Les légendes racontent qu'un jour un épervier se posa sur une branche et se mit à observer une vieille femme qui cueillait des fleurs. "Pourquoi amasses tu du bois grand-mère ?" demanda le rapace. "Car je dois aujourd'hui remercier Apollon d'avoir béni de sa lumière les champs de mes fils". L'épervier scruta le ballot de fleur remplie de milles couleurs avant d'observer le ciel bleu dans lequel se dessinait l'astre. "Mais le Soleil as-t-il vraiment besoin de fleurs pour briller ?" se questionna l'oiseau. "Non, mais Apollon aime savoir qu'on lui est reconnaissant. Que fais-tu toi pour le remercier d'éclairer tes proies lorsque tu navigues dans les airs".
"Je vole haut" répondit l'épervier. "Si haut que rien ne se trouve entre lui et moi, si haut que je suis le premier à être touché par sa lumière, c'est ma façon de le remercier : je suis celui qui sera le plus proche de lui."


La grande salle de l'Augure n'était pas la plus majestueuse. Point de convergence vertigineux des 4 Tours, elle était l'endroit le plus proche du Temple d'Apollon, dernier rempart avant la divinité. Les murs blancs étaient couverts de teintures rouges sur lesquels se dessinait en fil d'or une majestueuse couronne de laurier. Symbole de l'Imperator, symbole d'Apollon.
Tout se confondait ici, les symboles à la puissance romaine côtoyaient les vestiges d'une civilisation grecque. La salle de l'Augure représentait le chaînon manquant entre les deux peuples, celui par lequel tout s'expliquait. L'Alliance d'Athéna et de son frère, leur partage et aussi les agréments que le Dieu solaire apporta aux créations de sa sœur pour permettre aux réfugiés de Troie de fonder la plus grande des civilisations.
L'histoire était un vaste recommencement...

Kahr avait réuni les Gardiens des Tours, maintenant qu'il connaissait chacun d'entre eux il était nécessaire de mettre en marche le plan qu'il avait eu huit ans à perfectionner. Bientôt, se jura-t-il, l'Empire dominera de nouveau la planète. Son regard balaya Phétis, Magnus et Haldor, chacun vêtu de leurs armures. Tous plus différents les uns que les autres. Tandis que la jeune femme et Magnus arborait des armures éclatantes, l'Augure et le Gardien de Nord demeurait vêtu de noir. Une dichotomie proche de celle de la course du Soleil, tantôt rayonnant et apaisant à l'aube, tantôt inquiétant et affable à son crépuscule.

- Il est temps pour nous de nous mettre en marche. Maintenant que nous sommes tous réunis nous ne pouvons-nous permettre de laisser la situation tel quelle. Notre Empire se meurt, notre alliance avec Athéna est fragile depuis le schisme. Nous avons besoin de nous projeter vers l'avant en faisant table rase du passé...
J'ai déjà expliqué à Haldor ce que j'attendais de lui. Il nous faut nous allier à Odin dont les intérêts sont les plus éloignés des nôtres. Pour autant nous devons toujours nous efforcer d'affaiblir nos adversaires... Haldor et Magnus j'aimerai que vous vous rendiez en Grèce. Nous devons raviver les flammes de la haine entre Odin et Athéna, les talents du Héron, proche de ceux des Guerriers Divins, vous permettront de faire croire aux Saints qu'Asgard ne veut pas la paix. Vous devez cependant vous efforcer de demeurer discret, aucun rapprochement entre une attaque sur les Saints et nous ne doit pouvoir être faites. Vous avez carte blanche pour vous assurer de la réussite de notre mission...

Il se tourna alors vers Phétis, ce soir lui et elle devait se retrouver. Kahr avait délibérément provoqué la Gardienne de la Tour Sud qui, à ses yeux, manquait encore d'expérience. La jeune femme ne cillait pas, fier Oracle d'Apollon elle ne semblait pas craindre l'Augure qui s'amusa de cette situation en la jaugeant davantage capable qu'il ne l'aurait imaginé.

