Il serait temps de faire le point sur certaines choses non ? Non, pas de rétrospectives personnelles cette fois, car Narcisse avait déjà fait le tour de la question et il ne lui restait guère de choses à corriger qui ne soient pas liées à sa nature profonde d’être humain. Et maintenant, que pouvait-il bien apporter encore ? Plus de lumière sans doute. Il l’avait fait avec Oréstis, avec Sokaris. Restait encore un troisième élève, qui par le hasard des évènements était devenu ce qu’il était devenu pour lui : un ami. C’était ainsi qu’il le voyait mais suite à l’affrontement avec Oréstis, Narcisse avait également compris que son charme avait pu créer d’autres émulations que de simples relations entre un maître et ses élèves. Et peut être parce qu’il devait ressentir quelque chose de similaire envers Dormin d’Andromède qu’Oréstis de la Lyre envers lui, il voulait faire « le point » avec l’être à l’armure gracieuse.

Depuis leur première rencontre Narcisse savait très bien que le Bronze Saint n’était pas comme les autres. Il le savait alors comme une intuition, une intuition qui ne l’avait jamais quitté depuis. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il pensait à Dormin comme à un être la plupart du temps et non comme à un homme ou une femme car il n’était pas certain qu’il soit l’un ou l’autre. Cela ne lui avait pas posé de problèmes pour l’héberger et l’entrainer mais maintenant que lui-même voyait au-delà de ça, il allait devoir clarifier certaines choses pour le faire avancer encore un peu sur la voie de la lumière menant à la paix intérieure. Et si Dormin atteignait cette paix, comme Sokaris et comme Oréstis commençait à l’entrevoir, alors le Gold Saint du Capricorne n’aurait pas l’impression d’avoir perdu son temps et d’avoir échoué dans son rôle de maître. Habillé d’atours saillants, blancs et ors, le jeune homme à la longue chevelure verdoyante descendit lentement les marches de ses appartements pour traverser l’atrium aux miroirs et se diriger vers la sortie de son domaine. En face de lui s’ouvrirent les marches menant aux maisons supérieures. La première, celle du Verseau, était actuellement inoccupée. Encore une victime du chaos qui régnait actuellement un peu partout dans le monde. La seconde était également vide.

Narcisse n’alla pas plus loin.
Sortant un linge de sa poche, il l’appliqua sur son nez et marcha lentement vers les jardins supérieurs de l’escalier, pour finalement arriver face à la maison des Poissons. Un lieu devant lequel il s’était rendu, des mois auparavant, pour s’y entrainer avec fougue avec Aquillas des Poissons, depuis disparu en mission de ce qu’il avait apprit. Leurs rangs s’étaient dégrossis ces deux derniers mois. Athéna comptait-elle leur envoyer d’autres aspirants ? Il en arrivait pourtant de moins en moins… L’avenir ne s’annonçait pas radieux, pour aucun d’eux. Et pourtant, face à ces fleurs mortelles et magnifiques, on pouvait oublier l’espace d’un instant les soucis de ce monde pour ne faire qu’admirer, passivement, la beauté de la nature. Mais il y avait quelqu’un devant ces fleurs qui ne faisaient pas que les admirer. Il avait sans doute senti sa présence mais n’avait pas dénié se retourner vers lui. Narcisse s’approcha donc et arriva au niveau du jardinier.

▪ Elles sont toujours aussi magnifiques. Aquillas serait heureux de voir quelqu’un entretenir ainsi ses fleurs. Narcisse s’agenouilla aux côtés du chevalier accroupi. J’ai à te parler Dormin, m’accorderais-tu un moment ?

Le chevalier d’or plongea son regard dans celui de son interlocuteur, qui depuis un certain temps déjà venait ici s’occuper des fleurs toxiques du chevalier des Poissons. Son élève était peut être lié à cet endroit, tout simplement. Au-delà s’étendait le Temple d’Athéna où il n’avait jamais pu se rendre. Il s’agissait de la dernière maison, du dernier rempart contre le chaos. Il y avait peut être un lien avec Dormin, dont la ténacité et le courage faisaient de lui quelqu’un sur qui l’on pouvait compter pour défendre Athéna jusqu’au bout. Allait-il accepter sa proposition faites en douceur ?

