de toujours ou presque. Difficile de rester longtemps fâché face à cette tête de mule. Même avec son corbeau placé sur l’épaule particulière moche et gros. Alors qu’il l’observait l’animal, le regard du Centaure glissa presque naturellement sur la seconde femme à ses côtés. Orséis. Ho oui, il l’avait vu sortir de la rivière, le soleil faisant briller son armure comme les gouttes dans ses cheveux dorés. D’un œil appréciateur, il avait pu observer ses courbes, celle pas dissimulé par son armure tout du moins. Le sourire qu’il lui adressa fut d’ailleurs bien plus chaleureux qu’il n’en accordait au reste du monde.

-Bonjour Orséis. Heureux de te revoir.

Son regard s’attarda un moment sur cette dernière, un instant qui sembla durer des heures. Enfin, Anitah attira son attention en lui prenant la bouteille des mains. Les trois jeunes gens possédaient tous d’étranges similitudes à commencer par leurs cheveux blonds comme les blés. Les deux femmes plus particulièrement, de part leur animal totem mais aussi leurs comportements. À la manière d’Elias et lui, proche et antagoniste à la fois…

-Des caves ? Ma foi pourquoi pas… Maitre Antarès a laissé entendre un jour qu’un des gold possédaient une moisson particulièrement sympathique. Pas eu le temps ni le courage de faire toutes les douze pour les trouver. Peut-être l’une de vous deux en sait quelque chose ?

Mercurio se tut un instant, réfléchissant au moindre plan pouvant les aider, en vain, ou presque. Levant son nez et pointant son doigt sur le corbeau, il reprit la parole, toujours assis par terre lui.

-Et la boule de plume-là, elle peut ne pas suivre une odeur d’alcool ? Non parce que c’est gentil un piaf qui parle mais ça nous aide pas trop là… Croacroa machin !

Le jeune homme se releva enfin, époussetant ses habits avant de faire face aux deux jeunes femmes. Quelques étirements plus tard et il se sentait de nouveau frais comme un gardon. Il pointa vers l’autre côté de la colline, à l’Ouest.

-Dans le pire des cas, on peut toujours aller au village. Je connais quelques endroits sympa et pas cher. Quoique…certains sont à éviter. Je ne suis plus trop en odeur de sainteté là-bas…

Le jeune homme éclata de rire au souvenir du patron le poursuivant, une bouteille à la main après une bataille d’alcoolique dans son bar à coup de cosmos. Il avait eu de la chance que sa boutique tienne toujours debout après l’échauffourée. De plus, cette histoire de gold collectionneur de bouteille raffiné l’intriguait, l’intéressait bien plus. Le jeune homme se rapprocha d’un pas des tous nouveaux chevaliers des corbeaux. L’attrapant bras-dessus, bras-dessous, évitant soigneusement le côté du piaf, il la tourna en direction du sanctuaire. Dans le même mouvement, il observa rapidement la réaction, ou non d’Orséis.

-Dis-moi ma belle, quelles nouvelles ignominies as-tu fait depuis la dernière fois qui manquera immanquablement à me tomber dessus ?

Un sourire joueur s’affichait sur le visage de Mercurio, le même sourire quand tout deux s’apprêtait à terroriser un saint effarouché, un peu sainte nitouche sur les bords. Mais ceci était une autre histoire…

J'accueillis les remarques de la sainte avec un sourire neutre, notant qu'elle était plus expérimentée que moi et savait de quoi elle parlait... Mais sans pouvoir, malgré tout, agréer tout à fait à sa vision des choses. Derrière elle, Mercurio avait bondi sur la remarque de l'argentée pour anticiper déjà quelque excursion qui lui vaudrait - et probablement à nous aussi - une certaine somme d'ennuis. Comme une petite tornade, le jeune homme avait la manie d'échauder toutes sortes d'aventures destinées, et je ne savais pas trop quelle chose primait sur l'autre, à braver les interdits et à satisfaire ses plaisirs immédiats. Par ailleurs, j'avais déjà eu vent de certains échos et à mon goût, il devenait un peu trop facile à poser la main sur une bouteille, quelle qu'elle fût du moment qu'elle contenait de l'alcool. Je n'avais rien contre le fait qu'un tiers s'offre ce genre de distractions, bien que m'en gardant moi-même ; mais chez Mercurio, cela prenait des propensions alarmantes pour mon esprit avide de sérénité.

