Combien de temps encore avant qu'Arès ne se révèle aux yeux du monde ? Cela faisait quatre années à présent qu'Ephtal lui accordait sa vie entière. Des mois passés sur les routes à parcourir le monde à la recherche des élus qui à ses côtés pourraient faire valoir les droits de leur Dieu. En effet, monter une pareille armée ne pouvait pas se faire en un claquement de doigt. Rassembler les hommes n'était pas une chose facile, mais cela ne suffisait même pas... Il fallait en plus les former, les opposer aux épreuves qui feraient d'eux de réels berserkers, des guerriers puissants et impitoyables qui seraient les nuées de la Guerre et de la Destruction. Sans compter les heures qu'il devait passer à son propre entraînement, évident que le Prophète en personne ne pouvait pas se permettre de se reposer sur ses acquis et continuer l'effort afin de figurer réellement le représentant d'Arès sur la Terre.

Mais pour l'heure, Ephtal se trouvait en le Temple d'Arès, occupant le trône d'obsidienne. C'était là qu'il recevait les consignes de son Maître, mais aussi là la plupart du temps qu'il s'accordait ses quelques rares heures de repos, sommeillant là dans ce siège froid et inconfortable... Plutôt ça que le luxe d'un lit et risquer de manquer le prochain appel du Fléau des hommes. Sans compter qu'il devait être capable de toujours se montrer disponible envers ceux qui lui avaient fait confiance, ceux qui avaient accepté de le suivre pour servir la même cause que la sienne, ceux qui avaient tout laissé pour rejoindre le Feu, les Flammes, la Calamité et la Terreur. Une bonne chose d'ailleurs, car l'un de ceux là allait se présenter à lui...

En effet, Famine passa la porte du Temple pour se diriger d'un pas ferme jusqu'au devant du trône. Sans s'incliner ni même saluer, Phobos prit la parole, dont les mots paraissaient revêtir une certaine impertinence aux oreilles d'Ephtal. Ce dernier laissa filer quelques secondes, fixant de son regard froid et perçant le Cardinal se trouvant en face de lui. Et puis, finalement...

Oisiveté ? Est-ce que tes journées sont si pauvres que tu n'y trouves rien à faire ? Cette impatience que je sens dans tes mots, je peux également la ressentir en mon âme, mais je sais la faire taire. Pourquoi ? Car il serait fou et ridicule que de presser les choses. Voudrais-tu que nous partions à quatre seulement conquérir le monde ? Sans attendre que nos armées se forment, en lançant dès maintenant des hordes incomplètes à la face du monde ? Que pourrions-nous en recueillir, hum ? La mort... Je ne la crains pas, mais je ne suis pas non plus adepte du sacrifice inutile. Je t'accorde qu'il est temps de réaliser nos premiers mouvements, mais ceux-là ne se feront pas par la force et les armes. Et crois bien que si ma politique ne convenait pas à Sa Majesté Arès, je ne pourrais déjà plus me prévaloir de me poser sur ce sombre trône...

Mais je t'avoue être étonné que cette question vienne de toi... que ce soit toi qui souhaite nous presser à l'action. J'aurais mieux vu Guerre en ce rôle, mais il faut croire qu'il sait pour sa part voir à plus long terme... La faim ne se doit-elle pas d'être insidieuse et patiente ?

Ainsi s'était exprimée la voix grave et rocailleuse du Cardinal de la Mort, d'un ton monocorde qui ne manquait pas cependant de révéler une pointe de déception et de remontrance. Non pas qu'il était mal de la part de Phobos qu'il s'inquiète d'une relative inactivité, Ephtal lui-même éprouvait une certaine lassitude quant au train-train de sa vie au service d'Arès. Lui aussi souhaitait se battre. Lui aussi souhaitait lever son arme sur les impies qui ne savaient voir la grandeur d'Arès. Mais il était encore trop tôt, leurs armées n'étaient pas encore prêtes. Bientôt...