Un tout nouveau lieu, une toute nouvelle ambiance. En effet, à peine venait-elle d'approcher du sanctuaire que quatre chevaliers vinrent l'encercler, engageant à coup sûr la procédure lambda lorsqu'une personne inconnue s'approchait de trop prêt leur territoire. Vêtue de ses habits habituels, Kathlyn leva ses deux mains à hauteur de poitrine, paume vers l'avant afin de signaler qu'elle ne leur souhaitait aucun mal. De fait, elle avait laissée son armure à quelques minutes de là et le temps de la sommer, ils auraient tôt fait de la maîtriser. Sa longue chevelure argentée flottait sous les à-coups réguliers du vent et après une question simple, ses yeux s'animèrent d'une lueur de sérieux nouvelle pour elle.

» Je ne demande qu'à rencontrer le Grand Pope. Liez mes mains si vous le souhaitez mais sachez que quoi qu'il arrive, je n'esquisserai aucun geste de violence à votre encontre. Je viens uniquement pour parler et le sujet de discussion ne sera révélé qu'en la présence du messager d'Athéna.

Aucun tremblement dans sa voix n'aurait pu être détecté. La détermination calme qu'elle affichait ne trouvait sa valeur que dans sa force intérieure. Son choix, mûrement réfléchi l'avait guidée jusqu'à Athène, siège des Chevaliers. La jeune femme n'était désormais plus qu'une porteuse d'armure errant dans le monde, remerciant son maître disparu pour lui avoir inculqué le talent de survivre avec rien d'autre que son âme. Puis elle se souvint d'une sensation, d'une impression et elle se laissa guider par les éléments jusque ces terres lointaines explorées qu'une unique fois pendant sa formation. Loin de l'opulence de Rome, elle recherchait désormais qu'une nouvelle raison de vivre. Une nouvelle famille.
Les gardes se contentèrent d'opiner du chef après avoir échangé un regard. Puis l'un d'entre eux se détacha du groupe afin de savoir si le grand pope acceptait cette rencontre ou pas tandis que les autres escortèrent Kathlyn au travers du sanctuaire. Les regards étaient rivés sur elle. Elle s'en moquait. Si l'on accédait à sa demande, elle aurait tout le loisir de leur montrer sa valeur. Enfin… la détentrice du Paon comprenait bien que voir le visage d'une femme en ces lieux pouvait décontenancer.

Le voyage se fit sans une parole. Si les chevaliers jetaient de temps à autres des coups d'œil dans sa direction, Kathlyn fixait son objectif au loin, imperturbable. Une coquille s'était formée autour d'elle durant son périple et il pouvait se briser à toute occasion. Pour autant sa volonté maintenait cette protection mentale, bloquant toutes les agressions extérieures qui, auparavant, auraient provoqué des frissons en elle. Alors arrivés devant l'ultime porte, tous s'arrêtèrent. Il ne leur restait plus qu'à attendre le verdict du grand Pope.

Citation :

Premier repos.

Élégamment imposant, le grand Pope se dressa devant elle, miroitant de puissance dans son armure de soleil. Malgré tout, pas même une once de peur s'éveilla en elle, son esprit demeurait en effet aussi serein que lorsqu'elle avait pénétré ces lieux sacrés, indemne de toute agression. Il dégageait une aura de confiance et de puissance, Kathlyn l'avait déjà perçu lors de la soirée tenue à Rome il y a de cela quelques temps. Son rang semblait amplement mérité et chaque geste ou parole confirmait sa première impression. Arsiesys se courba et Kath' en fit de même de manière quoique plus féminine sans perdre de son maintien.
Une main se tendit alors vers elle, signe d'accueil et d'égalité. Un comportement qui ne la laissait pas de marbre, si bien que naquit dans le coin de sa bouche un sourire léger. Même si cela ne faisait que quelques secondes qu'elle le connaissait, son charisme était indéniable. Un leader confirmé et un messager d'Athéna probablement exceptionnel. Pour autant la vie lui avait appris à garder une retenue, les plus grands leaders demeuraient aussi les plus grands menteurs et qui savait si ce visage séraphin ne cachait pas une âme de démon. Enfin, commencer à se méfier dès à présent n'apporterait que stress inutile et créerait rapidement une barrière difficilement franchissable, ralentissant de ce fait sa possible insertion au sein de cette communauté.

» Il n'y a rien à pardonner, grand Pope.

Dans une telle situation, nombre de faibles auraient pu fonder en larme. Ressasser ainsi des évènements passés, des pertes que rien ne pouvait ramener… Kathlyn n'était plus de ce bord, loin de là. Elle avait rangé son passé d'Oracle dans son armure reposant à quelques lieues de là et rien, pas même une explosion céleste ne pourrait le réveiller. Apollon lui avait offert une puissance, Aphlon l'avait forgée, il ne lui restait plus qu'à l'exploiter en tant que maîtresse du Cosmos. Pour vivre sa propre vie. Comme elle l'entendait.

» Je me présente, Kathlyn, détentrice du Paon de Cécias. Je ne suis pas là pour parler du passé mais pour trouver de nouveaux alliés. La vie continue et la menace qui pèse sur ce monde grandit de jours en jours.

Elle marqua une légère pause et croisa ses poignets devant son ventre, tentant de rester aussi humble que possible, puis elle reprit :

» Ainsi je me tourne donc vers vous afin de savoir s'il était possible de rejoindre les rangs des Saints. Je ne serai pas un fervent serviteur d'Athéna, et j'espère que cela n'entachera en rien nos relations, sachez néanmoins que je respecte votre déesse et que je suis prête à me battre à vos côtés. Je ne peux mener une guerre seule mais peut-être que dans votre guerre je puis être utile. - Kathlyn laissa un battement le temps d'une respiration - Je comprendrai parfaitement si ne pouviez accéder à ma demande, accepter un Oracle parmi vous n'est pas une décision aisée et je ne vous en tiendrai aucunement rigueur, grand Pope.

La jeune fille avait parlé d'un ton tonique sans pour autant agressif. Demeurer dans une certaine dualité pour laisser toute possibilité à son interlocuteur, ne pas s'imposer, ne pas éveiller en lui un quelque sentiment de culpabilité à la laisser seule. Kathlyn savait pertinemment qu'elle était loin d'être une personne faible et survivre dans la nature ne se révèlerait être qu'une formalité que l'ancienne Oracle passerait outre sans mal. Le poids le plus lourd serait la solitude. La jeune femme avait toujours été en compagnie de son mentor ou d'une autre personne depuis cette dernière dizaine d'année, et cette présence la rassurait au point où elle pouvait s'éveiller de la plus belle manière qui soit.
Ne restait plus qu'à attendre la décision du Chevalier d'or du Sagittaire et Kathlyn espérait que l'ouverture dont elle ferait preuve serait partagée.

L'accueil se révélait chaleureux comme ses propos le démontraient. Alors que le grand Pope parlait, ses mains se lièrent. Peut-être une discussion assis aurait été préférable, évitant ainsi des impatiences dans son corps… mais les Maisons du Sanctuaire n'étaient pas réputées pour leurs salons luxueux. Peut-être aussi certains auraient pu voir là un signe de faiblesse ou simplement de féminité. Grand bien leur fasse, Kathlyn n'attendait que la possibilité de leur montrer qui elle était malgré ses techniques et sa forme quelque peu rouillée. Enfin, l'ambiance perturbait tout de même un peu son esprit qui restait néanmoins assez clair pour faire pencher son buste en avant en signe de remerciement muet. Si le grand Pope s'engageait, ce n'était qu'un soutien supplémentaire pour son intégration dans les rangs des Chevaliers. Néanmoins pour ce faire, une armure vivante se révélait être nécessaire. Tout en opinant du chef, cette dernière souffla quelques mots.

» Ne vous inquiétez pas pour mes principes. Mon ancien maître Aphlon a su me guider d'une manière juste et intelligente. Enfin. L'armure.

