Cela fait maintenant plusieurs semaines que les armées romaines ont débarqué sur les rives de la Scandinavie, où ils sont tenus en échec par les puissants et féroces guerriers du Nord. Il faut dire que si les romains, contrairement aux Scandinaves, possèdent une discipline et une organisation à toute épreuve, ils ne sont pas habitués aux rigueurs du climat nordique, ce qui explique les nombreux revers qu’ils ont déjà subis depuis leurs arrivées sur ces terres septentrionales.

Dans une ville côtière située dans l’Est du pays, à proximité de laquelle un camp romain s’est installé, vit le jeune Máni, serviteur de la Prêtresse d’Odin comme quelques autres enfants plus robustes que la moyenne et possédant des dispositions particulières quant à la perception et à l’utilisation d’une forme d’énergie étrange, que la prêtresse nomme Cosmos. Du haut de ses seize ans, Máni est un adolescent vigoureux qui semble n’avoir peur de rien, si ce n’est du courroux d’Odin, son Dieu, qu’il craint et révère. Du reste, il est fréquent qu’il utilise ses poings pour régler ses différends, et sa terrible impatience fait qu’il a souvent tendance à porter la Prêtresse et ses instructeurs sur les nerfs. Ce qui explique pourquoi il est souvent chargé de s’occuper de différentes corvées…

Aller chercher du bois, encore ? J’ai l’impression que la Prêtresse se moque de moi. J’y ai été avant-hier ! Mais je n’ai pas le choix, il me faut obéir. Ne répète-elle pas qu’elle est l’interprète de la parole de notre Dieu sur Terre ? Et puis… cela me permettra de leur montrer une fois de plus que je suis le plus fort. Qui d’autre parmi les élèves de la Prêtresse est capable de manier la hache avec autant d’habileté que moi ? Personne ! Et puis peut-être que j’aurai même l’occasion d’utiliser ma hache pour fracasser quelques crânes de ces stupides romains. Histoire de leur rappeler qu’ils ont vite intérêt à retourner se caresser dans leur Rome la Débauchée, avant que toute leur armée de fiottes frileuses ne crève d’un rhume !

Arrivé à la dense forêt de pins située à moins de cinq cent mètres du camp romain, le jeune Máni entreprend d’abattre quelques arbres répétant inlassablement et avec dextérité le même mouvement. Il ne vacille même pas en levant la lourde hache, et nombre d’hommes pourraient bien se demander, devant ce spectacle, si il s’agit bien d’un enfant de seize ans ou d’un puissant et vigoureux bûcheron qui se tient devant eux.

Retourner aux sources, tel était le but principal de ce voyage. Étrange comme parfois le passé pouvait rejaillir. Étrange comme les rêves pouvaient influer sur le quotidien d'un homme. Ou d'un jeune homme, dans le cas présent. Quinze année qu'il avait vu le jour, du moins selon les propos de son père adoptif. Quinze année que cette terre gelée avait donnée vie à cet homme aujourd'hui robuste. Il n'avait pas encore fini sa croissance que déjà Haldor atteignait le mètre quatre vingt quinze. Et selon toute probabilité, il dépasserait allègrement les deux mètres une fois sa taille adulte atteinte. Un véritable colosse, dont la couleur toute particulière des cheveux rappelait la neige de ces terres froides et inhospitalière.

Dans le camp romain, la vie était rude. Les conflits perpétuels qui opposent les barbares aux légions finissaient par miner le moral des troupes. Le Général n'avait pas choisi de s'installer dans ce camp par hasard. Il se trouvait à proximité du site où il avait recueillit Haldor, faisant donc de cet endroit la priorité du jeune homme. Voir arriver un gradé avait semé le trouble dans les cœurs des centurions mais rapidement, ils avaient compris que ces deux hommes n'étaient pas là pour se battre mais bien pour une quête annexe. Une incompréhension qui avait fait germer la haine et la colère dans l'âme de certains soldats. Une haine qui était tout droit dirigé sur Haldor, représentant à son insu d'un peuple du Nord qui posait des difficultés aux légions entraînés de Rome.

