Blood porta son regard sur les colonnes brisées de la place. Peu avant son arrivée, il semblait y avoir eu du grabuge en ces lieux : elle n’était pas encore très au courant, et laisserait le temps lui expliquer les choses. Elle était là, désormais. Même si elle n’avait pas rencontré le Grand pope, elle était sensiblement plus proche de son statut, au cœur du temple d’Athena ou on lui avait donné accueil et refuge. Son futur statut de Saint d’argent de l’aigle…

C’était son premier jour dans l’enceinte du Temple. Il était encore tôt, et la demoiselle était fort matinale. Mais elle avait terriblement besoin de se familiariser avec les lieux, elle était ainsi. Et puis, à l’occasion, elle avait laissé la Cloth de l’Aquilas épouser ses formes. L’étrange armure n’entourait en fait qu’un de ses bras, protégeait son épaule, enserrait sa poitrine et son pubis ainsi que ses genoux. Pour la demoiselle, il n’était pas question de se contenter de ce maigre apparat. Aussi préservait-elle sur elle l’un de ses drapés blancs qu’elle avait toujours porté.
Le tissu léger contrastait avec le métal et mollement passait en dessous, puis au-dessus de celui-ci. La demoiselle avait pris peine de laisser des pans de tissu couvrir et cacher un peu cette part d’armure qui enserrait son bassin, son pubis, son intimité. Si elle pouvait désormais porter le noble habit sans mal, modulant son cosmos pour puiser dans le monde l’entourant la force de soulever à chaque pas les coques de lourd métal, elle ne s’y habituait pas pour autant. Pourtant, elle portait de loin la plus légère des Armures Saintes d'Athena. Malgré tout, le vêtement de l’aigle n’avait rien en commun avec les étoffes légères qui d’usure seules couvraient sa peau, et le contact du matériau froid et rigide… Ne la mettais pas tout a fait à son aise. Elle tachait au mieux de s’y habituer cependant, pour l’avenir. Il fallait qu’elle soit à l’aise avec…

La jeune femme caressa tendrement de ses doigts blancs la pierre d’un pilier ébréché. Dessus, elle cru sentir vaguement une force, des gouttes de cette énergie qui coulait en elle. Mais elles ne dégageaient pas la même chose que ce qu’elle ressentait en son corps, c’était un peu différent. C’était un autre cosmos, tout simplement… Chaque chevalier percevait il l’univers différemment ? D’où cette dissemblance entre chaque énergie… Blood n’en savais, mais la question lui semblait intéressante.
Une guerre… C’était ce don semblait témoigner la pierre. Elle sentait le minéral lui parler, lui dire de prendre garde, lui prédire l’avenir. Elle aurait voulu prêter l’oreille aux lèvres du monde, lorsque quelque chose perturba sa concentration et sa quiétude.

- ... ?

Une présence, quelqu’un s’approchait… Elle jeta son regard dans la direction d’où venaient présence et énergie.

Venait d’apparaitre sur le plateau un jeune homme au corps musclé, portant une armure d’émeraude et dont les gouttes de sueurs trahissaient l’effort prolongé malgré l’aurore. Il avait les yeux fins et étirés, et son visage était très différent de ceux auxquels la romaine était habituée. Se remémorant vaguement des récits venant du lointain orient, elle reconnut certains détails physiologiques semblant correspondre au profil des habitants de ses lointaines contrées. Ainsi, ce chevalier venait d’Asie … ? La demoiselle fut quelque peu surprise par cette apparition, et un peu déçue d’être interrompue dans la quiétude. Mais comme à chaque fois qu’elle découvrait quelque chose de sensiblement nouveau, la curiosité gagnait, terrible et dangereuse, sur son esprit. Celle-ci fut bien vite déçue… Ou au moins quelque peu révulsée.
Peu après son entrée en la proximité de la sainte de l’Aigle, l’inconnu se prononçât sur un ton froid. Il n’ya vait pas seulement son ton, mais aussi le fait qu’il la considéra d’emblée classée sous une étiquette, celle du nom de son armure. Il était vrai que Blood souffrait d’un certain flou concernant qui elle était, mais se sentir ainsi « réduite » ne lui était pas agréable. D’où se permettait-il, ce chevalier ? Si celui-ci déjà était peu avenant, son comportement qui suivit ne manquât pas d’éveiller encore plus de dépréciation de la jeune femme. Elle avait à faire à un homme. Un homme, visiblement, tel qu’elle les abhorrait : de ceux qui regardaient ses formes et se sentaient, la regardant, pleinement « hommes » et de ce fait supérieur. De ceux qui ne la respectaient pas et pensaient comme la masse. Du moins était-ce l’impression qu’elle avait. Et il ne se dérangeât pas pour la contourner tranquillement, scrutant, prenant des airs supérieurs... Les sourcils de Blood se froncèrent légèrement, malgré son visage habituellement si lisse et peu expressif. Il ne s’arrêtât pas là.

