Cela faisait plusieurs semaines que Jevren avait obtenu sa Cuirasse. Ou peut-être plusieurs mois? Le temps n'avait plus d'importance désormais - il ne lui accordait rien de plus qu'un regard de temps à autre, comme pour s'assurer que la marche du monde demeurait la même autour de lui, même lorsqu'il n'y prêtait plus d'attention particulière.

Pour l'instant, servir Arès n'était pas d'une difficulté insurmontable. Le véritable défi était de réussir à s'améliorer seul, devinant par lui-même les pouvoirs conférés par son armure. L'Ostrogoth s'était bien vite aperçu qu'elle lui permettait d'augmenter drastiquement la puissance et l'intensité de son énergie intérieure - le "Cosmos", lui avait-on dit -, lui permettant en prime de la stabiliser plus aisément et compensant ainsi son problème le plus évident quant à l'utilisation qu'il en faisait. De plus, désormais capable de la concentrer afin de l'utiliser telle quelle, il avait entrepris de mettre au point quelques techniques originales, d'abord matérialisées par de grossiers rayons lumineux, puis, au fil du temps, par des techniques un peu plus subtiles et mieux contrôlées. Toutefois, le manque d'adversaires - ou bien de partenaires - restait un souci de taille. Ephtal était en pleine quête au service du Dieu de la Guerre, et se chargeait de rassembler des troupes en Son nom; malgré cela, la Citadelle demeurait souvent tristement vide et silencieuse. Et, en général, lorsque Jevren croisait quelqu'un, il s'agissait d'un homme sans cuirasse; inutile donc de faire des passes d'armes prolongées avec lui, car l'avantage conféré par le don d'Arès était écrasant, permettant clairement de transcender les limites humaines. Du coup, le guerrier prenait pour cible tout ce qui se présentait - troncs d'arbres, rochers dont il visualisait la structure, petits animaux qui détalaient à son approche.

Rien de follement excitant, donc.

Pourtant, en dehors de ses exercices quotidiens, il en restait un, peut-être bien plus complexe et subtil, dont l'essence même lui échappait: apprendre à traverser le dédale offert par le Bastion d'Arès. Chaque fois qu'il avait besoin de sortir ou d'entrer, Jevren soupirait et se résignait à attendre l'arrivée d'une quelconque personne recrutée avant lui et capable de le guider à travers le labyrinthe. Celui-ci, dans tout son mystère, semblait presque changer de configuration à chacun de ses passages tant l'Ostrogoth peinait à se remémorer le chemin correct... Agacé par ces interminables moments de patience, il s'était donc décidé à pénétrer seul dans le redoutable casse-tête de couloirs entrelacés, mettant sa mémoire en marche, à plein régime, afin d'apprendre une bonne fois pour toutes à ne dépendre de personne pour traverser le Bastion.

Bien entendu, il s'était perdu.

Et, bien entendu, personne ne savait qu'il était coincé là-dedans.

Dans un long soupir suivi d'un cliquetis de métal, il se laissa choir au sol au beau milieu d'un croisement, afin de reprendre son souffle. La lourde armure, aisément supportable en temps normal, pesait désagréablement sur ses épaules tant il avait marché en la portant. Il s'apprêtait à s'en dépêtrer un moment afin de s'étaler de tout son long au beau milieu du chemin (et en priant Arès pour s'être arrêté sur un carrefour faisant partie de la route correcte vers le Temple; quitte à s'être échoué là comme un vieux cachalot essoufflé, autant être trouvé un jour), lorsque le martèlement régulier produit par les pas de quelqu'un d'autre résonna comme une mélodie à ses oreilles, brisant le silence alentour.

- Hé... Hé! Monsieur qui passe par là... Ou madame, peut-être... Enfin, je me suis perdu! Y aurait moyen de m'aider? S'il vous plaît?

Et il croisa les doigts pour ne rencontrer qu'un classique péon moyen, afin de ne pas se montrer en si piteux état devant l'un de ses collègues en cuirasse. On ne pourrait pas faire pire, comme premier contact avec ses pairs...

