Les Berserkers... Tous ceux qui se rappellent de leur assaut sur Athéna s'accordent à en dire la même chose: parmi les Chevaliers, ceux d'Arès sont les plus frénétiques au combat, et leur mauvaise réputation est globalement fondée par l'impitié dont ils font parfois preuve. Une meute de loups sauvages, rustres et bestiaux; voilà la forme des fantômes qui flottent derrière l'étendard du Dieu de la Guerre.

Cependant, un cliché reste un cliché - et ainsi, nous trouvons parfois dans les rangs des Berserkers des personnes telles que Jevren. L'homme est loin d'être effrayant, très loin même. Tout au plus son nez de fouine long et pointu, son regard d'aigle d'un bleu presque lumineux, son épiderme exceptionnellement pâle et sa chevelure sauvage, d'un blond si proche de la teinte de la neige qu'il pourrait s'y confondre, lui donnent-ils une expression vaguement hautaine et empreinte de dédain. Ce qui, couplé à sa haute stature avoisinant le double mètre et à la largeur d'épaules d'un être visiblement habitué très tôt à vivre de rude façon, peut donner l'impression que celui-ci vous prend de haut. Il suffit toutefois d'engager la conversation avec lui pour se rendre compte qu'il n'en est rien; Jevren est un homme accessible, ouvert d'esprit et d'agréable compagnie. Ses origines barbares et sa modeste naissance transparaissent régulièrement dans ses manières et son discours, et il est donc bien loin d'être aussi cultivé qu'un membre éminent de la société Romaine, mais cela n'a aucune importance pour lui: il n'a besoin que de son sens du devoir et de son honneur. Et, à l'entendre parler, on se persuade peu à peu qu'il serait bien mieux à son aise sur des terres reculées, loin des guerres et de l'horreur, ou ou deux enfants sur les genoux et une femme attentive près de lui.

C'est précisément là que l'on ferait erreur. Car, malgré son tempérament pour le moins modéré, il ne faut pas oublier de qui il est le serviteur; il y a donc, fort logiquement, une raison légitime à sa présence au sein des troupes du Seigneur de la Guerre, Fléau des Hommes. Et la voici: Jevren présente une très forte dépendance à l'adrénaline et à son propre sang. Le liquide écarlate navigue dans son corps pour maintenir le rythme de son coeur, mais c'est lorsqu'il quitte ses veines goutte après goutte que le combattant se sent réellement en vie. L'imminence de la mort le galvanise, lui confère cette divine furie pour laquelle tout Berserker est à l'origine réputé. Cela, il n'en est pas fier, il en a même peur; il est souvent réticent à engager le combat de crainte d'être submergé par cette drogue. Ironiquement, elle lui est tout de même indispensable pour exploiter au maximum ses excellentes capacités de combat. Cruel dilemme.

Sur le plan vestimentaire, Jevren, de par ses origines, a pris l'habitude de se vêtir chaudement; il affectionne les tenues traditionnelles, larges et pratiques, lui octroyant une bonne liberté de mouvement. D'ordinaire, le cuir et les teintes noires et grises lui vont à merveille; ses quelques tenues comportent des manches fendues au niveau de l'épaule et retenues au niveau de l'aisselle, afin de minimiser le risque d'être ralenti durant les gestes brusques. Des runes et autres symboles tribaux peuvent y être observés. Elles se passent par-dessus une épaisse chemise de toile et sont agrémentées d'une pièce de cuir, maintenue par quelques chaînettes et servant de protection de fortune, au niveau du coeur. Quant à ses pantalons, ils sont faits de fourrure de loup, et d'autres protections viennent cette fois se placer au niveau des articulations, complétées par d'épaisses bottes de cuir sombre.