…. Elle ne sut quoi répondre. Son visage du afficher ouvertement sa surprise, et elle demeurât incrédule. L’entrainement… voilà une notion qui lui était bien étrangère ! Elle n’y avait pas songé un instant. Pour elle, découvrir les lieux et se fondre avec eux, les comprendre, avait été la nécessité la première, l’évidence. Son regard se porta sur le pilier ébréché ou elle avait posé la main… Tout comme elle avait fait corps avec Rome elle s’était tournée vers le sanctuaire et Athènes pour les faire siens, et se donner par la même à eux. Le cosmos s’était ouvert à elle en raison de cette interface avec le monde qu’elle entretenait depuis qu’elle avait découvert l’extérieur. Mais si elle s’était ensuite exercée à le maitriser de son mieux, l’entrainement physique par contre….
Non, Calyps ne s’était tout simplement jamais adonné à de réels entrainements physiques. Au cour de son voyage, elle c’était entrainée certes, pouvait-on dire, à être prête a parer certaines éventualités qu’elle redoutait, à affronter le combat… Mais en assimilant sa force de manière plus spirituelle que corporelle, toujours. En apprenant par quelques expériences a mieux moduler son cosmos pour savoir ce qu’elle pouvait en faire. En fait…

- … C’est une forme d’entrainement.

Bien sur, une personne comme celle qui lui faisait face ne pourrait sans doute pas la comprendre. L’entrainement dont il parlait n’avait rien à faire avec ce à quoi s’adonnait la rapace solitaire. Mais elle n’avait pas envie de lui en dire d’avantage, elle était de ceux qui pesaient les mots et ne les employaient que peu… De plus, malgré cela, son armure lui était nouvelle, et en pratique elle n’avait tout simplement aucune expérience. L’inconnu qui était en face d’elle pouvait il même imaginer cela ? Il se voulait offensant, mais Blood ne pouvait guère le satisfaire dans sa tentative de la « provoquer » : elle-même se demandait bien comment elle pouvait se trouver là, portant l’armure de l’aigle… Elle n’avait rien demandé –même si elle était contente d’avoir obtenu-, et c’était la Cloth de l’aigle qui avait fait choix de venir à elle. La question avait donc tout son sens, et ne se voyais pas teinté de tant de raillerie à ses yeux. Répondre, ne pas répondre … ? Blood se contentât de quitter des yeux le pilier, et de répondre aux pupilles de braise de l’homme étranger par son regard, insistant. Ce qui était certain, c’est qu’il avait brisé sa quiétude et lui était à prime abord peu sympathique…

Etre ainsi confronté à son manque d’expérience était bien sur un peu embarrassant. Elle n’avait aucun argument pour se défendre face à l’air de reproche de celui qui était visiblement un chevalier de bronze. Elle n’avait aucune excuse… Et il était vrai que son entrainement, s’il avait sa valeur, ne serait pas ce qui lui permettrait de mener son premier combat, et encore moins de l’emporter certainement. Connaitre le terrain, faire un avec lui, maitriser le cosmos, c’était une chose. Pouvoir affronter un adversaire, être prête a parer des coups, a en rendre, à se battre véritablement, c’en était une autre. Et Blood le savait bien, qu’elle n’était pas prête.
L’inconnu alors se présenta. Elle l’écouta avec attention, spontanément consciente de ce que représentait ici ce geste. Bien évidemment, elle ne songeait pas a être humiliée, ni même a l’éventualité qu’il allait la provoquer en duel dans quelques instants. Mais elle savait que cette présentation était importante, qu’elle préparait le terrain pour établir un rapport et poser bien des choses. Elle lui répondit alors qu’il s’éloignait.

- On me nomme Calyps, j’ai été reconnue par l’Armure d’Argent de l’Aigle à Rome, par un concours de circonstances…

Lui dire cela… Etait-ce nécessaire ? Mais ainsi, elle répondait un peu à sa question rhétorique précédente. Cela l’énerverait un peu, sans doute : la demoiselle avait été choisie par son armure, sans avoir cherché a en faire l’acquisition ou autre. Elle n’avait derrière elle aucune formation, aucune expérience… Ou presque. Elle avait été le monde, elle avait été les rues de Rome, elle avait été la grande toute entière, elle avait été la Nuit. Comme elle levait doucement sa main devant elle, celle-ci se vit enrobée de ce feu d’un bleu profond qu’elle c’était découvert en l’antique cité. S’approprier le monde, le maitriser, le faire entrer en elle pour le dominer… En devenant sainte, elle savait qu’elle en avait fini de la servilité, que le temps était venu pour elle de dominer.
Shaokan se prononçât enfin. Se battre… Voilà ce qu’il lui proposait, implicitement.. Le regard de la jeune femme se portât sur l’aura qui s’échappait de son corps, puis sur le combattant. Un combattant : ce qu’il représentait à ses yeux malgré leur rencontre plus que fraîche, et ce qu’elle n’était guère. Après tout, pourquoi ne pas tenter l’expérience. Seulement : elle n’avait rien a craindre… « en théorie. »

- J’accepte votre proposition. Mais sachez que je n’ai jamais encore combattu...

