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La bataille pour la suprématie de ce monde avait prit une tournure plus qu’inquiétante ces dernières années. D’après Zénon, vieux maître errant au service de la Déesse, de très fortes énergies s’étaient déchaînées à travers le monde. Assez pour qu’Hannon lui-même puisse les sentir croître au fur et à mesure des combats de part les côtes méditerranéennes. Toujours d’après l’ancien porteur de l’Armure d’Or du Capricorne, deux forces allaient principalement s’affronter : les Marinas de Poséidon, habillés de leurs Scales sacrées ; et les Saints d’Athéna aux Armures divines. Lui-même faisait parti d’un cercle spécial au sein de l’armée de la Déesse : il était un Chevalier d’Or. Ceci lui conférerait une autorité une fois sa marque posée sur le mont secret d’Athènes. Oui, « conférerait », car il n’était pas encore un Gold Saint. Il restait une dernière tache à accomplir pour le devenir pleinement et enfin se mettre au « travail ».

« L’Armure d’Or m’attend près du sommet. C’est au plus près de la déesse que je découvrirais si je suis digne ou non de me battre pour retrouver la Paix qui me fût enlevé, et ainsi permettre à tant de personnes de ne jamais la perdre… pourtant ce n’est qu’une fois perdue que la paix devient concrète aux yeux de tous, aussi je m’interroge : doit-on simplement repousser les forces du Mal en sachant qu’elles reviendront maintenir l’équilibre des forces en balance dans ce monde ? Je me le demande… » Acheva-t-il en murmurant, perdu dans ses pensés.

Le jeune homme recula dans son siège de bureau. Le capitaine était encore en train de faire décharger ses affaires « vitales » à quai. Une fois celles-ci débarquées et envoyées à l’auberge réservée par Youri, il pourrait aller à la rencontre de son destin !

Mais quel destin ? Celui de rester enfermé dans un Sanctuaire grecque à défendre la veuve et l’orphelin ? S’il était bien celui qu’avait cru voir en lui Zénon, alors une partie de ses obligations y consisteraient effectivement. Mais Hannon n’était plus du genre à rester au même endroit trop longtemps aujourd’hui : l’envie de gambader à travers les mers pour certes défendre les intérêts de la Déesse à sa façon se ferait vite ressentir. L’idéal serait alors de trouver un juste milieu à tout ça mais il s’agissait de détails qu’il réglerait une fois l’essentiel accompli.

Au détour de ses réflexions, le marchand reconverti se demanda quelle vie valait le plus d’être vécu. Mais il n’avait pas encore la réponse à cette question. Il savait ce qu’était la vie d’un marchand, mais ignorait encore ce qu’allait être sa vie de chevalier. Car ces huit années d’entrainement n’avaient été qu’un prémisse à ce jour. Lorsque toutes ses affaires eurent été débarquées, Hannon paya le reste de la somme convenu au capitaine du navire et rejoignit ses biens à l’auberge d’Athènes où il pouvait résider en cas de problèmes. Mais d’après son vieux maître il devrait également résider au Sanctuaire, dans son Temple. Au moins il avait ici les affaires pour rendre l’idée qu’il se faisait d’un vieux temple en marbre blanc grecque un peu plus attrayante.

Les yeux clos, il sentit brûler au loin les cosmos des résidants du Sanctuaire qui n’auraient guère pu se cacher aux yeux de n’importe quelle personne un tant soi peu sensible à leur présence. Prenant son courage à deux mains, habillé de vêtements amples, simples, bleus marines et seyants, il prit congé de l’auberge et se dirigea vers le Sanctuaire. Evidement, ce lieu sacré était défendu par des gardes, de plusieurs grades d’ailleurs. Mais d’après ce qu’il vit alors et de ce qu’il savait, les gardes en plus grand nombre étaient les plus inoffensifs. Ce fût donc avec calme et tact qu’Hannon prit le temps de converser avec eux et les pointes de leurs lances.