L'armure qui lui a été transmise par Arès est de couleur noire et agrémentée de bordures d'or, rappelant ainsi les deux couleurs principales du frelon. Un plastron et une paire de spallières de forme relativement agressive protègent le haut du corps; la défense des avants-bras est assurée par de classiques brassards au dos desquels une excroissance effilée, rappelant un dard, s'allonge vers la main; celle des jambes, elle, est prise en charge par une paire de grèves montantes. Enfin, au niveau de la taille, une solide braconnière faite de trois pièces distinctes couvre les hanches du porteur; la troisième de ces pièces, bien plus allongée, est placée dans le dos afin de protéger le bas des reins et fait le lien avec l'arrière du plastron. Notons qu'une pièce couvre également la zone abdominale, ainsi que les reins; pourtant, sa résistance n'est pas aussi haute que les autres, car elle a été optimisée pour articuler la cuirasse entière de façon accrue, offrant plus de souplesse et des mouvements plus larges. Porter cette armure est synonyme de combat: malgré ses appréhensions, Jevren ne peut se permettre d'hésiter en se faisant bras armé d'Arès.

Il est malaisé de conter l'existence d'un homme qui, se laissant porter par l'idéal et l'ambition d'un peuple, anonyme parmi les anonymes, n'a été qu'un suiveur tout au long de son existence. Toutefois, puisqu'il faut un début à chaque récit, commençons donc à l'endroit le plus logique.

Jevren naquit au fin fond d'un petit village appartenant au peuple Ostrogoth, perdu quelque part non loin des Balkans, dans ce qui était à l'époque l'une des nombreuses provinces du royaume des Huns. Ceux-ci avaient réussi l'exploit de les soumettre, plusieurs décennies auparavant; autrement dit, les Ostrogoths n'étaient pour eux que des outils, des pions sacrifiables servant notamment à appliquer une pression constante sur les territoires de Dalmatie. Rester en mouvement si près de l'Empire Romain ne pouvait que mettre ses dirigeants aux abois, car les troupes Hunniques du redouté Rugila le Grand étaient alors considérées comme l'un des fléaux de Rome. Et les guerriers d'un peuple vassal restaient, par extension, celles des Huns: elles avaient bénéficié de leur savoir et de leurs incroyables techniques...

Ce que peu de personnes savaient, c'était qu'une raison bien plus secrète que la simple volonté de dominer avait poussé les Huns à écraser les Ostrogoths. Ces derniers détenaient en effet d'obscures arcanes guerrières, faisant de certaines de leurs troupes des soldats tenant plus de la bête que de l'homme; selon les rumeurs, les coups ne les arrêtaient pas, aucune souffrance ne les faisait plier, et ils étaient même capables d'user d'une force extraordinaire, surnaturelle même, qui leur permettait d'obtenir une puissance bien supérieure à celle de leurs congénères. Craints et jalousés, ces individus portaient en permanence d'épaisses cagoules de fourrure, symbolisant la bête en eux; ils vivaient à l'écart de leur peuple, condamnés à n'avoir pas d'identité, pas d'existence autre que celle de fauves en armes. En un mot, on les contraignait à abandonner leur humanité.

Elevé par l'un des gardiens de cet art presque perdu, dont le rôle n'était pas de combattre, mais de former, et qui avait conséquent droit à une vie normale, Jevren fut bien entendu initié à l'utilisation et la maîtrise du cosmos. L'opportunité offerte par l'hérédité était trop tentante; elle lui offrait quelques prédispositions, vite exploitées par son géniteur. L'enfant fut patiemment modelé à la convenance du maître, apprenant à ressentir le cosmos, à vivre avec; puis, lorsque vint pour lui l'âge d'être formé aux armes, découvrant comment convertir cette énergie merveilleuse en potentiel destructeur. S'il n'avait pas acquis tout ceci plus vite que les autres, il en possédait en revanche un contrôle particulièrement instable, allant de la faiblesse extrême à la démesure la plus totale. Loin d'être un défaut, il s'agissait d'un fabuleux pas en avant: si Jevren découvrait comment stabiliser son cosmos à haute intensité lors de son utilisation, il lui serait alors possible d'atteindre un niveau plus que satisfaisant et de succéder à son père en tant qu'instructeur, chose dont ce dernier rêvait.

Mais Jevren avait d'autres plans.