Concentrant son cosmos elle appela son armure à elle. Un léger temps d'attente fut nécessaire puis les parties d'armures saphir et argentés vinrent tournoyer autour de la jeune femme avant de s'imbriquer impeccablement. Un paon resplendissant malgré sa puissance disparue. Une puissance que Kathlyn reniait presque ou tout du moins, n'en usait aucunement. Dans tous les cas, elle prit bien soin de ne pas le montrer. Si cette armure servait surtout d'une marque de distinction, elle restait la raison de toute sa vie, son entraînement afin d'être Oracle, sa maîtrise du cosmos pour enfin acquérir l'armure du Paon. En ce jour, elle allait revivre.

» A vous de jouer, grand Pope.

Kathlyn s'écarta de son armure et fixa son regard sur son interlocuteur. Dans un sens le rituel l'intéressait malgré le côté barbare de la chose. Elle savait qu'il fallait du sang afin de la ramener à la vie, tout juste ce qu'il fallait pour la réveiller néanmoins s'auto-mutiler pour un tel acte… Kath' avait tout de même du mal à réaliser l'ampleur du geste d'où son intérêt pour la chose. Comprendre était déjà une étape de gagnée. Suite à cela il ne lui resterait plus qu'à trouver un endroit où loger et déguster un léger repas avant d'entamer quelques exercices d'entraînement. Si elle souhaitait être d'une quelque utilité, il lui fallait toujours mieux maîtriser son énergie… afin de mener à bien sa nouvelle vie. Afin d'accomplir sa nouvelle destinée.

Arsiesys eut un mouvement de recul quand vint l'armure. Non pas par peur, mais pour lui laisser la place de se déployer. Il n'allait pas s'agiter pour si peu, ces apparitions étant chose courante quand on occupe un poste comme le sien. Qu'elle puisse encore répondre aux ordres de sa maîtresse était déjà étonnant dans son état. La ligne pure et élégante de la chlamyde était souillée ; la mort s'en était emparée. Cette absence de sacré la réduisait à l'état de morceau de ferraille dénué de tout pouvoir particulier. Lui qui n'y croyait pas venait d'en recevoir une preuve accablante. Apollon avait bel et bien quitté cette terre sans un égard pour ceux qui l'avaient suivi, servi et protégé durant toutes ces années. La cruauté des dieux n'a d'égal que leur pouvoir, songea-t-il sans mot dire. Celui du soleil était connu pour être versatile et l'avait démontré une fois de plus en faisant étalage de son déni de l'humanité.

Le poids des responsabilités ne l'avait pas encombré bien longtemps à compter du moment où il avait pris la décision de se retirer. Au mépris de tous ceux qui s'étaient battus pour lui, de tous ceux morts en son nom... Le Pope serra le poing. Le dénigrer ne serait d'aucune utilité, sinon de s'attirer ses foudres au cas où elles finiraient un jour par lui parvenir. La critique n'avait pas sa place, encore moins s'il n'était plus là pour l'entendre. Ne restait qu'à accepter son départ et ses conséquences, même les plus blessantes. Alors que sa défunte protection achevait de se mettre en place, l'homme aux ailes d'or risqua un regard vers Kathlyn. Qu'avait-elle ressenti quand sa divinité l'avait abandonné ? Quelle était sa douleur ? Avait-elle pleuré ? Autant de questions qui lui brûlaient les lèvres mais qu'il n'osait pleurer.

Non pas par quelque forme de curiosité malsaine, mais afin de savoir au mieux comment l'aider à penser ses plaies. Tout semblait indiquer qu'elle avait déjà fait son deuil de l'époque où elle servait en tant qu'oracle mais il était bien placé pour savoir que les apparences sont trompeuses plus souvent qu'on ne le croit. Ainsi garda-t-il le silence, fermant les yeux pour mieux s'approcher de l'amas de métal. S'il était aujourd'hui privé de toute énergie mystique, le Sagittaire pouvait encore sentir celle qui y avait coulé autrefois, brûlante comme le soleil – et celle de sa propriétaire, bien plus douce. Quels étaient ses pouvoirs ? Il le saurait bien assez tôt. Car elle était à présent aux ordres d'Athéna, auprès de qui jamais plus elle ne connaîtrait ce rejet. Pour commencer, il fallait rendre la vie à sa compagne, celle qu'elle avait porté au cours de ses batailles passées. Et son sort était entre ses mains.

- Ton armure est prête à reprendre le combat, Kathlyn.

Une vérité énoncée sans attendre. En passant la main sur les plaques lisses de la protection, il pouvait sentir cette volonté, indicible mais bien présente. Voir ce qui ne peut être vu par le commun des mortels était aussi une partie de ses pouvoirs... De ce qui faisait de lui le Grand Pope, quand bien même il s'obstinerait à s'en croire incapable jusqu'à sa mort. Sa main leste s'éleva à une dizaine de centimètres au-dessus du Paon. Aussitôt, son poignet déversa un mince filet carmin. Peu à peu, la couleur rouge ruissela sur chaque partie de ce prestigieux équipement. En accomplissant ce rituel, Arsiesys était serein. Se vider de son sang pour une cause juste lui donnait le sentiment de pouvoir absoudre ses pêchés, d'en ressortir purifié à mesure que le mal-être s'évacuait par ses veines entrouvertes. La quantité à verser n'était potentiellement mortelle qu'au cas où l'armure était brisée. Ce n'était pas le cas de celle-ci, même si son état en approchait.

- Et toi, l'es-tu ?

Soudain, le fluide vital qui l'avait recouverte disparut, absorbé par les matériaux qui lui avaient donné le jour. Et son éclat revint, même plus brillant qu'avant, plus qu'il ne l'avait jamais été. Elle irradiait d'une vigueur sans pareille. Satisfait, Arsiesys couvrit l'entaille d'un bandage sommaire afin de ne pas en laisser couler plus que le strict nécessaire. Pour ses propriétés miraculeuses, son sang était précieux et il ne pouvait se permettre de le gaspiller en en donnant plus que de rigueur. Or, il en avait fini avec cette tentative de résurrection. C'était un franc succès, bien qu'elle ne soit pas encore complète. Ce serait à sa propriétaire et à elle seule de faire en sorte qu'elle reprenne toute sa brillance d'antan. En entrant en symbiose avec elle une nouvelle vois et en prenant la direction du sentier de la guerre où se dirigeaient tous ceux qui avaient l'insigne honneur de porter ces artefacts d'un autre temps. Ainsi, l'archer planta son regard azur dans le sien, en quête de réponse.

La suite ne dépendait que d'elle...

Observatrice silencieuse et attentive, Kathlyn ne prononçait mot tout en observant le grand Pope agir. Un frisson parcourut lentement son échine, remontant des lombaires aux cervicales, lorsque le sang du Saint fut absorbé par son armure. La vie reprit au sein de l'armure. Revigorée, le métal brillait à nouveau de puissance et malgré tout le détachement qu'elle pouvait avoir par rapport à ces bouts de métaux, ces derniers restaient précieux pour elle… au moins pour le souvenir. Appelant à elle l'armure du Paon, la créature métallique se disloqua avant que les parties ne vinrent recouvrir ses membres comprimant légèrement ses vêtements. Sa tenue était adaptée, aucune gêne que ce soit dans les mouvements ou dans la sensation. Relevant la tête, elle repoussa en arrière sa longue chevelure argentée avant de croiser le regard du grand Pope.

» Mon esprit est préparé au combat depuis un long moment. Néanmoins je dois avouer que mon corps se révèle quelque peu… rouillé.

Sa phrase terminée, Kath' effectua un salto arrière et se réceptionna sans problème. Si son agilité demeurait intacte, elle ne pouvait pas en dire autant de son endurance… ou encore de son style. Auparavant si indépendante, elle avait appris à affronter seule ses ennemis. Une chose qui se révélait probablement impossible maintenant mais elle ne pouvait se l'avouer. Frappant l'air dans différents enchaînements, elle testa les limites de son corps laissé loin des entraînements draconiques. Ce fut en s'étirant rapidement qu'elle prit à nouveau conscience de son besoin de travail. En aucun cas sa présence devait être un fardeau. En aucun cas sa présence devait être signe de faiblesse. Tout au contraire.
En tout cas, sa grâce se révélait encore bien présente. Une grâce à ne pas négliger. Son test terminé, elle revint vers le Saint.