« Haltes ! Qui va là ? »
« Hannon, élève de Zénon, ancien porteur de l’Armure du Capricorne. Je suis venu mettre mon talent au service d’Athéna. » Mais sa déclaration semble susciter quelques regards interrogateurs voir même désemparés de la part des hommes en présence.
« … » Il surprit même quelques murmures échangés.
« Psst, c’est qui Zénon déjà ? » « C’était un porteur de l’Armure du Capricorne apparemment. » « C’était pas feu maître Narcisse ? » « Si mais il parle d’un porteur avant lui je crois. » « Ah… Ah, mais oui ! Zénon du Capricorne ! C’est incroyable qu’il soit encore en vie ! » « Et encore plus incroyable qu’il forme encore des chevaliers hors du Sanctuaire… » Les deux gardes se regardèrent du coin de l’œil : leur envie était forte - et justifiée - de vérifier les dires d’Hannon.
« Si t’es un chevalier, où qu’elle est ton armure ? »
« Là-haut. » Dit-il en désignant les maisons du Zodiaque qui parcouraient le flanc du mont sacré. Mais son doigt pointait précisément la maison du Verseau, ce qui provoqua de nouveaux haussements de sourcils.
« On ne peut pas vous laisser passer sans un ordre d’un supérieur. »
« Alors allez demander vos ordres à un supérieur. »

Froid, catégorique, Hannon croisa ses mains dans son dos, et dans son immobilité glaciale ne se trouvait aucune trace de peur. Cela intimida assez les gardes pour qu’ils réfléchissent sérieusement à l’idée d’aller trouver un supérieur sur le terrain d’entrainement ou ailleurs, pour qu’il vienne prendre leur relai et leur éviter de se prendre une énième raclée prodiguée par un inconnu intégral. Ainsi plusieurs gardes tournèrent les talons et filèrent dans plusieurs directions tandis que les autres continuaient d’entourer cet étrange homme aux vêtements de marchand qui prétendait être un chevalier d’Athéna…

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* * *

Le jeune homme à la chevelure bleutée se racla la gorge, agacé du temps que prenaient ces formalités administratives. Si l’on pouvait nommer ainsi la possibilité d’être reconnu par un Chevalier d’Or et autorisé par celui-ci à grimper les saintes marches du Sanctuaire sacré pour lui permettre d’accéder à la Maison du Verseau où l’attendait son Armure d’Or ! Tout ça pour dire, que bien qu’il ait pleinement connaissance des éventuels marches à suivre, Hannon n’aimait pas attendre. Pour ça, son impatience n’avait guère changée en dix, presque onze ans maintenant. Tout ceci lui paraissait tellement loin maintenant, et pourtant les souvenirs de ce jour resteraient gravés au fer rouge toute sa vie dans sa mémoire. En fait il n’aimait pas rester ainsi à ne rien faire : cela lui laissait le libre champ pour penser, réfléchir, et se remémorer ce qu’il aurait préféré oublié. Mais s’il n’avait pas vécu ces évènements, aurait-il été si prompt à embrasser la foi d’Athéna ? Peut-être pas.

Enfin, il y eut de l’activité plus loin. Et pas n’importe laquelle : l’aura d’un Gold Saint se détacha plus précisément de la nasse pour venir à sa rencontre. Ses yeux eux virent un grand homme en Armure d’Or, boucliers aux bras, fourreaux d’armes dépassants derrière les épaules, la démarche légèrement féline d’un combattant aguerri… Et derrière l’armure, un homme portant le type eurasien, plus grand que lui, des cheveux bruns mi-longs un peu en bataille, des yeux dorés, le teint mate. Peut-être même un peu trop mate, même pour le climat ensoleillé de ces contrées. Mais les origines comptaient peu pour être chevalier d’Athéna : seule comptait la conviction de l’homme derrière l’armure. Cet homme-ci avait-il de la conviction ? Hannon plongea son regard dans le sien lorsqu’il s’approcha de lui et répondit à sa question intérieure : cet homme avait la foi, c’était indéniable. Mais il s’agissait à s’y méprendre de la Gold Cloth de la Balance : le Bélier n’était-il pas proche de l’entrée pour parer aux visites comme la sienne ?

