Inutile de se poser réellement la question. Pourtant, seul dans son domaine perchée à deux pas de là du divin Temple d'Athéna, Narcisse s'interrogeait : quel allait donc être son avenir ? Sans parler de celui de tous les saint combattants de cet endroit. Allaient-ils tous être prit dans le destructeur et inébranlable engrenage de la guerre ? D'une guerre comme il n'y en avait plus eu depuis bien longtemps et à côté desquels les guerres barbares des Huns faisaient pâles figures. Une Guerre Sainte. Rien de plus terrible que de mêler la religion et les intérêts politiques, fonciers, et j'en-passe-et-des-meilleurs. Narcisse l'avait vu, et revu, et même re-revu en traversant l'Empire d'Orient de droite à gauche trois fois en moins d'une décennie.
Et finalement, pour quoi ? Pour se retrouver dans un sanctuaire antique entouré de ruines, d'un peuple tout aussi décrépit que ses pierres et bientôt au cœur d'une guerre qui risquait de coûter la vie à tout ce petit monde !

Le jeune homme à la verdoyante chevelure poussa un soupir et traversa la maison du Capricorne, redécorée par ses soins. Maintenant remplie de miroirs, de plusieurs fontaines, et de jeux d'eau, le lieu était apaisant autant que revigorant pour Narcisse. Son - ses - reflets lui sourirent amicalement. Allez camarade !, lui chantèrent-ils de par leurs yeux et leurs sourires immaculés, profites et ne penses pas à demain avant l'heure ! Chose en quoi ils avaient tout à fait raison.
- Je me prend bien trop le casque avec cette histoire...
Vêtu de son armure d'or, Narcisse descendit sur les marches de sa maison et plaça le dit casque sur sa tête. Un petit entrainement ne pouvait pas faire de mal. Ou alors, une simple balade ? De toute sa prestance, il faisait bonne impression en descendant inexorablement le Sanctuaire, marche après marche. Narcisse avait envi de voir vu monde, pas de rester enfermé. Monter la garde avait quelque chose de stressant, et un combattant stressé n'aurait abouti qu'à une défense vite brisée non ? Alors que devait-il faire en toute logique ? Je vous le donne dans le mile : se détendre !

La ballade l'y aidait bien déjà. Et puis le panorama reposant de la région au nord d'Athènes, avec ses reliefs et l'océan au loin dont on pouvait parfois sentir les lointaines senteurs depuis les hauteurs. Et puis la musique aussi était pas mal. Elle avait un petit côté nostalgique, puisqu'elle était à première vue d'origine romaine. Peut être un air qu'il aurait déjà entendu à Constantinople tandis qu'il s'y remettait de son combat contre le Gardien de l'armure d'or du Capricorne. Narcisse tilta : qui jouait donc de la Lyre ? Cette façon de pincer les cordes, ce rythme, et ces sons... Tout cela lui était inconnu en ce lieu.
Narcisse avait joué de la harpe plus jeune, sous la tutelle de sa tante Myriam mais, en grandissant cet air n'avait pas été retenu dans la formation du vieux Zénon. Aussi avait-il oublié, depuis le temps, comment obtenir un résultat comme celui qu'il entendait alors - pour peu qu'il ait jamais su comment l'atteindre - ! Car c'était d'un tout autre niveau que le sien. Intrigué, Narcisse descendit l'escalier jusqu'à la maison du Bélier. Lui, en train de jouer ? Mais non, le bougre était parti en mission !

Alors qui ? Le Gold Saint joua des doigts et des articulations et se concentra doucement pour écouter d'une part, mais aussi sentir l'aura de cosmos qui pouvait éventuellement émaner de cette musique. Rien à première vue d'ailleurs. Juste une musique simple et douce. Si d'une attaque il s'agissait, celle-ci était d'une subtilité au-delà de sa réflexion. Il s'engagea entre les colonnes et arriva finalement sur les marches de la maison du Bélier, qui elle-même donnait sur le reste du Sanctuaire où s'entrainaient vivaient les autres chevaliers - d'argent et de bronze -. Et en parlant de ça.
- Quel est ton nom, joueur de lyre ?
Cette question, il l'avait posé d'un ton neutre, de celui qui n'a pas encore jugé si la personne à qui il la posait était une menace ou non. Le personnage qui reçu cette question était quand à lui un chevalier d'argent, à première vue. Donc en toute logique, il devait s'agir du nouveau Silver Saint de la Lyre. Il n'y en avait plus eu dans le Sanctuaire depuis un moment d'ailleurs. Mais Narcisse attendait d'entendre sa réponse pour juger de la véracité de ses impressions. Car il pouvait aussi s'agir d'un camouflage, d'un ennemi... Son poing se desserra et sa main droite se tendit...

- Généralement, les gens m’appellent Oréstis. Comme vous l’aurez peut-être remarqué, je suis le Silver Saint de la Lyre. J’ai entendu l’appel de la Déesse, et me voilà à présent en son Sanctuaire, après bien des années passées en cet Empire d’Orient où les us et coutumes sont si différents d’ici.

- Et vous, Gold Saint du Capricorne, comment vous appelle-t-on ?

Le beau jeune homme à la chevelure d'émeraude nota l'arrêt dans le mouvement du chevalier d'argent face à cette main tendue. Il s'agissait d'un salut spartiate comme son maître Zénon le lui avait apprit mais il s'agissait également d'une vieille coutume pas très connue. Narcisse ne s'en formalisa pas et se contenta de sourire et laissant sa main revenir sur sa hanche, dans une pause simple et orgueilleuse. Son interlocuteur sembla d'ailleurs gêné de se soudain silence et prit finalement la parole.