» Avant toute chose, y a-t-il des choses dont je devrais être au courant ? Je crois que la présence d'une femme Saint en ces lieux n'est compatible qu'avec le port d'un masque, est-ce vrai ? Enfin, comment dois-je m'adresser à vous ? Des commodités…

Les lèvres de Kathlyn s'étirèrent en un mince sourire. Écoutant les réponses de son interlocuteur, l'ancienne Oracle avait croisé les bras. Lorsqu'il eut fini, elle opina du chef et ses mains vinrent resserrer les rubans qui maintenaient ses cheveux. Pour la suite, mieux valait ne négliger aucun détail. Reculant de quelques pas, elle passa son bras droit dans son dos tandis que la main gauche fut dirigée vers le Saint, paume vers les cieux.

» Que diriez-vous d'un combat ? Amical, naturellement. Je ne pense pas être en mesure de vaincre le grand Pope, je souhaite avant tout avoir une idée de mes capacités présentes.

Dans les tréfonds de son esprit tourbillonnait encore des idées, des pensées, des envies éphémères qui n'attendaient qu'un moment de faiblesse pour éclater. Telle un aquilon, Kathlyn fonçait désormais dans sa vie sans jamais tourbillonner ne serait-ce qu'un instant au même endroit. Elle souhaitait repartir et cet affrontement marquerait le début de son envol.

- Je t'en prie, ne te laisse pas intimider. Lui demanda-t-il dans un sourire.

L'armure du Sagittaire vint l'équiper sans préavis. La toge de Pope fut appelée à reposer sur le trône qui allait de pair avec cette fonction. Les formalités passées, il pouvait à présent revêtir son habit de Saint en lieu et place de celui de maître des chevaliers. Instantanément, une onde de choc se propagea dans la pièce. Ce n'était que la seconde fois depuis Rome qu'il revêtait à nouveau son habit sacré et ce dernier se révélait heureux de retrouver son propriétaire. Le Gold Saint avait cru un temps que leur symbiose aurait pu s'émousser du fait de son indécision mais il n'en était rien. Au contraire, cette récente période de doutes n'avait fait que renforcer le lien qui les unissait – la clé de voûte de ce qui faisait de lui ce qu'il était. En tant que chevalier, mais aussi en tant qu'homme. Elle était toute la cohérence de sa condition, le mur de soutien de son existence. En son sein, Arsiesys se sentit envahit par un profond sentiment de paix intérieure qui allait l'aider à faire le vide dans son esprit. À faire abstraction de ce qui s'était passé dernièrement pour reprendre les armes. La hache de guerre avait été déterrée et son refus catégorique d'alimenter un conflit en vain n'empêcherait pas ce dernier de se produire. En conséquence de quoi il devait s'y préparer. À l'inverse de Kathlyn, son corps était toujours opérationnel : c'est sa psyché qui était atteinte. En lui offrant de se mesurer à lui, il pourrait peut-être lui aussi entrevoir les réponses dont il avait besoin.

- Bien ! Nous allons pouvoir commencer.

La mine radieuse, l'homme aux ailes d'or les étendit avec calme et délicatesse, comme si ces heures de repos au creux de son réceptacle les avait engourdies. Pourtant, elle étaient toujours aussi belles, et scintillaient de mille feux féeriques comme à l'accoutumée. Tout au plus son éclat était-il terni par une réprimande à l'égard de son porteur : « ne pars plus sans moi », semblait-elle vouloir dire. Car même si on l'oubliait trop souvent, chacune d'elles avait une conscience sommeillant en chacun de ses fragments. Ainsi, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle exige de lui qu'ils traversent ensemble les épreuves, même les plus difficiles. Car s'il avait fait serment de la porter et de lui faire honneur, elle avait fait celui de le protéger même si elle devait finir par voler en éclats. La pensée que cela puisse se produire l'avait toujours terrifié, à vrai dire, mais il savait qu'une armure d'or ne peut être ébréchée si facilement – celle du Sagittaire encore moins.

Ses détenteurs d'autrefois avaient la réputation d'être des héros de légende qui s'étaient distingués tant par leurs faits d'armes que par une humanité à toute épreuve. La fonction de Pope ne lui convenait pas plus qu'il y a dix ans de son point de vue, mais en revanche marcher dans les traces de ses prédécesseurs avait toujours été son voeu le plus cher. Non pas pour en retirer une gloire quelconque ou que son nom reste écrit dans l'histoire, mais uniquement pour que cette étoffe héroïque l'aide à servir et protéger chacun de ceux qu'il avait recueillis dans l'enceinte du Sanctuaire. Les récits tragiques y étaient légions ; nombre de ses pairs portaient sur les épaules le poids des fantômes du passé. Et beaucoup parmi eux avaient eu la malchance de perdre leurs parents. Vu de la sorte, cet endroit paraissait être un vaste orphelinat, où se mêlaient des jeunes gens de toutes origines. Aujourd'hui encore, ils accueillaient une nouvelle venue... Et elle, quelle était son histoire ? Cette question, il ne la poserait pas. Car dans le feu de l'action, les émotions qui l'animaient seraient plus apparentes que jamais pour l'ange doré. Lentement, il pointa son arc sur elle, sans qu'aucun projectile n'y figure dans un premier temps.

- Le port du masque n'est plus obligatoire depuis ma prise de fonctions. J'ai toujours prôné l'équité, et cette règle allait à l'encontre de cette notion. Bien évidemment, que j'en aie pris la liberté n'a pas été très bien perçu par tous, mais m'est avis que hommes et femmes ne s'en portent que mieux, ne croyez-vous pas ? Il est tellement plus agréable d'avoir à faire à un visage humain plutôt qu'à cette mine impassible, figée dans le temps... D'ailleurs, si tu me le permets...

Sa phrase prit fin subitement, alors que le temps semblait en faire de même. Quand il reprit son cours normal, Arsiesys n'était plus face à elle, mais dans son dos. Et cette fois, son arme était chargée et prête à tirer, ce qu'il fit sans plus attendre avant même qu'elle ait pu se payer le luxe de faire volte-face. Nimbée d'un pouvoir chaotique, la flèche fendit l'air en direction du Paon, brisant la distance qui les séparait en une fraction de seconde. Droit au coeur. Une précision si effarante qu'on l'aurait crue surnaturelle, mais elle n'était pourtant due qu'à la même pratique que pourrait en faire n'importe quel individu. Ah, combien de fois ne s'était-il pas usé les doigts à tendre cette corde pour être sûr de ne jamais manquer sa cible ? Non pas pour pouvoir tuer, car il y répugnait. Mais pour ne pas risquer de blesser ses alliés, car rien ne saurait lui faire plus de mal que d'être responsable de la déchéance de l'un de ses semblables.

Si prendre une vie sans en éprouver de remords était quelque chose qu'il ne pouvait concevoir, ce serait pire encore si par sa faute un de ses frères, une de ses soeurs venait à perdre la sienne. En l’occurrence, il n'avait point de crainte à dévoiler d'emblée son meilleur niveau, ayant la certitude qu'il ne fallait pas la ménager s'il voulait que ce duel d'échauffement lui soit utile. Elle pouvait y faire face. Une nouvelle fois le vent souffla avant d'être réduit au silence par l'inertie la plus totale, et la silhouette ailée du neuvième gardien reparut devant elle. Bien que les hostilités soient désormais engagées, sa douceur était intacte, y compris celle de ses traits. Point d'emportement, point de détermination : il n'y avait là que ce regard teinté de la couleur de la bienveillance. Cette aura de sympathie ne le quitta pas, pas même quand il décocha un second tir dans sa direction, cette fois dénué de tout pouvoir outre celui de percer les chairs.

