Les choses avaient évoluées depuis l'attaque des deux titans. Et si la victoire des Marinas de Poseidon ne faisait désormais aucun doute, il ne fallait pas oublier l'essentiel. Qui était derrière cette attaque ? Et pourquoi ? Une chose qui allait accaparer les forces des armées de l'Empereur des Mers et aussi de son Légat, c’était une certitude. Mais pour l'heure, l'esprit de ce dernier était focalisé sur autre chose. Du haut de son perchoir en pierre, il observait cet homme s'avancer à travers le territoire sans être inquiété. Un chevalier à n'en pas douter mais qui n'appartenait pas aux factions qu'il côtoyait d'ordinaire. Et si le cosmos était bien présent en lui, le Légat sentait qu'une chose clochait.

Ses paroles tout d'abord. Mais pas seulement... Portant le bec de sa flûte à ses lèvres, Orpheus se mit à jouer pour accueillir cet étrange visiteur. Les notes n'étaient pas agressives mais elles ne laissaient cependant aucune chance à celui qui l'entendait de poursuivre son périple sans rendre des comptes quant à sa présence en ce lieu. Le chevalier se stoppa. De son propre chef ou de par la musique qui l'y obligeait, nul ne saurait le dire. Mais Le résultat était là et c'est tout ce qui comptait aux yeux du Général. Sautant au sol, il arriva juste devant ce personnage, et cessa alors de jouer sa mélodie, abaissant son bras et sa flûte par la même occasion.

de par les événements récents, Orpheus n'avait aucune intention de s'amuser de la situation. Chaque étranger qui s'était présenté à lui ces derniers temps - les représentants d'Arès exceptés - avait trahi son hospitalité et avait été durement châtié. Cette fois, il ne comptait pas laisser le temps à cet impudent de commettre l'irréparable. C'est pourquoi nul sourire n'apparaissait sur son visage. Ses ailes dorées se déployèrent dans son dos tandis qu'il laissait son cosmos prendre possession de la place, comme un avertissement silencieux.

- Il semblerait que tu ne sois pas d'ici, Chevalier. Et si je devais interpréter les propos que j'aie entendu, alors il semblerait même que tu ne sois qu'un usurpateur et que cette armure n'a aucun droit d'être sur ton dos. Je te laisse cependant une chance de justifier ta présence en ce lieu. Ensuite moi, Orpheus de la Sirène Maléfique, je jugerai si tu mérites la clémence de mon Seigneur.

Son ton s'était voulu ferme et sans équivoque. Et tandis qu'il gardait l’œil sur cet homme, il insuffla avec son cosmos l'image du terrible châtiment qui l'attendait s'il était jugé. Cet individu manipulant aussi le cosmos, il ne pouvait qu'avoir senti cette illusion. Inutile pour le moment de dire qu'il était le Légat, réservant cette information pour la suite si cela s'avérait nécessaire. Pour le moment, son rang suffisait : car quiconque entendait le nom de la Sirène Maléfique ne pouvait que savoir qu'il était le Général du pilier de l'Atlantique Sud.

- Il suffit ! Il est encore plus présomptueux qu'un étranger vienne sur mon territoire pour me faire la leçon, Oracle. La bénédiction d'Apollon ne regarde que lui et son armée. Ici, elle ne vaut pas plus que la parole d'un enfant. Un enfant gâté.

La voix du légat avait monté de plusieurs octaves, se voulant plus autoritaire. Cet homme jouait un jeu dangereux. Il ne devait pas se douter de l'importance de l'homme qui se dressait devant lui, assurément. Et Orpheus allait le lui expliquer à sa manière. Chez les Marinas, on n'avait pas coutume de s'encombrer de moins que rien et la rigueur militaire était importante pour eux. Poseidon était un dieu particulièrement attaché à certaines valeurs et lui n'en possédait aucune. Du moins en apparence. Car s'il y avait une chose qu'il fallait comprendre, c'est qu'aucun dieu autre que Poseidon n'avait droit d'être cité en ces lieux. Un Oracle n'avait pas sa place ici et par conséquent, Orpheus allait intervenir.

Fini les sourires, fini les faux semblants. Posant derechef le bec de sa flute sur ses lèvres, le Légat entreprit de jouer une nouvelle mélodie, un air voué au seul Maître en ce lieu. Alors que les notes s'élevaient dans ces fonds marins, le regard du Légat se voulut plus ferme. Visiblement, Apollon n'avait pas entreprit d'apprendre le respect à ses soldats. L'air ne pouvait être évité. Car plus que les tympans, c'était surtout le cerveau qui en était la cible. Et peu à peu, Orpheus imprimait l'emprunte de son art dans le corps de cet homme. Sentirait-il l'intrusion ? Sentirait-il que peu à peu ses membres se paralysaient pour finalement ne faire de lui qu'un appât à requin ?

