Pas facile de décrire l’indescriptible…
Aussitôt entrée dans l’eau qui bordait Constantinople, la cosmo-énergie de Rhaegar se développa et embrassa celle d’Etain pour la mettre à l’abri des tracas des déplacements sous-marins. Il n’avait jamais su si sa capacité était partagée par d’autres mais dans les faits il se sentait aussi à l’aise sous l’eau que sur terre. Les courants marins portèrent les deux êtres pendant quelques centaines de mètres, l’air n’étant pas un problème dans ce qui semblait être une protection, une bénédiction diront certains.
Puis, tout alla très vite, alors qu’autour d’eux l’obscurité se faisait de plus en plus imposante, Rhaegar ferma les yeux et en fit appel aux arcanes qui lui avait été transmises cette dernière année. Sa cosmo-énergie s’intensifia, ondulant au rythme de l’eau si bien que lorsque le seuil du 7ème sens fut atteint une lumière enveloppa Etain et le Kraken et les entraîna dans une dimension toutes leurs sensations cessèrent d’avoir la moindre cohérence… Le plaisir de ne plus sentir son propre corps et de n’être qu’une entité d’énergie dont la seule entrave était l’imagination.

Il avait promis à Etain de lui apprendre à nager, il lui permettait de voler…

- Les vertiges ne vont durer que quelques secondes.

Il observa la jeune femme qui venait, du moins le pensait-il, d’expérimenter son premier voyage en Septième Sens. Il se rappela lui-même de la sensation qu’il avait éprouvé à l’époque et ce sentiment d’arrachement que l’on ressent lorsque l’on parvient finalement à reprendre pied. Il posa sa main sur son épaule et l’invita de son bras libre à contempler ce qui lui faisait face.
Ils n’étaient plus dans l’eau, l’air était vivifiant comme en bord de côte océanique et devant eux trônait une arche majestueuse à la couleur or mêlé d’ocre. L’orichalque avait bruni par endroit ne laissant qu’apparaître davantage les gravures qui le décoraient. Elles narraient des évènements du passé mais aussi du futur à en voir le triomphe de Poséidon qui parachevait l’arche en son point le plus haut.
Derrière elle se dessinait un majestueux champ de coraux pastels mais le spectacle impressionnait surtout par l’immensité du paysage aquatique qui s’étendait à perte de vue…
Ils étaient sous les eaux, on pouvait apercevoir des bancs de poissons nagés prêt de la limite surnaturelle imposé par le temple et toutes sorte de créatures marines s’égayaient sans aucune autre logique que la beauté du ballet marin. Des créatures des océans froids se mêlaient à celle des mers chaudes et tout parvenait à conserver son harmonie.
Rhaegar se tourna vers Etain et scruta les nuances de son visage de nâcre. Son regard refletait les merveilles océaniques et Rhaegar en vint à se demander comment cette fille avait pu être au service d’Apollon… La mer lui convenait tellement mieux.
C’était la première fois qu’il venait au Sanctuaire Sous-Marin mais on le lui en avait souvent vanté les mérites et la beauté et c’est presque en terrain connu que le Kraken arrivait. Elle avait connu la magnificence du Dieu Solaire, maintenant elle connaîtrait la suprême beauté du monde de Poséidon. Un monde égalitaire ou chaque chose à son rôle et ce sans tomber dans des critères afférents aux jugements des hommes. La nature avait ici toute sa place…

- Je suppose que c’est chez nous maintenant…

Un bruit attira son attention sur le côté et une jeune femme au visage masquée se présenta à eux. Sans se montrer plus accueillante que de nature elle leur intima l’ordre de décliner leur identité sous peine de quoi ils subiraient la colère de Poséidon. Un sourire se dessina sur le visage du Kraken, un sourire carnassier bien loin du tempérament aimable qu’il avait pu avoir à l’égard d’Etain.

- Va prévenir ton chef que le Général de l’Arctique souhaite le voir. J’ai des ordres à lui transmettre et je ne saurais perdre mon temps avec des subalternes.
- Mensonges, le Kraken est alité en ce moment même.

