Ce soir-là, une grande fête devait tenir lieu dans la demeure du Sénateur Bacchius. Cet homme gras et révulsant ne manquait jamais une occasion d’organiser ce genre d’évènements, ou la gourmandise et l’excès laissaient bien vite place à la débauche. Au départ, Blood avait été curieuse… Mais la vieille cuisinière l’avait mise en garde concernant ces soirées-là, et elle avait bien vite compris pourquoi. L’homme qui se voulait maître de la maison inspirait à la jeune fille déjà une forte aversion, et ayant vaguement compris que cela valait mieux ainsi, elle faisait tout pour demeurer discrète et ne pas se faire repérer par l’odieux personnage.
Malgré cette ombre vague qui planait sur la soirée et son sourire, elle demeurait gaie et légère : elle était ainsi, à l’époque. Souriante, exaltée et curieuse, pleine de vie. Elle ne voyait pas pour la première fois la nourriture affluer dans les cuisines, les sauces scintiller à la lueur du feu, le vin couler, mais elle s’en enthousiasmait encore. Ce foisonnement de couleurs, ces couverts brillants, cette nourriture luxuriante s’élevant sur les modestes tables de bois réveillaient son enthousiasme et son ravissement. Ainsi, elle oubliait l’aversion certaine pour l’homme gras et ses pratiques, et profitais de ses soirées en admirant la faste qu’elles représentaient. En effet, si le maitre de maison n’était pas bien beau à voir, cela ne signifiait pas pour autant que ses invités serraient à son image… Parfois, ils l’étaient. Mais pas toujours ~ Calyps avait pu par le passé voir défiler des parures et des bijoux superbes, des femmes gracieuses accompagnant leurs maris élégants, des corps comme des apparats splendides. Elle avait bien vite pris goût à ces beautés la… Dans un premier temps. Venait toujours un moment où elle préférait s’arranger pour s’éclipser, et s’éloigner des évènements dont la tournure changeait parfois assez radicalement en peu de temps. Ces choses-là réveillaient en la jeune fille qu’elle était une peur vague, à laquelle elle n’aimait guère être confrontée.

Calyps glissait parmi les autres esclaves de la maison, habituée a cette danse monotone qui leur servait de travail. Aller aux cuisines, en revenir, apporter les plats, le vin, les rapporter, remplir les amphores… Ce genre de choses, ennuyeuses, répétitives… Mais c’était là sa condition, et elle l’acceptait. Plus encore, elle s’estimait heureuse d’avoir un toit, une protection. Le monde lui était vague et inconnu : un grand plein de mystères ou les taches de lumières brillaient si faiblement que le noir n’en semblait que plus profond. Par la même, elle était consciente des dangers qu’il renfermait… On l’avait bien assez mis en garde à ce sujet. Les gens étaient prévenants avec elle, et les autres esclaves de la maison la traitaient avec attention et tendresse. Avait-elle donc l’air si fragile ? Ou était ce son beau visage ? Un peu des deux certainement.
La vaste salle était remplie de convives et de richesses. Une troupe de femmes vêtues de drapés légers laissant apparaitre parfois les détails de leur corps dansaient en son centre, et la musique se répercutait sur les murs de pierre. On entendait les bruits de vaisselle, les éclats de voix, le murmure doux du vin perlant sur le sol. Il y avait là toute sorte de personnes, fortunées… Les groupes se formaient et se déliaient, on restait encore beaucoup dans les formalités en ce début de soirée. Mais Calyps savait bien que les « débuts de soirée » ne duraient jamais trop longtemps… Sinon les gens s’ennuieraient. La lune était haute dans le ciel nocturne. L’astre irrémédiablement attirait le regard de la demoiselle, et elle se délectait de son image. Le ciel vaste, constellé d’étoiles, lui semblait plus lumineux en ce jour que le monde qu’elle connaissait. Et lorsqu’elle posait son regard sur les murs marbrés de la demeure, elle brûlait de les dépasser… Mais sa condition malheureusement l’en empêchait. Certains esclaves étaient habilités à sortir, elle ne l’était pas. Pas à ce stade. Le jour où elle était venue en cette demeure, elle avait traversé un marché : l’agitation et les rues de Rome l’avaient fasciné, mais elle avait été en cet instant surtout soucieuse de trouver un abri. Elle avait eu de la chance, d’atterrir là. Mais entre temps, elle n’avait plus revu ces rues qu’elle désirait, cet univers dont elle n’avait eu qu’un aperçu si vague… Le vent provenant de l’extérieur caressa sa chevelure. C’était comme un appel… Un appel de l’extérieur duquel elle se voyait détournée sans cesse par des interpellations a son intention. Bien sûr, on ne l’appelait pas par son prénom. -Enfin, par le prénom qu’on lui donnait.- Elle était simplement l’esclave charmante portant l’amphore au vin gouteux. Et ainsi hélée, elle tournoyait à gauche et à droite, légère, les drapés blancs recouvrant son corps la suivant dans ses mouvements…
Et encore et encore, elle voyait son œil attirés par l’extérieur plutôt que par les richesses qui devenaient vite trop familières, trop connues pour être encore passionnantes. Il lui fallait de la nouveauté, en ce soir printanier… Et ce ne serait peut-être pas le vent qui la lui apporterait.