Un fantôme. Voilà ce que j'étais réellement. Ce qui était plutôt surprenant quant on connaissait le nom de mon Seigneur. Arès, et non Hadès. Le dieu de la Guerre et du Carnage, voilà celui que je servais, voilà celui que je me devais de contenter. Pas vraiment le genre de dieu à rester en retrait alors qu'une guerre, sans doute la plus importante de toute, s'annonçait. Depuis que la cuirasse de la Tarentule s'était posée sur mes épaules, mon quotidien était devenu encore plus passionnant qu'auparavant. Déjà, j'avais réchappé de justesse à une exécution sommaire, en plein désert, par ces maudits Huns. On goûtait la vie d'une autre manière dans ces cas là. Ensuite, Ephtal m'avait montré la voie qui serait mienne. Et en intégrant son armée, j'entrais dans une famille vouée à combattre.

Certes, je n'étais pas comme les soldats de base d'Arès. Déjà, j'étais bien plus puissants qu'eux. Ensuite, je n'étais pas complètement tourné vers le massacre à grande échelle. Je me voulais spécialiste, professionnel, infiltrant les rangs afin de les affaiblir en emportant la vie de ceux qui avaient une valeur particulière parmi les différentes armées.

Au delà de ça, il me fallait rencontrer les autres Berserkers. Si les Cardinaux étaient presque tous des inconnus pour moi, j'avais eu le loisir d'apprendre les noms des cuirasses qui lutteraient à mes côtés. Enfin, à mes côtés... Tout est relatif bien sûr. J'étais et je resterais un solitaire. Voilà une donnée qui n'évoluerait jamais. Quoi qu'il en soit, si certaines d'entre elles n'avaient pas encore trouvés preneur, une bonne majorité des légions était déjà prête à combattre. C'est perdu dans ce genre de pensées que je m'étais retrouvé dans ce labyrinthe. Que je connaissais, fort heureusement pour moi. Car si je n'étais ni le plus fort des Bersekers, ni le plus féroces, je restais plutôt bien placé en terme d'intelligence et d'ingéniosité. Ma cuirasse m'aidait parfaitement d'ailleurs. J'avais appris une chose par ici : apprendre par cœur les chemins, c'était simplement inutile. J'avais donc développé une petite méthode personnelle à l'aide des fils que je contrôlais.

Sourire aux lèvres, je levais l'index droit et là, presque invisible à l’œil nu, apparut un fil mince. Élément que j'avais laissé par ici lors d'un de mes nombreux passages, il ne me restait qu'à suivre cette piste. Inutile de dire que je savais où aller, mes pieds me portaient seuls tandis que je remontais la route. C'est là que je perçus l'appel. D'abord surpris, la curiosité prit rapidement place dans ma tête. Délaissant donc sur le moment ma route, je déviais légèrement pour prendre connaissance de cet individu. Perdu qu'il disait... Amusante situation en réalité. Découvrant le casque que je portais afin de laisser mon visage à l'air libre - il faisait chaud mine de rien sous cette merde - je plaçais ce dernier sous mon bras gauche. Je vis alors le guerrier qui m'appelait. La cuirasse qu'il portait ne laissait aucun doute : il ne s'agissait pas d'un des soldats à la petite semelle du dieu de la Guerre.

Je l'étudiais un instant, gardant le silence. Il ne fallait pas oublier que j'exécrais la présence des autres. Ils n'étaient rien et excepté pour quelques entraînements imposés, je préférais rester en retrait. Puis, jugeant que rester ainsi n'avancerait à rien, je m'approcha de lui. Qu'il se soit perdu n'était en rien une fatalité, et encore moins une surprise. Et à en juger par le souffle court qu'il avait, cela faisait un petit moment qu'il tournait.