« Très bien. » Répondit-il simplement à Sokaris de la Balance lorsqu’il l’invita à quitter l’arcade principale pour s’écarter du passage et discuter un peu plus loin. Le chevalier s’installa comme il l’avait dit et invita Hannon à en faire de même, mais celui-ci se contenta de croiser les bras, à l’ombre de l’arbre, et de dire à cet homme ce qu’il voulait entendre. « Tu veux entendre mon histoire Sokaris de la Balance ? Celle-ci est courte et ses détails ne regardent que moi, aussi irais-je au plus simple : je me nomme Hannon et suis né à Carthage il y a de cela vingt-huit ans, où j’ai appris les arts marchands auprès de mon père puis de ses associés après la mort de celui-ci - son âme repose en paix - emporté par la maladie. J’étais spécialisé dans l’achat et la vente d’animaux exotiques, et ais amassé alors une coquette fortune, jusqu’à il y a presque onze ans… » Sa voix perdit un peu de sa vigueur et son ton neutre laissa transparaître sans honte la rage contenu en lui. « Puis les Vandales ont attaqué la cité et j’ai été banni, comme de nombreux nobles et riches, après avoir été dépouillé de leurs biens. J’ai erré en Maurétanie pendant un mois, jusqu’à ce qu’à bout de souffle, je sois sauvé par un vieil inconnu venu à ma rencontre car il m’entendait « hurler jusqu’aux confins de la Terre ». Ce vieil homme se nommait Zénon, et échange de son sauvetage, j’ai promis d’étudier avec lui tout ce qu’il avait à m’enseigner. C’est ce que j’ai fais, durant huit années. Je me suis préparé à venir au saint Sanctuaire d’Athéna pour défendre la paix, à n’importe quel prix. » Il leva la main pour interrompre une éventuelle question. « J’ignore où est Zénon à l’heure actuelle, car il a reprit la route à la mort de son élève. » Il baissa lentement la main et releva le menton, les yeux légèrement plissés comme pour montrer son assurance quand à ses propos et qu’il ne s’agissait pas d’un mensonge de sa part. « Narcisse du Capricorne. Les yeux bleus, des cheveux verts uniques, un fier et solitaire défenseur du Sanctuaire… »

Mais il était inutile d’aller plus loin. Hannon voyait bien sur le visage de son interlocuteur qu’il n’avait plus besoin d’en dire plus pour être cru. Connaître le lien entre Zénon et Narcisse n’était pas à la portée du premier venu car l’information n’avait jamais circulée entre les chevaliers et autres gardes. Pour beaucoup, Zénon avait juste disparu du jour au lendemain, en emportant son Armure d’Or qui depuis avait regagné le Sanctuaire, grâce au dit Narcisse. Quand à la mort de celui-ci, il ne devait cette information qu’à son maître. Hannon n’avait rien senti lorsque les larmes avaient creusé des sillons salés sur les joues ridées du vieux chevalier et que celui-ci lui avait demandé de le laisser seul pour pleurer la mort de son élève, sacrifié sur l’autel de la guerre pour permettre l’accomplissement de l’idéal d’Athéna. Mais la puissance entre lui et Zénon n’était pas comparable : le vieux maître en savait toujours bien plus que ce qu’il n’avait appris à son second élève. Toujours est-il que l’histoire était terminée car le présent était sous les yeux de Sokaris de la Balance.