Il le savait; il n'était pas fait pour mener, ni enseigner. Trop peu confiant, trop hésitant, peut-être. Tout au long de son éducation, on ne lui avait aucunement laissé d'occasion de penser par lui-même - il avait toujours suivi des directives claires et précises. Aussi refusa-t-il de prendre la relève de son père, abandonnant les terres où il avait grandi et préférant se servir de ce qu'il avait acquis durant ces années de labeur pour rejoindre les armées. Il laissa tout derrière lui, échangea son ancienne existence contre une nouvelle - une non-identité, dissimulée sous le masque de fourrure réservé à ceux qui, comme lui, se servaient d'arcanes inexplicables au combat. Il servit fidèlement son peuple; heureux de se sentir utile, conscient de n'être qu'un suiveur parmi tant d'autres malgré ses talents particuliers. Cela lui allait. Il ne cherchait rien de plus, et continua de ne rien chercher ainsi durant plus de dix ans.




Les campagnes d'Attila battaient leur plein. Le roi des Huns - l'Empereur, même - avait changé; la domination des Ostrogoths, quant à elle, était toujours présente.

L'unité sous laquelle servait Jevren avait été envoyée en Dalmatie, secondée par d'autres selon une stratégie bien déterminée. ce territoire, les Ostrogoths le convoitaient; quant à Attila, laisser ses vassaux s'emparer d'une terre appartenant à l'Empire Romain l'arrangeait tout particulièrement dans ses plans.

Seulement, voilà; conscients des importants mouvements de troupes ayant lieu dans cette région, les Romains contrèrent de manière totalement inattendue, en surnombre. Même les fameuses bêtes humaines du camp Ostrogoth ne purent faire la différence: le détachement fut proprement anéanti, à l'exception de quelques survivants ayant abandonné les armes ou s'étant faits capturer par l'ennemi... Ceux-ci, en piteux état, furent ramenés au camp des Légions présentes sur place.

Parmi eux, Jevren, qui fut mis aux fers.



Ce sur quoi l'officier décida de faire torturer l'Ostrogoth. Il envoya plusieurs hommes le chercher; celui-ci, pieds et poings enchaînés, fut traîné hors des geôles et attaché de face contre un lourd pilier de bois, planté non loin de la bordure du camp. Le gradé se saisit d'un fouet et, sans aucun ménagement, en appliqua une dizaine de coups sur le dos de son prisonnier. Jevren serra les dents, supportant la douleur jusqu'à ce que son tortionnaire se décide à lui adresser la parole - ce qu'il ne tarda pas à faire.



Silence. Jevren jugea qu'il n'y avait strictement aucun intérêt à formuler une réponse et ne montra aucune réaction particulière. Son dos meurtri le faisait souffrir, mais il avait déjà subi d'autres blessures. Beaucoup d'autres.

Irrité, le Romain fit à nouveau claquer son fouet. Cette fois, l'Ostrogoth émit un râle guttural, bien malgré lui. Il avait montré sa souffrance et perdu l'avantage psychologique en admettant qu'il ressentait la douleur; son tortionnaire le comprit également et afficha un sourire carnassier.



Un "non" sec, qui n'admettait aucune réplique - et, par ce simple fait, vexa et irrita incroyablement l'officier. Pour qui cet homme se prenait-il? Ne comprenait-il pas où était sa place, dans quelle position il se trouvait? Vu son état, il ne pouvait pas même faire appel à ses pouvoirs; autrement, il se serait déjà échappé. D'ailleurs, le Romain commençait même à se demander si lesdits pouvoirs existaient réellement. Bah. Afin d'en être sûr, autant jouer du fouet jusqu'à ce que son prisonnier s'effondre. Après tout, rien n'était à perdre...

Au cinquième coup, les premières entailles s'ouvrirent dans le dos de Jevren. L'une après l'autre, zébrant sa chair de rouge. Le voyant trembler tout à coup, l'officier fut satisfait: l'Ostrogoth n'en avait plus pour longtemps.

Il accéléra le rythme.

Tout se passa très vite. Nimbant la musculature du prisonnier d'un halo bleu pâle, presque blanc, une étrange aura s'éleva, comme générée par son propre corps. Un instant plus tard, il tirait d'un coup sec sur ses chaînes, les brisant tout en poussant un hurlement; il eut même l'occasion, en amplifiant le mouvement, d'envoyer un formidable double coup de poing en direction de deux des légionnaires l'encadrant, les envoyant à terre avec une déconcertante facilité. Puis il fit volte-face, toisant son tortionnaire de toute sa hauteur. Voilà ce que Jevren avait attendu durant tout ce temps - que quelqu'un, décidé à l'emmener aux frontières du Styx, fasse couler son sang à flots. Ses tremblements n'étaient pas dus à la faiblesse, mais à l'excitation! Il redoutait ce moment où l'instinct écrasait impitoyablement la raison, où la drogue était trop forte; pourtant, ladite drogue avait fait surgir de nouvelles forces en lui. Elles ne seraient pas suffisantes pour fuir, Jevren ne se faisait aucune illusion à ce sujet; cela dit, il pourrait au moins mourir la tête haute, en guerrier et non en captif. Périr sans les souffrances interminables des interrogatoires et des tortures.