La soirée n’avait encore guère eu le temps de s’étirer et de se perdre, que déjà la jeune demoiselle avait dû faire d’innombrables allers retour entre la grande salle et les cuisines pour remplir l’amphore qu’elle portait. Comme toujours, le vin coulait à flot. L’odeur de celui-ci l’enivrait, mais elle ne s’y laissait pas prendre : la liqueur a ses yeux déjà ne présageait rien de bon. Pourtant, à cette époque Calyps n’avait pas encore réellement fait les frais des vices de l’alcool. Mais elle pressentait le danger qu’ils représentaient, et en avaient vu bien des avants gouts. Mieux vaut prévenir que guérir, dit-on…
Ainsi bougeait elle beaucoup, allant parmi une part des convives, puis une tout autre, à l’autre bout de la salle. Calculatrice elle veillait à ne pas se focaliser, pour que la chaude liqueur ne s’accumule pas trop dans les mêmes sangs. Parfois, on lui lançait des regards noirs… Elle les ignorait, et continuer à penser qu’elle faisait le bon choix. Au moins restait-elle fidèle à ses principes. Mais elle le savait bien : elle pouvait faire tous les efforts du monde pour partager la liqueur avec minutie, les gens finirait ivres qu’elle le veuille ou non. Pourquoi alors tant de persévérance ? Elle était ainsi.

Parmi les premiers à s’enivrer, il y avait deux hommes de larges carrures aux visages rouges et hérissés, portant des toges carmin. Leur gabarits rendaient évident leurs vocations guerrières, et il suffisait de les entendre échanger deux phrases pour comprendre que l’on n’avait pas à faire à des érudits. Ils faisaient partie de la catégorie d’homme dont la jeune esclave se méfiait le plus, avec sa bouille d’ange. Là encore, elle n’avait pas tort et le temps le lui enseignerait bien assez… Jusqu’au jour où elle saurait se défendre par elle-même de ces hommes-là.

- Hé !

Il l’interpellait pour la quatrième fois au moins. Des deux, il était le plus rouge et le plus large. Entre les poils couvrant sa mâchoire charnue perlaient déjà quelques perles de vin et ses yeux, largement ouverts, semblaient s’imprégner de la rougeur du nectar au gout velouté. Honorant sa condition, Calyps ne put que s’approcher de l’homme pour remplir abondement la petite amphore qu’il lui tendait –ceux qui ne savaient plus se contenter de simples verres ne manquaient pas-, et celle de son acolyte. A peine eut elle finit que déjà on lui présentait un nouveau récipient vide, ou plutôt fraichement vidé. Gardant les yeux baissés, elle le remplit à nouveau, peu rassurée. Cette fois-ci encore le vin fut immédiatement bu, et s’étant essuyé du revers de la main, l’homme décida de mettre un terme, au moins pour un temps, à ce petit manège.

- Ca n’est suffisant, apportes en plus.