Les rixes verbales étaient donc nombreuses depuis plusieurs jours, obligeant le Général à intervenir et à faire valoir son rang pour tenter d'apaiser les tensions. Mais ce n'était pas toujours suffisant. Et malgré son jeune âge, sa force associée à sa maîtrise du cosmos jouaient en sa faveur. Car il ne fallait pas oublier un élément important dans ce schéma : s'il avait été adopté par cet homme, c'était seulement parce que Apollon l'avait mit sur sa route. Et en sa qualité de protecteur temporaire de la Tour du Nord, ce général avait vu en ce petit garçon de l'époque un successeur potentiel à la grande Chlamyde du Héron de Boréas, qui reposait encore et toujours dans les montagnes enneigées associées à la divinité du Nord.

Aujourd'hui était un jour particulier. Debout devant le siège de celui qui se voulait être son père et son instructeur, Haldor le fixait droit dans les yeux. La bagarre qui l'avait opposé à un centurion avait causé bien des dégâts. La palissade Ouest du camp avait été brisé et le centurion en question était encore soigné pour de multiples blessures, dont une jambe cassée. La mine froide et le regard inquisiteur du général ne laissait place à aucun doute : il était furieux. Et malgré son statut, Haldor n'en menait pas large. Son mentor lui enseignait depuis des années le contrôle de son cosmos avec l'interdiction absolue de le manipuler contre autrui. Mais sous la colère, le colosse n'avait pas su contenir cette force latente et encore brute, causant les dommages que nous connaissons.

- As-tu donc perdu la tête, fils ? Un autre que toi aurait été arrêté et châtié pour cet exploit. Et tu ne dois ton salut qu'à mon grade !! Je ne vais pas pouvoir te couvrir encore longtemps, surtout en ces terres qui ne sont pas à nous. Les autres vont vouloir rendre justice et ils n’hésiteront pas à fomenter un complot contre toi. Les coups bas sont nombreux par ici, le froid annihile toute éducation et certains deviennent aussi fourbes que ces barbares. Et que va donc penser Apollon de cela ? J'ai cédé à ton caprice de vouloir revenir là où je t'avais trouvé. Ne me fais pas regretter ce choix !

Bien que fils du nord, Haldor ne se considérait pas comme un homme de cette contrée. Bien sûr, le froid ne le dérangeait pas et il appréciait ce climat. Ce n'était pas pour autant qu'il se considérait comme fils de Rome non plus, bien que son dieu soit le fondateur de cette nation gigantesque. Il était un bâtard, le fils illégitime de ces deux endroits. Une dualité qu'il parvenait de moins en moins à canaliser. Alors qu'il encaissait les propos de son maître, un homme souleva la toile et pénétra dans la tente, abaissant la tête en guise de respect devant le général mais n'adressant pas le moindre regard au fils du Nord, comme il était appelé par ici.

- Un messager de Rome vous attend au dehors. Un message de la plus haute importance.

D'un signe de tête, il fit comprendre qu'il acceptait de le recevoir. Et d'une parole, il congédia Haldor.

- Qu'il entre. Mon fils, tu peux disposer maintenant. Et tâche de faire plus attention. Nous reparlerons plus tard de cet incident !

Alors qu'il sortait de la tente, les regards amères des gardes l'accueillir. Refoulant la colère qui était la sienne, le colosse prit la direction de la sortie du camp. Ce dernier se trouvait juste en bordure d'une forêt de pins. Ne désirant nulle autre compagnie que la sienne, il prit alors la direction de cet endroit. Bien qu'il soit interdit de s'y rendre seul - les barbares pullulaient dans la région et des attaques isolées avaient déjà eut lieu - Haldor s'y rendit. Aucune arme sur lui, il faut dire qu'il n'en utilisait pratiquement jamais dans ses entraînements, lui qui comptait presque essentiellement sur ses poings et sur sa force.