- Je peux t'aider, en effet. Je sais à quel point cet endroit peut être prise de tête. Viens, je te conduirais où tu le désires avant de reprendre ma route. Je suis Nosgoth, Berserker de la Tarentule.

S'il évitait les contacts, ce n'était pas pour autant qu'il avait oublié la courtoisie. On pouvait être un guerrier assoiffé de combat et avoir des manières quand même ?

Sauvé! Sauvé, sauvé, sauvé!

Jevren eut l'envie soudaine de laisser échapper un cri de joie lorsqu'il aperçut une silhouette tourner à l'angle d'un couloir, entrant du même coup dans son champ de vision. Il s'apprêta à le faire. Puis son regard tomba sur l'armure du nouvel arrivant; une armure de belle facture, qui, à bien y regarder, était similaire à la sienne. Très similaire, même...

... Merde. Merde, merde, merde!

Pour ce qui était de préserver une image de lui-même empreinte de dignité, en sa qualité de servant d'Arès, tout était à l'eau. "Une première impression est unique, on n'a qu'une seule chance de la rendre bonne", disait-on; il ne le savait que trop bien. Pour dire vrai, il avait sa petite fierté, parfois assez mal placée. Prenant subitement conscience, de manière presque dramatique, qu'il devait avoir l'air assez pitoyable en l'état actuel, il se redressa, hésitant presque à crier à l'inconnu de rebrousser chemin et de ne pas se soucier de lui. Puis il jugea qu'il avait forcément été repéré et que, de toute manière, il était bien trop reconnaissant envers lui de venir ainsi le tirer de là pour tout gâcher avec un comportement si puéril. Allons, ils étaient tout de même alliés! L'Ostrogoth aurait ainsi d'excellentes occasions de se rattraper par la suite en prouvant sa valeur...

Reprenant un peu de sa contenance, il laissa son regard se promener sur la cuirasse de son libérateur. Trop occupé à améliorer sa maîtrise du Cosmos, Jevren en avait occulté toutes les tâches jugées moins prioritaires - comme, par exemple, s'informer sur les autres armures données par Arès, ainsi que sur leurs porteurs respectifs. Que représentait donc celle-ci? Une araignée? Une sorte de mygale...

L'homme prit la parole et se présenta succinctement, l'informant au passage que cette armure était celle de la Tarentule. Jevren n'avait pas visé très loin de la vérité, après tout. Il sourit et hocha la tête de manière fortement accentuée, signalant par ce geste qu'il acceptait avec gratitude l'aide que Nosgoth lui offrait.



Dans un nouveau fracas d'armure, il se leva tout à fait, bien décidé à emboîter le pas à Nosgoth. Il fut surpris de constater qu'il dépassait ce dernier d'une bonne tête; lui qui imaginait ses collègues des hordes d'Arès comme de véritables colosses, il était bien forcé d'avouer qu'il se trompait lourdement. Ce qui signifiait néanmoins que Nosgoth possédait très certainement nombre d'atouts plus ou moins bien dissimulés; les Cuirasses jamais ne se fourvoyaient.

Il le suivit un instant, sans broncher, le regardant de temps à autre, impressionné par la manière dont, apparemment sûr de lui, il parcourait le dédale sans l'ombre d'une hésitation. Enfin, il prit la parole.

Le chemin se passait sans trop d'encombres. Remonter la piste pour sortir de la citadelle, c'était un jeu d'enfant pour moi. Jevren du Frelon. Voilà une cuirasse que j'appréciais, il est vrai. La rapidité de cet insecte, ses valeurs martiales également, autant d'atouts qui me caractérisaient et que j'appréciais chez les autres. Loin des bœufs qui chargeaient pour imposer par la force leurs idées. Jevren était-il à l'image de la cuirasse qu'il portait ? Plus grand que moi, je ne le trouvais pas beaucoup plus impressionnant pour autant. Ce qui tendait à me faire penser qu'il se rapprochait peut-être de mes propres valeurs.