Il laisse Narcisse entrer et prendre place à ses côtés, sans mot dire. Les fleurs... Parfaites amies éphémères tant aimée de l'être aux cheveux de feu. Leur parfum enivrait ses sens de leur arôme délicat. Que se fut pour l'apaiser, le stimuler ou encore pour le plaisir. La douceur de leurs pétales zébrés de petites veines où s'écoule la précieuse sève. Il aimait porter ces dernières à son visage, faire glisser ses lèvres fines contre ces parrures cramoisies, blanches et de bien d'autres tons. Ce contact était aussi frais et doux qu'un baiser. Goûter aux lèvres de quelqu'un... Etait-ce un plaisir qui avait été donné à Dormin?

Il passe ses doigts sur la tige d'une belle plante, faisant glisser sa peau contre la sienne, pinçant la tige de la fleur entre son pouce et son index. Délicatement, il remonte le long de ce tronc miniature tendu vers le ciel dont la fin se termine par une farandole de pétales d'un rouge aussi délicieux que la crinière du bronze saint. Il fait danser la parure de cette rose comme on fait voler les jupons d'une femme. Il ne force pas trop de peur de l'écorcher, de la déraciner. Le bronze saint se penche, approche son visage de cette fleur cramoisie et et vient cueillir un de ses précieux pétales, le pinçant entre ses lèvres.

Il s'écarte, arrachant ce dernier sans heurt et fait passer sa langue sous celui-ci pour l'entrainer dans sa bouche. Dormin ferme les yeux, laissant le goût de cette plante venimeuse se répandre sur sa langue. Son palais n'est plus aussi agressé que lors de sa première dégustation. il commence à s'y faire, son corps s'accoutume à ce met raffiné et pourtant toxique. Il se sait observé, pourtant il ne répond pas. Pour rien au monde, il ne briserai cette communion avec cette fleur. C'est elle qui, bientôt, viendrait renforcer son corps et son cosmos. Il fait passer le pétale sous ses dents, le broie et l'avale. C'est un peu amer et acide... Mais aussi sucré... finalement le goût laissé est plutôt bon.


"Voilà... Je suis tout à vous."


Le bronze saint daigne enfin croiser le regard de son interlocuteur et lui répondre. Il se relève pour lui faire face, laissant cette rose si belle et gorgé de rosé. Libérée de l'emprise de ses mains, cette dernière chancèle, libérant quelques gouttes d'eau ruisselant depuis son chapeau pour finir leur course et s'écraser sur le sol. Dormin s'avance, ses pas résonnent dans la maison vide et sur le marbre blanc. Sa démarche presque trop féminine est accompagné de l'habituel cliquetis de ses chaines s'entrechoquant et tapant contre l'armure pourpre d'Andromède. Bruit qu'il savait taire d'un pas félin et d'une gestuelle parfaitement coordonnée lorsque furtivité était de mise.

Le Bronze saint fait à présent pratiquement face au gold saint du capricorne. C'est alors que ce dernier baisse le regard. Comme un air de déjà vu, sorti tout droit d'un autre temps, un souvenir précieux d'une rencontre au crépuscule entre vis à vis. Dormin se penche et s'incline. Il pose un genoux à terre et son bras s'arc pour porter une main à son coeur. Sa tête bascule en avant en signe de soumission. Andromède s'agenouille devant le chevalier d'or comme au premier jour, marquant la différence de grade les séparant et exprimant par le geste le respect qu'il portait à cet homme qui était son maître.


"Je vous salue, Narcisse du Capricorne."

Narcisse observa l’étrange rituel auquel se livrait son élève, partagé entre l’envie de l’arrêter et la surprise de le voir ainsi ingérer des pétales des roses empoisonnés de la maison des Poissons. Dormin y prenait apparemment un plaisir certain et le chevalier du Capricorne entrevoyait les raisons qui pouvaient pousser Andromède à faire ainsi. Mais au-delà de la surprise, le beau Narcisse doutait tout de même de l’efficacité d’un tel procédé. Ses yeux de jade suivirent les mouvements du Bronze Saint tandis qu’il se relevait et faisait quelques pas dans la demeure vide pour finalement se retourner et s’agenouiller devant lui. Entre temps il s’était lui-même relevé et ainsi il retrouva dans la pose de son ami et élève l’image de leur rencontre, des mois plus tôt.