« J’ai pris un bateau il y a quelques jours depuis Alexandrie pour venir en hâte au Sanctuaire renforcer les forces d’Athéna et vous aider du mieux que je le pourrais dans notre combat contre les forces du Mal. La question est maintenant la suivante… Voulez-vous de mon aide… » Dit-il en tendant la main à Sokaris en guise de salut guerrier. « … ou pas ? »

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De même que le Gold Saint de la Balance prolongea le contact de leur étreinte pour lire en lui, Hannon se permit d’en faire autant, découvrant la glace d’un froid familier mais pas aussi puissant que celui de son âme, gelée dans un schéma identique depuis dix ans maintenant. On aurait pu comparer le cosmos de Sokaris à celui d’une montagne du grand Nord. Une montagne sur laquelle se reposer pour échapper à la dureté de la terre ferme. La sincérité du regard de l’homme au teint mate prêtait à la confiance, et bien des personnes devaient avoir pleinement confiance en lui. Hannon jugerait de cela en temps et en heure.

Lorsque leur bras se détachèrent, Sokaris de la Balance prit de nouveau la parole, commentant le récit du carthaginois en évoquant les liens qu’il avait pu avoir avec, tel ou tel élément de son passé. Le Chevalier d’Or avait perdu un être cher à cause des Vandales, avant que ceux-ci ne soient aussi déterminés et organisés qu’aujourd’hui. Quand à Narcisse du Capricorne, il avait été son ami et son mentor, démentant les souvenirs du vieux Zénon qui se souvenait de son élève appliqué mais solitaire, trop imbu de lui-même à l’heure où l’Armure d’Or avait rejoint ses épaules. La fin de sa vie semblait cependant avoir été celle d’un véritable Chevalier d’Athéna. Et Hannon en fût heureux pour lui : mais il ignorait comment celui-ci était mort, car le Chevalier de la Balance évoquait bien devant lui un « sacrifice », comme Zénon lorsqu’il avait sentit la mort de son élève. Un vieux maître qui aurait aidé le Sanctuaire aujourd’hui, d’après son interlocuteur. Le bel homme à la chevelure bleutée garda le silence et laissa Sokaris finir de parler avant de lui répondre avec plus de courtoisie, la colère de son récit retombée.

« Tu es perspicace Chevalier de la Balance. D’après le vieux maître, il s’agirait en effet de l’Armure d’Or qui m’était destinée. Mais j’ignore si celle-ci a déjà un porteur ? » Il plissa les yeux et chercha la réponse dans le regard du Gold Saint. « Je vois bien dans tes yeux que ce n’est pas le cas actuellement. Qu’est-il donc arrivé à celui qui portait l’armure du temps de mon maître ? Anathema se nommait-il. » Il décroisa les bras et pointa du menton la première maison du Sanctuaire. « Mettons-nous en route pour le sommet. Je souhaite présenter mes hommages à la Déesse, et lui adresser mes prières. Et, en chemin, découvrir celle qui serait ma partenaire dans mon combat contre le Mal. »

Il désignait par là son armure qui devait déjà frémir à l’approche de son nouveau porteur. Si au départ de son entrainement, Hannon avait eu du mal à « croire » à tout ce que lui disait son maître, la foi qu’il se découvrit ensuite pour Athéna balaya vite toutes ces pseudos croyances que l’on avait essayé de lui mettre dans le crâne dans sa jeunesse. Restait malgré tout la question de son être même qui resterait peut-être à jamais en suspens… Mais que voulez-vous ? On ne pouvait pas tout avoir. Quoiqu’il en soit il attendit que le Chevalier de la Balance l’invite d’un geste à avancer vers la Maison du Bélier pour se porter à ses côtés et continuer leur discussion. Car il semblait que bien des choses aient changées depuis l’époque où Zénon parcourait les marches du Sanctuaire sacré…

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Le monde était-il si petit pour qu’ainsi les gens soient si bien connectés les uns aux autres par des liens invisibles ? Mais invisibles ils restaient tant que lui-même ne les comprenaient pas, ou peu. Maintenant il connaissait le lien entre l’ancien Chevalier du Verseau Anathema – du temps de Zénon – et celui de la Balance qui avait eu l’étrange mouvement d’humeur d’esquisser un geste indélicat, sans pour autant concrétiser son idée. Quoiqu’il en soit tout ceci restait mystérieux : Anathema était mort par sa faute ? Mais tout serait révélé en temps et en heures. Pour l’instant Sokaris de la Balance semblait d’accord pour l’accompagner jusqu’à sa maison et même au-delà : et il fallait bien si Hannon ne voulait pas avoir à raconter la même histoire à tous les Chevaliers d’Or qu’il croiserait.