Elle hocha vivement la tête, et ne se fit pas prier pour retourner vers les cuisines. Celle-ci bouillonnaient d’activité, et ce ne fut pas simple de se frayer un chemin jusqu’aux tonneaux. Arrivée là, elle savait parfaitement que l’équivalent de ce qu’elle avait transporté jusqu’alors ne serait pas suffisant. Mais ces bras maigres, et l’agitation ambiante, ne lui permirent pas de prendre de grandes quantités de vin pour autant. Tant bien que mal, elle dut se faufiler parmi les convives avec aux bras « seulement » trois récipients à l’image du premier, de taille moyenne. Comme elle arrivait auprès des deux fortes têtes, la demoiselle eu un mouvement de recul en les voyant se lever brusquement. Ce fut une main velue venant se saisir de l’une des amphores qui acheva de lui faire perdre l’équilibre.


Deux chaleurs, celle du vin d’abord, qui vint imbiber les tissus blancs qui couvraient ses courbes fines, et celle du corps qu’elle avait percuté ensuite vinrent se confondre dans son esprit en une magnifique bavure. Bien sûr, elle n’y pouvait rien, elle avait été poussée et avait trébuché, mais les esclaves avaient malheureusement toujours tort, qui plus es les femmes.

- Désolée ! Je suis désolée !

Confuse, apeurée aussi, elle leva spontanément les yeux sur le jeune homme qu’elle avait heurté, et s’empressa de se redresser, cachant de ses bras ses vêtements rendus pourpres et moins opaques qu’il ne le fallait par l’alcool qui les imbibait. Celui qu’elle avait percuté, renversé et aspergé par mégarde n’était autre qu’un garçon aux cheveux de jais, qui semblait plus jeune encore qu’elle ne l’était. Si son âge pouvait surprendre, sa tenue ne trompait pas : il était de noble condition, et son apparat majestueux faisait peine à voir. De « beaux draps », en effet. Calyps savait très bien que ce genre d’accidents pouvaient lui couter de sévères réprimandes, même si elle n’en avait encore jamais subit jusqu’alors : elle avait entendu bien assez de choses de ce type. Mais le regard, et la réaction de la victime manquèrent de lui laisser échapper un soupir de soulagement. La jeune esclave acquiesça, serrant les deux amphores désormais vides contre son buste, et prit consciencieusement un peu d’écart vis-à-vis du jeune homme –et par la même des deux hommes qui s’échauffaient dans son dos-. Déjà, on accourait autour d’eux pour nettoyer les dégâts. Avant de ne subir des réprimandes, Calyps invitât humblement sa victime à quitter la place.
Sans perdre une seconde de plus, elle l’entrainât aux extrémités de la grande pièce où l’on s’adonnait de plus en plus aux « festivités ». Le lieu lui était désagréable, et elle n’était pas mécontente dans le fond de s’en voir éloignée. La voix de Beast siffla à ses oreilles « En fait, tu l’as fait exprès… » mais Blood, non, Calyps, chassa vigoureusement le susurrement vicieux de son esprit. Lui faire prendre un bain, oui. Le maitre était riche, et la domus grande. Elle comportait donc, chose réservée aux plus privilégiés, une chambre de bains qui offrirait à l’invité la possibilité de laver son corps de l’alcool.

- Je vous prie de m’excuser ma maladresse. Il y a dans la domus une salle des bains, je vous y emmène et vais tâcher de vous apporter des habits propres. Je peux également, si vous me le permettez, me charger de nettoyer les vôtres.

Il n’était pas question pour elle de devoir interpeller le maitre de maison à ce sujet. Elle tacherait de s’arranger avec quelqu’un au service du fils de celui-ci, cela devait être faisable. Ensuite… Elle aurait beau amener l’hôte jusqu’à la salle concernée, elle était un peu anxieuse. En ces lieux, elle demeurait auprès de la femme du sénateur, ou en cuisine, généralement. Elle se chargeait de l’entretien et de ce genre de chose, mais jamais ne demeurait aux soins des hommes de la maison. Ainsi, si elle pensait devoir certainement aider l’inconnu à se déshabiller et se laver comme le voulait l’usage, elle n’était pas certaine de savoir s’y prendre, et hésitait à lui proposer d’autres services que les siens. Mais étant unique responsable de l’accident, pouvait elle se le permettre ? Encore, il était jeune, cela la rassurait. En tout cas, si elle était parvenue à déserter la scène de l’orgie romaine, elle n’était pas sortie de l’auberge –ou plutôt, de la Domus. Et Encore moins sortie tout court… -