- Phétis et moi nous assurerons de la sécurité de la Tour des Quatre Vents pendant votre absence. Nous irons après vous nous présenter à Athéna afin de maintenir notre alliance avec eux. Un d'entre nous doit toujours être présent. Je m'efforce de convaincre Apollon de nous accorder davantage de pouvoir mais pour le moment nous sommes seuls. D'autres Oracles viendront et ce jour nous saurons étendre l'ombre du Soleil noir...

_ Ainsi donc voilà ce que pense cet Augure de pacotille ! Rah ce soir il va le payer !

Ma colère résonnait dans la tour Sud, en faisant trembler les fondations mêmes et mon cosmos explosa avant de détruire une colonne par un simple mouvement de main, cette situation se solda par un simple "oups" de ma part. Les civils, servants d'Apollon se tenaient bien loin de moi tandis qu'un vent d'une furieuse puissance détruisait toute ma demeure. Ce qu'avait prononcé Kahr lors de notre rencontre m'avait passablement énervé, loin de moi l'effet de surprise car en effet combien de fois ma féminité m'avait fait payer le prix cher du machisme aigri des hommes. Je balayais la salle du regard tandis qu'un jeune servant approchait doucement de moi, je le dévisageai furieusement alors qu'il baissait la tête avant de m'offrir quelques paroles qui ne me ravirent pas le moins du monde.

_ Oracle. L'Augure vous fait quérir immédiatement dans sa tour, il souhaite vous parler ainsi qu'aux autres Gardiens.

D'un geste je le faisais déguerpir avant me relever. J'étais déjà dans mon armure, il ne restait plus qu'à faire acte de présence et entendre ce que Kahr avait à me dire. Je ne pris pas mon temps pour arriver dans la salle. Très vite nous fûmes réuni dans la Grande Salle blanche de l’Épervier qui nous regardait, là, patient. Il me démangeait de lui mettre sa raclée ici même, loin de moi l'idée de le détester mais sa réaction à mon propos, le fait de me juger sur mon apparence et non ma volonté m'exaspérait et me poussait dans l'idée de le battre à plate couture. J'écoutais ses paroles et comme il m'avait prévenu, je resterais avec lui pendant que les deux autres iraient effectuer une mission importante. Pour moi ce manque d'importance vis à vis de moi ne pouvait être pris que d'une seule manière : de la non-confiance. La déception devait se lire son mon visage tellement l'émotion me prenait directement au cœur, je m'avançais cependant, comme pour prendre la parole.

_ Si ce plan de guérilla ne fonctionne pas, nous nous retrouverons avec les guerriers d'Odin et d’Athéna contre nous. Loin de mon esprit l'idée de vous sous-estimés Oracles du Héron mais tout de même, de mon avis c'est un grosse prise de risque. J'espère que tu as bien tout pensé, même à l’Échec ... Augure. Nous allons partir nous aussi voir les Saints pour rétablir l'alliance ? Et bien ... ça promet si la première phase échoue, nous serons dans la gueule du loup et là Augure ... Même le Rapide et dangereux Épervier, même le Puissant et Majestueux Condor, nous ne pourrons rivaliser avec leur armada.

Je le dévisageais d'un regard noir loin de mes habitudes. Remettre en question son idée était plutôt axé sur le fait de vouloir lui indiquer que la confiance apportée aux autres étaient bien meilleure que celle qu'il m'offrait, et une confiance à moitié accordée, je ne la souhaitais pas le moins du monde. Je retournais ensuite à ma place, mon but était principalement de tempérer les décisions étranges de mes collègues, je ne souhaitais pas mourir pour une idée aussi idiote. Mon visage affichait les craintes dont mon esprit était assiégé, je réfléchissais à plusieurs hypothèses capable de de faire oublier cette stratégie bien trop risquée, pour moi ce conflit était avant tout une partie d'échec : Il y aurait des manœuvre osées, d'autre serviraient à bluffer l'adversaire pour l'emmener sur une autre piste mais à mon humble avis il était bien trop tôt pour tenter une telle prise de risque. Je m'asseyais contre l'un des murs avant de fermer les yeux pour réfléchir tranquillement, je pouvais prouver que les femmes ne sont pas que bonnes à s'occuper des enfants et à faire les tâches ménagères.