Le visage de Rhaegar se figea, il se doutait que sa venue ne serait pas annoncé après tout n’était-il pas censé être le messager des changements à venir ?
Sa cosmo-énergie effectua un bref pic qui mit la Marina sur ses gardes en position offensive tandis que lui-même ne bougeait pas. Il plongea sa main et brisa la roche à ses pieds. Sans que l’on sache comment il attrapa la garde d’une arme qu’il tira du sol. Composé de roches et nervés d’orichalque, une gigantesque épée était maintenant dans sa main. La portant à bout de bras il l’a fit tourner avant d’en écraser la pointe sur le sol.
La Marina écarquilla les yeux et s’apprêta à dire quelque chose lorsqu’une lumière apparut derrière eux. Surgissant depuis les fonds marins une masse d’orichalque alla s’écraser contre Rhaegar à une vitesse infernale. L’orichalque de l’arche lui-même s’illumina en résonance et lorsque la lumière cessa d’éblouir la garde ne put que constater que l’écaille du Kraken avait trouvé un nouveau porteur.
Sans dire un mot, la Marina mit le genou à terre…

- Ton chef, maintenant…

L'endroit où ils se trouvaient était magnifique. Elle était bien obligée d'admettre que jamais elle n'aurait imaginé que les eaux sombres de l'océan puissent voiler pareille splendeur. Son regard courait, de scintillement en scintillement, d'un poisson à l'autre, s'égarant dans l'étrange beauté de la lisière irréelle entre l'onde et l'éther. Le trajet l'avait électrisée, le spectacle à l'arrivée la subjuguait. Elle était muette d'admiration. Ce sanctuaire exhalait une formidable poésie. Il semblait hors du temps, comme si son écrin aquatique l'avait préservé de la course des siècles. Dès les premières secondes, elle fut donc éprise de ce lieu et comprit qu'elle avait fait le bon choix en suivant Rhaegar.

Les iris vert de mer d'Etain n'étaient plus que deux vastes miroirs dans lesquels se reflétait l'envoûtant paysage. Lui-même n'était-il pas le simple reflet des flux et reflux de son âme ? Tout lui paraissait y être en harmonie avec elle, en résonance avec ses paradoxes et ses certitudes. Elle porta son attention sur les bas-reliefs qui ornaient l'orichalque dont était faite l'arche. Elle en déchiffra les tableaux élégants et complexes avec une innocente curiosité, fascinée par l'éclat de feu qu'avait le métal dans lequel ils avaient été inscrits.

« Chez nous... », répéta-t-elle avec complaisance.

Ses lèvres s'étaient ourlées d'un sourire béat. Elle ne parvenait pas à se concentrer sur quoi que ce soit d'autre que sur la beauté environnante et rien ne semblait pouvoir l'extirper de la léthargie contemplative dans laquelle cette fascination l'avait plongée. Ce fut à peine si elle remarqua l'arrivée de la Marina. Elle ne porta le regard sur elle que lorsque la conversation s'engagea mais elle garda le silence, laissant son compagnon se charger de cette affaire.

Elle observa Rhaegar faire sa démonstration d'un œil engourdi. C'était impressionnant. Elle ne put réprimer un frisson qui courut le long de son échine. Le Kraken n'était pas seulement l'homme attentionné qui l'avait secourue, c'était aussi un être puissant et dangereux. Elle l'avait deviné avant, mais le constater ainsi avait quelque chose de troublant.

Celle qui leur faisait face tomba à genoux. L'ancienne Oracle sourit de plus belle. Elle se sentait terriblement bien. Elle allait trouver ce qu'elle cherchait, ce que ses errances lui avaient refusé. Le destin frappait enfin. En effet, au-delà du plaisir qu'elle avait à se trouver dans un si bel endroit, elle éprouvait une indéfinissable et singulière intuition. Ce qu'elle désirait, ce à quoi elle aspirait se trouvait à proximité. L'appel était intense, pressant comme le chant d'une sirène auquel nul ne saurait résister.

Elle était émue. Tant de bouleversements en si peu de temps. La traversée du désert s'achevait, la vie reprenait ses droits. Son minois rayonnait, trahissant le bouillonnement de son esprit. L'espoir resurgissait avec un tel panache... Son cœur battait la chamade. Elle avait hâte, sans savoir de quoi. Elle n'appréhendait plus rien. Tout avait changé. N'était-ce pas qu'un rêve ? Non. Cela ne pouvait être que la réalité, si surnaturelle, si brutale, si délicieuse fût-elle. Les yeux grands ouverts et livrée à un docile mutisme, elle attendait impatiemment la suite des évènements.