▪ Bonjour, Dormin d’Andromède. Relèves-toi je t’en prie, je ne suis pas venu te parler en tant que Chevalier d’Or mais en tant qu’ami.

Il plongea son regard dans celui-ci d’Andromède. Ce n’était pas une question, de savoir s’ils étaient amis ou non, du point de vu de Narcisse. Cependant au fond de ces pupilles vertes, il restait un doute concernant Dormin. Un doute qui pouvait le faire douter de tout à propos de l’être aux chaînes et à la si belle chevelure enflammée. Les bras croisés sur son torse, Narcisse ferma une seconde les yeux, et de nouveau les images d’une ombre inconnue l’assaillirent. Depuis ce jour avec Oréstis, puis lorsqu’il avait entrainé Sokaris pour lui transmettre les leçons les plus utiles et importantes d’un Chevalier d’Or, cette vision entremêlée de larmes ne l’avait pas quitté. Cette vérité quand à ce qui l’attendrait au plus proche d’Athéna lui avait fait verser toutes les larmes de son corps mais aussi lui avait donné un but nouveau, contre lequel luttait son seul ennemi : le temps. Il avait transmis à Oréstis de la Lyre sa volonté, à Sokaris de la Balance son savoir, et à Dormin, il avait une autre chose à transmettre…

▪ J’aimerais que nous échangions quelques idées, sur ce que tu as vécu depuis ton arrivée au Sanctuaire. Dit-moi, quelque chose te pèse-t-il ? N’aurais-tu pas une chose à me dire ?

Le Chevalier s’écarta de Dormin et fit quelques pas en direction des fleurs. Il savait très bien qu’Andromède ne cherchait pas à mourir en inhalant ainsi le poison des roses qui poussaient ici. Il cherchait à s’en protéger au contraire. Mais c’était une pratique dangereuse.

▪ Et j’aimerais aussi que tu me dises, pourquoi tu cherches à devenir le prochain Chevalier d’Or des Poissons ? Tu sais pourtant bien que cela ne fonctionne pas ainsi.

"Hum?! Oh lala! Non! Non non non.... Je ne désire pas prendre la succession d'Aquilas. Je ne suis qu'un bronze saint et je suis déjà bien content de porter cette armure."


Il était vrai qu'il avait pu donner cette impression malgré lui, mais jusqu'à présent il était fidèle à l'armure de son pauvre maître laissé en Britannia. Des fois l'envie de rentrer se recueillir sur sa tombe prenait le bronze saint. Mais c'était une attitude indigne d'un chevalier. Et malgré les encouragements de certains à prendre du temps pour lui, Dormin n'arrivait simplement pas à s'y faire. Il ne s'épanouissait qu'en tentant de se montrer utile. Du reste, cette attitude, plus ou moins comprise et appréciée, ne lui attirait pas que des éloges et plongeait le rouquin en pleins doute.


"Non... ce que je veux c'est me renforcer histoire de pouvoir combler mes lacunes. Je serais bien bête de me retrouver impuissant face à ce genre d'assaut si je devais encaisser le futur chevalier des poissons comme je vous ai encaissé lors de notre combat face aux envoyés d'Arès."


On ne savait pas quand il viendrait à leurs adversaire le bon goût de les attaquer... non en fait, il le savait très bien. Se serait la prochaine fois que le sanctuaire serait vide de ses gold saint, laissant une Athéna sans défense. Dormin détestait croire que l'attaque était la meilleure des défense... Il fallait certes se protéger, mais il se servirait à rien d'aller chercher les autres sur leur propre terrain.

Il se penche sur les fleur à sa gauche et en cueille une avant de se redresser à la hauteur du Capricorne. Il n'allait pas désobéir après y avoir été si gentiment invité. Narcisse savait à présent bien y faire avec lui. Il le remercia d'un sourire d'avoir été si délicat avec lui. Il n'adoptait pas la même attitude en fonction de qui il avait en face de lui, aussi traitait-il Sokaris, Oréstis et Dormin différemment pour avoir d'avantage d'impact sur eux au lieu de forcer ces derniers à se plier à ses idées comme le feraient certains. C'était une façon de faire tellement plus enrichissante.