Et tandis qu'il s’enfonçait dans cette forêt, la quiétude des lieux le prit aux tripes. Là, plus que n'importe où ailleurs, il se sentait chez lui. Ses pas faisaient craquer la neige sous lui et à mesure qu'il respirait cet air glacial, il se sentait devenir plus fort. Son père lui avait un jour dit que Boréas ne se sentait bien que lorsque le vent du Nord l'enveloppait. Il comprenait pourquoi... Posant sa main sur la cuirasse ornée de l'Aigle, il se l'arracha pour la jeter négligemment sur le sol, ne laissant alors apparaître qu'une fine veste en peau, avec le blason de la Maison de son "père" : un héron. C'est là, alors qu'il jetait un regard emplit de mépris vers la cuirasse se trouvant au sol, qu'il entendit les coups se répercuter dans l'espace autour de lui. Un tremblement étrange envahissait son âme. Le bruit était caractéristique d'un homme coupant du bois. Mais cette étrange chaleur qu'il venait de ressentir... Il n'avait cette sensation qu'en présence de son père d'ordinaire. Ressentait-il à son insu la trace d'un cosmos dans les parages ?

Se rapprochant de l'endroit, il remarqua alors la présence d'un homme fort. Frappant avec une dextérité sans pareille, il semblait avoir quelque chose de particulier. Et si son analyse primaire était la bonne, pour la première fois de sa vie - exclusion de son mentor évidemment - il se trouvait face à une personne comme lui. Mais il s'agissait d'un barbare, à ne pas se tromper. Un instant, Haldor se demanda s'il n'était pas tomber dans un piège de ces vauriens. Et déjà son regard fouillait les alentours pour percevoir la présence d'autres guerriers. Les coups cessèrent. Et l'homme se tourna vers lui.

Fermant les poings, le colosse jeta à cet homme un regard pleins de défis. S'il devait mourir en ce jour, ce ne serait pas seul. Jamais !

Citation :

Encore une fois désolé pour l'attente, je ne te ferai plus autant patienté ^^

Inlassablement, le puissant adolescent nordique frappait de sa hache le tronc du grand arbre qu’il avait l’intention d’abattre, et rien ne semblait capable de l’arrêter. Jusqu’à ce qu’un autre adolescent, plus grand que lui et dont la carrure n’avait rien à envier à la sienne, fasse son entrée dans le bosquet et se mette à le regarder fixement, une lueur de défi dans les yeux.

J’aurais dû le sentir arriver. Au moment où je me suis arrêté de frapper, je l’aie ressenti : il dégage une énergie qui semble pareille à la mienne. Ce Cosmos dont parle sans cesse la prêtresse. Mais alors pourquoi ne l’ai-je jamais vu au village ?

Lentement, le jeune homme posa sa hache, l’appuyant soigneusement contre le tronc largement entaillé qu’il s’appliquait à détruire, puis s’approcha à pas mesurés de son homologue à la chevelure argentée. Et il s’exprima :

- T’es qui, toi ? J’t’ai jamais vu au village. D’où tu viens ?

Le fait qu’il n’ait jamais vu le grand adolescent troublait quelque peu Máni, et pour cause : habituellement, tous les enfants qui semblaient posséder ne serait-ce qu’une parcelle de cosmos étaient immédiatement recrutés et emmenés au temple d’Odin. Et le seul temple à plusieurs kilomètres à la ronde était celui de la ville du blond.

Je sais pas qui est ce type, mais il a l’air comme moi. Et ça, j’aime bien. Tous les autres sont si… faibles. Mais lui n’a pas l’air de l’être. Mais ça, ça ne sera pas trop dur à vérifier.

Renvoyant à son vis-à-vis son regard de défi, l’adolescent blond lui lança :

- T’sais pas qu’il y a le camp romain juste à côté ? Ca te fait pas flipper de traîner juste à côté de la base de ces enfoirés ?