Ainsi commença la montée des marches, et avec elle la présentation des hommes qui résidaient en chacun des Temples sacrés. La première maison – celle du Bélier – était occupée par un homme sage nommé Alpharius. Inconnu au bataillon, et surtout absent de sa demeure : ou bien était-ce simplement le fait de sentir la présence de la Balance accompagnant son invité qui le retenait de se montrer car il n’y avait pas lieu de s’inquiéter ? C’était fort possible. La seconde maison – celle du Taureau – était occupée par l’ainé des Chevaliers d’Or du Sanctuaire, le puissant Bach. Ce nom là n’était pas inconnu à Zénon, et donc à Hannon, mais les souvenirs qu’avait le vieux maître de ce jeune disciple dix ans plus tôt, avant qu’il ne quitte le Sanctuaire, étaient aussi confus qu’inintéressant, mise à part une chose que reconfirma son guide : Bach du Taureau est un homme franc, qui n’hésite pas à dire ce qui doit être dit quand cela est nécessaire.

Il aurait pu relever et dire qu’il en avait entendu parler mais il s’en abstint, se promettant de rencontrer le plus vieux des porteurs d’Armure d’Or du Sanctuaire pour se faire sa propre idée sur sa valeur. Ils arrivèrent finalement à la troisième maison, ou plutôt aux « deux » maisons des Gémeaux qui étaient reliées entre elles et n’étaient en fait qu’une seule et même bâtisse. Un astucieux piège visant à désorienter les hommes qui voudraient traverser sa demeure. Ici, Sokaris fît une petite pause et présenta l’occupant des lieux, un homme prénommé Kallas et dont bien des Saints de tous les grades semblaient se plaindre à cause de sa brutalité. Un Chevalier d’Or brutal ? En quoi pouvait-il protéger la paix ? Mais la réponse lui arriva comme le nez au milieu de la figure.

« La Déesse a ses raisons de laisser à ce chevalier ses méthodes : certains ne comprennent que la violence et il faut donc un homme capable de se repaître de cette brutalité pour les contrer. Les Chevaliers des Gémeaux ont toujours été des hommes compliqués… » Dit-il d’un ton lointain en se remémorant la conversation sur le sujet avec le vieux maître. « J’ai certes oui une question : j’ai vu les traces de travaux récents sur les deux précédentes maisons. Le Sanctuaire aurait-il été attaqué dernièrement ? »

Et oui, Hannon ignorait tout de la situation actuelle du Sanctuaire sacré et sa position sur la scène dont il était lui-même un acteur. Il ne savait rien et ne souhaitait pas rester plus longtemps dans l’ombre. Zénon lui avait parlé d’une rivalité éternelle entre Poséidon et Athéna : était-ce encore une tentative du Dieu de la Mer de prendre le pouvoir sur Terre que les Chevaliers saints avaient-ils dû repousser ? Le regard posé sur les yeux de son guide, il attendit sa réponse, sans se douter des révélations qui allaient l’accompagner…

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Hannon haussa un sourcil surpris lorsque le Chevalier d’Or évoqua les « Bersekers ». Car il ignorait tout de la légende les entourant et de ce qu’ils étaient réellement. Mais il préféra garder sa question pour plus tard, car déjà ils repartaient à l’assaut des escaliers interminables du Sanctuaire. Et dire qu’il allait lui-même devoir se plier à la montée et à la descente de ces marches quasiment tous les jours. Certes après le désert et les falaises d’Afrique cela ne lui faisait pas peur mais il ne souhaitait pas non-plus voir perdurer éternellement ce supplice. Toujours est-il que de savoir le Sanctuaire ayant été attaqué récemment le faisait s’interroger sur la date exacte de cette attaque, et si cela ne correspondait pas au jour où Zénon avait décidé de son départ presque immédiat pour Athènes et que lui-même était parti. Connaissant la facilité du vieux maître à capter le cosmos, une attaque ici avait dû être très largement ressentie par l’ancien Chevalier du Capricorne. Ceci expliquait cela mais ce n’était qu’une pièce du vaste puzzle dont il manquait encore à Hannon bien des morceaux pour avoir une vision claire de la situation.