Et, d'une voix qui résonna comme le tonnerre, il hurla:


- Je n'ai de maîtres que mon peuple et Mars; Rome la fausse ne m'intéresse pas, je n'irai pas servir cet empire décadent!




Comme toujours, Ephtal connaissait la direction mais pas quelle distance il devrait parcourir. Comme toujours, il se lançait sans trop savoir où sa quête, sa "récolte", le mènerait. Habituellement, c'était des jours durant qu'il devait presser sa monture, mais pour une fois, il fallait croire qu'il n'aurait pas tant de distance à effectuer... Des bruits, des rumeurs... Des signes... Arès toujours l'accompagnait subtilement. L'enquête menée toutefois, ainsi que le maigre et vacillant cosmos qu'il ressentait... L'endroit que les indices ciblaient ne lui évoquait rien de bon. Les campements Romains, aussi maigres soient-ils, n'étaient pas ce qu'il y avait de plus indiqué pour une visite de courtoisie de sa part. Et ce n'était pas réellement comme si on allait laisser un cavalier au masque de mort, emportant dans sa main une faux démesurée, librement se balader entre les tentes romaines. Pourtant, la cosmo-énergie affaiblie qui peu à peu s'essoufflait lui indiquait une chose: il ne pouvait pas se permettre d'attendre et voir...

Le Cardinal de la Mort n'avait tout simplement pas le choix! Talonnant son destrier blanc pour une entrée fracassante, faisant voler la lame acérée de son arme lorsque cela était nécessaire. En un instant, il trouva précisément celui que le Dieu de la Guerre l'avait envoyé chercher. Une chance que ce fut une tente en bordure de campement, qu'il n'ait pas à le parcourir en long et en large... Un homme torturé, flagellé. Aussi maigre soit-elle, son énergie, sa signature cosmique était bien celle qui l'avait mené à se déplacer. Sans un mot, il s'occupa de ses tortionnaires, et sans ménagement il libéra le martyr de ses liens. Le regard bleuté du Prophète rayonnait de sa lueur particulière alors que son cosmos se répandait allègrement, oppressant. La toute puissance du représentant du Fléau des Hommes... De quoi impressionner et faire reculer, perturber un instant ceux qui pourraient désirer l'arrêter. Cependant, cela passerait vite: mieux valait qu'ils se pressent...



Sans un mot, l'ancien captif cligna des yeux, comme si cet arrivant dégageait une lumière divine qui l'aveuglait. Et, toujours coi, il hocha la tête. Suivre... N'était-ce pas ce qu'il faisait de mieux depuis toujours?




Il suivit. Encore et toujours. Sans ouvrir la bouche, sans poser la moindre question, simplement occupé par le bruit répétitif des sabots du cheval martelant les chemins. Malgré son aspect sinistre, cet homme venait de l'arracher à son destin; peut-être le menait-il vers un autre plus grand encore?

Le petit cortège passa par une vaste et impressionnante porte d'obsidienne, qui fit frissonner Jevren. Mais ce qui l'attendait derrière était bien plus grandiose encore. Un bastion, une citadelle noire comme la nuit... S'il n'avait pas été invité en ces lieux par ce qui semblait être leur gardien, l'Ostrogoth aurait rebroussé chemin sur-le-champ, prêt à prendre ses jambes à son cou, tant il se sentait oppressé, écrasé par cette impression de grandeur, de toute-puissance émanant à la fois de son guide et des murs couleur d'ébène qui l'entouraient. Où était-il, exactement? Que faisait-il ici?