Il marqua une courte pause, et puis :

- Ou alors t’es venu par ici pour casser quelques crânes à ces fiottes ?

Haldor observa l'homme poser sa hache, restant tout de même sur ses gardes. Le fait qu'il ne porte plus la tunique des Romains le faisait paraître aux yeux des barbares comme l'un des leurs. En un sens, il était fier de cela, préférant ne pas renier cette partie de lui. Il avait beau avoir été élevé par un Romain, il n'en restait pas moins un homme de cette terre. Et à en croire ce qu'il entendait de la bouche de ce type, le tempérament impulsif semblait être monnaie courante par ici. Sans le vouloir mais ne cherchant pas non plus à le réprimer, Haldor adressa un franc sourire à celui qui se dressait face à lui et qui lui avait retourné ce regard plein de défi et d'assurance.

Deux solutions s'imposaient à l'esprit du colosse... Mentir tout d'abord et se faire passer pour un habitant d'un village voisin. Mais cela ne lui ressemblait pas. Ne restait qu'à dire la vérité. Et si le ton montait, alors il saurait ramener la raison à cet homme, quitte à lui enfoncer ses arguments à l'aide de grosses mandales dans la tronche. Car s'il n'était pas vraiment chez lui, s'il n'espérait pas vraiment d'égard de la part des habitants du coin, il restait trop fier pour se laisser insulter par quiconque. Et les soldats du camp l'avaient appris à leur dépens.

- Un camp, hein ? Bien sûr que je le sais... Puisque je crèche là bas depuis quelques jours déjà. Et s'il y a bien une chose que je ne porte pas en mon coeur, c'est la peur. Je suis natif de cette région, l'ami. Mais le destin a voulu que je sois enlevé de ce pays pour être élevé ailleurs. Mais tu as raison... ce ne sont que des merdes. Je ne porte aucun respect pour eux.

Alors qu'il prenait la parole, Haldor cracha au sol pour montrer sa répugnance à l'égard de ces empotés. Il ne digérait toujours pas leurs insultes et leurs allusions. Mais il devait se contenir pour son père adoptif. Et pour Apollon. Ce peuple n'était que le reflet de ce que son dieu désirait après tout. Mais le colosse se fichait de cela. Il n'était qu'une arme, futur défenseur de la tour du Nord si la Chlamyde l'acceptait un jour. Et en cela, il n'avait pas d'avis à donner. Le bon soldat. Voilà ce qu'il était. Voilà ce qu'il savait faire.

- Crois moi si je te dis que tu ne tireras aucun honneur à leur éclater la tête. Tout juste sont-ils bons à combattre... Ceux que j'ai dérouillé m'ont tout juste amusés deux minutes. Je suis Haldor ! Quant au village dont je suis originaire, je n'en ai aucune idée malheureusement. Je suis revenu ici pour le savoir justement. Et toi ?

Un grand signe de tête pour l'encourager à dévoiler au moins son nom. En un sens, Haldor espérait que cet homme ne le rejetterait pas si facilement. Il avait là une occasion unique de parler à un habitant de cette région. Et surtout, il n'oubliait pas qu'il avait senti du cosmos émaner de cet homme. Ce qui faisait deux putains de bonnes raisons pour parler encore un peu avec lui. Mais s'il n’avait guère plus de jugeote que les romains, alors leur discussion risquait de tourner court.

Les yeux du futur colosse blond se plissèrent lorsqu’il entendit les propos du jeune homme aux cheveux argentés. Il venait du camp romain. En théorie, il était donc un ennemi du peuple du Nord. Néanmoins… son apparence physique si caractéristique des nordiques, tous comme ses paroles, désignaient ces terres comme celles de ses aïeux. Alors que faisait-il avec ces romains ?

