Son attente à l'extérieur ne lui convenait plus. Aussi relégua-t-il la surveillance à Nosgoth qui l'y avait rejoint. Il n'aurait plus pu poursuivre ainsi. Une seule personne pourrait être capable de le tenir au courant. Et cette personne avait refusé de se montrer pour allumer sa lanterne. Qu'Arès le veuille ou non, il répondrait aux questions de son Prophète ! Ce dernier se rendit donc au Temple. Il venait de faire tomber sa toge blanche au sol alors que le pas de l'immense encadrure de la porte. Sa marche était plus rapide qu'à son habitude. Là où il prenait toujours le temps de se poser, d'approcher lentement mais inexorablement tel la Mort, c'était cette fois-ci la colère du guerrier furieux qui s'avançait. Les flammes des Mains-Ardentes y réagissaient. Le Cardinal de la Mort et Général du Feu ne faisait pas taire son cosmos et le laissait déferler tout comme il cultivait sa rage et sa détermination. Montant sur l'estrade d'un pas décidé, le colosse ne s'arrêta pas au trône d'obsidienne cependant.
Il poursuit jusqu'à la statue titanesque d'Arès. Se calant entre les deux pieds, il fixa le sol quelques instants. C'était là que se trouvait la trappe menant aux "appartements" du Dieu de la Destruction. Aucune trace ne se voyait, mais elle était bien là. Et seul Arès en personne avait la capacité de la déverrouiller. Ce fut alors trois grands coups de pied qui s'abattirent sur le sol.

Montrez-vous !

Hurla-t-il avec puissance. Ce pouvait paraître pour une crime que d'appeler ainsi son maître, mais il ne l'en respectait pas moins. Même en cet instant, il ne s'imaginait pas déroger au vouvoiement. Son cosmos relayait tout de même son appel, son énergie illuminant même son regard et s'évanouissant en volutes. Comme il s'y attendait, son maître n'ignora pas cet appel. La méthode utilisée lui assurait qu'au moins par orgueil il réagirait. Et là, le Prophète pourrait lui poser ses questions. Une colère répondait donc à la sienne, émergeant peu à peu. Ephtal fit quelques pas vers l'arrière, attendant de pied ferme qu'il finisse par se montrer. Puis la large trappe s'ouvrit devant ses yeux. L'endroit puait le cosmos tant les deux êtres ici ne comptaient pas faire tête basse face à l'autre.

Comment oses-tu ?!
J'ai des questions. Et je veux des réponses !

Laconique, comme à son habitude. Mais la tension était désormais plus que palpable. Le pouvoir d'Arès était écrasant, mais son bras droit ne comptait pas abandonner le terrain. La réponse ne se fit pas verbalement. Une explosion lancée d'un souffle mouvement de la main venait d'envoyer Ephtal au travers de la salle gigantesque, brisant au passage un couple de Mains-Ardentes en passant au travers de son corps. Roulant encore sur un mètre ou deux après la chute, le corps fumant sur les plaies qui venaient d'être faites. Puis lentement il se redressa dans la pénombre, à la limite de la zone éclairée par les torches. Une chose ne se passait pas comme prévu. L'Another Breath ne fonctionnait pas. Mais cette arcane avait toujours fait appel à l'énergie d'Arès. Ce n'était pas la seule dans ce cas... C'était d'ailleurs grâce à cela qu'il n'avait jamais ressenti la nécessité de porter son armure. Le surplus de puissance qui avait contrebalancé son style de combat particulier. Il aurait pu tout aussi bien lui prendre sa faux, ce précieux cadeau qu'il lui avait donné. Pourquoi ne pas l'avoir fait ? Ce ne devait être qu'une punition sans doute. Ephtal ne devait pas encore avoir assez dépassé les limites que pour ne pas être banni sur le champ. Mais cette ligne, cette limite allait être franchie...
Son arme implosa et dans une pluie de fracas métalliques le colosse en fut recouvert. Ce serait la première fois qu'il arborerait son armure en véritable combat. Et d'un bond il se propulsa sur le Dieu qui l'avait appelé ici. Le premier être qu'il avait appelé à son service en cette ère. Celui-ci se jetait contre lui à présent...
Deux lames partaient de chaque côté de son poignet gauche, formant une sorte d'arc. Sur l'avant bras droit, une série de lames et de crochets se trouvaient parsemés. Les formes générales de son armure étaient anguleuses, le recouvrant tout de même intégralement. De chacune des protections de ses épaules partaient deux cornes relativement longues et vrillées. Le heaume qui venait s'insérer sur son masque de mort était surmonté de huit appendices recourbés, évoquant une couronne. Ainsi armé, plus que jamais, il était fait pour le corps-à-corps. Foncer tel un tank et retourner son adversaire par tous les moyens nécessaires.
Pourtant, une arme fut utilisée cette fois. Qu'Arès n'avait encore jamais vu, et auquel il ne pourrait donc pas se préparer. Son fouet fait du cuir d'un chevalier d'Athéna vint s'enrouler autour de la gorge qui appartenait jadis à Phobos. C'était sa chance donc. Tabler sur la surprise, tirer sur le fouet jusqu'à amener sa proie à lui et frapper, aussi fort et puissamment qu'il le pouvait. Une pure expression de colère, acte trop peu irréfléchi quant aux conséquences qui pourraient en découler.
Mais tout ne se passa pas aussi facilement... Attiré vers lui, certes, mais jusqu'à un certain point seulement. Jusqu'à ce qu'Arès saisisse de sa main l'entrave passée autour de sa gorge et transforma le cuir en cendre. Se libérant ainsi, il garda de plus le lien sur lequel il tira puissamment à son tour. Ephtal ne lâcha pas sa prise à temps, pour se prendre un violent coup d'avant-bras dans le torse, ressenti jusqu'au travers de sa Cuirasse. Retombant lourdement au sol, le souffle violent raccourci par ce dernier coup, le Prophète tentait de se reprendre.