Calmement assis dans sa tour, Magnus profitait d'un moment de répit dans sa journée déjà bien chargée, profiter des bienfaits d'Apollon étant l'une de ses occupations principales. Devant son orgue, il jouait une mélodie à la fois calme et envoûtante, un peu comme une histoire d'amour dont on connaît la finalité, mais qu'on veut tout de même tenter. Malgré le fait qu'il soit absorbé par sa musique, il ne lui échappa pas qu'une personne était entrée dans sa tour et surtout qu'il s'agissait de quelqu'un qu'il connaissait un peu. Son odeur, sa façon de marcher et la douceur qu'elle dégageait, c'était évident qu'il s'agissait d'Isabella, une des servantes d'Apollon qu'il avait rencontré plusieurs fois depuis son arrivée. Apparemment, la musique qu'il jouait l'emplissait de bonheur et elle s'arrêtait assez souvent devant sa tour pour écouter les mélodies qui s'en échappaient. Malgré cette nouvelle audace, cette dernière ne se contentant plus de rester devant sa tour, mais bien d'y entrer, l'Oracle du Faucon d'Aphélion continua à jouer, la laissant profiter de la moindre note. Ce n'est finalement qu'après dix bonnes minutes, que Magnus s'arrêta de jouer, concluant sa mélodie par une pointe plus sensuelle, espérant bien mettre en condition la belle pour une petite virée en ville avec lui. Lorsqu'il eut fini de jouer, il se leva, exposant son corps nu aux yeux de la servante qui ne put s'empêcher de rougir en détournant le regard.

« Bienvenue chez moi, magnifique Isabella. Que puis-je faire pour toi en cette charmante après-midi que tu éclaires de ta grâce ? »

Calmement, ne se préoccupant pas de la gêne causée par sa nudité, le jeune homme s'approcha de la brune tout doucement, se retrouvant finalement à moins d'un mètre d'elle avant qu'elle n'ait pu rassembler ses esprits pour dire un mot. Ce n'est que lorsque l'Oracle porta sa main sur sa joue pour la caresser doucement, un peu comme on le ferait avec un animal apeuré, que sa langue se délia pour lui porter une nouvelle des plus intéressantes.

« Je ... je ... L'Augure vous demande ... Vous ... vous devez y aller tout ... de suite ... »

Perdant de temps à autre son regard sur le corps nu de l'homme qui lui faisait face, la servante ne peut contenir le rouge qui lui montait aux joues. Comme une petite fille timide, elle se déroba à la main de Magnus pour sortir en vitesse de la Tour de l'Est en courant, un peu comme si elle avait peur de ce qui aurait pu se passer. Souriant de voir cette attitude si enfantine, l'homme dut se résoudre à s'habiller pour aller voir ce que lui voulait Kahr. Il enfila rapidement un vêtement et sa Chlamyde pour se rendre dans la grande salle de l'Augure. Le lieu était à l'image du reste du domaine d'Apollon, majestueux et sans égal terrestre, ce qui lui faisait encore plus apprécier son allégeance au Dieu du Soleil. Lorsqu'il arriva, il eut l'agréable surprise de revoir la jolie Phétis qu'il avait rencontré voici quelques jours. Son regard se posa ensuite sur les deux autres personnes présentes, à savoir l'Augure et Haldor, l'imposant gardien de la Tour du Nord. Il n'y avait pas à dire, rien que sa carrure et sa taille lui donnaient une prestance toute différente. Malgré tout, le Faucon n'était nullement intimidé et gratifia chacun des Oracles présents d'un magnifique sourire, un peu comme si il s'agissait d'une réunion entre vieux amis qui s'amusent depuis des années ensemble et qui sont proches comme les doigts de la main.