- Désolé, mais toute occasion est faite pour être saisie, n'est-ce pas ? Ainsi donc, libre à toi de le porter si tel est ton désir, mais plus rien ne t'y oblige à ce jour. J'ai moi-même été appelé à régner sans devoir me séparer de l'armure du Sagittaire sous prétexte que mes compétences étaient si élevées que ce serait une perte inestimable pour le Zodiaque d'Or. Je n'en crois rien, mais preuve est faite que les règles sont faites pour être transgressée. Même si bien sûr, j'attends de toi de ne pas y déroger, à ces rares exceptions très. Puis-je compter sur toi ?

Aussi rapidement que son armure avait recouvert son corps, l'or du Sagittaire venait de retrouver sa place sur les épaules du grand Pope. Étincelante et rayonnante de puissance, si bien que durant une fraction de seconde, une image de l'ancien augure d'Apollon traversa ses yeux. Si combat il y avait, Kathlyn ne comptait pas gagner. Ou gagnerait-elle que la confiance du chef de ces lieux et voilà une chose que beaucoup pourraient déjà lui envier. L'arc en sa direction, l'affrontement venait de s'enclencher si bien que la jeune femme fit glisser hors de leurs fourreaux les deux lames courtes qui l'accompagnaient en tout temps. Ne pas avoir à porter de masque était un soulagement pour Kathlyn, libre et fière d'arborer ses traits gracieux. Avoir à se cacher n'aurait été qu'une nouvelle prison dont elle se serait défaite sans plus attendre. Cette liberté qu'elle tenait depuis quelques temps déjà semblait être devenue une part de son être, un besoin paradoxal de solitude malgré son envie d'être entourée.

Enfin… à peine avait-elle eu le temps d'absorber cette information que plusieurs assauts vinrent la viser. Deux sensations imminentes de danger dont l'une se trouvait dans son champ de vision. Une maîtrise remarquable du cosmos, bien supérieure à la sienne mais le Sagittaire n'avait pas en face de lui une novice. Initiée elle aussi au contrôle de l'énergie cosmique, ses bras effectuèrent un geste parallèle d'une grande vitesse en tranchant l'air se trouvant devant elle et derrière elle. L'instant d'après, qui se mesurait à des centièmes de seconde, une aura de cosmos s'étira autour d'elle jusqu'à frapper les deux projectiles, réduisant considérablement leur puissance. Enfin d'une torsion de son corps elle tenta d'échapper un impact, en vain. La flèche traversa le haut de son épaule gauche tandis qu'une décharge de puissance la frappa dans le dos.
La douleur se révélait entièrement supportable, néanmoins son corps vacilla légèrement avant de retrouver de son maintien. Le pire ne tarderait pas à venir et Kathlyn ne comptait montrer aucune trace de faiblesse si bien qu'un masque impassible recouvrait désormais son visage. L'esprit presque totalement dévolu au combat, elle avait fermé ses émotions au maximum et ce fut d'une voix claire qu'elle s'exprima.

» Je ne scanderai pas un "vous pouvez comptez sur moi, grand Pope !". Néanmoins… sachez que votre confiance est entre de bonnes mains. D'ailleurs, une chose qui pourrait être intéressante pour la suite de notre collaboration, votre nom. Vous connaissez le mien, autant être à niveau égal sur ce plan.

En effet, le paon ne se plaça pas en position d'infériorité mais en tant qu'égal porteur d'Armure. Et à ce niveau là, ce genre de connaissance n'avait rien d'un secret. Kath' fomenta la contre-attaque en un clin d'œil. Inutile d'aller chercher la difficulté. Il voguait certes sur l'air tel un oiseau dominant le ciel. Prédateur dangereux et implacable, le Saint du Sagittaire ne semblait vouloir laisser aucun repos au paon… néanmoins Kathlyn connaissait bien les règles de la nature, à tout moment la proie pouvait devenir chasseur et répliquer d'une manière digne et violente.
D'une impulsion violente au niveau des jambes, elle avala l'écart qui la séparait du grand Pope et à un mètre de lui, elle abaissa ses deux lames verticalement. En apparence l'assaut avait échoué mais l'onde de choc provoquée était bien suffisante pour provoquer des dégâts. Puis, effectuant un salto arrière, le Paon domina à son tour les cieux et à nouveau les épées courtes scindèrent l'air. Cette fois ci deux lames d'air se dirigèrent vers le Sagittaire. Faible en apparence mais secrètement insidieuses ; la moindre égratignure ne manquerait pas de faire couler son sang pendant quelques dizaines de secondes à plusieurs minutes suivant la résistance de l'adversaire. Après une réception gracieuse, elle se remit en position, prête à contrer toute nouvelle attaque.

» Vous avez raison, il faut saisir toute occasion.

Kathlyn n'était pas une débutante, il l'avait très vite ressenti. Néanmoins, à sa connaissance, les Oracles n'avaient de hiérarchie que l'ascendance des émissaires sur le reste de leur confrérie. Ainsi, il était difficile d'évaluer à quel rang elle pouvait correspondre dans la leur. Or, s'en faire une idée précise était indispensable pour savoir de quelle manière il pouvait disposer d'elle à des fins martiales. Il eut été préférable de le savoir sans avoir à la mettre en situation, mais quel meilleur moyen de mesurer ses performances qu'en les subissant soi-même ? Ainsi, il serait en mesure sélectionner ses adversaires avec le plus grand soin et de ne point l'envoyer au-devant d'un danger trop grand pour elle. Ses facultés défensives, rapidement révélée, étaient impressionnantes. Rares étaient ceux à pouvoir contrer ses assauts avec tant de facilité, et pour cela elle avait tout son respect. Seulement, et il l'avait appris à ses dépens, attendre que passe l'orage n'a jamais permis de gagner une bataille. À son tour de transmettre cet enseignement en débordant la solidité de ce rempart.

- Très impressionnant. Oh, et tu as raison, je manque à tous mes devoirs. Néanmoins, puisque nous en sommes là, que dirais-tu d'en jouer ? Tu ne sauras comment je me nomme que si tu réussis à me vaincre. Qu'en dis-tu ?

Être si taquin n'était pas dans ses habitudes, mais il avait grand besoin de se détendre. Après tout ce à quoi il avait assisté ces derniers jours, après toutes les horreurs entendues à son retour, un peu de légèreté ne pouvait lui faire que du bien. Tant pis si cela devait ternir l'image de marque qu'elle se faisait de lui, mais il préférait prendre ce duel à la légère que d'y être trop sérieux. Il devrait déjà l'être une fois le pied posé sur les champs de bataille qui l'attendraient avant que la paix puisse revenir sur cette terre. Ainsi, tant que des vies ne seraient pas en jeu, il ne ferait que s'en amuser. La guerre ne le changerait pas. C'était sa résolution. On l'avait connu et reconnu pour ses qualités, pour son humanité, pour ce qu'il était. Devenir un autre homme remettrait en cause cette légitimité. Ce pourquoi il avait tant été plébiscité depuis qu'il avait été élu pour porter cette armure.

Et même s'il gagnerait sans doute à être plus sévère en tant que chef de guerre, il ne voulait pas se dénaturer, oublier lui-même ce qu'il était même si cela pouvait augmenter leurs chances de remporter la victoire. L'abnégation faisait certes partie de lui, mais quel droit aurait-il de les commander tous si plus personne ne le reconnaissait ? Être lui-même et ne rien laisser l'entraver. Toute sa force de conviction irait en ce sens à présent. Son rang ne dérangeait nullement la jeune femme, et rien n'aurait pu lui faire plus plaisir : il n'avait que trop soupé d'être mis sur un piédestal en vertu de ses titres de noblesse. Elle ne voyait en lui qu'un chevalier, tout comme elle. Qu'il soit d'or, d'argent ou de bronze était une donnée insignifiante, de même que s'y ajoute la fonction de Grand Pope. Cela n'avait pas sa place dans ses critères de jugement. Et il voyait cela comme une qualité. Ses immenses ailes d'or se soulevèrent pour projeter un vent contraire, annihilant l'onde de choc qui aurait dû le meurtrir. Une parade sommaire mais bien suffisante.