Tu oses m'ordonner ! Tu oses exiger ! Tu oses porter la main sur moi, sans qui tu ne serais qu'une masse pourrissante et grouillante de vers... Je vais te broyer !

L'avertissement fut suivi de peu par la masse de muscles que représentait le corps choisi par le Dieu de la Guerre. Un pied s'écrasa là où un instant plus tôt se trouvait la tête d'Ephtal. Ce dernier n'avait esquivé que de justesse et fort heureusement. En effet, si l'on considérait le trou et le fracas causés par ce coup, il n'en resterait sans doute plus rien s'il ne s'était pas déplacé à temps. Nouvelle offensive. Il tendit son bras gauche devant lui, ciblant Arès comme s'il le ciblait d'un arc. Les deux lames givrèrent, tout comme le blanc nacré de son armure au niveau de son bras. Le tir fut plus puissant que jamais. Lorsqu'il déclenchait le Frozen Scythe faux en main, la puissance physique s'ajoutait à la morsure glaciale de cette technique. Mais dans cet état, il était entièrement concentré sur l'arc de glace tranchait qui devrait aller découper son adversaire. Se rendait-il compte qu'en cet instant il affrontait un Dieu ? Que pourrait-il bien espérer ? S'il gagnait, il y avait suffisamment d'hommes puissants à ses côtés et qui lui livraient une totale et entière fidélité. Plus encore qu'à Arès. Cela voulait-il dire qu'il pourrait se débrouiller sans son maître ? Ce n'étaient pas des questions qui se posaient en son esprit. Plus qu'une rage sourde et rien d'autre. Un craquage mental complet...
Son tir glacé ne partait pas seul. Ephtal lui-même suivait son attaque de près, décidé à enchaîner s'il en avait l'occasion. Le glace ne fut pas évitée, et la partie gauche du corps de Phobos fut emprisonné, tout comme une belle entaille se marquait sur sa chair. Ses mâchoires serrées accusaient le coup. Son plan fonctionnait, sans doute son adversaire n'avait-il pas estimé nécessaire de parer, et s'était fait surprendre par la puissance de l'offensive. Pourtant, le Cardinal de la Mort avait été frappé lourdement. Trop que pour pouvoir riposter, aurait-on pu croire. Mais être capable de toujours se relever était pourtant l'une de ses marques de fabrique. Sa main droite alla se plaquer au visage d'Arès, et de là il déclencha son Soul Possession. S'il parvenait à toucher l'âme de son maître, il pourrait peut-être tenter de le faire plier. C'est alors qu'Arès fit le même geste. Plaça sa paume contre le masque de mort. Et l'énergie déployée rompit le contact immédiatement. Une telle débauche de pouvoir... Quel être humain pouvait bien résister à ça ? Pourtant, Ephtal n'était pas mort. Son casque et son masque avaient été brisés, mais une nouvelle fois il tentait de se relever. Son visage... défiguré, en sang... Pour moitié il n'était plus qu'une plaie. Mais quelques éléments apparaissaient néanmoins. Une mâchoire virile et carrée. La seule joue qui lui restait était couverte de scarifications. Son nez n'est plus en état de pouvoir être identifiable... Son unique oeil désormais brille toujours, pulsant au rythme de son énergie.
Et pourtant, malgré ces blessures importantes, il se redressait, se relevait. Tout comme la Mort il se relevait sans cesse. Mais cela durerait-il ? Sans doute pas. Il devait donner son maximum, alors que de son oeil restant il constatait que la glace avait disparu du corps d'Arès, et ne serait donc plus une entrave pour lui. Encore un cuisant échec qu'il lui fallait encaisser. La seule alternative qu'il lui restait... Il n'avait pas encore eu l'occasion de la tester. Développement récent dans ses possibilités de combat. Il se trouvait dans la situation idéale pour la réaliser ! Il n'avait plus rien à perdre... Ses paumes se firent face, alors que ses jambes avaient du mal à le supporter. Un souffle s'y gonfla, tourbillonnant, avant de s'enflammer violemment, les flammes englobant ses deux mains. Il concentra entre elles ce pouvoir qui progressait et s'intensifiait encore. Puis, il leva les bras au dessus de sa tête, la boule de flamme créée terminant de son compacter, mais gagnant encore en puissance de seconde en seconde. The Last Sunset... Lorsque le Soleil se couche, il annonce la fin d'une journée. Celui qu'il allait faire tomber mettrait non pas un terme au jour mais à une vie. Si le zéro absolu ne fonctionnait pas, la puissance d'un soleil prise de plein fouet pourrait peut-être faire une différence. Du sang coulait en abondance de ses mains qui devaient frire malgré la présence des protections de sa Cuirasse. Mais bien sûr il ne prenait aucune attention à ces sillons écarlates qui venaient souiller le blanc nacré de son armure. Il ne faisait que se concentrer pour intensifier encore et encore la puissance de son attaque qui serait sans doute la dernière. Autant y mettre tout ce qu'il avait.