Il ne fallut pas longtemps avant que Kahr n'explique la raison de cette réunion et tout cela devenait de plus en plus excitant car enfin, ils allaient bouger et passer à l'action. Il n'avait jamais vu de guerriers d'Odin mais bon, si l'Augure disait qu'ils pouvaient utiliser Haldor comme leurre, c'est que c'était vrai. Toutefois, il restait un point délicat qu'il ne semblait pas avoir aborder. Il est bien d'être allié avec Odin comme Athéna mais finalement, que se passera-t-il si Haldor ou même Magnus devaient se retrouver à collaborer avec des Saints d'Athéna plus tard. Une attaque contre eux, même en mentant sur leur origine et la divinité qu'ils servaient, n'allait pas passer inaperçu et il y avait fort à parier qu'on se souviendrait d'eux. Enfin bon, le Faucon d'Aphélion écouta avec attention les ordres de Kahr, écoutant ensuite Phétis qui semblait bien plus sceptique quant à la réussite de ce plan. Il est vrai que se retrouver avec les deux camps contre nous n'allait pas être une chose évidente et cela risquait grandement de signifier la fin de Rome et d'Apollon. Visiblement, il y avait une certaine tension entre la belle Phétis et le strict Kahr mais bon, ce n'est pas pour autant que Magnus arrêta de sourire regardant l'animosité affichée par la jeune femme comme un enfant regarderait un chaton. Calmement, il s'approcha de Phétis pour poser sa main sur son épaule et prononcer quelques mots sur un ton apaisant.

« J'ai toute confiance en toi, Phétis. Tu dois nous faire confiance également. Nous n'allons pas échouer. »

La gratifiant d'un sourire qui avait cette fois pour but de la calmer un peu, il s'avança d'un pas pour se tourner vers Kahr.

« Devons-nous attaquer un Saint d'Athéna ou juste un village à proximité du Sanctuaire ? Leur montrer une atrocité perpétrée par Odin avec juste une silhouette ressemblant à un guerrier d'Asgard est peut-être suffisant. Enfin bon, on fera comme tu voudras. »

A peine avait-il su que la réunion des Oracles débutait qu'Haldor s'y était rendu. S'il n'était pas le premier, privilège accordé à l'Augure, il restait tout de même le second. La chlamyde couleur nuit assombrissait plus encore le visage du colosse qui, bras croisé, attendait que les deux autres arrivent. Ce qui ne tarda pas. Si l'accueil de l'Oracle de Boréas était froid, il leur accorda néanmoins un petit signe de tête à chacun afin de saluer ceux qui appartenaient comme lui à l'armée d'Apollon. Kahr avait eu raison de souligner les disparités évidentes entre chacun d'eux. L'épervier, le condor, le faucon et le héron. Les quatre représentations d'Apollon, prêt à fondre sur les ennemis du dieu et de ses convictions.

Ce qu'annonça l'Augure n'était en rien une surprise. Lui-même ayant été informé précédemment des termes de sa propre mission, il ne pouvait qu'observer la réaction des deux autres. Et il ne fut pas déçu. D'abord l'Oracle répondant au nom de Phétis et qui gardait la tour du Sud. La jeune femme semblait posséder un caractère certain pour tenter ainsi de discuter les ordres du représentant d'Apollon. Haussant un sourcil, il écouta cependant jusqu'au bout les dires de la jeune femme . Il est vrai qu'elle mettait tout de même le doigt sur une donnée importante. Mais trop frileuse qu'elle était, elle ne voyait pas l'avantage indéniable d'une telle manœuvre. Le comble que le vent du Sud soit si hésitant. N'était-ce pas au vent du Nord de se montrer prudent, insidieux comme le froid ?

- C'est pour cela que tu n'as pas été choisie pour participer à cette mission, Phétis du Condor. Ce n'est pas une question de sous-estimer les uns ou les autres. Si Apollon a choisi ses Oracles, ce n'est pas pour rien. Il s'agit plutôt d'une question d'initiative. Nous sommes en temps de guerre et nous sommes les Oracles de notre Seigneur. Si nous ne tentons rien, autant offrir nos armures aux ennemis d'Apollon ! Si tu as une autre idée, alors parle... Nous t'écoutons !

