Le goût du sable dans la bouche...
Kahr crachota l'eau de mer qui emplissait ses poumons et roula sur le côté. Glacé, il sentait sur lui la caresse du soleil mais ses yeux encore meurtris par sa rencontre avec Apollon lui empêchaient de constater ou il se trouvait. Ne pouvant se fier qu'à ses oreilles, il écouta avec attention ce qui se passait autour de lui. Rien si ce n'est le roulis des vagues sur la plage. Le sable se collait à son corps et le poids de l'armure de métal qu'il avait sur lui le maintenait au sol. Son visage brûlé était maintenant rongé par le sel marin. Son visage se refrogna et une expression de colère se dessina sur son facies. Il ferma le poing sur le sable et essaye de s'extirper de l'eau dans laquelle il se trouvait. Son corps refusait de bouger, le poids des plaques de métal le maintenait collé au sol...
Avec rage il commença son œuvre de destruction. Il ôta avec douleur ses brassières qui s'étaient collé sur sa peau légèrement brûlée. Manquant de force il ne parvint pas à les lancer au loin comme il l'aurait souhaité et se contenta de les laisser retomber dans le sable avec le bruit caractéristique que font les objets lourds lorsqu'ils retombent sur le sol.

Lentement, il continua de retirer son armure. C'était la première fois qu'il l'ôtait par des moyens ordinaires. C'était la première fois que celle qui avait été son allié pendant plus de 10 ans lui faisait à présent défaut. La Chlamyde de l'Epervier n'était plus qu'une coquille sans vie, un bibelot encombrant que des nobles auraient payés cher pour obtenir. Ce n'était plus sa seconde peau et encore moins l'armure du représentant d'Apollon sur terre. Il ragea.
Continuant d'enlever les plaques d'armure il parvint à s'extirper tant bien que mal de l'eau. Peu à peu ses yeux se réhabituèrent à la lueur du jour. Un soleil de plomb tapait et rendait le sable brûlant ce qui ne fit qu'accroitre sa douleur. Malgré sa gorge desséchée il se retint de boire l'eau de mer qui se trouvait désormais à ses pieds.
Lentement, avec une énorme volonté, il rampa... Ses coudes étaient à vifs et le moindre souffle de vent sur son visage collait du sable ardent sur ses brûlures. Pourtant, la douleur qu'il éprouvait n'était pas physique. Si les brûlures et les plaies le faisaient souffrir de martyre, c'était son cœur le plus meurtri.
Il parcourut des yeux l'endroit où il se trouvait... Rien si ce n'est la plage et au loin une falaise de pierre. Une idée lui traversa l'esprit. Malgré la perte de son armure il demeurait un Chevalier redoutable et mettre fin à ses jours aurait été si simple... Il chassa la sombre pensée de son esprit et hurla.
Un hurlement bestial, inhumain et totalement transformé par la haine qu'il éprouvait à présent... Le hurlement l'avait fait encore plus souffrir mais il avait apaisé son cœur, il avait évacué le surplus de rage en lui et pouvait à présent pensé plus sereinement... Pouvait, car en réalité Kahr sombra de nouveau dans l'inconscience...

Combien de temps ? Il l'ignorait. Les bruits de pas dans le sable l'éveillèrent et utilisant sa main pour dissimulé le soleil il observa leur origine. La silhouette était indistinguable pour l'Augure qui avait le Soleil dans les yeux. Il grogna à nouveau...

Appelée par le Légat, elle s'était rendue sans attendre au Temple de Poséidon afin de prendre ses ordres. Le briefing était simple : Orpheus avait ressenti un Cosmos évoluer à grande vitesse avant de s'arrêter sur l'un des territoires de l'Empereur des Océans en surface. Considérant la porteuse de Charybde comme fiable et rapide, il l'a chargeait d'aller enquêter sur la cause de ce trouble, et "si possible la ramener devant lui". Ce dernier point lui posait quelques soucis mais Kyara n'en dit rien. Pas la peine de protester, même si elle ne comprenait pas réellement pourquoi elle devait se donner la peine de ramener un être considéré comme une possible menace, et ce sans doute contre son gré. Elle n'avait pas à discuter les ordres.

Pourtant, lorsqu'elle fut partie et qu'elle se trouvait sur le chemin, toujours elle se posait d'innombrables questions. Et si c'était le retour d'une de ces créatures que l'on nommait Titan ? Que pourrait-elle faire seule face à un être d'une telle puissance ? Déjà le confronter serait impossible, mais le ramener constituerait une tâche encore plus insurmontable. Mais après tout, Kyara devait avoir confiance en son Maître militaire. S'il avait craint une telle chose, elle n'aurait pas été envoyée seule. Charybde devait juste se contenter de se concentrer sur sa quête, l'accomplissement de sa mission.

Finalement, elle approchait de son but... Remontant des flots, la première chose qu'elle perçut fut la brise terrestre dont elle avait presque oublié la caresse, et les éclats du soleil dont l'éblouissement ne lui était plus familier. Positionnée sur un rocher qui n'émergeait pas, seuls ses pieds se trouvaient encore sous les flots, donnant l'impression à quiconque la verrait qu'elle flottait à la surface de l'eau. Mais il n'y avait aucun spectateur. Pas âme qui vive si ce n'était... ce corps inconscient sur la plage. Celui qu'elle était venue chercher, ou l'une de ses victimes ? Ça ne ressemblait pas en tout cas à un Titan, cette crainte pouvait désormais s'évanouir un peu. Restant sur ses gardes, elle s'approcha en un bond la propulsa à quelques mètres du corps inerte. Il était toujours en vie, cela elle pouvait le ressentir, mais pour combien de temps encore ? Des pièces d'armure en sale état autour de lui... Un Chevalier, tout comme elle. Pas un Marina pour ce qu'elle en savait. Un serviteur d'Athéna peut-être ? Mais qu'est-ce qu'un Saint ferait si loin de sa patrie, amoché de la sorte ? Des brûlures et des plaies, le sel et le sable devaient le faire sérieusement déguster... Mieux valait pour lui d'être inconscient, en effet !

Et là, surprise... Sa main et sa tête qui se redressent, comme pour essayer de l'observer au travers de paupières à peine relevées. Elle avait été repérée... Et dans ce cas, mieux valait tenter de le rassurer !

J'ignore qui t'a mis dans un état pareil, beau blond, mais j'ai l'impression que sans mon aide tu mourras comme un chien sur cette plage. Je m'appelle Kyara, et je ne te veux aucun mal. Je vais m'occuper de toi, tâche de me faire confiance, c'est dans ton intérêt. Alors...

Charybde se saisit de lui avec délicatesse pour ne pas réveiller ses douleurs, et le hisser ainsi sur son épaule.

Ne résiste pas et profite du voyage pour te reposer ! Je suis rapide, ça ne prendra pas longtemps...

Manifestement il n'avait de toute manière plus vraiment les forces pour lutter. Un peu comme si elle parlait dans le vent. Mais au final, est-ce lui qu'elle tentait de rassurer, ou juste elle-même ? Il n'y avait plus qu'à le ramener au devant d'Orpheus, en espérant qu'il se montre sage sur la route...