Il n'eut pas autant de chance face aux lames de vent qui suivirent, n'ayant le temps que de lever un bras pour y faire obstacle avant qu'elles ne le malmènent. Le gantelet doré y avait parfaitement résisté, mais on ne pouvait en dire autant de sa chair, profondément cisaillée par ces rafales cinglantes. Le pouvoir du vent ne devait pas être sous-estimé, pour l'utiliser lui-même à ses heures il en était bien conscient.

- Notre seul pouvoir est de la saisir. Nous serions bien mal avisés de nous en garder, ne crois-tu pas ? Si nous ne le faisons pas, peut-être ne se présenteront-elles plus. C'est à leur aide que nous pourrons changer le monde. Aussi, à toute occasion, il nous faut faire preuve d'audace. C'est ainsi que nous rendrons notre légende éternelle. GOD... BREAK !

À nouveau brandi, l'arc cracha une nuée de projectiles. Trois fusaient sur chacun des flancs de la jeune femme, tandis qu'une septième fusait en ligne droite. Elle n'alla toutefois pas au bout de sa trajectoire pour exploser à mi-chemin en une gerbe de lumière, d'une blancheur si aveuglante que toute la pièce fut engloutie. C'était un nouveau sort d'illusion qu'il lui réservait par son intermédiaire, car il avait toujours préféré anéantir l'esprit combattif que de causer des lésions irréversibles. Elle allait connaître l'extase, s'abandonner à la quiétude, et ne verrait pas venir le danger qui planait au-dessus de sa tête. Cette volée de flèches était une épée de damoclès luisant d'une splendide teinte dorée. Une beauté mortelle. Aucun bruit, aucune souffrance... Elle oublierait tout pour se laisser aller à ce soulagement, et la victoire lui filerait entre les doigts avant qu'elle ait pu apercevoir. Car déjà elle frappait aux portes de ce paradis éphémère...

A en croire ses paroles, le Saint semblait prendre plaisir à ce combat comme s'il venait à point nommé. Une détente violente mais qui l'éloignait bien assez de son rôle de meneur. Peut-être lui manquait-il aussi une présence à ses côtés, un guerrier capable de l'épauler dans l'ombre et d'apparaître pour servir ses desseins au bon moment, de manière implacable. Un être capable d'être bouclier et épée pour ce porteur d'arc mais aussi partenaire d'entrainement et de vie. Diriger rimait parfois avec solitude mais cette sensation qu'elle sentait en lui à présent pouvait bien sûr être fausse. Écartant cette idée de son esprit, elle revint à la réalité. Au jeu que lui proposait le grand Pope.
Vaincre pour obtenir une information… soit. Estimant que ses chances se révélaient maigres, il était fort probable qu'elle l'appellerait encore grand Pope ou Saint du Sagittaire encore un petit moment. Ainsi soit-il. Cette décision lui appartenait. Si cela pouvait gêner Kathlyn de l'appeler par des titres et non par son nom, elle s'en accommodera sans mal ; respectant sa volonté. Jeune guerrière qu'elle était, le Paon ne se permettrait pas d'imposer quoi que ce soit à son nouveau chef.

» Soit, s'était-elle contentée de souffler en signe d'acquiescement.

Dans tous les cas ses premiers assauts furent un succès relatif. Un début à exploiter pour mener ce combat le plus loin possible. Elle comptait bien construire avec efficacité ses attaques et ses parades. Défense qui allait être mise à l'épreuve sans plus tarder. A nouveau les traits du Sagittaire fondirent sur elle mais un nouvel effet fut dévoilé. Une explosion de cosmos brisant sa vue et qui l'empêcha de se protéger de la première salve de flèches qui se planta à divers endroit de son corps. Cette maîtrise spectaculaire semblait presque irréelle. Produire de tels effets tenait du génie pour elle mais cela ne la rendait cependant pas totalement inoffensive. Certes un sentiment étrange l'envahissait, un quelque repos étrange qui l'habitait désormais suite à l'attaque… néanmoins trop étrange dans sa situation actuelle.
Un tintement violent retentit, les deux gardes de ses épées venaient de s'entrechoquer, provoquant une vague de cosmos à l'intérieur de son corps, remettant ainsi son équilibre psychique et physique d'aplomb. Inutile de garder des atouts, Kathlyn n'avait aucune raison de le faire face à un opposant de cette envergure. Ses sens alors pleinement retrouvés, la réalité à nouveau ressentie et les traits hors de son corps, elle put alors s'apercevoir d'une seconde menace imminente mais désormais accessible. D'un bond sur le côté elle commença une danse éprouvante mais qui lui épargnerait bien des souffrances. Ses muscles bandés afin d'effectuer ces acrobaties frénétiques et gracieuses, le paon dévoilait là une grande part de son agilité. Son corps semblait à nouveau flotter, les seuls moments où Kathlyn touchait le sol d'un de ses membres étant pour donner une nouvelle impulsion pour échapper à une des flèches du Sagittaire. La nuée terminée, elle atterrit un genou au sol, quelque peu essoufflée mais indemne de toute nouvelle plaie.

» Si je puis me le permettre, ces occasions que je saisis ne sont pas pour ma gloire ou notre légende. Elles sont plutôt pour ce monde que je souhaite protéger de vils desseins et c'est pour cela que j'ai décidé de rejoindre vos rangs. Mais peut-être ai-je mal compris vos paroles… ou peut-être avons-nous une vision quelque peu différentes…

Le dernier mot tombé en son oreille, Kathlyn pencha son buste en avant et effectua un saut prodigieux vers le Saint. Son corps replié sur elle-même, elle se mit à tourbillonner rapidement puis lorsqu'elle passa au dessus de son adversaire, tout son être se redressa et ses deux bras armés s'élancèrent afin de lacérer les épaules du grand Pope. Portée par l'élan, elle ne toucha le sol que plusieurs mètres derrière l'homme aux cheveux des cieux, une distance parfaite pour sa technique suivante : Locking Storm. La lame gauche à l'horizontale, sa jumelle vint se poser à sa base avant de glisser sur elle à grande vitesse. Le crissement métallique fut l'étincelle qui déclencha l'impulsion de cosmos vers le Sagittaire. Large et puissance, d'infime particules de fer baignées dans son énergie allaient se poser sur son armure et perturber pour un court instant sa si grande maîtrise. La force du Paon diminuait à grande vitesse et ses techniques secrètes étaient dévoilées tour après tour. Si elle arrivait à tenir tête à son adversaire pour l'instant, cela ne durerait plus très longtemps…

» Enfin, que sont les paroles lorsque nous laissons pour le moment parler nos actes ? énonça Kathlyn, son visage toujours de marbre. Elle ne cherchait pas le conflit, juste à comprendre dans quoi elle s'engageait et surtout tenter de sonder la personne qu'elle allait aider.

- Bonne réponse, répondit-il dans un sourire.

Si Arsiesys voulait entrer dans l'histoire, ce n'était pas pour qu'on se souvienne de lui. C'est pour qu'on sache ce que lui et les siens avaient accompli. Pour que ceux tombés au combat ne soient pas oubliés, même une fois que tous se seraient éteints. Que leur légende soit transmise aux générations futures et que leurs noms ne puissent se perdre. Car ils s'étaient sacrifiés pour protéger le monde des hommes de la dévastation, et que nul ne devait l'ignorer. Néanmoins, ils ne devaient pas rechercher cette gloire mais la créer de leurs propres mains, à la sueur de leur front. Ne pas la convoiter mais la laisser venir à eux par leurs faits d'armes, qu'ils soient passés ou à venir. S'il n'en avait rien montré, il s'était pourtant étonné de l'indifférence de l'ancienne Oracle.