Une fois assuré qu'il ne pouvait plus bouger, le Légat cessa sa mélopée. Il se rapprocha alors de lui... Les hommes possédant du cosmos pouvaient tenter de s'échapper de l'emprise d'une sirène. Mais il comprendrait alors qu'il n'avait pas face à lui le premier venu. Et puisque ce point ne semblait pas très clair, il allait de ce pas lui enlever cette confiance qui lui obstruait la vue.

- Je suis celui que tu sembles chercher... Car outre mon rang de général, je suis également le Légat de Poseidon. Malheureusement pour toi, je ne suis plus d'humeur à écouter un soldat d'Apollon. Sache que ton dieu n'a aucun droit ici. Sache même que ton dieu est considéré comme un ennemi en ce lieu. Ainsi, tu comprendras que je ne sois pas très enclin à t'entendre plus longtemps. Surtout que tu ne fais preuve d'aucune déférence envers le seigneur de ces mers. Si tu as une dernière parole, alors profite du répit que je te donne. Car ensuite, tu mourras.

Cette fois, les cartes étaient entre les mains de ce Darius. S'il avait une chose importante à dire, alors qu'il le fasse immédiatement. Sans quoi, il périrait ici et maintenant, dans l'anonymat, et son corps ne servirait que de nourriture aux poissons.

Orpheus le laissait s'expliquer, préférant ne pas l'interrompre bien que certaines choses ne soient pas très cohérentes. Il comprenait pourquoi cet homme avait été choisi par les Oracles mais sa venue en ces lieux restait encore floue. Même s'il tentait de l'expliquer au Légat, Darius restait peu clair et il n'était désormais plus qu'à deux doigts de mourir sur place. Heureusement, il avait déjà changé de ton. Comprenait-il qu'il était coutume d'assumer ses paroles en ce lieu ? Si Orpheus ne laissait jamais ses propres hommes s'adresser à lui de la sorte, ce n'était certainement pas pour se laisser faire par les soldats des autres divinités.

Néanmoins toutes les informations n'étaient pas à mettre de côté. Et si le cas "Apollon" n'était pas une vraie surprise, surtout depuis sa récente discussion avec Augure, il avait au moins la certitude que ses suppositions étaient les bonnes. Et les propos qu'il tenait désormais à l'égard du dieu solaire était dur, sans pitié. Ce qui poussait le Légat à se questionner sur la fiabilité d'un tel personnage. Mais pour le moment, le débat n'était pas là. La vie de Darius n'était pas encre réellement sauvé. Le gros point positif qui ressortait, c'était ce calme quasi olympien qu'il affichait, faisant presque penser que les paroles malheureuses du début n'étaient que des erreurs ou des fautes de langages. Le doute persistait pourtant.

- Soit ! Je te libère pour le moment.

La demande de Darius qui consistait à le libérer de cette entrave avait été acceptée. Une seule note s'échappa de la flûte et le sort s'envola. De nouveau maître de ses mouvements, l'ancien Oracle pouvait poursuivre. Toujours sous l’œil attentif de son vis-à-vis. Orpheus était ainsi. Il accédait à la requête mais il laissait au dessus de la tête de Darius cette épée de Damoclès. Le moindre faux pas et c'était fini de lui. Mais il semblait intelligent. Ce qui venait de repousser son exécution.

- Je vois bien que tu dis la vérité concernant Apollon et ton ancienne armure. Quant aux visions dont tu parles, je ne peux expliquer cela que d'une façon. Sans doute Poseidon lui-même ou alors une des voix encore scellées au Sanctuaire qui t'auront conduit en ce lieu. La raison m'échappe cependant. Et je ne suis pas apte à décider. Les scales sont vivantes et choisissent elles-même ceux qui auront l'honneur de servir Poseidon. Le moindre écart et elles abandonnent aussitôt les Marinas concernés, ne faisant d'eux que de simples soldats sans la protection divine de Poseidon.

La guerre débutait à peine que déjà une divinité abandonnait l'affaire. ce qui n'était pas pour déplaire au Général qui voyait là un acte de faiblesse évident. Les Marinas ne feraient montre d'aucune pitié envers leurs ennemis mais sans doute que les autres dieux étaient plus coulants la dessus.

- Ainsi, je peux te laisser encore vivre quelques jours pour voir si tu es sincère en voulant servir l'Empereur des sept mers. Mais si aucune scale ne vient à toi, alors il te faudra quitter cet endroit. Sans jamais y revenir. Tu m'as parlé d'offrande ? Qu'est-ce donc ?