Mais alors que nous avancions, il eut le malheur de s'adresser à moi. Il ne me paraissait pas trop stupides mais j'avais mes habitudes. Et ces dernières étaient si encrées en moi qu'il m'était difficile d'accepter de faire des efforts. L'aider à se sortir d'ici, pourquoi pas, mais parler pendant des heures, je n'en avais pas trop l'envie. Mais l'apprentissage d'Ephtal résonnait encore dans mon crâne. Et à bien y réfléchir, dans mes membres aussi. Je n'avais que rarement vu une personne frapper aussi fort que lui. Bref... Le représentant de notre Seigneur m'avait appris que s'il fallait se méfier des autres, ce n'était pas une raison pour garder ses distances. Être proche de ses ennemis et de ses amis. Sauf qu'en l'occurrence, des amis, je n'en avais aucun.

Sa question étant légitime, et n'ayant aucun intérêt à cacher mes talents, je me tournais vers lui, lui adressant au passage un petit sourire affable. Comme je l'avais dit, les bonnes manières n'étaient pas à exclure. Et puis en un sens, n'était-ce pas mon apparence trompeuse qui m'avait toujours permis de m'en sortir ? Peut-être que finalement ce gars qui se dressait face à moi allait devenir un simulacre de relation. Levant mon bras entre lui et moi, je lui désignais du menton l'index tendu. Là, si l'on regardait bien, on pouvait apercevoir le reflet du filin que je manipulais.

- Vois-tu le reflet là ? Il s'agit d'un câble très léger que je manipule, me permettant de retrouver mon chemin même dans le plus tordu des labyrinthes. La seule condition, c'est d'avoir eu l'occasion de déposer l'un d'eux à la sortie. Ces chemins sont si nombreux que je ne sais pas comment font les autres pour s'en sortir sans artifices. Disons que je fais avec les moyens du bord. J'ai en quelque sorte balisé l'ensemble du territoire de notre Seigneur.

Maintenant qu'il avait vu ce détail, je pouvais baisser de nouveau le bras, le fil se confondant de nouveau avec le sol. Expliquer réellement comment je m'y prenais, c'était tout de même le pas de trop. Me délivrerait-il les secrets de ses dons et de son armure si je le lui demandais ? S'il le faisait, c'est qu'il était idiot. ET je doute que notre bon seigneur puisse prendre sous son aile des imbéciles. Bien que pour faire la guerre, il faille tout de même manquer d'un certain jugement. Mais il s'agissait ici d'une pente périlleuse et je n'étais pas disposé à l'emprunter. Qui étais-je moi, un simple assassin, pour avoir un avis tranché sur une chose qui me dépassait ?

- Et pour répondre à ta question précédente, je ne saurai pas exactement te dire depuis combien de temps je suis ici. Le temps passe et je n'ai guère de repère par ici. Surtout que j'ai plutôt l'habitude de me faufiler dans les recoins plutôt que sur la grande route. Je dirais un certain temps. Notre Prophète pourrait mieux te renseigner, il est celui qui m'a conduit en ces murs. Mais dis moi... Qu'en est-il de toi ?

Question vague et qui englobait nombre de choses. Depuis combien de temps traînait-il dans le coin ? Avait-il déjà eu l'occasion de rencontrer les Cardinaux ? Je ne faisais qu’appâter la mouche - le frelon pardon - afin de le prendre au piège dans ma toile. Je secouais la tête négligemment, chassant l'image qui venait de s'imposer dans mon esprit. Il fallait vraiment que je cesse de laisser mon instinct prendre le dessus.

- Je suppose qu'Ephtal ne t'es pas inconnu. Mais les autres Cardinaux te sont-ils familiers ?