"Mon but est de devenir un parfait bouclier. Et si pour ça je dois introduire ce poison n moi pour y devenir insensible alors soit. Après tut, certains semblent estimer qu'un chevalier n'a pas droit à une existence propre ou idée s'en approchant."

▪ Me voilà rassuré, je n’aimerais pas te voir tomber malade à cause des roses en vain, déclara-t-il en souriant lorsqu’Andromède lui assura qu’il ne cherchait nullement à prendre la place laissée vacante par Aquillas des Poissons.

Les bras croisés dans son dos, Narcisse fit quelques pas vers les fleurs et prit bien garde à ne pas inspirer profondément leur parfum. Son cosmos brûlait lentement, à « feu doux » pour éviter d’être empoisonné. C’était cette même chaleur intérieure presque réconfortante qui le protégea d’un trop lourd sentiment de culpabilité lorsque Dormin évoqua la raison, bien qu’il ne doive pas s’agir de la seule, qui le poussait à s’intoxiquer ainsi. Le souvenir de leur affrontement avec les Soldats d’Arès n’était pas le plus beau qu’il ait en réserve concernant leur relation. Durant le combat, alors que l’un des guerriers l’avaient privé de plusieurs de ses sens par divers coups au corps à corps précis, le second lui avait révélé son identité et avait usé d’un étrange sort pour faire entrer Narcisse dans une colère noire. Colère qui s’était déversée sur la personne la plus proche de lui : Dormin d’Andromède, qui malgré les assauts combinés et traîtres de trois adversaires avait tenu bon et permit à Narcisse de défendre sa maison coûte que coûte. Le Bronze Saint s’était ensuite effondré et le Capricorne l’avait reconduit jusqu’à un lit en traversant les ruines d’une partie de la maison que le chevalier de la Guerre avait détruit. Apparemment le souvenir de cette rencontre continuait également de tourmenter de temps en temps Dormin pour qu’il pense à se protéger un jour d’une nouvelle attaque de ce genre.

▪ Tu sais, ce qui s’est passé ce jour là, je le regrette, vraiment, lança-t-il à voix basse. Je me suis laissé abuser par la colère que le Soldat d’Arès a provoquée en moi. Même si c’est par sa faute, c’est malgré tout par ma main que le coup a été lancé. J’espère, que tu ne m’en auras pas trop voulu… car je n’ai jamais souhaité la douleur et la peine de qui que ce soit. Les ennemis d’Athéna eux-mêmes peuvent obtenir notre pardon, si jamais leur repentir se trouve être sincère. Mais il est rare de voir le disciple d’une divinité renoncer à elle. Comme tu viens de le dire, certains croient, qu’ils n’ont que ça.

D’un geste de la main, Narcisse s’ébouriffa les cheveux et les lissa, pensif. Que dire à Andromède qui puisse l’aider face à un tel questionnement. Que pouvait-il dire, lui qui semblait n’avoir qu’Athéna et sa cause à défendre ? Pourtant, il n’avait pas que ça : il avait sa propre vie, également. Et c’était de son plein gré qu’il avait choisit de se lancer corps et âmes sur la voie que la déesse avait tracée pour lui. Personne ne l’y avait obligé. Il aurait pu tout abandonner face à l’armure d’or, la laisser dans le sanctuaire souterrain… mais il avait choisi de la porter, par vanité, puis par amour de lui-même, et enfin en toute connaissance de cause du rôle qu’il avait à jouer ici bas.

▪ Mais tu es libre Dormin, continua-t-il en se retournant vers lui et en plongeant son regard dans le sien. Tu es libre de défendre Athéna à ta façon. Que ce soit ici au Sanctuaire, ou à travers le monde en défendant la veuve et l’opprimé. Partout où l’espoir semble s’éteindre, nous deviendrons nous trouver. Et ainsi, tu découvriras toi aussi que cette existence est la tienne. Tu es en âge de faire ce choix, de choisir quoi croire, qui croire. Athéna, ou bien ses détracteurs ? Il n’y a que toi qui puisses choisir si tu souhaites vouer toute ton existence à tes idées, ou seulement les défendre à ta manière. J’ai également eu ce choix à faire, lorsque j’ai été en présence de l’armure du Capricorne. Et j’ai choisi de me vouer corps et âme à la déesse. Personne ne m’y a contraint, si ce n’est peut être la main du destin ? Avec un sourire, le jeune homme se mit à rire tout bas. Mais nous nous égarons dans un débat théologique qui me parait bien loin de nos préoccupations actuelles. Comprends-tu ce que j’essaye de te dire Dormin ?