Ce qui se déroulait en l'instant n'était pas normal. Kyara, aux abords de son pilier, ne fit que pousser un soupir. La puissance qui s'était présentée aux portes ainsi que les fracas qui pouvaient s'en percevoir n'annonçaient rien de bon. Et même si elle n'avait aucune envie d'aller voir de quoi il s'agissait, elle était une des rares Généraux à être resté au sanctuaire sous-marin. C'était donc de son devoir de s'y rendre. Secouant la tête, elle hésitait toujours. Le terme "devoir" signifiait-il encore grand chose pour elle ? Mais si elle n'y allait pas, ce serait peut-être son frère qui s'y collerait, lui aussi toujours présent à son pilier. De quoi la décider...

Un couple de battements de cils plus tard, elle se tenait debout et droite sur une colonne non loin de l'arche d'orichalque. Juste le temps de scruter les intrus et de constater de quoi il s'agissait. Un homme et une femme, dont le premier arborait la Scale du Kraken. Cela lui fit hausser un sourcil interrogateur, bien plus que l'arme démesurée qu'il portait et qui n'impressionnait en rien la jeune générale. Un nouveau gardien de l'Arctique se présentait donc pour servir Poséidon. Qu'était-il arrivé au dernier ? La dernière fois qu'elle l'avait vu, ce fut au Sanctuaire d'Athéna. Depuis il avait été plongé dans un profond coma. Il n'y avait donc que deux possibilités : soit le blondinet était mort, soit Poséidon avait fini par se lasser d'attendre qu'il finisse par se réveiller enfin.

Un nouveau déplacement rapide et elle se retrouva devant eux, un cercle de poussière se levant autour de là où son pied s'était posé délicatement pour partir en une onde similaire à ce que produirait un caillou lâché dans un étang. À la vitesse où elle avait exécuté ce mouvement, cela ressemblerait sans doute à l'oeil non assez expert de la simple marina plus à une téléportation qu'autre chose. Cette dernière parut soulagée d'ailleurs. Cela n'était pas visible sur son visage qui se trouvait masqué, mais ses muscles se détendirent presque imperceptiblement. Suffisamment pour que la détentrice de Scylla le remarque cependant. Se redressant pour scruter fixer l'homme de ses prunelles rosées, elle n'attacha presque aucune importance pour l'instant à celle qui l'accompagnait.

Excusez-moi de me mêler de votre petite discussion mais je m'interroge... Si l'Empereur des Océans s'est choisi un nouveau Kraken, pourquoi celui-ci a-t-il besoin d'autant de tapages pour rejoindre ses rangs ? Si vous aimez vous faire remarquer, faire sonner le clairon aurait largement suffit...

Ou peut-être n'était-ce là que pour impressionner la demoiselle qui l'accompagnait ? Ah, si ça fonctionnait sur elle, pourquoi pas... Sans rien dire de cela, elle poursuivit néanmoins sa réflexion verbalement à l'adresse de la jeune femme, sa main se posant auprès de ses lèvres et sa voix se faisait plus douce et plus basse, comme pour lui parler en aparté.

J'espère que vous ne vous faites pas d'illusion... vous savez ce qu'on dit des hommes qui ont de grosses épées...

Son index et son pouce s'écartèrent de trois ou quatre centimètres dans une allusion qu'aucune personne présente ne pourrait ignorer... Puis, faisait mine de se reprendre en se toussotant faiblement dans le poing, elle reprit d'une voix plus haute.

Mes excuses, je m'occupe là de choses qui ne me regardent pas... Je ferais peut-être mieux de vous laisser à présent que je me suis assurée qu'il ne s'agissait pas d'une invasion barbare *"quoique" pensa-t-elle* mais juste de la relève de l'Arctique. Poséidon devrait être ravi de savoir qu'il peut enfin compter sur quelqu'un à la garde de ce pilier...

Disant cela, elle s'était retournée et commençait à s'éloigner pas après pas. Elle aurait pu partir aussi vite qu'elle était venue, mais quelque chose lui disait qu'elle serait certainement retenue, et elle ne voulait pas se priver d'entendre la teneur de la répartie qui pourrait lui faire face.

Rhaegar demeura quelques instants silencieux. Son regard bleu étincelait d’une lueur de rage à l’égard de la nouvelle arrivée et pourtant il se garda bien de lui coller son poing dans la gueule même si l’envie ne lui manquait pas. Conscient des chamboulements qui risquaient d’arriver il se pencha vers Etain et essaya de justifier son futur comportement en aparté.