Alors que je lui posais la question, je me retournais de nouveau pour reprendre la route. La sortie n'était plus très loin mais je trouvais un plaisir surprenant à discuter avec cet homme. Tant dans sa manière de parler que dans sa façon de se comporter, il me rappelait moi-même. Il n'était peut-être pas si différent de moi finalement. Ce qui en faisait un rival immédiat. Ma place particulière au sein de cette armée résidait à ma faculté d'adaptation et à mes talents d'exécuteur silencieux. Si une autre personne lorgnait sur cette place, il me faudrait m'en débarrasser. Purement et simplement. Je jetais un regard en biais derrière mon épaule, observant Jevren du Frelon. Que pourrait-il faire alors qu'il était déjà dans ma toile ? Ah... je recommençais à délirer !!

Voilà que l'un des soucis principaux de Jevren s'envolait: la question de l'ambiance au sein des armées d'Arès. Même lors de son ancienne vie, alors qu'il avait renoncé à son identité, la camaraderie entre "parias" était très forte et offrait une source de réconfort non négligeable. On ne pouvait se faire d'idée globale sur une faction entière suite à la rencontre avec un ou deux de ses membres les plus éminents, il le savait - mais pour l'instant, Ephtal lui avait paru relativement bienveillant, et l'excellente impression que lui laissait Nosgoth s'ancrait davantage en lui à mesure qu'il l'écoutait discourir. Un type assez franc, apparemment, qui savait alimenter la conversation avec un certain naturel. Ce fait lui remonta un peu le moral. Dans une Citadelle muette comme une tombe, connaître l'existence de si agréables alliés mettait du baume au coeur.

Tant qu'on gardait à l'esprit que leur objectif à tous était très loin d'être joyeux, bien évidemment.

L'Ostrogoth laissa échapper un "oh!" traduisant son intérêt lorsque son interlocuteur lui fit part de l'existence de ses fameux câbles. Plutôt bien pensé... Cela faisait-il partie des talents conférés par l'armure? En admettant qu'il s'agisse là d'un fil de toile d'araignée - Tarentule, araignée, c'était du pareil au même -, cela signifiait donc que Nosgoth pouvait les utiliser à des fins offensives. L'image d'un guerrier en armure empêtré dans une toile d'araignée géante, presque invisible, lui vint à l'esprit. Il réprima un frisson. Plutôt sinistre, mais hautement probable... Si tel était le cas, il avait deviné juste: bien que de plus petite taille que lui-même, le Berserker de la Tarentule pouvait fort bien avoir ses propres méthodes, loin d'être inefficaces.

Peut-être sa théorie était-elle mauvaise, également. Il devait être possible de se procurer de tels câbles par des moyens plus conventionnels, après tout. Inutile de trop se questionner.

Par la suite, en entendant la remarque portant sur le passage du temps, Jevren sourit.



Il haussa les épaules. Plutôt amusant, ce point commun. Etait-ce une constante, chez les pions du Dieu de la Guerre? Il fallait avouer que la Forteresse souterraine et ses murs noir d'encre ne facilitaient pas la perception du passage du temps; depuis son arrivée, Jevren n'était même pas certain de dormir la nuit et de vivre le jour. A la réflexion, tout était peut-être même voulu par Arès; un ennemi qui possède son propre rythme biologique ne peut être pris par surprise avec certitude. Sera-t-il réveillé durant la nuit? Qui peut bien le savoir, mis à part lui?

Puis il acheva de répondre à son camarade.



Il soupira, passant une main dans sa tignasse de neige. Il avait l'air ridiculement peu informé, comparé à Nosgoth. Ce dernier devait être ici depuis bien plus longtemps que lui, il en était désormais sûr. Quelque part, c'était une aubaine - il pouvait ainsi profiter des connaissances de son interlocuteur, afin de paraître un peu moins égaré.

Déplacement du sujet dans la Citadelle. Je vous met la renommée non acquise.

Le forum du Bastion dédalique n'est pas un endroit ou RP. Tout comme on ne ne RP dans le forum des "12 maisons" dans le Sanctuaire d'Athéna on RP dans une maison ou dans les alentours mais pas entre.