- Des ignominies ? relevai-je en conservant mon sourire. Mon attitude est en tous points irréprochable. Je me lève à l'heure, j'accomplis mon service, je suis à la disposition de mes aînés - c'était ainsi que je désignais généralement les chevaliers d'un rang supérieur au mien - et je ne provoque pas de troubles. En bref, je n'ai pas pris exemple sur toi.

Le reproche avait été déguisé sous l'affection que ma voix dégageait tandis que je le prononçais, mais peut-être n'aurai-je pas dû l'adoucir autant. Je souhaitais qu'il y prenne garde, chose qu'il ne ferait probablement pas si je n'y mettais ni le ton, ni les formes ; quant à Anitah, je ne savais pas si c'était celle qu'il écouterait le plus, ou à l'inverse le moins.
Une chose de plus à s'occuper. Une autre fois.

- Ce n'est pas que je sois contre l'idée d'aller causer des désagréments à d'honnêtes athéniens en ta compagnie, Mercurio...

Je tournais un regard d'excuse vers le chevalier du Corbeau, ne réalisant qu'après-coup que le mouvement était bien inutile. Néanmoins, elle avait cette empathie également, très différente de la mienne mais certainement pas moins prononcée - et sûrement l'était-elle encore plus, en réalité - qui lui avait peut-être signalé ma compassion.

- Mais je crois que j'ai besoin d'un peu de calme, et me faire poursuivre par une foule en colère n'était pas exactement dans mes intentions, aujourd'hui.

Je mentais, et effrontément. Pas au sujet d'un éventuel lynchage par une meute de tenanciers ruinés, mais bien sur le fait que j'avais besoin de repos... En cet instant, c'était tout le contraire. Je sentais une certaine joie de vivre, pétillante, monter doucement au fond de moi au contact du duo que formaient Anitah et Mercurio. Si différents, si complémentaires, ils agrémentaient occasionnellement mon existence de la saveur toute particulière de leurs personnalités embrassées. Embrassées dans les disputes, dans les piques, dans les réconciliations. Tout ce qu'ils se faisaient l'un à l'autre, ils se le faisaient ensemble et d'un commun accord, souvent tacite et spontané - ce qui ne l'en rendait que plus beau.
Quelque part, une fibre de mon être désirait ardemment faire partie de cette union.

C'était impossible. Mais ça n'empêchait pas la chose d'être désirable...

Aussi, en leur opposant ce faible refus espérais-je en réalité qu'ils passent outre et m'emmènent, malgré moi, dans cette escapade qui se prévoyait lentement dans la bouche du Centaure. C'était ma manière à moi, certes détournée, de vérifier que j'avais bien une chance de me faire aimer d'eux.
Sentiment rare chez moi, je me fendis d'un brin de coquetterie en soupesant ma chevelure un peu mouillée au moment de passer devant le jeune servant d'Athéna. C'était un jeu qui s'était instauré entre nous depuis longtemps, un jeu auquel il avait joué avec un nombre incalculable de personnes tout au long de sa vie... Mais, à moins qu'il ne le pratiquât également avec Anitah, j'étais la seule à être restée aussi longtemps dans ce jeu-là. Cette certitude m'était une fierté personnelle, mal placée mais bien inoffensive, que je gardais farouchement au fond de mon coeur. Je plaignais sincèrement toute personne qui n'était pas capable d'éprouver ou de conserver, à mon instar, ce genre de petite lueur de sympathie, silencieuse et éminemment personnelle, qui peut éclairer certains de de vos moments de solitude ou de chagrin.

