Comme à mon habitude, je dormi à poings fermés. Je frottai mon œil gauche alors que ma main droite remettait le peu d'ordre qu'il était possible de trouver dans ma blonde chevelure. Nue, je me redressai afin de chercher mes vêtements : des tissus dont l'unique but était de rendre son écaille d'or portable et confortable. L'instant d'après, le Kraken fusionna avec sa détentrice.

« Bonjour, ma belle ! Je me demande, vous qui avez une conscience, vous dormez ? ... Toujours timide mais je sais que tu m'entend. »

Dis-je en riant et en tapotant l'une de mes épaulettes. Je repensais à la journée d'hier ... Je dus caler de longues minutes avant de m'en rappeler, c'est pourquoi j'avais pris l'habitude de vite noter tout mes souvenirs mais cette fois, je n'en ferai rien et, lentement, je serai moi-même convaincue de la mort naturelle du Général Ajay, pauvre vieux. Aucune trace, aucune preuve. Trois personnes liés à un secret, toujours les mêmes et jamais aucun de ses secrets n'avaient filtré : moi, j'oubliais. Krosis était taciturne et n'engageait pas à la discussion et enfin Morokeï était bien et bien le seul maître de la distribution de l'information, personne ne le piégerait ou du moins pas en dehors de la volonté du Légat.

« Oh ? Les pions de Poséidon sont assez idiots, tu sens ça ? Qui vient perturber ma quiétude d'après toi ? Je devrai le tuer pour en faire un exemple ou quelque chose comme ça ? »

Je fis la moue et sorti de ma 'demeure'. Je me précipitai vers le pilier, je détestais qu'on vienne me trouver au pied du lit, surtout que bon, le message était clair : je n'étais pas la Générale qui allait permettre à des gosses de grandir. La force, on l'avait ou non. Tout les maîtres du monde ne rendrait qu'à peine meilleur un faible, c'était la loi du monde : est fort qui doit l'être.

Je haussai un sourcil lorsque la possibilité qu'on vienne saluer ma nomination au rang de Général me vint à l'esprit. C'était aussi idiot qu'inutile : Poséidon avait décidé, aucune félicitation ne devait avoir lieu. Je ne faisais que servir les desseins de mon maître, Morokeï. D'un saut, je laissai les larges escaliers derrière moi, je me réceptionnai en laissant un fin nuage de grêle s'étendre à ma réception.

« N'avancez pas davantage, Général. Ma mission est de défendre ce pilier et personne ne l'approchera. Cela dit, il n'y a que ce pilier et moi à voir en ce lieu, ne voyant pas l'intérêt que vous puissiez tirer hors de la contemplation d'un monument similaire au vôtre, j'imagine être la cible de votre venue alors faites vite, je vous écoute. »

C'était un général, il avait été nommé au cours de l'année dernière mais impossible de donner son nom ou son écaille, cela dépassait le cadre de ma mémoire, hélas. Mais comme la plante qu'était présentement l'ancien légat, il était borgne ou, tout du moins, il possédait un cache-l'œil. Des cheveux mi-longs de couleur cendre, c'était un gamin mais il dégageait quelque chose. C'était sans doute ce quelque chose qui lui avait permis de s'élever au rang le plus haut de la hiérarchie marine.

Ma façon de me comporter avec lui était radicalement différente avec celle que j'avais l'habitude de prendre pour les jumeaux. J'étais une femme plus que bipolaire et là, il avait en face de lui la femme froide, digne de l'Arctique et du Kraken.

Je souris quand je vis les doutes de Kryo : quel fou, il se confiait presque sans me connaître. Visiblement, Morokeï, tu avais raison, une fois de plus. Mais je suis désolée, je ne pourrai que mentir, je n'étais pas assez douée pour le manipuler. J'étais forte mentalement, certes, mais dans le but de me défendre et de lâcher la colère du kraken.