Était-ce par révérence qu'elle cédait à ses caprices, au nom de ce rang dont il n'avait pas voulu ? Ou en aurait-elle fait de même pour n'importe qui ? Cette question n'eut pas le temps de lui trotter dans la tête, cependant. L'instinct prit le pas sur la réflexion. L'assaut continuait, et se perdre en vaines méditations ne ferait que le ralentir, l'entraver dans sa quête de victoire et de reconnaissance. Ce combat n'était qu'une distraction, qu'un moyen pour elle d'affûter des réflexes depuis trop longtemps émoussés. Revenant à la réalité, il fut frappé de stupeur en voyant qu'elle était en pleine possession de ses moyens. Son intégrité physique et mentale était intacte, du jamais vu après avoir pris de plein fouet le God Break au summum de sa puissance.
Il n'avait rien fait pour en modérer les effets secondaires et elle s'en était pourtant tirée avec brio. Décidément, elle était pleine de surprises et il se demanda un moment quels tours elle pouvait encore avoir dans sa manche. La réponse lui vint spontanément : pour le savoir, il avait tout intérêt à la tenir en échec, car ce n'était qu'ainsi qu'elle devrait abattre toutes ses cartes. Le lui demander aurait été une solution de facilité, profitant de son autorité pour arriver à satisfaction. Non, il préférait de très loin obtenir ces informations en la persuadant de ne rien retenir, dans son propre intérêt.

- Pourquoi nous battons-nous ? C'est une question que je me pose sans cesse. Et je sais qu'à cela, il n'existe pas de réponse toute faite. Chacun doit trouver sa propre réponse. Et c'est pour partir à sa recherche que nous allons au combat.

Pour Athéna, bien sûr. Pour ses frères, également. Pour tous ceux qui les avaient quittés. Mais... Ce n'était pas suffisant. Ce n'étaient que des prétextes dont il dépendait entièrement. Si tout cela venait à disparaître, cela voudrait-il dire qu'il n'y aurait plus lieu de se battre ? Non, car sa mission ne serait toujours pas terminé. Car il ne saurait pas ce qu'était sa raison d'être. Celle qu'il avait de vivre cette vie bénie par les soins de sa déesse. Mais il avait besoin de trouver une motivation qui lui soit propre. Et s'ils y avait bien des éléments de réponse, il était difficile de se fixer, de pouvoir y répondre en étant sûr que cela ne changerait pas avec le temps. Et malgré cette difficulté, c'était ce qu'il attendait de chacun de ses subordonnés, car il voulait être sûr que tous avaient une résolution assez forte pour engager le combat sans pouvoir douter du bien fondé de la cause qu'ils y défendraient au péril de leur vie. Car de l'hésitation nait la peur, et qu'il n'y a rien de plus dangereux qu'une arme entre les mains d'une personne qui redoute de s'en servir. Et pas pour celui qui en est la cible...

- Et toi ? Quelle voie vas-tu choisir d'emprunter ?

Il eut un pincement de lèvres en songeant à Kallas. Ce dernier avait choisi celle du carnage. Un choix qu'il ne pouvait cautionner, mais pourtant en adéquation avec l'objet de sa requête, puisqu'il n'avait besoin de rien de plus pour se motiver à aller de l'avant et à livrer bataille. Il ne souhaitait toutefois pas avoir plus de personnes de son acabit dans ses rangs, sans quoi il aurait le sentiment de devenir comme ceux à qui il vouait ce ressentiment enfoui en lui si profondément... Souvent, ce motif était le reflet de la personnalité de celui qui l'avait choisi, il pourrait donc en apprendre plus sur elle en fonction de ce qu'elle allait décider à ce propos. Sauver le monde ? Sauver l'humanité ? Oui, mais pourquoi ? Voilà ce qu'il voulait entendre de sa bouche. Connaître ses réelles motivations. Ce pourquoi elle avait pu tirer un trait sur sa vie passée, sur Apollon, pour ainsi les rejoindre et continuer à tenir ce rôle.

Agile, pour ne pas dire féline, elle parut marcher sur l'air tandis qu'elle amorçait sa contre-attaque, capable de se défaire de toutes ses flèches d'or comme si ce n'étaient que de vulgaires jouets. Elle maîtrisait bien mieux le pouvoir du vent qu'il ne le ferait jamais. Son ascendant était le soleil et son feu purificateur, et son contrôle sur le temps... S'il avait lui aussi quelques arcanes à base de bourrasques, il n'en serait jamais un maître incontesté. Et s'il vit venir l'attaque, Arsiesys ne tenta point de l'éviter, alors qu'il en avait pourtant la capacité. Et il en ressentit directement les propriétés, qui s'avérèrent plus fortes qu'il ne l'aurait cru, pour tout dire. Ce qui élargit son sourire. C'était sur une recrue de choix qu'il avait mis la main ce jour, et il était fier de lui avoir ouvert sa porte.

Il l'avait accueillie à bras ouverts, avait éprouvé sa force, et savait maintenant qu'elle continuerait de servir une juste cause. Repoussé par la pression de l'air, ses ailes s'étaient dressés en bouclier, faisant écran à une bonne partie de la technique. L'avantage de leur envergure étant qu'elles dissimulaient parfaitement toutes sortes de chose, comme par exemple le fait que le Sagittaire apporte la dernière main à une riposte imminente. La flèche déchira l'air dans un sifflement mélodieux, presque musical, très doux à l'oreille. Pourtant, son contact était mortel. Ce n'était qu'une preuve de plus de la douceur du Grand Pope et de sa bienveillance, que même en plein combat il ne pouvait se résoudre à oublier toute affection à l'égard de ses semblables. Mais le danger était bien réel, et il lui faudrait réfléchir à comment le contrer sans quoi le Paon y laisserait des plumes.

Au fil des paroles du grand Pope, le corps de la jeune femme se redressa pour reprendre fermement appui sur ses deux pieds enserrés de métal. L'examen semblait continuer même après qu'elle eut été acceptée au sein des rangs des Saints. Malgré ses dernières paroles, deux joutes semblaient tenir place dans ce sanctuaire dont une qui ne lui plaisait guère en son état. Mûrissant sa réponse, elle se prépara à la phase d'attaque attendue qui vint aussi abruptement que sa question. Un trait décoché et à l'issue certaine. Ne jamais abandonner. Poussant sur sa jambe gauche, elle lança son corps sur le côté et se réceptionna d'un roulé-boulé. Inefficace. Du sang coulait déjà le long de son mollet droit, la flèche venait de frapper sa cuisse violemment, incapacitant la jeune femme considérablement. La décharge de douleur aurait pu être pire, tous deux prenaient soin d'éviter les zones vitales.

» J'ai choisi celle de la vie et il y a bien longtemps déjà que je la suis. Pas là un idéal aveugle et protecteur de toute forme de vie, mais la possibilité de protéger et épargner. Et Maître Aphlon m'a donné cette possibilité et m'a permis de travailler en ce sens. De ses mains il a forgé une route pour mon avenir et celle des personnes que l'on a pu croiser, en digne élève je continue et continuerai à en faire de même que je sois seule ou accompagnée.

Faisant une pause dans sa réplique, elle lança une de ses épées courtes en l'air, la laissant évoluer passivement quelques secondes dans l'air avant de lancer sa jumelle sur ses mêmes traces. Puis, le Paon reprit parole.

» Les combats ne me donnent pas de réponse, elles sont des réponses et mettent à l'épreuve la voie que je trace. S'il n'y avait pas de vie à protéger, je n'aurais pas à me rendre au combat. La menace demande si des humains vont s'élever, mes combats sont la réponse.