L’émerveillement était aussi au fond des yeux de la jeune femme. En effet, il était évident que les servants, ou plutôt les esclaves, n’avaient pas leur place dans cet espace, si ce n’était pour toiletter les maitres. Mais elle n’était pas même de ceux qui remplissaient ce rôle, et ressentait de ce fait une certaine émotion en pénétrant cette noble pièce. Celui à qui elle était obligé pour sa part paru également enthousiaste, malgré l’odeur fruitée qui l’englobait et commençait depuis longtemps déjà à l’étouffer…
Le moment ainsi vint d’en venir aux faits. Comme ils découvraient tous deux à leur manière l’espace, la demoiselle ne s’était pas approchée, ni même n’avait bougé. Or, il était évident qu’elle était en devoir de prendre soin de son hôte, et ses gens-là ne se toilettaient et se déshabillait jamais sans aide, ou du moins étaient habitués à ce qu’on le leur fasse tout naturellement. Ici, c’était à Calyps de remplir tout naturellement ce rôle, mais un léger retrait vis-à-vis de cette tâche qui lui était étrangère persistait. Alors, fatalement, il avait tourné le regard vers elle pour l’interroger.

Il y avait aussi, il était vrai, une forme de pudeur qui la retenait. Mais elle n’y laissât rien paraitre, et d’un mouvement de la tête signifiant oui bien sûr, elle s’approcha du jeune homme pour le défaire des étoffes alourdies par le vin. La peur du scandale lui était étrangère, et elle n’y songeait guère : celle-ci lui était bien trop méconnue, et elle ne la concevait pas, ni ne la comprenait vraiment. Le monde lui était encore bien trop impénétrable, elle ne le connaissait que depuis si peu de temps… En cet instant, sa peur la plus grande était juste d’être désagréable à celui dont elle retirait les habits, à la condition bien plus élevée que la sienne. Après tout, les circonstances avaient fait d’elle une esclave, rien de plus. Et l’évocation de sa « maladresse » lui avait été, en plus d’être désagréable, une certaine source d’inquiétude. Une part d’elle craignait en effet que l’on se plaigne d’elle au maitre de maison, et elle ne voulait pas de cela. D'autant qu'elle n'était responsable en rien de l'accident, en toute bonne foi, ayant été poussée ! Mais ça, elle savait bien qu'il eut aurait été très mal vu de l'énoncer, de sa part en tout cas. Aussi faisait elle tous les efforts du monde pour s’atteler à sa tâche en demeurant naturelle et aussi précise qu’agréable, comme devait le faire à ses yeux une personne habituée à cette tâche.

- Je vais vous apporter d’avantage d’eau chaude, des linges propres et les huiles tout de suite, vous pouvez prendre vos aises…

Disant cela, elle achevait de faire glisser l’étoffe empourprée au sol, et l’eut rapidement plié entre ses bras. Elle la ferait nettoyer au plus vite, afin qu’il puisse si possible repartir avec un linge propre… Ou du moins le récupérer aussi tôt que possible. Son regard demeurait un peu fuyant, par un égard qui lui était spontané, et elle se contentât d’indiquer de la main au jeune homme le bassin ou se prélassait une eau plus tiède que chaude, mais qui devrait lui être agréable. A ce qu’elle savait, le bassin avait été rempli d’une eau claire à l’occasion d’heures plus tardives, si certains désiraient s’attarder en ces lieux dans le cours de la nuit. Mais tout était encore bien neuf pour l’instant, et l’eau encore chaude était intouchée, tout autant que le sol fraichement nettoyé. Il pouvait donc prendre ses aises en petit roi dans ce palais proprêt, tandis qu’elle irait chercher ce qu’elle lui promettait.

