Voila près d’un an et demi que Nova possédait l’armure de la tortue. Un an et demi qu’en tant que lieutenant il commandait un petit groupe d’homme. Un an et demi qu’il gardait pour lui toute trace d’affection. Il savait ne pas appartenir à ce monde. Il savait que tôt ou tard, il devrait le quitter, la tête fièrement dressé ou les deux pieds devant, voila quelle était réellement la question. De fait, il se retenait de pactiser plus que le nécessaire. Les sentiments sont l’ennemi le plus fourbe d’un soldat. Un ennemi encore plus affuté quand le dit soldat n’est pas fidèle à sa faction. Malgré tout, il avait rencontré quelqu’un de particulier. Un jeune grec dont les yeux rouges sang l’avait interpellé. On aurait pus le penser du genre fou de guerre mais non. Il avait un ton calme et posé. La tortue décelait un potentiel caché en lui. Tout du moins, caché à la vue des autres, probablement l’homme devait en être parfaitement conscient.

-Bonjour Mnéséas.

Un nom particulier. Bien entendu, Nova aussi possédait un nom particulier mais pour le moins commun lorsqu’on connaissait les éléments de sa vie. Il était un homme neuf ou tout du moins il le laissait entendre. Bien vite après quelques paroles, il avait trouvé l’homme intéressant. Petit à petit un respect était né. Pouvait-il l’appelé un ami ? Pas encore. Il ne fallait pas pour sa survie mais il sentait se laisser facilement allez en sa présence. Aujourd’hui encore, il était venu le voir, protégé des eaux par les fameux cœurs d’orichalque un peu partout dans le territoire de Poséidon, ils évoluaient tout les deux dans des décombres de bâtiment. Une île ayant sombré il y a plus de deux cents ans. Probablement une île marchande vu les nombreux navires tout autour sur divers axes. Le carrefour commercial local.

Le colosse aimait beaucoup ses restes de civilisation engloutis. Cela lui rappelait sa vie passé, celle qu’il était censé avoir enterré en devenant un Marina. Il ramassa un vase contenant de nombreux petits objets. Rien de bien précieux, des sculptures de cerf, de lion,… probablement venu du nord de l’Egypte. Il leva la tête vers le ciel marin, de leurs profondeur, la lumière ne perçait pas mais de part le chemin parcouru il estimait être non loin des Cyclades. Le regard toujours dressé vers l’obscurité leurs servant de plafond, il s’adressa de nouveau à son homologue.

-Dis-moi Mnéséas. Que ressens-tu quand à l’idée d’être un soldat de Poséidon ? Je veux dire, les ancien dieux sont portés disparus depuis longtemps et parfois je me demande où ils sont… et ce que nous faisons.

Le colosse se retourna vers le blond, le dominant de toute sa hauteur. Comme lassé par les événements, il s’assit sur un reste de bâtisse. Entre ses doigts dansaient un tesson d’amphore qui, aussi bizarrement que ça l’était, reflétait une douce lumière sur le corps de Nova.

-Je veux dire, nous sommes des soldats mais nous servons dans une armée avec un générale fantôme. Certes, le légat est là pour donner les directives à suivre mais il reste un être humain comme nous. Parfois, j’aimerais pouvoir contemplé le vrai pouvoir d’un Dieu, même si cela signifie en mourir par exposition…

Son regard remonta vers son camarade. Un regard légèrement triste, un peu déprimé. Lassé des patrouilles sans fin, sans objectif visible. Ho, il en avait l’habitude de par ses années passé dans l’armée romaine mais à l’époque, il poursuivait un but, un idéal, la gloire de la ville éternelle. Aujourd’hui qu’en était-il ? La gloire d’un Dieu païen peut-être mort depuis des centaines d’années ?

-Je t’en parle car je sais que tu es quelqu’un de censé Mnéséas, tu possède une culture, une forte éducation. Ces questions ne te perturbe réellement pas ?

Le colosse resta silencieux, son regard vrillé sur celui de son interlocuteur. Aujourd’hui il avait besoin de se reposé sur quelqu’un d‘autres. Connaitre d’autres avis que les siens. Aujourd’hui, il avait besoin d‘étancher sa soif d’inquiétude.

Un but ? Le regard de Nova reste un long moment dans le vide, essayant de percer le ciel Marin. Il en avait un. Il en avait eu un. Seulement lui aussi, comme sa volonté, s’était effritée devant l’absence de consistance. Abattre les dieux païens ? Bel enthousiasme. Difficile à mettre en place quand tu ne les vois jamais. Ho bien sûrs, il y avait tout les généraux, autant d’étapes avant de combattre le grand barbu en personne…mais ça ne restait que des hommes. Des gens n’étant finalement qu’innocent à ses yeux. Cela se renforçait d’autant plus quand il questionnait sa propre foi. Dieu, l’Unique et son fils Jésus-Christ. Une religion promulguée par les hommes. Il ne doutait pas que les enseignements de l’Eglise avait un peu dévié, pour autant, il se disait qu’en vivant le plus sainement et le meilleur possible, cela serait toujours mieux.

D’où lui était venue cette soif de vengeance ? De reconquête ? Une grimace se dessina sur son visage quand il le comprit. Sans ça, il aurait tout simplement perdu la vie sur cette île maléfique. Il lui avait fallu dévaloriser ses adversaires, ses épreuves dans on esprit pour s’en sortir gagnant. Maintenant que c’était fait, que lui restait-il ? Plus rien. C’est là que le choc fut rude à encaisser. Il était le porteur de l’armure de la tortue mais sous la carapace, il ne sentait que du vide. Le colosse se retourna vers son ami.

-Probablement. J’ai été un soldat toute ma vie. J’accepte le fait qu’il y ait quelque chose au dessus de nos têtes. Simple humain plus gradé, puissance divine…

Nova resta un moment silencieux, continuant sa propre introspection à mesure qu’il parlait à son collègue. Un sourire triste se dessina sur ses lèvres quand il reprit la parole. Ses pupilles perdaient de leurs lumières à mesure qu’il saisissait plus précisément le gouffre qui l’habitait. Le vide de son âme.

-Avant, je combattais pour un idéal. La grandeur de Rome. J’ai vécu assez longtemps dans la cité éternelle pour savoir qu’elle est désormais loin de cet idéal. Des castes refermées sur elle-même, un racisme de plus en plus présent. L’empire Romain d’Occident n’est qu’un doux rêve brisé. Qu’en est-il maintenant ? Comment faire pour que ce rêve devienne réalité ?

Ses questions étaient loin d’être rhétorique, presque un appel à l’aide. De colère contre lui-même, il ressentait son incapacité mieux que personne, le colosse serrait son poing si fort que ses ongles se plantèrent dans sa paume, laissant quelques gouttes de sang se dilué dans l’eau. C’est le regard noir qu’il reprit.

-Le territoire de Poséidon… ne m’en veut pas pour ses paroles mais je ne vois que désolation. Plus précisément, j’y vois une victoire de la nature et en ceci, je le respecte mais en tant qu’homme…rien ne vivra jamais ici. Nous-mêmes marina sommes privilégié mais qu’en est-il de civil ? De famille ? Nous ne sommes que des boucliers ne protégeant que des cailloux.

Le regard du colosse était grave, de ressentiment, de confusion. Oui, il ne savait plus où il en était. La tortue avait l’impression de se retrouver coincé, peu importe où son regard portait. D’un coup, ses trente-deux ans lui parurent doublés et c’est les épaules vouté qu’il se rassit sur les morceaux d’habitations brisé, recouvert de mousse, tout simplement usé, tout comme lui.