- Etain… A partir de maintenant je voudrais que tu gardes en tête ce que nous nous sommes dit à Constantinople. Et d’avance je m’excuse si j’en venais à te choquer…

Il se retourna à l’encontre de la jeune femme aux cheveux bleus et soupira en s’avançant dans sa direction. Basculant Enslaved dans son dos il se tourna vers Etain et d’un sourire accompagné d’un signe de tête il l’invita à le suivre en lui ajoutant :

- Je viens m’assurer de la transition avec le nouveau Légat connasse… Alors tu seras gentille de m’épargner tes vannes à deux balles.

Le Rus leva un sourcil, il avait prévu de se faire chier à bien chiader tout l’ensemble. Il avait prévu de prendre des pincettes, d’informer en huit clos les différents généraux de la situation. Mais à partir du moment où la femme était intervenu, sa patience inexistante avait cédé.
Il tendit la main en direction d’Etain afin de l’inviter à le suivre. La jeune femme ignorait de quoi les deux marinas pouvaient bien parler mais ce n’était pas le cas de la garde qui se contenta de balancer son regard du Kraken à sa belligérante ne sachant que faire dans une telle situation. Rhaegar esquissa un sourire, dans moins de deux heures tout le Sanctuaire Sous-Marin serait mis au courant.

- Orpheus, n’est plus le Légat de Poséidon par ordre direct de notre Seigneur et Maître. Tu préfères peut-être que je déballe les raisons de son renvoi devant la piétaille Kyara ?

Une année complète… Il les avait observé, il avait apprivoisé chacun d’eux et les connaissait tous. Sa formation n’avait pas été que martial, il avait appris à connaître les différents généraux. Sans doute pas aussi bien que le futur Légat qui s’était attaché à lire chacun des nombreux rapports qui lui étaient communiqués mais suffisamment pour connaître les faits de gloire et de honte de chacun d’entre eux. Son visage se fit plus froid, sa voix était monocorde…

- Etain je te présente la Générale de Scylla. Sauvé des flots son frère et elle par Poséidon elle a gravit les échelons et est devenue Général. C’est même elle qui a rapporté la réincarnation de Poséidon au Sanctuaire et pour ça on la remercie. Bref, un formidable soldat très douée pour accomplir les ordres mais qui n’a jamais su faire la moindre preuve d’une parcelle d’autonomie. Sinon, pourquoi son Dieu qui lui doit tant aurait choisi un autre pour devenir Légat à sa place ?

Il se mit à mimer un clappement de main en haussant les sourcils et plissant les lèvres. Il arrêta sa marche vers le Sanctuaire à côté d’elle et utilisant le même ton qu’elle avait eu l’audace de le faire ajouta.

- Y un banc de thon qui flottille plus loin. Tes congénères seront sans doutes plus réceptives à ta diarrhée verbale que moi alors tu seras gentille de décarrer ton gros cul d’ici je n’arrive pas à passer.

La magie du moment ne tarda pas à être rompue par un évènement impromptu qui tira définitivement l'ancienne Oracle hors des agréables rêveries dans lesquelles elle s'était plongée. En effet, l'arrivée brutale d'une créature mit fin à cet instant de délice et y instilla du chaos.

Elle contempla l'arrivante d'un regard un peu confus. Elle était apparue, presque comme par magie. Etain la dévisagea avec perplexité. Sa chevelure avait la couleur de l'azur, elle se fondait dans le bleu environnant. Derrière le masque qui dissimulait son visage, ses yeux brillaient d'une teinte surnaturelle, d'un rose intense et lumineux qui retint son attention. Mais dès que sa voix retentit, la jeune femme comprit que rien n'allait être simple.

Elle mit quelques secondes à comprendre l'allusion de la nouvelle venue. Cela fait, ses joues virèrent au rouge pivoine. Comment pouvait-on faire preuve d'aussi peu de pudeur en public ? Elle se garda bien de rétorquer quoi que ce soit même si l'envie ne lui en manquait pas. Inutile d'envenimer la situation. L'indifférence était bien la meilleure des réponses à ce genre de gausserie et elle ne voulait pas se rendre responsable de l'éclatement d'un conflit. D'autant que sa situation d'ancienne Oracle ne lui offrait guère le luxe de se défendre ici. Autrefois, elle se serait certainement offusquée de ce genre de remarque tant elle prenait ce genre de choses à cœur. Elle avait vécu depuis, elle avait gagné en sagesse et en prudence. Sa gêne s'estompa rapidement, laissant place à un léger malaise et à un sourire crispé.