Pourquoi ne lui avais-je pas sauté au cou dès que j’avais appris son allégeance ? Le briser n’aurait peut-être pas été aussi simple que si il avait été un simple soldat romain, mais j’avais mes chances. Et ma hache à portée de main. Et pourtant…

Máni, par pur mimétisme, cracha au sol tout comme son interlocuteur l’avait quelques instants plus tôt. Puis, après un instant d’hésitation, il s’exprima.

- C’est clair que c’est de sacrées merdes. M’est déjà arrivé de me faire un bataillon à moi tout seul.

S’il apprécie aussi peu ses alliés qu’il le clame, il ne m’en tiendra pas rigueur. Je sais qu’en parlant simplement avec ce type, je me rends coupable de trahison, et il vaut mieux pour moi que cela ne soit jamais découvert. Mais il me ressemble. Et même dans nos contrées, bien peu sont ceux qui sont si semblables à moi. Car si mon corps est puissant, ce n’est rien à côté de l’énergie qu’il renferme, m’a dit la prêtresse. Un cosmos, comme elle aimait à le dire, particulièrement puissant. Et si de nombreux autres adolescents suivaient ses enseignements au temple, leurs cosmos étaient ridicules, comparés au mien. Ma simple présence pouvait suffire à les écraser, si je ne m’attachais pas à maîtriser mon énergie. De toute évidence, ce n’est pas le cas du jeune homme qui me fait face…

Brusquement, Máni leva les inhibitions qu’il maintenait sur son cosmos, le laissant pleinement s’exprimer, alors que lui-même s’exprimait à nouveau. Un large sourire sincère barrait à présent son visage.

- Moi c’est Máni. Et y’a un truc que je comprends pas. Comment t’as pu te retrouver du côté de ces foutus romains ? Ils se sont amusés à voler des gosses par ici pour renforcer leurs armées pitoyables la dernière fois qu’ils ont échoué dans leur tentative d’invasion, ou quoi ?

Comme pour marquer son indignation, le grand blond donna un violent coup de pied dans une motte de neige, avant de reprendre.

- ‘fin bon, t’es là maintenant. C’est c’qui compte après tout, hein. T’as fait le bon choix en faussant compagnie à ces enfoirés, vieux. Bienvenue chez toi. Si tu veux, je pourrai parler de toi à la prêtresse quand je r’tournerai au village. Elle est influente. Exécute directement la volonté d’Odin, t’comprends ? Alors forcément, ça en jette. Moi j’suis un d’ses apprentis. Et j’suis sûr que tu l’intéresserais aussi.

Je laisse pas mes sentiments me contrôler, là, au mépris de toutes les règles qu’on m’a apprises ?
Je sais pas trop. Mais j’apprécie déjà ce type. Il est comme moi. Et si je n’ai aucun ami parmi ces faiblards pleurnichards du temple, cela va peut-être changer. Cela va forcément changer. La prêtresse ne pourra pas renoncer à une telle opportunité. Et je retrouverai enfin ce qui m’a toujours manqué.

Un frère…

Haldor sentit la situation se dérider. Et c'était pour le mieux car à quoi bon se battre alors qu'il partageait l'avis de cet homme ? Depuis le début de sa formation dans les alentours de Rome, il n'avait jamais eu l'occasion de croiser la route d'une telle personne. Une personne qui lui ressemblait. Ce n'était tout de même pas rien. Lui qui impressionnait les autres de par sa stature, voilà qu'enfin il pouvait parler d'égal à égal avec un autre. Et pour une fois, il n'avait aucune envie d'éclater la tête du type à qui il parlait. Son cosmos se fit alors sentir sans aucune restriction et Haldor comprit comme il avait eu raison de se rapprocher des lieux. Excepté son mentor, personne ne possédait une telle puissance près de chez lui. Il y avait bien les guerriers d'Apollon mais à ce jour, il n'en avait jamais croisé un seul.