Au moins, comme le souligne Sokaris, leurs ennemis n’avaient pas passé le Temple dont il était le gardien. Mais que faisaient alors les hommes dont il avait entendu les noms jusqu’ici ? N’étaient-ils pas là pour défendre le Sanctuaire ? Ils dépassèrent la maison du Cancer habité par un certain Japheth. Un homme étrange capable comme tous les Chevaliers d’Or ayant porté la même Armure d’Or de voyager jusqu’aux enfers, au puits des âmes. Hannon nota le ton peu amical qu’employa son guide concernant ce Chevalier, puis lui emboîta le pas jusqu’à la maison du Lion qui était à l’heure actuelle sans résident. Une armure capricieuse dirait-on, puisque deux postulants s’étaient succédé à la porter sans finalement se montrer dignes d’elle. Puis ils arrivèrent à la maison de la Vierge, gardée par Corvus, un homme en qui le Grand Pope semblait placer beaucoup d’espoirs. Hum, peut-être plaçait-il beaucoup d’espoirs, mais cela n’empêchait pas tout ce beau monde d’être en proie à un certain chaos !

« J’espère que l’Armure d’Or du Lion trouvera vite un porteur véritablement digne d’elle : sa puissance et sa droiture sont indispensables à l’ordre des Chevaliers d’Or. Mais dit moi, quelque chose m’inquiète… Qu’est-ce qu’un Berseker ? Mon maître m’a souvent vanté les prouesses des Marinas de Poséidon ou des Ases d’Odin alliés de la Déesse mais jamais il ne m’a semble-t-il évoqué le nom de Berseker. » Questionna-t-il alors qu’ils faisaient une nouvelle pause.

Celle qui devait le juger était plus en haut encore, dans l’avant-dernière maison du Sanctuaire. Mais Hannon sentait déjà quelque chose l’y appeler plus précisément encore que lorsqu’il avait posé le premier pas dans l’enceinte de ce lieu saint. Restait à savoir si, à l’image des successeurs du Lion, lui-même allait être digne de l’Armure d’Or du Verseau.

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En même temps, qu’est-ce que Zénon pouvait savoir des Bersekers ? De son temps les soldats d’Arès n’étaient plus ! Il était normal qu’il n’en ait pas parlé, sans doute ne pensait-il pas les revoir un jour apparaître… Mais finalement le destin avait suivi un chemin plein d’embuches et les ennemis étaient légions : Poséidon, Arès et même Hadès ! Pas de simples noms : des divinités, prêtes à tout pour conquérir la Terre et faire régner leurs idéaux en maître. Mais en plus de cela, tous ces ennemis semblaient avoir pactisé pour renverser Athéna ?! Il était même incroyable que ce lieu soit encore sauf ! La puissance des combattants du saint Sanctuaire devait être immense pour combattre ainsi sur trois fronts en même temps. Hannon ne pouvait que s’incliner devant ce fait accompli, à charge pour sa part que de faire honneur à sa présence en ce lieu sacré en devenant lui-même l’un de ses protecteurs.