Ce qu’elle tâchât de faire aussi vite que possible. La chance lui sourit, et comme elle prenait aux cuisines une bassine d’eau pleine d’eau chaude –qu’elle portait non sans un certain mal- une acolyte vint lui apporter une toge propre pour le damoiseau. D’un rouge carmin, elle n’était peut-être pas aussi raffinée que la précédence, mais de loin aussi luxueuse, et devrais bien lui correspondre pour la soirée. (Du moins était ce ce qu'elle espérait.) Elle revint donc avec eau chaude, lange et huiles, et même quelques conseils, afin d’assister l’hôte dans sa toilette, ou plutôt de la faire pour lui.

Ce fut, dans une certaine mesure, assez fastidieux pour Calyps. Mais elle gagna assez rapidement en aisance, et son « professionnalisme » permis de passer outre la gêne première qu’elle éprouvait. Et si elle n’en avait jamais touché, au vu des habitudes de la maison, elle avait déjà été confrontée au corps masculin… suffisamment. Outre mesure, l’expérience lui serait certainement utile pour la suite, elle ne savait pas à quels postes elle pourrait se retrouver affiliée.

Il acheva de se revêtir et prit la parole. A son remercîment, elle répondit d’un hochement de la tête : « Je vous en prie. » C’était normal, et elle avait rempli son devoir, tout simplement. Elle était cependant touchée d’être ainsi remerciée, et par la généreuse attention de celui auquel elle avait initialement fait du tort. Les choses ne s’annonçaient pas si mal, et elle s’en trouvait détendue. La buée, et les senteurs qui flottaient dans la pièce offraient à l’espace une atmosphère toute particulière. Quelque chose de léger et d’enivrant, où se mêlaient vin et huiles essentielles. Cet air, chargé pourtant, n’était pas imprégné par une odeur de vice, comme devait l’être en cet instant la pièce principale de la Domus. Quelque chose d’agréable, en somme. Était-ce cette odeur qui délia l’atmosphère ? Peut-être. Etrangement, Calyps se sentit assez en confiance pour s’assoir. En tant qu’esclave, c’était une chose qui était assez rare, en présence des maitres. Doucement donc, elle prit appui sur le bord du bassin, y posant les mains, croisant les jambes.
Lorsqu'il se prononçât à nouveau, une légère rougeur teintât le visage de Calyps. Elle était encore fraîche, Blood. Pleine d’une légèreté qu’elle perdrait bien assez vite… Sa pudeur innocente de l’époque, cette gêne aisée, elle les avait un peu perdues par la suite. Mais en cet instant, elles demeuraient et étaient bien présentes. Délicate, et neuve, elle ne parvenais guère à cacher son émotivité et les expressions de son âme. Elle fit vaguement comprendre à son interlocuteur par son regard encore un peu fuyant et son embarras légèrement transparaissant qu’il avait vu juste.

- Vous me voyez rassurée que mes services vous aient convenus...

A la teinte rosée de ses joues c’était ajouté un léger sourire, et elle se sentait soudain plus proche de cette personne qui quelques instants au pare avant représentait quelqu’un de plus haute condition qu’elle, avec laquelle il ne lui étais permis de dialoguer. Sans doute était ce cette initiative qu’il avait prise de se présenter à elle, chose que les autres ne prenaient d’usure pas la peine de faire auprès des serviteurs. Non, elle n’irait pas jusqu’à donner son nom sans qu’on le lui ai demandé : c’eut été mal venu.
Mais elle avait à vrai dire envie d’engager la conversation, et cela se sentait certainement dans son regard, son maintien, le léger balancement de ses jambes. Il était plus jeune encore qu’elle mais déjà venait seul dans de pareilles soirées, et semblait libéré de toutes entraves. De la vie, il devait savoir infiniment plus de choses qu’elle. Et comme elle laissait son regard vaquer légèrement pour ne pas rester fixé sur l’hôte, elle retrouva la vue si attirante du ciel nocturne au dehors… La ville dans la nuit, les paysages, la lune, les gens : tout cela il les connaissait et elle les lui enviait. Ne pourrait-elle pas, elle, les découvrir également ? La connaissance que représentait ce garçon avenant attisait en la jeune demoiselle une infinie curiosité. Elle posa à nouveau son œil unique sur lui. Il avait beau sembler plus jeune qu’elle, aux yeux de Rome il était déjà un homme, et cela se voyait. Les enfants, on ne les connaissait guère dans ces cités-là. Calyps n’avait jamais été une enfant, elle ne savait pas réellement ce que cela représentait. Mais face à lui finalement, malgré son corps qui avait déjà des allures de corps de jeune femme, elle se sentait comme une enfant. Elle se savait naïve et tellement ignare…