Malheureusement, tout le monde ne semblait pas d'humeur aussi raisonnable qu'elle... Quand le Kraken lui avait dit que la vie ne serait pas de tout repos à ses côtés, Etain n'avait pas songé à l'ampleur que cela pouvait avoir. Elle en mesurait désormais la grandeur. Les persiflages de la nouvelle venue avaient très vite eu raison du calme de Rhaegar. Et bien qu'il eût la délicatesse de la prévenir de ce qui allait suivre, la jeune femme en fut décontenancée. Certes, leur interlocutrice s'était confondue en railleries de toutes sortes mais cela méritait-il pareille réponse ?

Elle ne saisissait pas forcément les enjeux de leur conversation et ne comprenait pas pourquoi ils s'affrontaient ainsi verbalement. Vieille rancœur ou simple incompatibilité de caractère ? Elle ne parvenait pas à le déterminer. Tout cela l'intriguait autant que ça l'angoissait. Peut-être qu'un jour elle saurait... Etain resta silencieuse, estimant qu'intervenir pour manifester son désaccord ou pour calmer les choses n'était pas son rôle. S'abstenir était la meilleure chose à faire. Son compagnon savait ce qu'il faisait. Peut-être. Elle se contenta donc de le suivre mais ne manqua pas d'adresser un sourire sincère à Scylla :

« Enchantée d'avoir fait ta connaissance. »

Après tout, rien ne la dispensait d'être aimable et peut-être que cela nuancerait les provocations du Kraken...

Aux réponses du désormais nouveau Kraken, Kyara ne répondit qu'en un franc sourire. S'il avait pensé la choquer de quelque manière que ce soit, il se trompait cruellement. Par contre, à sa réaction, elle sut qu'elle avait visé juste. La taille de l'épée compensait bien un manque évident à un autre endroit... Une partie de l'anatomie qui provoquait de fâcheuses réactions chez qui en était complexé. Quant à elle... Et bien, elle savait que ses fesses étaient magnifiques ! Comment prendre mal une répartie de la sorte ?

Mais elle avait appris pas mal de choses intéressantes. Tout d'abord, Orpheus allait apparemment passer la main. Tant mieux... Elle s'entendrait peut-être mieux avec son successeur. Enfin, si celui-ci n'était pas l'homme qu'elle venait de croiser. Il fallait l'espérer, sans quoi ce ne pourrait être que pire. Elle n'avait pas franchement pris la meilleure entame avec un supérieur si c'était bien le cas.

Par contre, malgré son manque évident de calme et de diplomatie, l'on pouvait aussi reconnaître qu'il en savait long sur la vie du Sanctuaire sous-marin. Son nom, son lien familial qui était également présent dans les profondeurs des Océans, ses principaux faits d'armes. Par contre, il ne devait pas savoir ce qu'elle gardait pour elle-même. C'est ainsi qu'elle sut qu'il avait juste été parfaitement informé, et non simplement qu'il lisait en son esprit. Car si cela avait été le cas, il aurait alors compris... Compris qu'au plus profond d'elle-même, elle ne souhaitait tout simplement plus être un soldat de Poséidon, et que si elle était toujours là, ce n'était que parce qu'elle n'avait pas le choix, sachant que la désertion entraînait la mort. Sans parler des possibles représailles sur son frère...

Elle était trop récente pour être nommée à la tête des armées, et trop éloignée des considérations importantes pour ce rôle. Cela aurait été une épouvantable erreur de la part de Poséidon que de l'y nommer. Elle-même n'avait même jamais éventualisé cette possibilité. Autant dire que cette remarque acerbe lui passa bien loin au dessus de la tête !

À la sympathie de la jeune femme qui l'accompagnait par contre, elle répondit par un signe de tête. Et alors que tous deux s'éloignaient, elle ne fit que souffler entre ses dents.

Et bien... combien de temps restera-t-il, celui-ci ?

Et de s'en retourner à présent comme elle était venue vers son pilier, laissant seule la garde masquée qui n'avait sans doute pas dû comprendre ce qu'il venait de se dérouler devant ses yeux.