Comme s'il avait deviné la nature de ses interrogations, l'inconnu, tout en le menant à travers les passages et couloirs labyrinthiques, lui expliqua brièvement la situation. Cet endroit était donc la demeure de Mars - ou plutôt Arès -, le Dieu qui avait toujours veillé sur le peuple de Jevren... Il s'agissait là d'un incroyable honneur. Mieux encore, celui qui était miraculeusement apparu juste à temps pour lui sauver la mise était le Prophète du Dieu de la Guerre lui-même. L'espace d'un instant, le guerrier eut envie de tomber à genoux afin de s'incliner proprement. S'il était là pour servir Arès, cela signifiait deux choses: la première, que son potentiel était probablement digne d'un Combattant divin; la seconde, qu'on lui permettrait d'atteindre, à force d'efforts et de volonté, un niveau faisant honneur à son nouveau Maître. Ce premier fait était flatteur; le second, une perspective d'avenir au-delà de toutes ses espérances.

Mais voilà que les deux hommes traversaient les antichambres du sanctuaire. Et, alors qu'ils s'apprêtaient à quitter la troisième d'entre elles, Jevren se stoppa brusquement. Quelque chose était... Anormal. Une impression, qui le poussait à rester plus longtemps en ces lieux. Il regarda autour de lui, cherchant la source de son malaise. Et il la trouva bien vite: à quelques mètres de lui, sur son glorieux réceptacle, scintillait une armure aussi noire que la forteresse, ornée de motifs d'or; l'Ostrogoth se détacha du chemin que lui ouvrait Ephtal et s'approcha de la cuirasse, constatant que le rayonnement augmentait alors qu'il s'en approchait. Un magnifique ouvrage, adoptant la forme d'un insecte qu'il identifia comme étant une guêpe ou bien un frelon. Soudain, la précieuse relique se souleva doucement, d'elle-même, et les pièces qui la composaient se séparèrent lentement. Craignant d'avoir brisé quelque chose d'inestimable, Jevren poussa une exclamation apeurée et tenta de se soustraire à l'aura, toujours grandissante, de l'objet.

Puis il fut perdu dans un océan de lumière.

Lorsqu'il retrouva sa liberté de mouvement, il se sentit comme lesté par un poids qu'il n'avait jamais ressenti. Il tenta de faire quelques pas; à sa grande surprise, l'armure qu'il contemplait un instant plus tôt avait entièrement disparu de son socle, préférant s'adapter à son nouveau réceptacle: lui. Etait-ce un présent d'Arès? Etait-il digne de faire partie de ses troupes d'élite, de recevoir un cadeau si somptueux? Il voulut se tourner vers Ephtal afin de lui faire part de ses interrogations, mais constata rapidement que ce dernier avait, entre-temps, tout simplement disparu... Promenant son regard autour de lui, il fut forcé d'admettre que le Prophète l'avait laissé seul, mais remarqua également quelque chose qui lui avait jusqu'ici échappé: pointe fichée en terre, une étrange épée se tenait là, bien droite, à quelques pas de lui. Il s'en saisit et l'examina. L'arme ne possédait pas de garde; sa vocation était probablement entièrement offensive. De plus, elle était de bien insolite conception. Si on la regardait de face par rapport à sa pointe, on découvrait qu'elle était carrée, chaque angle orné d'une lame tranchante parcourant toute sa longueur depuis sa poignée. Jevren jugea qu'elle était faite pour l'estoc et devait laisser à ses victimes des plaies en forme de croix; à la réflexion, n'était-ce pas là l'aiguillon, le dard de l'insecte emblématique de ce qui était désormais son armure?




Désormais, tout reste à faire. Après l'obtention du cadeau d'Arès, l'Ostrogoth mit quelques semaines à profit afin de comprendre et utiliser à bon escient le pouvoir de sa cuirasse. Toutefois, rien ne vaut l'expérience de la guerre afin de se forger une solide maîtrise de ses propres compétences.

Ne pas se reposer sur l'armure, mais apprendre à servir Arès de toute sa force. Voilà pourquoi Jevren était ici. Il le savait. Si posséder la cuirasse suffisait à devenir serviteur du Dieu de la Guerre, n'importe quel paysan y serait apte. Lui, c'était différent. Il avait été amené ici, appelé par l'armure.

Finalement, il s'agissait là d'un bien meilleur destin que celui que lui avaient promis les Romains...