Ce geste si naturel ne lui valut pas de réprimande, et bien qu’elle n’y ai d’abord pas pensé, ayant agi spontanément, elle fut rassurée. Mais elle se sentit bien vite prise au dépourvu lorsque soudain celui qui lui était supérieur vint s’accroupir devant elle, se posant la comme inévitable. La jeune esclave, presque prise d’un sursaut, manqua de perdre l’équilibre. Mais ce fut si léger qu’elle voulut croire que ça ne s’était pas vu.

- Je... Calyps, Monsieur.

Il était mignon, ainsi agenouillé avec sa chevelure sombre, la tête penché sur le coté. La regardant droit dans les yeux –ou plutôt son œil unique- il la vit lui répondre avec peu d’assurance, bafouillant un peu. Calyps… Ce nom qu’on lui avait donné lors de son arrivée ici, alors qu’elle n’avait su répondre à la simple question « comment t’appelles-tu ? ». Un nom gracieux, rappelant Calypso, la Nymphe. Pourquoi l’avait on affublé de celui-ci ? Elle ne le savait pas. Le nom d’une Nymphe atrophié… étrange choix. Mais elle s’était habituée à ce nom, bien qu’il lui demeurât toujours un peu étranger, et trouvait au moins qu’il était beau. Désormais, elle parvenait à donner ce nom assez fluidement a qui lui demandait comment elle se nommait, mais la situation présente l’avais prise un peu au dépourvu. Sans parler de la suite !
Mais son regard embrassa le ciel nocturne. Elle se languissait tant de cette nuit…. Son regard s’y perdait avec tant d’envie. « Une Envie de prendre l’air » …

- Oui...

Tout comme son regard, sa voix se perdit, pour se faire plus douce, profonde. Le débit de ses paroles fluides, comme son esprit s'égarait dans cette idée folle qui répondait à tous son ardent désir. A son ardente curiosité… Elle ne s’entendait plus parler.

- Je désire ce qu’il y a au-delà de ses murs… Rome m’attire, la Nuit me fascine. Je rêve de découvrir tant de choses, là-bas…Connaitre, voir, comprendre.... J’aimerai tant…

Tout ces trésors, tous ces mystères insoupçonnés qu’elle voulait toucher des doigts, dévorer du regard avec ivresse. Elle rêvait de sortir. Que lui importait, les mondanités ! Pourquoi ces gens venaient ils tous se saouler et baiser dans cette domus vulgaire au maitre vulgaire ? Alors qu’ils avaient droit à tellement plus. Tellement plus riche, tellement plus intéressant… Le sang de Blood bouillonnait dans ses veines.

Alors, elle sentit le battement du cœur de Beast en elle. Soudain, elle fut arrachée à la rêverie pour revenir à la réalité. « Ha ! » Cette chute fut si brutale qu’elle lui arrachât un hoquet surpris.
Ses yeux s’arrachèrent à la brèche de la fenêtre et elle baissât le regard aussitôt. Malheureusement pour elle, elle avait oublié qu’on avait prit l’initiative de se trouver sous son joli minois. Autant dire que Calyps rougit vivement, embarrassée, ne sachant plus où se mettre, et fuit éperdument en fixant le mur à sa gauche. Franchement, qu’est ce qui lui avait pris ? Elle ne savait même plus ce qu’elle avait dit exactement.

- Je, ha, heu… Je suis désolée, je …

Je délire.