- La journée commence à peine, la ville s'éveille et nous, du Sanctuaire, nous veillons sur elle. J'ai encore beaucoup de choses à faire.

Mercurio laissa faire son amie le regard à moitié soupçonneux, à moitié enjoué. Un peu plus tôt, il semblait avoir choqué Orséis et il en avait été choqué à son tour. Effet malencontreux de ses paroles. Heureusement qu’Anitah avait précisé son intention pour apaiser la situation. Pour autant… Alors que les deux jeunes femmes l’entouraient, intention de la corbac des plus énergiques, le petit sourire en coin du Centaure réapparu. Attrapant la main blessé du Cygne, il mit un genou au sol, répétant presque à l’identique leur première rencontre.

-Ma Dame.

Et c’est sans attendre de réaction ou de réponse, qu’il se releva, attrapant les deux jeunes femmes par le bras, indiquant le rythme de marche vers le sanctuaire. De très nombreux hommes pourraient être enchantés d’une telle compagnie et Mercurio en faisait partie. Un moment. De fait, cela boostait son côté grande gueule, déjà bien amplifié par l’alcool.

-Belle demoiselle, loin de moi l’idée de vous décriez mais à mes oreilles, votre emploi du temps semble des plus terne. Là pourrait être votre ignominie personnelle si vous vous lez mon avis. Si vous ne le voulez bah…tant pis.

Un rire clair, joyeux s’échappa de ses lèvres. Reposant ses yeux pétillant de bonne humeur sur la jolie blonde à sa gauche, il reprit la parole, se pencha légèrement vers celle-ci.

-Quand au calme…hum…cela va être difficile je crois. Anitah et moi avons une chimie très particulière, le genre à qui en feront le plus des tonnes. Je ne pense pas qu’on ais une seule fois pris le temps de s’allonger pour se calmer. Bien que l’idée ne me déplairait pas. On ne dirait pas comme ça mais elle est farouche dès qu’on l’approche un peu trop notre blond corbeau.

Le jeune homme adressa un clin d’œil joueur à son amie pour atténuer la petite pique à son encontre. Il est vrai que malgré ses insinuations ou manœuvre plus ou moins fine, jamais il n’a réussis à s’allonger au près de la jeune fille. Tout du moins, sa mémoire ne s’en rappel pas ce qui n’aides pas. Son regard se posa par la suite sur le noir corbeau volant un peu plus loin. Une grimace passa sur son visage puis un frisson dans son dos. « Noires ailes, noires nouvelles » comme disait la populace.

-Parlant de truc à plume… à quoi vas bien nous servir ton petit ami ? Ce n’est pas que je le trouve totalement inutile mais…si. C’est ça, l’est complément inutile ton truc là. Peut-être qu’avec un peu de fromage pour améliorer son ramage…encore que…non, même pas.

Se faisant, ma tête du jeune homme avait finis par se poser sur l’épaule d’Orseis, dévisageant Anitah d’une dizaine de centimètres. Son sourie s’agrandit telle celui d’un chat invisible dont on ne verrait que la tête. Sa voix se fit suave, presque inaudible.

-Et si je me souviens bien, je suis votre ainée à toi aussi…bois.

Sauf qu’entre-temps, d’un petit tour de passe-passe, de doigts agile ou juste de pure malice, le jeune homme avait glissé quelques poudres dans le goulot de la bouteille. De quoi pousser son amie dans ses retranchements les plus destructeurs, les plus joueurs. « Comme si elle en avait besoin ? » diront certains…

-Alors comme ça, tu veux croquez Maitre Antarès. Tu veux que je vous présente ? Il a une très grande queue de scorpion accroché à son casque. Tu crois que c’est pour compenser ?