"Oh? Vous vous inquiétez pour moi? A ce point?"

"Et bien... Je ne sais pas quoi dire... Sinon, merci, ça me touche beaucoup."

"Vous repensez encore à cette vieille histoire? J'avoue que je me suis posé beaucoup de questions. Mais au final, rien a changé. J'ai confiance en vous et c'est pourquoi je n'ai pas de mal à pardonner. Si les blessures physiques peuvent m'atteindre, elles ne sont rien comparé à celles que l'esprit peut subir. Et c'est celles là que je crains le plus car aucun cosmos ni aucune armure ne peut nous défendre contre ça."

"Mais... Vous, vous ne m'avez pas fait de tort... ou pas assez pour que je vous en veuille. Alors ne vous en faite pas, tout va bien. Vous êtes tout pardonné. Je ne juge pas nos adversaires, je veux croire qu'il y a un bon fond en chacun... J'ai fait un choix. Le choix de rester positif même au coeur de la nuit. Afin que pour toute personne perdue dans les ténèbres il y ait cette petite étincelle chaude et brillante pour ne pas qu'il oublie la douceur du monde réel... car elle existe belle et bien... n'est-ce pas?"

"Les Gens oublient trop facilement ce qu'ils possèdent... Les gueriers oublient le goût des larmes et troquent leur innocence contre une armure qui les enferment plus qu'elles ne les protègent. Mais ça aussi c'est un choix... de ne pas se laisser consumer par la guerre. J'aime à croire que j'ai ma place dans cet univers... à ma façon."

"Je ne suis pas comme les autres et je suis content de pouvoir leur apporter quelque chose de différent. Même si mes mots ne touchent que certaines personnes... J'essaye... C'est parfois difficile. Mais si c'était si simple, je n'aurais pas besoin de le faire ni de produire d'efforts. Je ne veux pas porter le fardeau des autres, je veux juste... les soutenir du mieux que je peux. Et ainsi je m’épanouirai moi aussi un jour comme toutes ces belles fleurs et je saurai qui je suis... Il y a bien des choses que les gens du sanctuaire ignorent à mon sujet..."

Dormin était égal à lui-même : bon et généreux envers les autres. Sa place au Sanctuaire était mille fois méritée et le Capricorne regrettait quelque peu qu’il ne puisse pas exprimer ses idées haut et fort au sein de leur communauté. Mais malheureusement, en tant que chevalier de bronze, une telle présomption pourrait passer pour de la mutinerie et être punie. Malheureusement Narcisse pensait ceci sans précédent sur lequel se baser. Et il ne connaissait pas assez le Grand Pope pour savoir comment il réagirait face à une telle prise de parole de la part d’un simple Bronze Saint. Mais ce n’était pas n’importe quel chevalier : il était le seul au Sanctuaire à rester debout, face à l’adversité. Même Narcisse avait dû s’incliner, lorsque Kallas l’avait attaqué dans le dos, lors de l’attaque des Marinas aux portes des lieux. Mais Andromède lui n’était pas tombé, sinon de haut en voyant à quel point le Sanctuaire était désorganisé et en proie à la panique face à cette prolifération d’ennemis qu’ils connaissaient aujourd’hui. Si Dormin avait plus de poids, alors il aurait pu tous les rassurer et les assurer que quoiqu’il arrive, il ne céderait pas face à ces hordes, face au chaos et au mal. Et c’était pour cette raison qu’au fond de lui, Narcisse l’admirait autant qu’il en était fier. Et puis, il était son élève, quoi de plus gratifiant pour un maître n’est-ce pas ?

Cependant il avait certaines choses à lui dire avant la fin du jour, car bientôt certaines choses… changeront.