Le regard de l'argenté tomba finalement sur Magnus. Aussi différent de lui que ne l'était Phétis, il semblait néanmoins d'accord pour suivre l'ordre qui était le sien. Avoir avec lui cet homme comme soutien ne déplaisait pas à Haldor. L'assurance qu'il venait de montrer en s'adressant à Phétis prouvait qu'il partait confiant, ce qui constituait la première étape d'une mission réussie. Quant à sa question, elle était censée. Mais le Héron avait déjà la réponse à cette question. Il faut dire qu'il avait eu le temps d'y réfléchir. Et si des quatre, il était le plus guerrier, il comprenait tout de même qu'il fallait rester prudent et tactique en s'aventurant sur les terres d'Athéna. Pourtant, c'est d'une voix sûr et d'un ton tranchant qu'il prit la suite...

- Il n'y a aucun honneur à détruire les vies de villageois juste pour essayer de tromper nos ennemis. Et je rappelle qu'Athéna est la déesse de la Sagesse. Ainsi, je doute que ses représentants partent en guerre contre les chevaliers d'Odin sur une simple suspicion. La défaite d'un des leurs aura autrement plus d'impact. Surtout si nous parvenons à remplir la condition qui est la notre. Voilà ce que je dis !

Réagissant à ses propos, ses ailes noires se déplièrent dans son dos, faisant baisser dans le même temps la température de la pièce. Il espérait ainsi montrer pourquoi lui, Haldor du héron de Boréas, pouvait se faire passer pour un des guerriers d'Odin. La mission était périlleuse mais absolument pas impossible. Et si les choses se passaient bien, alors Apollon partirait avec un avantage non négligeable dans ce conflit.

- Quand devrons-nous partir, Magnus et moi ?

Conservant son air immuable, Kahr ne put s'empêcher de jauger Magnus tandis que Phétis prenait la parole. Les deux Gardiens opposés avaient un caractère étonnamment différent et l'Epervier se sentait obligé de garder à l'œil le Faucon pour être sûr que ce dernier n'irait pas ajouter aux protestations du Condor sa légèreté.
Il écouta les paroles de Phétis, elle disait vrai, trop vrai. Mais il savait aussi qu'une guerre ne se gagne pas avec des mesurettes. Lorsqu'elle eut finit il l'observa et alla lui répondre mais déjà les deux autres Gardiens prirent la parole. Il écouta Magnus et ne put s'empêcher de se crisper. S'il comprenait les inquiétudes de la jeune femme, la confiance en lui de l'éphèbe l'irritait même si ce dernier allait dans son sens. Ne prenait-il donc rien au sérieux ?
Haldor, tout en finesse et dans un style bien à lui, ponctua l'intervention de Phétis. Le Héron alpagua littéralement son homologue de Notos et la toisa avec un air de défi qui inquiétait Kahr. Voilà comment se passerait toute leurs réunions à l'avenir ?

Il savait que se faire entendre par tous ses camarades seraient difficiles mais jamais il n'aurait pu imaginer devoir composer avec tant de personnalité différentes. Comme à son habitude, l'Epervier devait s'élever et prouver aux autres que sa vision de la situation était la plus objective de toute.

- Je comprends tes inquiétudes Phétis.

Première concession qu'il accorda à Phétis. Jusqu'à présent toutes leurs discussions s'étaient soldées par des brimades de l'Augure quant à son comportement. En présence des autres il semblait toutefois prêt à mettre de l'eau dans son vin pouvait-elle penser. En réalité il ne faisait qu'exprimer son ressenti (si tant est qu'il soit capable de ressentir quelque chose), la hargne qu'il exposait à la jeune fille était un prétexte à son dépassement mais il ne souhaitait pas amplifier une situation qui s'avèrerait sans doute déjà tendu suite aux propos du Gardien de Boréas.

- C'est effectivement un plan dangereux et nous serions malavisés de pêcher par orgueil. Cependant... Comme le souligne, avec sa diplomatie très particulière, Haldor nous n'avons pas d'autres plans pour le moment. Je me refuse à laisser pourrir une situation. Si c'est un échec et bien nous nous battrons comme nous l'avons toujours fait. L'inaction d'Apollon a provoqué un pourrissement de la situation que je ne tolèrerai plus. Ne nous voilons pas la face, l'Empire est condamné. Nous devons agir rapidement pour renverser la situation quitte à prendre des risques. Soyons téméraire mais pas complètement fou...