Ils dépassèrent le Temple de Sokaris, celui de la Balance. Tout d’un coup plus lointain, son guide lui proposa de se faire sa propre opinion sur lui. Malgré cette remarque étrangement différente du ton que la conversation avait eu jusqu’ici, Hannon restait sur l’avis que le grand guerrier à l’Armure d’Or était un homme apparemment fiable qui ne crachait pas sur ses alliés mais n’exagérait en rien leurs réputations malgré tout. Un homme droit, comme ceux qu’il semblait admirer parmi les noms des Chevaliers cités jusque là. Ils traversèrent la maison du Scorpion gardée par Antares, encore un homme droit et sage d’après les rumeurs. Il y avait beaucoup de chevaliers au Sanctuaire c’est vrai mais, était-ce normal que les hommes de leur fratrie ne se connaissent que si peu ? Ils étaient les défenseurs d’Athéna et de la paix sur Terre, ils devaient être unis ! Etait-ce encore une nouvelle désillusion ? Mais attention, le mieux restait à venir ! Voilà qu’ils arrivaient à la maison du Sagittaire qui était, messieurs dames, la maison du Chevalier d’Or désigné pour être le Grand Pope des lieux, et qui, excusez du peu, avait prit soin de garder son Armure d’Or ! On était bien loin du respect des traditions qui avaient permis à l’ordre de survivre jusqu’à ce jour…

Du coup le Grand Pope vivait avec son Armure dans le Temple d’Athéna tandis que son temple était gardé par Calyps de l’Aigle. Une armure de bronze ou d’argent sans doute. Ferait-elle le poids en cas d’attaque ? Pas sûr. Mais si la maison était toujours debout, c’était sans doute qu’elle faisait bien son travail. Ils grimpèrent jusqu’à la maison du Capricorne, vide du coup, car elle était la demeure de Narcisse, le premier élève de Zénon et son plus digne héritier car il était destiné à la flamboyante Armure d’Or… Alors qu’Hannon lui, était le protégé d’une autre constellation. Puis ils arrivèrent devant le Temple arrondi qui était celui du Verseau… C’est là que son guide décida de le laisser. Grimper jusqu’au Temple d’Athéna pour prier la Déesse ne semblait pas l’intéresser, mais sans doute avait-il mieux à faire ? C’était sans doute le cas, vu l’agitation qui semblait régner de-ci de-là au pied du mont sacré. Il lui donna le nom du Chevalier d’Or habitant la dernière maison - Adrix - puis partit. Inutile pour l’heure de s’aventurer plus loin pour sa part…

Le regard du marchand se tourna vers les hauteurs du Sanctuaire, là où se trouvait le Temple d’Athéna. Il resta ainsi de longues minutes, priant en son âme et conscience et renouvelant les vœux qu’il formula lorsqu’il décida de réellement suivre l’entrainement de Zénon, après que celui-ci l’ait sauvé dans les montagnes. Il était tant de savoir si sa foi était réelle, non ?

« Ô Athéna… » Commença-t-il en posant un premier pas sur le marbre blanc du Temple du Verseau. « … Sois certaine que ma foi est aujourd’hui plus réelle et forte qu’elle ne l’a jamais été jusque là. Ici dans ton Sanctuaire, je ne puis qu’accorder toute ma confiance à ton jugement, toi qui te bats pour un monde libre. Un monde où le mal doit être combattu et vaincu. Et où plus personne ne subira la folie des ténèbres, peu importe sa forme. Alors laisses-moi revêtir l’Armure d’Or, et qu’ainsi je puisse à mon tour abattre sur le mal le marteau glacé de la justice ! »

Le bruit de ses pas résonna jusqu’à ce qu’il atteigne le centre de la maison circulaire. Un angle offrait une vue vers un couloir menant aux appartements. L’autre donnait sur la salle où reposait la Cloth Box. C’est par là qu’il se dirigea lentement, sentant à chacun de ses pas l’air se refroidir, et vibrer d’une puissance qu’il n’avait jamais ressenti jusqu’ici. Son corps s’acclimata pourtant bien à ce refroidissement soudain et c’est le regard clair, crachant peu de vapeur à chaque respiration, qu’il fit face à une jeune femme en robe blanche. Sa beauté n’avait d’égale que la tristesse de son regard pourtant si charmant. Elle ne le regardait pas, mais toute son attention pesait sur lui, petit Hannon. Sa voix résonna dans son esprit, sans que ses lèvres bleutées ne bougent.