▪ Dormin, dit-il en venant poser sa main sur son épaule maintenant sans armure protectrice, tu as ta place dans cet univers, ais foi en mes paroles. Et je souhaite de tout mon cœur que bientôt, Athéna t’accorde sa plus grande confiance et te permette d’exprimer tes idées avec le poids et la sagesse qui font tant défauts à bien des chevaliers au Sanctuaire. Même si tu n’arrives qu’à toucher qu’une petite partie des gens que tu croisent, au moins essayes-tu de tout ton cœur et c’est ça, qui touchera les gens, à la fin.

Narcisse, les yeux plongés dans ceux de son élève, eut du mal à aller plus loin. Peut-être le fait de le regarder ainsi le mettait mal à l’aise finalement. Devait-il lui tourner le dos pour que Narcisse ne se sente pas gêné et qu’il puisse lui dire ce qu’il avait à lui dire ? Non, le Capricorne fît autre chose, prit sous le coup d’une émotion forte, après l’écoute des paroles du jeune homme. Accentuant sa prise sur son épaule, Narcisse attira Andromède à lui, l’enlaçant dans une étreinte forcée mais qu’il voulu douce, à l’image de la douceur dont avait parlé le chevalier.

▪ La douceur existe, et tu en es l’incarnation parfaite… Il prit une grande inspiration et se lança. J’ai fais un rêve, il y a de cela plusieurs nuits. Un rêve dans lequel notre univers n’était plus que mort et désolation. La marque des ténèbres était partout, et plus rien ne vivait à des centaines à la ronde… Lorsque je me suis éveillé, j’ai senti sur mes joues couler des larmes, sans comprendre en fait, que cette vision du futur m’était insupportable. Aussi ais-je médité, ce jour là, pour comprendre le sens de ce rêve. Puis une intuition m’ait venue… Il lâcha Dormin et s’écarta de lui, pour faire de nouveau face au Sanctuaire et à sa majesté. Ce jour-là tu es passé par ma maison, accompagné de Bach du Taureau et d’émissaires du Nord. J’étais alors en train de combattre Oréstis. Ce n’était pas la meilleure méthode pour lui et j’espère qu’il comprendra pourquoi il m’a fallu le combattre. Puis dans les jours qui suivirent, j’ai aussi entrainé Sokaris. Une dernière fois, car maintenant il est un frère d’or. Mais ce n’est pas à eux que je dois transmettre ce qui doit être transmit… Penchant la tête de côté, il continua. J’aimerais que dans les prochains jours, tu quittes ma demeure, comme j’ai contrains la Lyre à la quitter, et que tu gardes quelque chose pour moi, très précieusement. Quelque chose sur lequel quelqu’un de confiance doit veiller. Si tu avais été mon héritier direct je t’aurais aussi dit de la garder et d’en faire bon usage mais, ce n’est pas le cas. Tu es loin d’être sous le signe du Capricorne…

Le jeune homme fit un pas vers Andromède et observa son bras droit, qu’il présenta ensuite, tendu à l’horizontale, à Dormin.

▪ Excalibur, la lame sacrée. Confiée par Athéna au premier Capricorne pour être la lame de la Justice qui s’abat sur le mal. Mais ce n’est pas une épée au sens commun du terme. Il s’agit plutôt d’une connaissance aigüe de la manière dont un chevalier peut concentrer son cosmos dans son bras pour en faire une lame. A cette connaissance offerte par Athéna s’ajoute une étincelle de sa force, qui permet au chevalier du Capricorne de ne pas perdre son bras dans l’utilisation d’Excalibur. Car grâce à elle, un Capricorne peut accumuler assez de puissance sans en mourir, pour trancher presque n’importe quoi, comme tu l’as déjà vu par toi-même. C’est une « arme » dangereuse mais qui ne doit jamais être perdue. Je veux que tu la gardes, jusqu’à ce que le prochain chevalier du Capricorne ne soit choisi par mon armure. Peux-tu faire cela pour moi mon ami ?