Or, si ce qu'il venait d’entendre était effectivement vrai, ceux possédant un tel pouvoir par ici étaient regroupés en une petite communauté. Cependant avant d'en apprendre plus à ce sujet, il devait dissiper quelques doutes. Máni. Il avait quelque chose de bestial en lui... Quelque chose que le colosse ne parvenait pas à expliquer mais qui l'intriguait.

- C'est plus compliqué que ça... On m'a trouvé errant dans la neige. Mon maître a vu un signe de son dieu, Apollon, et a décidé de faire de moi son disciple. Je n'étais alors qu'un gosse.

Mais Haldor était embarrassé. Il passa sa main derrière sa tête tout en regardant autour de lui. Il avait dit "son dieu". Pourquoi s'excluait-il de la sorte ? Il se sentait mélancolique. Un sentiment de faible pour lui. Une sensation dont il n'était pas habitué. Il se sentait bien ici. Il se sentait à la maison, lui qui était censé manipuler le vent du Nord. Malheureusement, il y avait un hic. Car il n'avait pas été élevé pour suivre les préceptes de Odin mais plutôt pour devenir un jour l'un des quatre Oracles de la Tour des Vents. Apollon était le dieu auquel il devait rendre des comptes et aussi intéressante que soit la proposition de Máni, il ne pouvait le suivre. Pas forcément parce qu'il ne connaissait rien de ce dieu nordique mais surtout parce qu'il n'avait jamais connu autre chose que le dieu solaire.

Et si l'inconnu ne l'effrayait pas, on ne pouvait cependant pas oublier tant d'années à s'entraîner dans l'optique de devenir le bras armé d'un dieu sans garder de profondes attaches dans son cœur. Situation complexe au possible. Car dilemme il y avait. Et hésitation aussi. Aurait-il été avec Máni si le destin avait voulu qu'il ne soit jamais repéré par son mentor ? Aurait-il eu une chance de servir un autre dieu ? Odin. Il ne savait que peu de chose sur lui. Car il n'appartenait pas au Panthéon du dieu qu'il servait. Pourtant ce nom résonnait étrangement en son âme. Comme s'il y trouvait une signification particulière, une signification qu'il ne parvenait cependant pas à décrypter.

- Si je n'aie aucun respect pour ces hommes, pour cette culture de faibles, il n'en est pas de même pour mon mentor. Je viens de cette terre. Mais je ne connais pas Odin. Je suis un étranger ici comme à Rome. Je sais juste que Apollon m'a mit sur la route d'un de ses Oracles et que je suis supposé devenir son successeur si je réussi les épreuves. Je ne peux pas te suivre, l'ami. Pas encore. Car je n'aie qu'une parole.

Et cette parole, il l'avait donné à son mentor. Il réussirait quoi qu'il en coûte. Il était évident à ses yeux qu'il ne pourrait qu'être rejeté par la prêtresse d'Odin. Car il savait que ces entités possédaient de grands pouvoirs et qu'il ne parviendrait jamais à tromper la vision d'une prêtresse. Cette rencontre était arrivée trop tard. Il savait qu'un jour, il serait le plus puissants des quatre Oracles. Et pour cela, il devait suivre cette route. Pourtant... Odin. L'ombre de quelque chose venait de naître dans son esprit. Ou peut-être qu'elle avait toujours été là, qui sait.

Ce gars face à lui, il lui ressemblait. Et à cette simple pensée, Haldor adressa un sourire sincère à son vis-à-vis. Aujourd'hui, dans cette forêt glaciale, deux futurs soldats des dieux se jaugeaient. Eux si semblables tant physiquement que mentalement mais qui étaient très différents de par l'éducation qu'ils avaient reçus. Deviendraient-ils des ennemis ?

- Ta prêtresse... Tu crois qu'elle accepterait de parler à un type comme moi même si je sers un autre dieu ?

Il cherchait des réponses. Et espérait plus que tout en obtenir.