Les Cardinaux... Il est vrai que le simple fait d'énoncer ce mot créait généralement la panique parmi les soldats d'Arès. Il faut dire aussi que ce n'était que piétaille et que ces dits soldats ne valaient guère plus que quelques civils armés. Oh j'exagérais sans doute un peu mais à bien y réfléchir, je n'étais peut-être pas bien loin du compte. Mais ces Cardinaux, chevaliers de l'Apocalypse, jouaient dans une autre sphère. Même moi, je me devais de l'admettre. Bien que seul Ephtal me soit connu réellement, j'avais tout de même eu la chance de croiser visuellement l'un des trois autres. Guerre. Quel nom pompeux en réalité mais qui ne permettait pas le doute quant à sa véritable fonction dans les plans du Seigneur de la Guerre. Un émissaire comme lui, voilà qui clarifiait les choses. Des deux autres, je ne connaissais que les cuirasses qu'ils portaient.

La Pestilence d'abord. Une cuirasse qui d'emblée me plaisait. La réputation de cette dernière m'était déjà arrivée aux oreilles et je ne pouvais qu'être séduit par celle-ci. Si la Mort et la Guerre étaient liées, parents d'un monde sans joie, la Pestilence étaient leur fille légitime. Intraitable, insidieuse... Un peu comme moi en réalité. C'était certainement cela qui m'attirait. Pour une fois qu'un émissaire d'Arès n'était pas spécialisé dans la destruction massive, je ne pouvais qu'être intrigué.

Venait ensuite la Famine. La moins connue des trois mais pas la moins mortelle. Car la famine guettait chaque âme. La moindre porte ouverte permettait à ce dernière de s'installer, rongeant peu à peu les espoirs jusqu'à ne faire de son porteur qu'un simple mort-vivant. Elle était celle dont je me méfiais le plus. Soit par manque d'information, soit simplement parce que la famine touchait tout le monde. De toutes les cuirasses, elle était certainement la plus partiale.

- J'ai croisé la route du Cardinal de la Guerre. A lui seul, il justifie les craintes des ennemis d'Arès. Je ne connais rien des deux autres excepté les rumeurs qui courent sur eux. Pour dire vrai, je ne connais même pas les noms de ceux-ci. Je n’existe que pour servir Ephtal et Arès. Les autres ne sont rien d'autres que des soldats. Plus puissants que je ne le serais jamais mais qui doivent respecter les ordres au même titre que toi ou moi.

La sortie approchait. Et avec elle l'heure de dire au revoir à Jevren. S'il n'avait pas été d'une compagnie désagréable, il n'en restait pas moins un guerrier d'Arès et en cela, je ne savais pas encore dans quelle catégorie l'affecter. De mémoire, la plupart des cuirasses du dieu de la guerre étaient tournées vers la destruction et la mort. Les caractères de leurs porteurs reflétaient généralement cet état d'esprit. Et si se battre n'était pas un de mes passe-temps préféré, il n'en était pas de même pour mes camarades. Pourtant, lui semblait un peu comme moi. Ce qui expliquait d'ailleurs que je sois encore présent, à répondre à ses questions et même à relancer la discussion.

- Tu n'as donc pas encore le nom de celui qui sera ton supérieur direct ? Je dois dire que cela ne me surprend qu'à moitié. Comme tu l'as remarqué, en dehors de Ehptal, les autres Cardinaux sont encore discrets. Pour ma part, j'ai déjà mon affectation dans les armées du Feu, dirigé par le Cardinal de la Mort en personne. Je ne sais pas s'il s'agit d'une chance ou non...

Je haussais les épaules. Mon entraînement avec le Prophète n'avait pas été de tout repos. Et s'il m'avait tiré de la mort, il avait failli m'y renvoyer à plusieurs reprises. J'en avais côtoyé des guerriers assoiffés de combats mais cet homme - et encore, je n'étais même pas sur qu'il en soit toujours un - les surpassait tous. Son sang-froid et sa dextérité m'avait véritablement bluffé. Et si je n’étais pas homme à combattre à la lumière, lui par contre remplirait cette tâche avec brio. Arès n'avait pas choisi cet homme au hasard, au même titre que la cuirasse de la Tarentule ne m'avait pas été octroyé sans raison. Devant nous, enfin, apparut la sortie tant recherchée par le porteur de la Cuirasse du Frelon.