Il repassa machinalement sur Magnus, décidemment. Toutefois il se déplaça et cette fois en direction d'Haldor. Arrivant à son niveau il redressa la tête pour fixer le colosse.

- Un mot cependant, si Phétis n'a pas été choisie pour cette mission cela n'est aucunement du à ses capacités. Elle est ton égal Héron, tiens-toi le pour dit ou je m'arrangerai pour faire passer l'idée à force de coup dans la gueule.

Kahr senti son naturel reprendre le dessus. Celui d'un homme hargneux qui ne tolérait pas qu'on le contredise. Il s'écarta du Héron et lui tourna le dos.

- Et je suis d'accord avec toi quant à la manière de procéder. Nous ne sommes pas des monstres, malgré le schisme les grecques demeurent des citoyens de l'Empire. Défaire un Saint aura plus d'impact que d'éliminer des civils incapables de comprendre des enjeux qui les dépassent. Il vous faut partir le plus tôt possible : vous avez carte blanche quant à la manière de procéder... Ne me décevez pas.

Il passa à côté de Phétis et sans la regarder il s'adressa à elle.

- J'ai besoin de toi à mes côtés pour assurer nos arrières en cas d'échec. Je suis l'Augure je prends mes responsabilités et j'accepterai de remettre en cause mes jugements si Magnus et Haldor échouent. Jamais je ne leur imputerai la faute, comme tu l'as dit il s'agit de mon plan. Ait foi en moi.

Il s'en retourna devant le majestueux trône de marbre. Celui dans lequel, voilà près de 700 ans Hector, champion de Troie, s'était lui-même assis avant d'emporter les armées d'Apollon dans la défaite. Mais à la différence de l'ancien Oracle du Faucon, il se savait capable de supporter la culpabilité de la défaite. Un combat ne se saborde pas dès lors que l'on sent le vent tourné.

- Autre chose. Nous ne pouvons considérer qu'Athéna et Odin soient les seuls divinités à s'être éveillés. Une Guerre Sainte approche, notre présence en est la preuve... Nous devons nous préparer à l'éventualité que des ennemis puissent venir à nous depuis n'importe où. Je vous demanderai donc de faire preuve de la plus grande vigilance possible.

Ses propos avaient fait réagir l'Oracle de la tour de l'Ouest, ce qui en soit n'était absolument pas une surprise pour Haldor. Mais cette guerre était trop importante pour laisser les rancoeurs prendre le dessus. Aux yeux de l'argenté, il était effectivement évident que les Oracles étaient égaux entre eux. Cette donnée acquise, cela ne l'empêchait pas de croire que Phétis était peu habitué aux combats. Et que cela pouvait engendrer des réticences et des peurs infondées.

Haldor n'adressait pour le moment à Kahr qu'un gigantesque sourire en guise de réponse. Un chef, un meneur d'hommes se devait de bien se faire comprendre. Le message étant passé, le colosse ne pouvait que suivre les directives. Il n'était qu'un soldat. Et un soldat avait besoin d'ordre pour faire une guerre. S'il ne désirait aucunement prendre de telles responsabilités, c'est aussi principalement parce qu'il ne saurait les gérer. Il ne se voilait pas la face.

Néanmoins, Kahr semblait prendre des pincettes avec l'Oracle de l'Ouest. Aux yeux de notre Oracle, il était évident que faire une distinction entre ses soldats était inconcevable. Existait-il un passé entre ces deux là ? Rien n'était impossible et aux dires de la jeune femme, il paraissait clair qu'ils avaient déjà été opposés sur une affaire. En tout cas, les consignes étaient claires.

- Il est bon d'avoir eu certaines précisions... Bien que je n'aie à aucun instant mésestimer ta puissance, Oracle Phétis. Simplement, il est temps de prendre notre destin en main. Et ce n'est pas en parlementant avec les autres que nous parviendrons à nous faire entendre. Pour ce qui est de notre mission, j'ai conscience de la difficulté qui sera la notre. C'est pourquoi je suis ouvert à toutes suggestions de votre part à tous.