Il y avait une chose à laquelle Máni n’avait pas pensé : l’influence qu’avait pu avoir la société dans laquelle Haldor avait été introduite sur les convictions et l’héritage culturel de l’enfant du Nord. En vérité, il semblait qu’à part une vague situation géographique, il n’en sache rien. La preuve en était qu’il ne connaissait même pas Odin ! Pour Máni, cela était proprement inacceptable pour un enfant du Nord ; néanmoins, il savait que son homologue aux cheveux argentés n’était pas directement en cause. La faute incombait à ces pathétiques romains, ceux qui l’avaient arraché à sa patrie, à son dieu même, pour en faire une simple copie de sous les citoyens les citoyens romains. Fort heureusement, ils avaient vraisemblablement échoué. Au moins partiellement.

Je frémis en entendant prononcer le nom d’Appolon, et mes poils se hérissèrent lorsque je compris que j’avais face à moi un élu du dieu grec. Mais pour moi, cela n’avait pas de sens. Et pour cause : en tant qu’enfant du Nord, c’était dans les rangs d’Odin qu’Haldor avait sa place, mais sûrement pas au service d’un dieu faiblard et débauché. A quoi jouaient donc ces romains ?

Le pire dans tout cela était que mon vis-à-vis semblait réellement désireux de devenir un serviteur du dieu romain. Et si je comprenais le concept de parole donnée sans aucun problème, je n’arrivais en revanche pas à concevoir comment un serviteur naturel d’Odin pouvait être débauché de la sorte pour être contraint à un autre dieu. Ou plutôt, il me semblait plutôt le comprendre, et presque trop bien. Partir en quête d’enfants sur des terres où les hommes sont forts, et les faire donner leur parole avant même qu’ils aient atteint l’âge de la raison… était-ce là un comportement digne d’un homme ? Pour moi, sûrement pas. Mais ces romains étaient des lâches. Tout comme leurs dieux. La prêtresse nous l’avait très bien expliqué.

La colère bout à présent en moi, mais elle n’est pas dirigée contre Haldor. Pas directement. En vérité, ce sont ces pitoyables romains que je méprise, que je hais, aujourd’hui plus que n’importe quel autre jour, car je viens d’avoir un exemple de leur couardise et de leur sournoiserie. De dégoût, je crache une nouvelle fois au sol avant d’élever la voix, furieux.

- Qu’une parole ! T’as pt’et qu’une parole, mais ils t’ont vraiment laissé le choix au moment de la donner ? Pourquoi ils t’font rev’nir ici que maintenant, après que tu t’sois déjà engagé, hein ? Ils t’ont bien baisé, maint’nant que tu leur as donné ta parole, t’aauras beau apprendre que ta vraie place c’est du côté d’Odin, ça peut plus rien changer pour toi !

Et il sollicitait une audience avec la prêtresse. L’instant d’avant, je lui avais volontiers proposé mon aide, mais à présent que ma colère envers les romains m’aveuglait, il était contraint d’en être la cible. Pourtant, j’aurais tellement apprécié avoir un guerrier comme lui à mes côtés !

- La prêtresse, elle veut pas avoir affaire aux serviteurs des Usurpateurs. Elle sert Odin, et c’est tout. Mais bon, tu peux quand même la voir. Suffit que tu laisses tomber ces histoires d’Apollon pour nous rejoindre !

Haldor comprenait la colère de cet homme. Et il l'a partageait en partie, bien qu'il ne puisse adhérer totalement à sa vision des choses puisqu'il avait la véritable version des évènements. Il comptait d'ailleurs le lui expliquer si l'autre le laissait faire. La dévotion qu'il portait à Odin et à cette grande Prêtresse était louable mais lui-même ne répondait qu'à Apollon. Une sorte de choc des cultures qui ne semblait pas pouvoir être oublié par Máni. Mais cela ne concernait pas vraiment le colosse. Il avait tendu une main amicale vers cet individu qui lui ressemblait plus que tous ceux qu'il avait croisé sa vie durant. Mais si le fait d'appartenir à une autre déité faisait de lui un ennemi, alors il accepterait cet état de fait avec honneur. Ne jamais regretter ses choix et assumer ses propos, voilà comment était Haldor. Aussi dommage que cela puisse être, il ne pouvait renier le dieu Solaire appartenant au panthéon grec.