Combattre en soi n'était pas une nécessité pour elle. Néanmoins combattre pour ceux qui ne pouvaient le faire eux-mêmes suffisait à la pousser en avant afin qu'elle cherche à s'améliorer toujours plus pour contrer des menaces toujours plus grandes. Aphlon lui avait permis de s'extirper de la piètre vie qu'elle avait, il lui avait permis de devenir une Oracle, d'avoir une raison d'être autre que survivre à chaque nouveau jour que la vie lui offrait. En temps normal, une larme n'aurait pas tardé à éclairer le coin de son œil mais depuis sa quête de nouveaux alliés, la barrière psychique la protégeait de toutes ces attaques sentimentales. Et sa réponse lui convenait.
Alors, sa lame passa devant son regard, signe de sa prochaine attaque. D'un geste fin de sa senestre, Kathlyn redressa l'épée qui devint alors projectile. Concentrant son énergie dans son bras droit, elle laissa aller sa paume contre la garde en métal dans une explosion de puissance qui projeta l'arme droit vers le Sagittaire. Récupérant sa seconde arme, elle effectua des arabesques complexes dans l'air, laissant son cosmos se transformer à nouveau en lames tranchantes ayant pour cible le Sagittaire. La fatigue commençait à se faire dangereusement sentir et la jouxte verbale comme l'affrontement touchait bientôt à sa fin pour Kathlyn. Si son cosmos brulait encore de mille-feux, force était d'admettre que son corps ne suivait pas le rythme effréné imposé par son adversaire...

Contrairement à ce que pouvait penser Kathlyn, rien ne l'obligeait à lui répondre. Il aurait pu sonder son esprit s'il l'avait voulu, en vertu des pouvoirs qui lui étaient conférés. Mais il n'en ferait rien, car c'était une pratique à laquelle il s'était toujours refusé. À son sens, on ne pouvait forcer une âme, elle devait s'ouvrir d'elle-même au monde qui l'entoure et à ceux qui l'en jugent digne. Il ne cherchait qu'à la connaître un peu plus, qu'à comprendre les raisons de ses actes. Tant que sa foi serait intacte, son nouveau rôle ne serait pas remis en question. Mais il voulait savoir, dans la mesure du possible, ce qui l'avait conduite à devenir chevalier. Un terme qui, bien qu'étrange pour une femme, n'avait pas de pendant féminin. Car dans le contexte où il avait vu le jour, il était inconcevable qu'une demoiselle puisse porter l'épée et revêtir une armure.
Et si ce n'était pas la seule femme au sein du Sanctuaire, Kathlyn contredisait à merveille cette étymologie sexiste. Et cela, il ne pouvait que s'en réjouir. Mais il était en effet plus dur pour une représentante du beau sexe de se faire une place dans la société secrète qu'ils formaient malgré eux. Car les épreuves à endurer pour prétendre à ce titre n'étaient pas à la portée de tous et qu'à la vérité, leur condition physique pouvait être gênante, même si ce n'était pas toujours rhédibitoire. Ainsi, il ne leur fallait que plus de courage et de détermination pour réussir à y percer et que leurs efforts soient récompensés. Elle devait être passée par là, elle aussi, à moins que la providence ne l'ait choisie tout comme Calyps. Féru de livres d'histoire, le Sagittaire n'aspirait qu'à connaître la sienne... Qu'à savoir quel chemin tortueux l'avait menée jusqu'ici pour leur venir en aide.

- Merci pour ces confidences, et la confiance que tu m'apportes à travers elles. Très jolie répartie.

Son raisonnement était clair, et son chemin jalonné de lumière. Elle avait du coeur, même si elle semblait s'acharner à ne pas vouloir le montrer et à demeurer calme et paisible. Ce qui était tout à son honneur, même si parfois laisser parler ses émotions n'est pas un mal. Il ne pouvait cependant pas la conseiller à ce point de vue sans qu'elle ne le lui ait demandé et s'en garderait bien. L'important était qu'elle se fixe sur ses objectifs, et c'était déjà fait depuis longtemps à l'en croire. Il n'en demandait pas plus, et n'espérait que de la voir s'épanouir à leurs côtés et continuer à suive la ligne de conduite qu'elle s'était tracée. Nul doute que c'était ici qu'elle avait le plus de chances d'y arriver ; elle avait pris la bonne décision. Du moins ferait-il tout pour que ce le soit et que jamais elle ne regrette ce choix sur lequel il lui serait malaisé de revenir.
Intérieurement, Arsiesys se demanda quelle serait sa réaction si un jour Apollon devait reprendre sa place au bord d'un corps charnel, si elle lui pardonnerait sa traîtrise et retournerait dans sa direction. Mais il était persuadé que là encore, elle saurait agir en fonction de ce qui serait le mieux pour elle et pour son bien-être. Pour ne pas trahir ses principes. Cette fois, il ne laisserait rien passer de son attaque. Pour lui prouver qu'elle pouvait compter sur lui et qu'elle aurait une épaule solide sur laquelle se reposer à présent, et ce autant qu'elle pouvait le souhaiter. Qu'il n'était pas si facile de le faire flancher et que sa force était bien au-delà de la normale, et qu'il en serait ainsi tant que sa cause serait juste et que sa passion resterait inchangée.

- Je crains que nous ne devions en rester là pour notre propre sécurité. Néanmoins, je pense indispensable de te démontrer ce que je sais faire de mieux. Je m'en voudrais de te faire douter de la confiance que tu peux placer en moi. Avec l'intensité de milles soleils... INFINITY BREAK !

L'assaut de Kathlyn s'était écrasée sur le bouclier de ses ailes. Le pourvoyant d'une herméticité totale, ses plumes d'or avaient fait rempart sans le moindre mal, et n'en avaient pas retiré l'ombre d'une égratignure. Sa force était grande mais il en fallait plus pour venir à bout d'une armure d'un rang aussi élevé. Néanmoins, ce n'étaient pas ses qualités défensives que l'on vantait, mais sa force de frappe titanesque. Rares en avaient été les témoins, mais ceux qui avaient eu la chance d'assister à ce spectacle inoubliable en avaient retenu chaque détail. De son corps jaillirent des pointes acérées, nés de son cosmos, qui à la hâte se changeaient en flèches au moment de déferler sur la malheureux. Sa chaleur était supérieure à celle de l'astre de jour et chacun de ces traits étincelants absorbait toute l'eau qu'ils pouvait trouver sur son passage. Ils étaient les rayons perforants d'un soleil meurtrier, même si cette image ne ravissait guère le Grand Pope. Ce dernier n'avait de toute façon pas la possibilité d'y songer, sentant le goût du sang lui monter aux lèvres sans qu'il n'en laisse filtrer la moindre goutte.

Une belle défense ajouté à ses aptitudes dantesques d'attaque. Cet homme ne semblait montrer aucune faiblesse. Véritablement aucune. Même son éloquence et son charisme méritaient le respect et même si elle ne le connaissait véritablement que depuis quelques dizaines de minutes, l'aura de puissance qu'il dégageait se révélait suffisant pour faire évanouir les quelques doutes qu'elle pouvait avoir. Néanmoins, elle allait goûter à sa véritable force, son cosmos brûlait de mille feux et malgré la menace qu'elle représentait, cela avait un quelque côté rassurant. Rassurant que le Grand Pope ne fût pas du niveau de quelqu'un comme elle mais bien au-delà.
Préparant ses défenses à la hâte, elle croisa ses bras devant son visage et tenta de réveiller elle aussi son cosmos. Trop tard ou plutôt, trop faible. L'assaut créa de multiples écorchures plus ou moins profondes, raclant son armure ou la transperçant. S'il avait pu, le déluge aurait pu être concentré sur sa seule personne mais cela aurait sûrement valu sa mort. Chose que le Sagittaire ne souhaitait pas. L'assaut terminé, la température chuta tandis que Kathlyn posa son deuxième genou au sol. Sa lame chuta sur le sol créant un tintement qui sonna la fin de l'affrontement. Si on tendait l'oreille, on aurait pu entendre quelques gouttes de son sang s'effondrer contre les dalles froides de son sanctuaire mais seulement pour un cours instant. Brûlant une dernière fois son cosmos, elle referma au maximum ses blessures afin d'éviter de perdre tout son liquide vital puis, une fois sa respiration retrouvée, le Paon se redressa et s'inclina en signe de sa défaite.