Pour ne plus pouvoir se détourner de lui, il la prit de force. D’une force douce a vrai dire, d’un simple contact, de deux doigts sur son menton. Evidemment, elle ne put fuir. Alors, son regard rejoignit celui du jeune homme, et elle ne s’en défit pas tandis qu’i lui parlait. Les esclaves n’étaient pas habilités à regarder les gens dans les yeux, alors ce geste constituait en lui-même quelque chose de très rare, de particulier.
Il ne la tutoyait pas comme on la tutoyait d’habitude… Il n’était cependant pas non plus comme les autres esclaves, un égal sympathique au vu d’une condition commune. Aux yeux de Calyps, il agissait différemment et comme on avait encore jamais agit avec elle. Le contact de ses doigts sur son menton la déstabilisait… Tout comme ses paroles. Le dénommé Octavius ne la considérait pas comme un être inférieur et de ce fait qui n’était pas digne d’intérêt. Par ses paroles, il la plaçait face a lui comme une sorte d’égal, et l’invitait à être elle-même. Au fond d’elle, elle sentit une invitation à la liberté. Cette impression diffuse fit palpiter son cœur et naitre un timide enthousiasme. Elle n’était pas au bout de ses surprises…
Les paroles du jeune homme l’émerveillaient comme lui faisaient envie. Les campagnes, elle savait à peine ce que c’était. Cette Rome resplendissante, elle rêvait plus que tout de la voir. Mais contrairement à ce qu’elle aurait pu croire un instant, il n’avait guère l’attention de lui dire ca pour s’amuser à la faire se languir d’avantage sans suite, bien au contraire…

Calyps tressautât, subitement emporté par le poignet. Ne s’y attendant guère, elle manquât de basculer, et lorsque l’Aelius lui dit de venir, elle le regarda sans bouger, l’air ébahie et les yeux ronds comme des soucoupes. En cet instant, elle n’avait pas encore assimilé tant l’idée lui semblait invraisemblable. Être emmenée ainsi vers l’extérieur, pour en avoir formulé simplement le souhait, jamais elle n’aurait cru cela possible. Et pourtant ! A peine quelques minutes plus tard, l’air froid de la nuit s’enroula autour de son visage et l’engloba de son voile léger. Elle frissonna : pas de froid, d’excitation. Ses cheveux virevoltèrent doucement autour d’elle, et elle inspira profondément.
Ils étaient dehors. Sur le pas de la petite entrée de la domus, deux jeunes gens se tenaient la, main dans la main. Elle paraissait vivre le plus bel instant de sa vie, un large sourire s’étamt peint malgré elle sur son visage. C’était la rue pourtant, juste la rue. Une petite rue miteuse de la grande ville de Rome. Mais c’était déjà tant à ses yeux ! Et lorsqu’elle tournait la tête, tout lui paraissait si nouveau : le sol, les murs, les architectures, les étoiles, le ciel brillant aux dessus de leur têtes… Elle voulait en voir d’avantage. Mais elle hésitait encore un peu. Déjà, elle n’était pas censée sortir de la domus… Encore moins comme ça sans ordre, en douce, qui plus es avec un hôte de la maison. Mais plus elle se tenait là, plus elle sentait tout son corps bruler du désir ardent de bouger, de marcher, d’en voir d’avantage. Alors,elle se tut quelques instants, semblant réfléchir, puis s’adressa à Octavius.

- Tu voudrais bien… Me faire découvrir un peu Rome ?

Bien sur, elle dérogeait là a toutes les règles liées à sa condition. Elle avait osé.Tout à coup, elle se permettait de demander quelque chose à un « maître ». En société, c’eut été le pire des scandales. Jamais d’ailleurs elle n’aurait cru agir de la sorte, distinguée et convenable comme elle était. Mais il y avait invité, n’est-ce pas ? Dès lors, il encourageait la jeune fille à exprimer ses désirs et ce qu’elle était réellement. Elle était curieuse. Elle voulait savoir, voir, tout sentir. Elle voulait découvrir la ville et la nuit, elle voulait découvrir le monde en commençant par la splendide Rome ! Et il lui en donnait la possibilité.
De la poésie, elle en voulait volontiers. Elle voulait se fondre en cette poésie et la vivre, car la ville elle-même était Poésie pour celui ou celle qui savait la voir comme telle. Et Calyps, très certainement, était de ceux-là.