Je ne serai plus un pion. Plus jamais. Je vous ai toujours servi par pure fidélité, et non par peur. Vous ne me faites pas peur, et je vais vous le prouver. Je vais vous apprendre à me respecter ! La plupart des Berserkers l'ont déjà compris : c'est moi qu'ils servent, et non vous. Parce qu'ils savent. Mes stratégies, ma puissance... Ils savent que je suis celui qui les guide réellement ! Et lorsque vous l'aurez compris à votre tour, alors, je serai prêt à de nouveau ployer le genou et servir. Mais pas avant que vous ayez pris conscience que sans moi, sans mon avis... vous ne ferez que poursuivre sur votre longue route d'échecs... Sans moi... et bien, j'espère que vous aimiez vous reposer sagement au Royaume de votre oncle, car vous êtes assurément garanti d'y passer les millénaires à suivre...

Gagner du temps... une nécessité... Mais désormais, il était temps. Temps de baisser ses bras, les pointant en direction du Fléau des hommes. Le Soleil fila alors dans cette direction à une vitesse folle. Le contact fut violent, irradiant la pièce toute entière. Le coup parti, Ephtal ressentait pour sa part le contre-coût. Des bras brûlés, tout comme son visage exposé. Une odeur de viande cuite lui pénétrait les narines... Sentir l'odeur de sa propre chair grillée est quelque chose de bien particulier... Les douleurs, les plaies... Comme si chaque battement de son coeur les réveillaient toutes à la fois. Ses bras ballants en grésillaient encore...
Et devant lui, cette forme... Les jambes d'Arès pliaient sous son propre poids, comme si elles avaient fondu. Malheureusement, cette forme là était beaucoup trop grande que pour pouvoir être confondue avec l'original. La statue accusait le coup et flanchait lentement. Mais lorsque la fumée et les débris se dissipèrent, celui qu'il avait voulu terrasser souriait. Son corps était blessé pourtant. Ce qui ne l'empêcha de se déplacer à une telle vitesse qu'Ephtal n'en vit rien. Et ce ne fut qu'à la douleur qu'il se rendit compte de ce bras qui perçait son thorax. Mais juste un instant. Juste une seconde, un clignement de la paupière. Car c'est ensuite le cosmos qui s'engouffre dans la brèche. Ca brûle tellement... Puis, soudain, l'explosion. Une énergie fulgurante qui allait le détruire de l'intérieur...

Un nuage de cendres. De nombreuses Mains-Ardentes détruites, une statue colossale flanchant sur ses fondations. Pliée, "fatiguée". Mais toujours debout. Elle ne bougerait plus désormais, sans doute. Comme celui qu'elle représentait, quelqu'un avait essayé de l'ébranler mais n'y était pas parvenu. Celui-ci volait en poussières dans la salle, autour du maître des lieux. Non loin de lui, quelques cliquetis métalliques. Une faux venait de se matérialiser derrière lui. Elle n'avait plus personne à protéger désormais...