« Vous me gonflez d'une importance et d'une connaissance que je n'ai pas, Général. Néanmoins, pardonnez moi cette référence. Mais vous me rappelez moi dans mes jeunes années : douée, déterminée mais qui doute. »

En réalité, je n'ai jamais douté. Ni de moi, ni de Morokeï ni de notre avenir, on l'écrirait en lettre de sang et avec grâce. Ce n'était qu'un test, soit il s'offusquerait de la familiarité mais cela m'étonnerait, soit il entrerait dans une climat plus serein, plus amical. J'étais le meilleur instrument dans l'ombre mais il ne fallait pas croire que le Soleil m'aveuglait et tout ce que je pourrai tirer hors de cet homme serait bénéfique et rajouterait plus de vie aux dossiers de Morokeï.

« Je fus nommée à la nouvelle année, peu après le conseil des Marinas. Le légat n'a donc pas pu me connaître en même temps que vous. Et, pardonnez ma franchise, mais je suis le Kraken solitaire, je me moque de mes pairs. Néanmoins, je ne pouvais décemment pas me taire face à l'homme nommé par Poséidon et je suis tout naturellement partie, hier, ployer le genou face à lui. Nous avons donc longuement discuter. Je peux vous en dire mon ressenti vis-à-vis de cela mais je crains que cela ne puisse vous être fiable vu que je le connais autant que vous, pour ainsi dire, presque pas. »

Je fis la moue, feignant d'être embêtée pour lui de ce fait. Mais je n'allais pas laisser les doutes s'éveiller car lorsqu'il s'agissait de protéger le secret de Morokeï, j'étais capable d'inventer les pires histoires afin de le protéger.

« J'espère que ce que je vais vous dire sera compréhensible car moi, j'ai bien compris ce qu'il voulait me dire. Je risque d'être plus souvent appelée à ses côtés car il a plus confiance en moi qu'en les autres généraux. Cela pourrait envisager que je le connaisse mais il en est rien : je ne connais pas Orphéus et, navrée si vous l'aviez en bonne estime, je m'en fiche éperdument. Ce fait vierge dans ma vie le pousse à moins de méfiance car, de ce que j'ai appris pendant cette discussion, une certaine Théodora se serait levée pour critiquer le nouveau légat. Ce dernier ne sait pas s'il existe d'autres généraux prédisposés à nier son devoir de chef. En attendant, il portera sa foi en moi. Je suis sincèrement dévouée en Poséidon et ces potentiels évènements ne m'affectent pas mais une chose est sûre : Poséidon est notre maître à tous, si vous ne doutez pas en lui, ne doutez pas en la Sirène Maléfique. Je reconnais être naïve mais je pense être dans le vrai, cette fois ci. »

Je jetai mon bras droit vers sa direction naturelle, faisant voler ma cape blanche. Cette fois, j'étais un peu plus froide car je n'avais pas oublié la façon dont il était venu à moi et je n'appréciais pas du tout ce genre de manière et mon côté versatile était revenu pour frapper sans prévenir.

« Qu'une chose soit claire, Général. Je n'apprécie pas les visites mais surtout pas celles qui visent à m'utiliser. Je trouve cela extrêmement impoli de venir chez moi sans avoir l’hypocrisie d'au moins faire semblant de s'intéresser à la maîtresse des lieux. Et sachez que je ne vous ai pas tutoyer à votre entrée, ne vous accordez donc pas ce droit avec moi. Il s'agit d'un ton amical hors, nous ne sommes pas amis. »

Kryo apprenait déjà à me connaître : la foudre et l'envie du cosmos qu'il avait ressenti hier n'avait aucun rapport avec la froideur que celui-ci exprimait. S'il n'était pas Général, il aurait pu douter de lui en ce demandant s'il s'agissait de la même personne mais oui, c'était bel et bien moi. Sauf que j'étais dans ce cadre où tuer m'amusait, Morokeï devait se demander quoi car Ajay était déjà mort ...