Contrairement a ce qu’Octavius pouvait penser, si Calyps avait déjà vu souvent le ciel nocturne au travers des fenêtres de la maisonnée, elle n’avait jamais pu sortir de nuit depuis son premier jour. Jamais, elle n’avait goutté a cela, au délice de l’extérieur nocturne… Et elle en savourait déjà chaque infime parcelle, avec frisson. Comment ne pas les aimer ? Cette brise fraîche, l’éclat argenté de l’astre lunaire, les étoiles… Elle se sentait déjà faire corps avec eux, elle les sentait déjà complices et précieux. Pour la première fois elle les découvrait, et elle ne s’en lasserait plus jamais.
Et tout connaitre sur Rome, c’était enchanteur. Cette fois ci, bien que timidement, elle lui prit la main sans trop d’hésitation. Elle en avait tellement envie… Connaitre tout de la ville cœur de l’empire. Aussitôt, elle fut emportée. Vers toutes sortes d’endroits qu’elle ne connaissait guère, tous plus surprenants les uns que les autres. Elle ne connaissait rien et découvrait tout, avec stupeur, avec curiosité. Parfois, elle avait un peu peur : mais le jeune homme était si à l’aise qu’elle se sentait rassurée tant qu’il ne s’éloignait pas d’elle. Les places la faisait toujours ralentir sensiblement, sans parler des statues. Les pièces d’arts, qui déjà dans la domus l’émerveillaient, semblait à ses yeux de fabuleux fantômes, reflets des figures divines qui lui avaient toujours parues si inaccessibles… Systématiquement elle attardait avec enthousiasme, elle dévorait du regard. Le parc aussi lui avait fait grand effet, et elle brulait de voir d’avantage de cette nature folle qu’offrait le monde et qu’elle ne faisait que deviner… Et puis elle buvait les paroles de son guide avec exaltation. Tachant de tout retenir, elle s’impregnait de ses récits, en riait parfois, se voyais un peu mal à l’aise d’autres, mais ne cessait jamais de lui donner toute son attention. Il lui disait tout, tout ce qu’il trouvait à dire et tandis que la demoiselle se détendait elle se mettait à poser des questions, a devenir plus audacieuse. Tout était nouveau et savoureux.

Tout comme le muslum, selon le jeune homme. Il étaient entrés dans une taverne après un long temps passé a errer dans les rues de la ville. La demoiselle aurait pu marcher encore, pendant des jours et des jours, mais elle ne se plaint pas : il avait la générosité de lui faire vivre tout ça, il était normal qu’il puisse se reposer. D’autant qu’elle était tout sauf en droit de lui reprocher ! Elle n’avait pas mal prit les remarques des personnes qui les avait tout deux accueillit, et certainement compris qu’a moitié une majeure partie de leur discours, ne tenant d’ailleurs pas toujours a comprendre. Elle s’était contentée de rendre son sourire a Octavius, acceptant son excuse implicite.
Finalement, Calyps s’assit en face du jeune homme en lançant autour d’elle de longs regards, scrutant chaque petite chose avec attention. Cette manie, elle ne s’en déferait pas de si tot… En cette nuit, elle faisait ses premières découvertes, et elle en ferait tout le long de sa vie. Jamais elle ne cesserait de trouver de nouvelles choses, et d’y prêter une attention toutes particulière.

- Je prendrais ca alors...

Bien sur, elle n’avait aucune stricte idée de ce dont il s’agissait, d’autant qu’elle n’avait pas le temps de se remémorer toutes les boissons qu’elle connaissait, ni la motivation. Toute son attention était bien trop portée sur ce qui l’entourait, et finalement elle était ouverte a toutes les possibilités. Et surtout, on lui posait une question bien plus intéressante.

- Magnifique !

Elle rayonnait littéralement, et on sentait toute la force qu’elle avait mis dans ce simple mot. Elle voullu poursuivre, mais elle avait tant de choses a dire que le flot se perdait avant qu’elle ne parvienne a formuler quelque phrase que ce soit. Ses mains s’agitèrent fébrilement dans l’air, elle demeura muette comme une carpe, et on vint leur apporter leur commande. Son élan retomba, elle referma la bouche et baissa le regard, un petit sourire se glissant sur son visage.

- Merci beaucoup…