Qu.... Que faisait-il?! Dormin reste interdit, choqué par ce qui lui arrive soudain. Est-ce que... c'était vrai? Est-ce que son maître, Narcisse, gold saint du Capricorne, venait de... le prendre dans ses bras? Son coeur se serra dans sa poitrine, lui provoquant une douleur aïgue, mais celle ci n'était pas désagréable... Bien au contraire. Dormin n'avait jamais rêvé de ce moment contrairement à son camarade joueur de lyre. Il n'avait jamais été clair avec ses sentiments. Pouvait-on dire qu'il était amoureux? Non... Dormin n'avait pas d'amour véritable... Parce qu'il se voulait seul sur le plan émotionnel. Il ne pensait pas qu'on puisse lui offrir pareil présent un jour et c'est pour cette raison qu'il s'était forgé une carapace autour du coeur et repoussé les approches des uns et des autres, esquivant ces dernières en se cachant derrière de nombreux masques.

Mais alors... pourquoi se sentait-il si mal en cet instant? Face à tant de douceur. Il était... désarmé. Et en même temps totalement perdu... Mais bientôt c'est autre chose qui vint étouffer ce sentiment de perplexité. Comme une aura qui parlait directement à travers le cosmos et qui transmettait de précieuses informations à Dormin... précieuses... Douloureuses aussi. Ce fut bref, comme un flash, juste un brin d'émotions un peu floues partagées entre les deux chevaliers. Mais, assez intenses pour graver une certitude dans la tête de Dormin... sans savoir pourquoi, il avait la quasi certitude soudain que le gold saint partait bientôt pour... ne jamais revenir.

Il reste debout, cet air choqué, soudain très pâle. Son regard émeraude fixait le gold saint avec stupeur. Qu'est-ce qui se passait enfin! Il écouta ensuite son maître sans l'interrompre, découvrant à chaque mot un peu plus de ce qu'il craignait. Voilà qu'il voulait lui confier excalibur... cette fois il n'y avait plus de doute possible... Si il faisait ça... c'était qu'il n'en aurait plus besoin et donc...

Non! Il ne devait pas pleurer... pleurer c'était pour les faibles non?! Il devait se montrer à la hauteur des espérances du gold saint et de sa confiance! Non! Retiens toi, imbécile! Le rouquin chope un morceau de sa langue entre deux dent et se mord avec vigueur pour ne pas céder, mais ses yeux sont humide. Pourtant il ne fuit pas le regard du chevalier d'or, il reste droit et fier face à lui.


"Je... Je serai honorer d'accepter cette mission, maître. Et je suis fière et heureux de me montrer digne d'une telle tâche à vos yeux... J'avoue être très... surpris."


Rien à faire... il n'arrivait pas à parler correctement. Les mots restaient bloqués dans sa gorge nouée. Il avait une boule au creux de l'estomac. Tout ce qu'il aurait pu balbutier n'aurait pas refléter ce qu'il voulait exprimer à son maître... Non! Il ne mourrait pas! Il devait juste avoir un peu la pression. Dormin refusait de croire ce qu'il venait de ressentir. Ce n'était pas une science exacte. Il ne pouvait accepter de perdre un nouveau maître. Cependant... Si tel était le destin de Narcisse il devait le laisser partir.


"Maître... Je... Je..."


Ce fut plus fort que lui... Peut-être même était-ce la première fois que ça se produisait. Comment s'était-il retrouvé, les bras autour du Gold saint? Mystère... C'était venu tout seul. Il s'était précipité vers lui et l'enlaçait tendrement de toutes ses forces, ne retenant plus ses larmes... comme une femme.


"Je suis certains que vous reviendrez! Vous reviendrez!! Vous reviendrez, je le sais!... Quoi que vous deviez faire... Je crois en vous!"

Ce que tout ceci pouvait être difficile en fin de compte. Narcisse avait cru naïvement en observant son reflet dans ses miroirs qu’il serait aisé de faire ses adieux à ses disciples et amis. Mais finalement il avait échoué lamentablement dans cette entreprise, sinon peut-être avec Sokaris qui était le plus équilibré des trois sur le plan psychique. Oréstis il l’avait combattu pour mettre fin à son amour pour lui, et il ne lui restait plus que Dormin à qui transmettre Excalibur. Mais ce faisant il avouait presque à celui-ci qu’il ne comptait pas revenir de sa mission prochaine ou des prochains évènements qui surviendraient. Et cela, Andromède ne le rata pas et ce fût bientôt un Chevalier de Bronze au bord des larmes que le Maître des Reflets eut devant lui.