Le regard de Haldor passait de visages en visages. S'il connaissait le point de vue de Kahr, ce n'était pas vrai pour les deux autres. Ses ailes se replièrent dans son dos mais le froid restait présent. Cela ne durerait pas, il le savait. Mais quel plaisir que de sentir la fraîcheur atténuer les tensions. Se battre entre eux était inutile. Seul l'ennemi d'Apollon méritait leur châtiment. C'est alors qu'une lueur illumina la cervelle du colosse.

Son maître, général de l'Empire Romain, lui avait enseigné l'histoire des dieux. Si cela n'avait que partiellement intéressé notre guerrier, ce n'est pas pour autant qu'il avait occulté certains passages concernant Apollon lui-même.

- Et Poseidon ? N'était-il pas l'allié d'Apollon lors de la guerre de Troie ? Peut-être qu'il faut nous rapprocher d'eux... Il serait étonnant que leurs armées ne se soient pas réveillées.

Selon leurs propres phrases ils n'allaient pas échouer, tous avaient une confiance insolente en leurs talents qui insupportait au plus haut point. Je baissais la tête au fur et à mesure des remontrances envers moi, sentant la colère grimper peu à peu dans mon esprit et c'est cette même colère que je me devais de contrôler au maximum car les quelques fois où je l'avais laissé une puissance incompréhensible faisait surface et ravageait tout ce qui se trouvais autour de moi. Je réussi alors pour la première fois à stopper cet élan de nervosité tellement dangereux pour les autres. Je me concentrais sur les différentes prises de paroles et principalement celles de l'Augure et de l'Oracle du Héron avec qui j'avais eu dès le premier regard une tension insoutenable.

Je mourais d'envie de prendre à nouveau la parole et régler mes comptes avec ses garçons obnubilés pas la force brute et à ma surprise générale je n'eus pas à me défendre. Kahr venait d'utiliser son droit de parole pour me "défendre", retournement de situation bien étrange mais agréable. Je récupérais un petit sourire tout en gardant la tête basse comme pour éviter le regard avec mes homologues. Je gardais au plus profond de moi mes déceptions et ma colère qui ne serait pas du tout constructive dans cette réunion.

_ Je ne dis pas qu'ils vont échouer. Je sens qu'ils sont largement capable de réaliser cette mission. Juste que je trouve cette décision bien trop précipitée mais soit, tu as décidé ainsi, ils exécuteront les ordres comme les soldats qu'ils sont.

Je levais la tête en direction de l'Oracle du vent Nord, sourire aux lèvres. Ce sourire était légèrement hypocrite mais tout ce qu'il y a de plus réel et d'une vue extérieur il était parfait de sincérité. Je me tournais à présent vers l'Augure, le seul contre qui je gardais la tête haute, lui je pouvais le défier ouvertement car même si il semblait plus fort que moi j'avais l'impression d'être son égale.

_ Si tu as besoin de moi, je t'épaulerais. En respect à mon éducation du soutien de ses alliés. J'ai un grand respect pour vous tous, nous avons certes tous des différences mais c'est ceci qui deviendra notre force, nous serons amené à collaborer pendant une bonne période et je suis certaine que ce que nous deviendrons sera craint dans toutes les provinces connues de ce monde, nous représenterons les quatre oiseaux les plus redoutables de ce que cet univers compte. Je me fais la promesse de vous aider du mieux que je le pourrais et veuillez excuser ma colère totalement infondée sans doute dû à ma trop petite expérience, cela ne se reproduira plus.

Les excuses sont une partie déchirante que je hais le plus au monde. Cette impression de fébrilité dont nous sommes victimes me sidère cependant dans mon éducation du bas-peuple, s'excuser de ses erreurs envers les plus nobles que soi était une condition de survie. Si nous ne le faisions pas nous mourions simplement ... Ici ce serait pareil ? Je ne puis le savoir et pourtant cela m'était venu comme un réflexe.