» Vous n'êtes pas grand Pope pour rien. se contenta-t-elle de souffler.

Son corps meurtri peinait à se maintenir et pourtant, ce n'était pas sa volonté qui manquait. Le dernier maillon de son être relevé, on put voir affiché sur ses lèvres un léger sourire en coin brisant son masque de fermeté. Kathlyn était satisfaite. Son entraînement réalisé, elle allait pouvoir se trouver un petit coin de repos afin de recouvrir ses forces et travailler ce qu'il fallait retravailler. Ou peut-être allait-elle visiter un peu ? Enfin, peu importait. Laissant son armure reprendre sa forme initiale, chaque partie se sépara de ses membres pour recréer le Paon. Déchirés par endroits, la jeune femme irait se changer après avoir pris un bain afin de laver son corps des dernières traces de l'affrontement déroulé en ces lieux, même s'il était fort à parier que le sanctuaire aurait ressenti le cosmos dégagé par la dernière frappe du Sagittaire.

» En tout cas, merci pour ce combat et merci à nouveau de m'accueillir en votre sein. Je vais aller étirer mes muscles endoloris et sûrement me reposer, vous avoir combattu a été un honneur et vous me surclassez sans l'ombre d'un doute. Souhaitez-vous encore me faire part de quelque chose ou puis-je disposer ?

Un calme régnait dans sa tête. Chaud et reposant. Cette entrevue lui avait permis d'entrevoir un peu plus son nouvel intérieur. Combattre en duel ne l'intéressait plus hormis pour s'entraîner. Il lui fallait un compagnon, un dos à couvrir et un bras à armer. Kathlyn sentait son essor là dedans et c'est pourquoi elle avait aussi cherché à rejoindre les Saints. Petit à petit ses verrous s'ouvraient et peut-être un jour, retrouverait-elle son innocence d'antan.

La seconde peau qu'était son armure éprouva quelques difficultés à s'arracher de son corps. Il n'était que trop rare qu'il puisse prendre le temps de la revêtir dernièrement, ou même que l'occasion de le faire en toute légitimité se présente. Cette séance d'entraînement lui avait fait le plus grand bien, mais avait été trop brève pour contenter sa cloth qui se languissait de son propriétaire à sa manière. Libre de toute entrave, le Grand Pope se sentit soudain plus léger, non pas pour la carapace dorée qui venait de le quitter mais pour avoir enfin pu évacuer toute la tension qui l'habitait depuis son retour. Divertissant. Le calme revenu, il se sentit toutefois coupable en voyant dans quel état il avait mis la nouvelle venue. À peine arrivée et déjà bonne pour les premiers soins, et c'était entièrement de sa faute. Sans doute aurait-il dû la ménager davantage, se demandant s'il s'était laissé emporter sans s'en rendre compte. Ce qui serait alors un danger potentiel car cela voudrait dire qu'il était en passe de devenir comme Kallas, ce qu'il ne souhaiterait pour rien au monde.

Fort heureusement, elle semblait bien s'en remettre, ce qui lui fit pousser un soupir de soulagement. Il n'était pas de phobie plus grande pour Arsiesys que de causer du tort à l'un des siens, et Kathlyn en faisait désormais partie au même titre que n'importe lequel d'entre eux. La voir verser son sang sur le dallage blanc, qui s'en était étrangement bien tiré malgré la violence des coups échangés, le fit tirailler par ses regrets. Dans le même temps, cela lui rappela le goût acre qui emplissait sa bouche, celui du cuivre – du liquide vital. Le sien, cette fois. Le voir jaillir de ses plaies n'avait rien de très surprenant, mais en revanche qu'il le crache aurait été beaucoup plus inquiétant. À plus forte raison que les dégâts reçus n'avaient rien fait en ce sens. Ce n'était que l'expression de son dépassement de soi. À trop jouer avec le feu, on finit par s'y brûler les ailes et c'était précisément ce qui était en train de lui arriver. Depuis plusieurs mois maintenant, par ailleurs.

Personne n'était au courant.
Pas même lui, à vrai dire, mais même sans connaître l'origine de son mal il pouvait en mesurer la gravité. Et il se doutait bien que ce n'était pas bénin. Un regard dans sa direction et il profita de ce qu'il se tenait dans son angle mort pour le laisser filtrer de ses lèvres afin d'en imbiber les bandages recouvrant son bras droit. En faisant mine de s'y essuyer le menton, la supercherie devrait pouvoir tenir, son corps étant déjà maculé de ces éclats vermillons en de multiples endroits. Rien qui puisse la mettre sur la piste.

- M'est avis que tu ne connais pas ta force. Tu ne manques pas de mérite non plus. Il n'est pas donné à tout le monde de me mettre en difficulté. riposta-t-il dans un sourire.

En conditions réelles, la tournure aurait peut-être été différente. Il n'était pas à l'apogée de sa puissance, mais elle non plus n'avait pu montrer toute l'étendue de son talent. Pourtant, l'échantillon auquel il avait eu droit était amplement suffisant pour décréter qu'elle avait sa place parmi les leurs, et ce au rang de Chevalier d'Argent. Pour le bien de la hiérarchie, il était de rigueur de l'assimiler à un grade en vigueur au sein du Sanctuaire et celui-ci lui irait comme un gant, d'après les analyses du Sagittaire. Ainsi, elle jouirait également d'une liberté dont être réduite à l'état de Bronze Saint l'aurait privée, et elle aurait tout à loisir de se bâtir un nid douillet qui la ferait se sentir à sa place auprès d'eux. Saisissant son poignet, il l'aida à se relever au moment où elle s'y employait et en profiter pour lui transfuser une certaine quantité de cosmo-énergie.

- Voilà qui devrait te permettre de te diriger vers tes appartements. Les dortoirs se situent non loin de l'entrée, une fois passés les terrains d'entraînement. Tu ne devrais avoir aucun mal à trouver, mais je peux placer un garde sous tes ordres si tu le souhaites afin de t'y mener et de porter tes bagages.

Cette dernière phrase s'accompagna d'un regard appuyé sur l'armure qui trônait à ses côtés, après avoir connu son premier sang sous cette nouvelle forme. Le Paon était toujours aussi majestueux en dépit de tout ce qu'il avait eu à encaisser, et cette résistance admirable lui confirma qu'elle était d'excellente facture. Apollon n'avait pas lésiné sur les moyens pour équiper ses hommes, et lui redonner vie n'avait fait qu'en accroître le potentiel. Il avait toutefois veillé à réprimer son pouvoir pour ne pas l'élever, non pas par manque de confiance mais bien parce que la demoiselle avait besoin de son armure et non pas d'un substitut dans l'immédiat – quand bien même sa puissance s'en verrait augmentée. Il préférait de très loin lui laisser la liberté de se familiariser à son nouvel environnement avant d'envisager toute modification en ce sens, même s'il songeait que la jeune femme ne s'en soucierait certainement que peu tant qu'elle pouvait remplir ses objectifs.

- Il est des choses dont je dois t'entretenir pour que tu sois au fait de notre situation actuelle, mais rien ne presse. Prends le repos que tu mérites à bras le corps et ne reviens me voir qu'une fois que tes blessures auront cicatrisé, nous discuterons alors. Jusque là, je t'invite à visiter les lieux, je ferai le nécessaire pour qu'on t'accompagne afin de te guider à moins que tu ne préfères le découvrir par toi-même. N'oublie jamais qu'à compter de ce jour tu es ici chez toi, et qu'Athéna te protège autant que n'importe lequel d'entre nous. J'en suis persuadé.

La mine radieuse malgré la fatigue et ce curieux saignement dont elle ne savait rien, il posa la main sur son épaule avec légèreté, l'encourageant à descendre les marches et à embrasser du regard tout ce qui se situait plus bas, au terme de ces incessantes volées d'escaliers qui l'attendaient encore avant de pouvoir espérer un sommeil réparateur.

Citation :

Repos.