Oréstis, se nommait-il. Le Silver saint de la Lyre, et résidant de l'Empire d'Orient. Chose facile à deviner au vu de ses traits et de sa tenue. Un mélange exotique qui devait être à la mode en ce moment dans la capitale - sa ville natale -. Cela eut un effet un peu nostalgique sur Narcisse mais ne lui fit pas baisser sa garde pour autant. Grand bien lui en prit d'ailleurs, car l'homme à la Lyre, sans aucune honte, s'approcha de lui pour admirer son armure dorée. La divine protection d'Athéna. Le Gold Saint du Capricorne n'en perdit pas son sourire et tourna son visage vers l'homme venu de l'est.

- On me nomme Narcisse, bienvenu au Sanctuaire.
D'un pied dansant, le jeune homme entreprit le même examen que son interlocuteur et observer les reflets de son armure, ses motifs, et du même coup la physionomie d'Oréstis. Un homme svelte et légèrement musclé à la chevelure soignée. A en juger par ses vêtements qui semblaient fait d'une riche étoffe orientale, il ne devait pas être un jeune chevalier comme bien d'autres ici. Il y avait un peu plus de distinction dans celui-ci.

- Quelles nouvelles de l'Empire d'Orient ? Demanda-t-il amicalement pour engager un peu plus la conversation et juger de la bonne foi de cet inconnu à l'armure d'argent.

- Je ne pense malheureusement pas pouvoir répondre à votre question. A vrai dire, je ne viens pas de l’Empire d’Orient tel que vous l’entendez, bien que pendant mon voyage, j’aie fait une courte escale à Constantinople la Magnifique. Je reviens de plus loin, et ai dû passer bien des semaines sur les mers avant que mon voyage n’aboutisse enfin. Je me trouvais probablement non loin de l’extrémité orientale de notre monde, là où les gens ont les yeux bridés et la peau jaune, là où l’on écrit par le biais de dessins, et non de lettres.
Il y pousse d’innombrables fleurs merveilleuses rivalisant de beauté, et je dois dire que j’aurais aimé pouvoir en rapporter sur nos terres pour pouvoir les y cultiver : elles étaient parfaites pour agrémenter tout et n’importe quoi.

- L’une d’elles se serait mariée à merveille avec vos yeux et cheveux si particuliers, et n’aurait pu que rehausser votre grâce naturelle…
Malheureusement, les graines que je m’étais procurées n’ont pas survécu au voyage, et ont pour la plupart pourri. Sans doute à cause de l’humidité qui régnait sur notre galère. Quel malheur ! Qui sait si j’aurai un jour une chance de retourner en cette magnifique contrée ?

Le jeune homme haussa un sourcil lorsque son interlocuteur commença à lui répondre. Comment ne pouvait-il pas lui apprendre les dernières nouvelles de l'Empire d'Orient s'il en était lui-même natif ? Mais il répondit vite à ses interrogations. Ainsi le chevalier de la Lyre ne venait-il pas de la partie strictement romaine de l'Empire d'Orient mais de ses provinces les plus reculées. Vraiment très reculées car Narcisse n'avait jamais rencontré d'hommes à la peau jaune, sauf quand celui-ci était malade et proche de la mort, de temps en temps. Cela faisait donc d'Oréstis un fier voyageur et aventurier des mers comme des terres. Les déplacements du natif de Constantinople étaient ridicules à l'échelle de la carte du monde civilisé.

Le Gold Saint continua de prêter une oreille attentive à son frère protecteur d'Athéna. Il apprit donc que l'aventurier et voyageur se doublait aussi d'être charmé par les fleurs exotiques. A tel point qu'il avait désiré en ramener sans que les graines ne survivent au voyage, malheureusement. C'était bien dommage car le chevalier du Capricorne aurait été ravi d'emprunter quelques graines pour tenter d'agrémenter son jardin intérieur autour de ses miroirs. Aquillas du Poisson aurait surement aimé voir ça de plus près. Narcisse acquiesçait donc les paroles du Silver Saint avec toujours le même sourire amical, même lorsque ce dernier lui avoua qu'une de ces fleurs exotiques se serait bien mariée avec ses yeux et ses cheveux.

- Une fleur bleu et verte ? Questionna Narcisse, circonscrit. J'aurais effectivement bien aimé voir cela... Laissa-t-il planer, rêveur.
Il revint finalement à la Lyre. Dans les grandes lignes, tout était dit : il s'était présenté, avait répondu brièvement à quelques questions... Narcisse aurait pu pousser beaucoup plus loin l'investigation mais il s'agissait du travail du Bélier en général, pas le sien, et pour ces choses là, le Capricorne se contentait de peu. S'il prenait l'envie à cette personne de ne pas être ce qu'elle prétendait être, cela se verrait bien vite et engendrerait des réactions fortes déplaisantes de la part de tous les chevaliers du Sanctuaire.

- Bien. Narcisse replaça son casque sur sa tête comme pour clore le caractère personnel de cette conversation. Silver Saint de la Lyre Oréstis, présentes-toi aux baraquements pour y obtenir une chambre dans les plus brefs délais. N'hésites pas à venir à l'entrainement quotidien lorsque tu le souhaiteras, c'est là que tu me trouveras lorsque je ne suis pas chez moi.
Il fit demi-tour, quelques pas entre les colonnes de la maison du Bélier et lança par-dessus son épaule...
- Nous aurons l'occasion de parler à nouveau, tu pourras m'en dire plus sur ces lointaines contrées n'est-ce pas ? Qu’Athéna te gardes.