La discussion avait pris une tournure très intéressante et Magnus resta calmement à écouter les opinions de chacun. Haldor essaya d'expliquer d'une façon différente à Phétis que l'action était indispensable malgré le risque que cela comportait. Visiblement, cette attitude ne sembla pas trop plaire à l'Augure qui en fit d'ailleurs la remarque au gardien de la Tour du Nord, ce dernier n'hésitant pas à le menacer pour bien lui faire comprendre sa façon de penser, un peu comme il l'avait déjà fait avec le Faucon d'Aphélion lors de leur rencontre. On ne pouvait pas dire que cet homme était très habitué aux contacts humains et à la diplomatie, rien que pour cela, Magnus se demandait si il était adéquat qu'il soit celui qui irait se présenter à Athéna après leur petit subterfuge. Enfin bon, peut-être que Phétis allait parvenir à modérer ses paroles car si il en venait à menacer la Déesse de la Sagesse, cela porterait certainement préjudice à leur alliance. Quoiqu'il en soit, ce n'était pas vraiment son problème car si c'était le cas, Apollon aurait fait de lui l'Augure et non Kahr.

Finalement, l'idée lancée par Magnus visant juste à prétendre qu'Odin faisait une incursion dans les terres du Sanctuaire et surtout, en réduisant les possibilités d'échec, ne fut pas vraiment accueilli avec ferveur parmi les autres Oracles, ceux si mettant leur fierté avant l'augmentation des probabilités de réussite de la mission. Enfin bon, ce n'était pas comme si le gardien de la Tour de l'Est était un fervent partisan de son propre plan, étant lui-même assez réticent à s'attaquer à des civils mais bon, cela avait le mérite de rendre l'incursion au Sanctuaire et surtout le rejet de la responsabilité de cette affaire sur le dos d'Odin, bien plus simple. Le reste de la discussion resta centré sur les inquiétudes de Phétis et visiblement, il y avait une grosse tension entre la jeune femme et l'Augure. Il faut dire que s'entendre avec ce dernier ne devait pas être de tout repos pour ceux qui prenaient cela trop à coeur. Qu'il est simple de ne pas se préoccuper de ce genre de chose et de juste faire un travail pour lequel on est doué. Alors qu'Haldor semblait déjà sur le départ, prêt à en découdre dans les plus bref délais avec les Saints d'Athéna, Kahr avertit les Oracles qu'ils ne devaient pas baisser leur garde, d'autres dieux s'étant peut-être réveillé. D'ailleurs, Haldor se demanda même si Poséidon ne faisait pas partie de ces dieux réveillés, rappelant l'alliance entre Apollon et lui lors de la guerre de Troie.

« Peut-être que la défaite de l'époque fait que cette alliance n'a plus d'intérêt pour Poséidon. Il ne vaut mieux pas compter sur une alliance de perdants pour s'approprier la victoire. »

Même si il n'avait rien contre Poséidon, l'eau n'était pas vraiment une chose qu'il appréciait plus que ça et devoir s'allier au Dieu des Océans n'était pas vraiment une chose qui enchantait Magnus plus que cela. Enfin bon, ce genre de décision n'était pas vraiment de son ressort et il suivrait les ordres car comme le faisait si bien remarquer Phétis, ils étaient des soldats. Les propos de la jeune femme étaient de plus en plus amusants et Magnus ne put s'empêcher de sourire lorsqu'elle provoqua le géant du nord. Il n'y avait pas à dire, elle était pleine de vie et de répondant, choses indispensables pour une femme Oracle. Dans le trio d'hommes, il devait sans doute être celui qui avait le moins de problème avec la jeune femme, sans doute parce qu'il n'avait jamais considéré la force physique comme une chose déterminante dans un combat. Elle finit tout de même par abonder dans le sens de l'Augure, même si visiblement, ces mots furent des plus pénibles à prononcer. L'affaire étant réglée, il ne restait qu'un détail à mettre au point avant de partir car bon, si Haldor ressemblait à un guerrier d'Odin avec sa carrure et sa Chlamyde, il en était tout autre du Faucon d'Aphélion qui il fallait l'admettre, semblait être aussi chaleureux que le soleil à première vue.

« Au fait Kahr, si Haldor ressemble à un guerrier d'Odin, j'en suis un peu loin. Dois-je me contenter de rester discret et d'intervenir seulement en cas de besoin ? Je peux facilement cacher ma cosmo-énergie avant de fondre sur ma proie. Il serait dommage que ton stratagème soit découvert si ils comprennent qu'on est pas affilié à Odin. »