- Voilà ce que tu recherchais avec tant d'envie.

Je désignais d'un simple geste de la tête l'emplacement devant nous. J'espérais tout de même que la prochaine fois qu'il aurait à parcourir ce dédale, il puisse se repérer. Car si j’avais été assez secourable, il n'était pas dit que les autres fassent de même. La rivalité semblait au coeur des tempéraments par ici. Une rivalité que je ne comprenais pas d'ailleurs et que je ne recherchais pas. Ni attache, ni avis. Un exécuteur, purement et simplement. Mon regard retomba sur Jevren.

Plus Nosgoth parlait, moins Jevren prêtait d'attention au chemin parcouru, malgré son fort désir d'éviter de s'égarer à ses prochains passages. Il buvait ses paroles, tant il était avide de savoir à qui exactement il avait affaire. Qui étaient les Cardinaux, ceux qui menaient cet immense navire de guerre assemblé sous le culte d'Arès.

A sa grande surprise, d'après son interlocuteur, seul Ephtal détenait une importance fondamentale dans l'armée d'Arès. Puis, à la réflexion, cela lui parut logique. Il était leur berger; il avait patiemment rassemblé tout ce petit monde sous la bannière du Dieu de la Guerre, brandissant son nom et son titre comme un fier étendard. Les trois autres Cardinaux ne devaient pas faire exception, aussi puissants soient-ils. Mais, tout de même, cela l'intriguait. Toujours selon le porteur de la Cuirasse de la Tarentule, le seul de ses supérieurs qu'il avait pu croiser semblait plutôt effrayant. Jevren avait toujours imaginé les trois Cardinaux inconnus comme autant de croquemitaines à la mine sinistre et à la présence éthérée, spectres pas vraiment humains rôdant à l'aube de la guerre et traînant derrière eux les fléaux de l'humanité. Même leurs titres respectifs donnaient des frissons. Vraiment, tout était fait pour leur conférer une bien étrange réputation...

Quant à la question de l'affectation... L'Ostrogoth n'avait pas vraiment d'avis bien arrêté, en vérité. Naturellement, il serait soulagé de tomber sous la coupe d'Ephtal, qu'il tenait en haute estime. Un homme digne d'être suivi, c'était évident. Ce qui le rebutait chez les autres Cardinaux était tout bonnement de ne rien connaître d'eux, si ce n'était leur appellation. S'il devait suivre ses préjugés, il fuirait particulièrement la Pestilence et la Famine, qu'il se représentait comme étant plus insidieuses, plus retorses; toutefois, la décision ne lui revenait de toute façon pas, donc il ne servait à rien de se soucier exagérément de ce genre de détails. Son avenir appartenait à Arès, et celui-ci, par la main de la Mort, déciderait quoi faire.

Et à force de réfléchir, Jevren se trouva à la sortie du Labyrinthe avant même de l'avoir réalisé. Enfin hors des lieux ! Visiblement ravi de n'être plus étouffé en ces murs, il fit quelques pas, puis se retourna vers Nosgoth.



Il s'interrompit un instant, le fixant dans les yeux. Il ne parvenait pas à y lire quoi que ce soit. Jevren avait côtoyé nombre de guerriers, et tous avaient un éclat particulier dans leur regard - haine, fierté, même peur. Le Berserker était un compagnon d'armes, fort agréable même, mais cette absence de lueur était très intrigante. Quel type de personne était-il? Il ne possédait vraiment pas l'oeil du soldat...



Il frappa du poing sur sa cuirasse, à l'emplacement du coeur, et fit volte-face, s'apprêtant à quitter les lieux. Il en avait presque oublié quelle affaire l'attendait au-dehors...

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