Un nouveau rire, à gorge déployé cette fois-ci vint terminer la phrase. Cela le faisait d’autant plus rire que Mercurio n’avait jamais vu son maitre en compagnie de demoiselle. Probablement qu’il n’était pas le genre à dévoiler sa vie intime. Surement même mais cela pouvait rester troublant. Ce qui l’amena à un autre sujet à mesure qu’ils entamaient le second versant de la colline.

-Je suis sûrs que je pourrais encore te battre à ce petit jeu. Dormin s’en souvient lui…

Avait-il gagné ? Avait-il perdu ce défi à peine dévoilé ? Cela n’importait peu. Tout était dans la provocation, comme souvent avec le centaure…

Corbeau. Cygne. Choc. Vide.

Mercurio restait planté là, sur les fesses autant physiquement qu’émotionnellement. La petite poussé de son amie l’avait surpris mais surtout, plus que tout, le baisé qu’elle avait apposé sur les lèvres d’Orseis l’avait choqué. Sa bouche encore entrouverte et ses yeux popant presque en dehors de sa tête en témoignait avec d’autant plus de force. Le vide de son esprit dura quelques instants qui lui semblèrent durer des heures avant qu’enfin, il n’avale sa salive. Le jeune homme n’en revenait pas. Jamais au grand jamais il ne s’y était attendu et même là, après l’action, il avait du mal à en croire ses yeux. De fait, ces mêmes yeux jonglaient d’une femme à l’autre. Finalement, ile petite grimace de douleur passa sur ses traits qu’il cacha tant bien que mal en se prenant l’arrête du nez à deux doigts. Le centaure poussa un large soupire avant de décaler sa main vers sa tempe, observant les deux jeunes gens, la tête légèrement penché.

-Tes sérieuses là, Anitah?

La colère pointait dans son timbre de voix, colère qu’il tentait de dissimuler du mieux qu’il pouvait. Un cillement de paupière et son attention se reportait sur le cygne blond. Il resta silencieux un nouvel instant, les mots ne voulant franchir ses lèvres. Un jour, il faut arrêter de jouer. Tout d’un coup, votre langue agile et toutes vos manières pèse une tonne. Pour l’apprenti d’Antarès, ce jour venait à point. Il humidifia légèrement ses lèvres pour se donner une constance avant de se lancer. Un saut dans le vide, vers l’inconnu.

-La scène ne m’a pas déplus. Un jour qui sait, peut-être… entretemps, je dois avouer que je me sens jaloux...

Mercurio sondait les yeux d’Orseis, dans l’espoir et la crainte d’une réponse à ses révélations. L’absence de révélation serait aussi terrible d’ailleurs. Le jeune homme était visiblement troublé. Le tour que lui avait joué son amie n’était pas à son gout et ce pour plusieurs raisons. la gorge sèche, il reporta son attention sur cette dernière, d’un ton hautement ironique.

-Merci beaucoup Anitah, c’était juste ce qu’il me manquait.

La peur d’être mis au gout du jour, la peur d’être obligé de se dévoiler si tôt, lui laissait un gout amer et des joues rouges. Il avait l’impression que la veine de sa tempe allait exploser sous l’excitation. Toujours assis, il n’avait pas le courage de se relever comme il n’avait pas le courage de faire face à Orseis maintenant, tout de suite. Toutes ces réticences, tous ces sentiments négatifs, il en blâmait le corbeau.

-D’une, je ne sais pas de qui tu parles. De deux, la prochaine fois, balance des dossiers plus cuisants, je suis sûr qu’Orseis meurt d’envie de les entendre.

Si les mots étaient neutres, le ton lui était mordant. Réellement touché, le regard du jeune homme s’assombrissait. La petite gaité précédente disparaissait à vitesse grand V. Enfin, il finit par se relever. N’accordant pas un regard à la blonde de gauche par peur, à la blonde de droite par fureur, il avança droit vers le sanctuaire d’un pas colérique.

-Ouais. Allons-y.