D'autant que Máni lui fermait totalement la porte. Lui dire qu'il ne pouvait voir la prêtresse qu'à la condition unique de renier Apollon signifiait clairement prêter allégeance à un autre. Il n'était pas venu en ces terres pour cela mais seulement pour en apprendre plus sur lui et ses origines. Et ce qu'il constatait ne pouvait lui plaire. La fierté d'un guerrier. Voilà ce à quoi il s'opposait aujourd'hui. Mais il ne pouvait en vouloir à son interlocuteur. Il comprenait même s'il ne pouvait l'accepter totalement. La voix de Máni s'était élevé plus forte que de raison. Et c'est cela qui mit Haldor en rogne. Lui aussi possédait des valeurs et il avait beau ne pas apprécier ces maudits romains et leur envie de domination, il avait beau exécrer leurs manières, il n'en restait pas moins un soldat de leur dieu. Qu'importe alors ce qu'il pensait. Il avait des obligations et s'y conformerait comme tout homme fait.

- Gaffe quand même... Et baisse d'un ton l'ami. Que j'aie eu le choix ou non n'entre plus en ligne de compte. Je ne peux pas faire machine arrière aussi facilement. Et tu te trompes en pensant que je suis ici aujourd'hui sur ordre de ces gars. Je ressentais le besoin de revenir ici. De sentir l'air de ma contrée. De foulée du pied le pays qui m'a vu naître. Et de parler aux fiers guerriers qui font de cette nation un peuple redouté même au cœur de l'Empire.

Lui aussi avait haussé le ton, prouvant qu'il n'était pas homme à fermer sa gueule si facilement. Une cassure ? Peut-être. Le colosse le regrettait mais la vie était ainsi. On ne pouvait empêcher certaines choses de se produire. Si Rome désirait conquérir cette portion de la planète, ce n'était pas que par soucis d'expansion.

Le regard des deux hommes ne se quittaient pas. Et aucun d'eux n'abandonnerait son point de vue. Haldor le savait, même s'il sentait du dépit dans les propos de Máni : sa place n'était plus ici. Et il lui avait fallut tomber sur cet homme pour le comprendre. Pourtant... Pourquoi cette sensation ne le quittait pas ? Celle de passer à côté de quelque chose, comme s'il manquait un petit quelque chose pour comprendre enfin ce qui se passait. Comme s'il était sous l'effet d'une drogue l'empêchant de regarder ailleurs.

- Je vais devoir retourner au camp... Dommage pour la prêtresse. Cela m'aurait peut-être aidé à y voir plus clair. Máni, tu m'as l'air d'être un gars bien. Tu me ressembles beaucoup. Et sans doute qu'en d'autre circonstance, tu aurais pu être un frère pour moi. Mais tu sers Odin alors que je suis destiné à devenir un Oracle. Prépare toi bien dans ce cas. Car lorsque nos routes se croiseront de nouveau, je n'hésiterai pas à t'écraser toi et chaque guerrier de Odin qui s'opposera à moi si on me l'ordonne.

Plein de défi, le ton du colosse ne laissait aucun doute sur sa réelle motivation. Aujourd'hui, ils n'étaient pas encore des guerriers accomplis. Mais le jour viendrait où ils porteraient les armures qui leur étaient destinées. Et là, ils ne pourraient pas se considérer comme des frères. Quel que soit le respect qu'ils se portaient. Il était pourtant temps maintenant de se quitter. Car il était évident qu'ils avaient fait le tour de la question. Trop tôt pour combattre. Trop tard pour changer d’allégeance. La vie était ainsi faite.

Citation :

RP terminé pour ma part. Désolé pour le temps de réponse également, très grosse semaine... Merci pour ta participation.