« Toi qui vis chaque instant comme le dernier, connais-tu mon nom ? »
« Oui, je le connais : tu es Ganymède. » Répondit-il d’une voix plus faible qu’il ne l’aurait cru. Son cœur battait de plus en plus lentement. Son corps, devenait lourd à mesure que les secondes passaient. Mais il s’agissait d’une épreuve envoyée par l’Armure d’Or. Il devait croire en sa force pour qu’elle le reconnaisse ! Sinon il allait mourir de froid…

« Que cherches-tu en moi ? »
« La paix. » Dit-il en grimaçant de douleur.
« Mais pas uniquement. Ton cœur est rongé par une colère qui était autrefois une haine. Tu cherches la vengeance. »
« Oui, c’est aussi un de mes objectifs… » L’avouer était difficile mais son état s’aggravait de secondes en secondes : il ne pouvait pas se permettre de mentir à l’Armure d’Or de toute façon. « Mais je sais maîtriser cette colère aujourd’hui : elle est froide et puissante et sert ma force sans me desservir en retour. »
« Crois-tu ? Bien, nous allons voir cela. Si tu arrives à boire l’eau de mon urne alors je saurais si tu es digne d’être le onzième protecteur d’Athéna. » La jeune femme tourna enfin son visage vers lui, révélant une maturité grave, presque sombre. L’Armure d’Or était plus marquée qu’elle ne le laissait paraître au premier abord par ses précédents porteurs qui chacun avaient laissé une part d’eux-mêmes en elle.

D’un mouvement, l’image de la jeune femme disparue, révélant enfin l’Armure du Verseau auréolée d’une puissance cosmique visible à l’œil nu. Et d’elle se détacha l’urne sacrée dans laquelle Ganymède puisait de l’eau pour Zeus lui-même. L’urne tomba dans un cercle blanc qu’Hannon n’avait pas remarqué jusque-là : l’Armure d’Or était au milieu d’un bassin d’eau gelée ! Et l’urne d’or, lourde, traversa la glace formée en surface pour glisser dans l’eau. Boire de cette eau risquait d’être la plus grande épreuve qu’il ait eu à subir depuis ce fameux entrainement « musclé » avec Zénon dans les montagnes. Mais ce n’était rien, en comparaison de ce qu’il avait déjà subit par le passé. Et c’est pour cette raison que le jeune homme reprit contenance. Serrant les dents, il s’avança et plongea lentement ses mains dans l’eau froide pour venir saisir l’urne maintenant pleine. Alors, avec toute sa force et sa cosmo-énergie, il la souleva et l’apporta à ses lèves. Il pensait alors mourir d’une attaque thermique, à cause de la trop grosse différence de température entre son corps et l’eau qui allait s’y déverser. Jusqu’à ce que les premières gouttes ne glissent sur sa langue : l’eau était fraîche, mais pas gelée.

Un petit rire cristallin accompagna la découverte d’Hannon. L’Armure d’Or lui avait joué un petit tour pour mesurer son courage et sa persévérance. Mais était-elle satisfaite ?

« Je le suis, Hannon de Carthage. Ensemble, continuons de défendre la paix. »

Il ne put rien répondre, car l’Armure d’Or émit alors un flash lumineux aveuglant avant de se disloquer et de venir se greffer à son corps. En quelques secondes, Hannon fût entièrement recouvert des saintes protections, lourdes, et sacrées. Il trembla sur ses jambes, mais ce n’était pas le froid qui le fît chanceler sur lui-même : c’était la fatigue. Il venait de dépenser beaucoup d’énergie pour être reconnu digne de l’Armure du Verseau. Son jugement avait été rendu : il était digne. Malgré la sensation de flottement, sombrant peu à peu dans l’inconscience, Hannon eut un sourire franc sur le visage, car cela faisait bien des années que plus personne n’avait sut lire en lui ainsi…

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