Au moins, les choses étaient claires ainsi. Il comprendrait certainement par là qu’elle ne s’était même jamais entrainée, ce qu’il mépriserait sans doute profondément. Mais elle préférait que ce soit dit, tout simplement. Si elle devait perdre face au bronze, cela ne l’atteindrait pas : ce ne serait pas même si étonnant, au vu d’une première expérience. Pour elle, c’était une évidence. Et un entrainement demeurait un entrainement, que cela lui plaise ou non. Cependant, elle comprenait ce qui pouvait le déranger, et elle tenait à le rassurer sur ce point. Elle regarda l’homme dans les yeux.

- Mais si je n’ai pas d’expérience, je ne m’en battrais pas moins pleinement.

Il lui faudrait un temps d’acclimatation, voilà tout. Se battre lui était une perspective désagréable. La moue légère qu’affichait son visage le laissait sans doute deviner. Mais elle s’était engagée désormais. Mieux, elle avait prit une décision. La décision de faire ce premier combat pleinement, avec ardeur, de son mieux.
Alors, elle se souvint les quelques entrainements auxquels elle c’était adonnée durant son voyage : sa maitrise, elle l’avait consolidée et c’était façonnée quelques techniques, bien qu’elle ne fut pas encore certaine de leur efficacité. L’occasion était propice pour être fixée… Et elle allait en profiter, vu qu’on lui en offrait l’occasion.

Il était légitime que la demoiselle fût libre d’engager les festivités. Mine de rien, il s’agissait de son entrainement, et lui lui devait bien ça, ayant troublé sa paix. De toute manière… Elle était rapide.
Ses épines fusèrent vers le jeune gomme. Fine aiguilles de cosmos qu’elle faisait apparaitre comme bon lui semblait, elle parvenait à les plonger dans le vent et à contrôler le cours, et dans un premier lieu s’attela à les projeter, tout simplement, en ligne droit vers son adversaire. En ce jour, elle se prouverait peut être à elle-même qu’en effet, elle avait mérité son armure. Et Shaokan verrait bien vite qu’elle ne manquait pas de ressources malgré son manque d’expérience.

Si vous tenez a survivre … ? Une hésitation. Parlait il de cela comme il énoncait une vérité générale, ou en accor avec la situation présente ? Il ne semblait pas très sympathique en effet, et le fait de faire face a une femme, qui plus es à une alliée, ne semblait pas lui poser problème. En tout cas, il était agile. Les épines provoquèrent une réaction vive, et le chevalier du dragon se mit a virevolter de toute part pour ne pas les subir. Mais aussi doué était il, son entreprise était vaine : parce que la jeune femme maitrisait sa technique, et qu’elle dirigeait ses armes a convenance, avant qu’elle ne disparaissent. Certains des dards vinrent se ficher dans l’armure d’un vert de jade et dans la peau pâle. Aussitôt, de lourdes plumes germèrent des blessures, alourdissant les membres du bronze. Il allait subir le drainage d’énergie….
La jeune femme se surprenait un peu elle-même, mais elle se découvrait chaque jour de nouvelle capacités. Ca ne l’avait pas empêché de perdre nombre de ses épines au vol, mais elle manquait de maitrise, voilà tout. Et elle était quand même parvenue à en mener quelques unes a destination. Et elle ne devait pas s’arrêter en si bon chemin.

Et elle n’allait pas s’arrêter. Mais l’adversaire était rapide lui aussi, et a manque de défenses suffisantes, Blood ne parvint pas à esquiver son assaut. Se sentant soudain frappé par une puissante vague de cosmos ascendant, Calyps échappa pas au coup. L’aigle malgré tout se réceptionna sans trop de mal, quelques mètres plus loin. Mais elle avait mal, et sa jambe droite était douloureuse. La souffrance lui était désagréable… Elle n’aimait pas cela. Au fond d’elle, il y avait cette peur sourde : la connaissance que Beast était là, au fond d’elle, et que plus elle s’affaiblierait plus elle peinerait à se battre à la fois contre son adversaire physique et le fantôme qui hantait son esprit. La jeune femme serrât les dents. Une lumière diffuse, de son cosmos bleu nuit l'entourat... Elle ne se laisserait pas atteindre. Un voile de plume doucement l'envellopa, telle une cape translucide, et vint l'habiller. L'enveloppe l'emplit d'une douce chaleur, et elle se sentit devenir plus forte... Elle n'était pas au bout de ses ressources.
Ils se tenaient désormais à quelques mètres l’un de l’autre, et il ne fallait pas laisser au dragon le temps de réitérer son assaut. Un geste puissant. L’aigle avait projeté son bras à nouveau en direction du bronze. Mais cette fois ci, aucune épine ne fusât vers l’adversaire. C’était tout autre : une puissante vague d’air se jetât en direction du jeune homme. Si vive qu’il ne pourrait que la subir de plein fouet.

- Subit.

Demeurer éloignée de l’adversaire, le frapper sans qu’il puisse ne l’atteindre… Pour Calyps, se serait la meilleure technique possible. Elle se sentait plus en sécurité ainsi. En préservant la distance elle se gardait autant que possible hors de portée, et prenait moins de risques. D’autant que les coups directs lui étaient terriblements désagréables. Elle allait tenter d’assurer cela. Et voir ce que lui répondrait à ses assauts…