Mais quelque chose d’étonnant arriva alors.
Depuis leur première rencontre, Narcisse savait que Dormin était un être à part. Il n’avait jamais désiré en savoir plus de lui-même -pourquoi l’aurait-il fait ? Après-tout seul lui-même l’intéresse vraiment- mais cela ne l’avait pas empêché de remarquer parfois dans le comportement du jeune homme des pointes de féminités très marquées. Cela faisait-il de lui ce qu’il n’était pas ? Non. Dormin pouvait bien avoir cette douceur en lui sans être une femme et de toute manière, respectueux des traditions du Sanctuaire comme il l’était, il ne se serait jamais montré sans son masque s’il avait été une demoiselle. Et pourtant… ce fût tout d’un coup d’une voix de femme qu’Andromède balbutia et se jeta à son cou, lui criant presque derrière ses larmes qu’il allait revenir de ses prochains combats, qu’il, ou elle, en était certaine. Et si le discours de son disciple le toucha beaucoup plus qu’il ne le laissa paraître, l’étonnement dû à cette révélation fît un bon petit tour dans son esprit.

▪ Dormin tu… Commença-t-il en se détacha de lui pour plonger son regard dans le sien.

Un regard si doux, si bon, si chaleureux. Pourquoi de tels yeux devaient-ils exister dans un monde si chaotique ? Mais c’était ce monde lui-même qui rendait ses yeux si merveilleux.

▪ J’aimerais avoir autant de volonté que toi. Je ferais tout mon possible pour échapper à mon destin. Mais, saches que je l’ai accepté, quoiqu’il arrive…

Et puis, ne sentait-il pas dans ses bras une poitrine féminine contre son torse ? C’était à n’y rien comprendre ! Et le plus étrange, c’était que les questions qui lui traversaient l’esprit ne remettaient pas en question la situation présence et le postulat suivant : Dormin, est Dormin. Inutile de chercher plus loin. Malgré son corps étrange, il reste Andromède et cela ne change rien pour Narcisse. Au contraire même, cela le rendait plus intéressant encore… Mais il était trop tard pour se poser ce genre de questions.
Leurs regards étaient si profonds, leurs lèvres si proches… Narcisse s’approcha de quelques centimètres et eut la confirmation de ce dont il se doutait : Dormin était une femme. Peut-être pas entièrement de corps, mais son cœur était celui d’une femme, car le contact de ses lèvres avec les siennes induisait cette unique conclusion dans l’esprit de Narcisse.

La main droite du Capricorne vint attraper la gauche d’Andromède. Et tandis qu’ils s’embrassaient, une lueur dorée naquit entre eux. Ainsi Narcisse transmit-il pour un temps Excalibur à son disciple, en attendant que celui-ci transmette l’épée à celui qui porterait un jour la même armure que lui.
Il ne prononça aucun mot, lorsque leurs lèvres se détachèrent. Il resta là, le regard plongé dans le sien, flattant sa nuque de ses caresses. Puis il baissa les yeux le premier et rentra chez lui, laissant Dormin avec les fleurs de la maison des Poissons. Un autre aurait pu regretter de ne pas en profiter un tantinet plus… Mais Narcisse n’était pas ainsi. Il ne désirait pas Dormin et ce baiser de l’instant ne signifiait qu’un simple début de sentiments pour elle. Pour cette femme qui se cachait derrière l’armure. Il était trop tard pour oser développer cette relation dont la chute aurait été trop douloureuse. Car il savait qu’il ne reviendrait pas, quoiqu’il fasse. L’essentiel était cependant sauf, et c’était le plus important à ses yeux. Il jeta un dernier coup d’œil derrière lui…

▪ Au-revoir Dormin d’Andromède, puis il rentra dans sa maison…

Il avait à peine eu le temps de redresser la tête vers lui, posant ses yeux sur le chevalier à la chevelure verte. Interdit il accueillait le baiser offert par Narcisse alors que son cosmos se mêllait au sien dans son bras. C'était chaud et puissant à la fois. Une sensation grisante et agréable. Dormin ne cachait pas sa surprise. Son corps s'était crispé l'espace d'un instant alors que le gold saint l'avait attiré à lui. Ce n'était qu'un réflexe, histoire de se protéger... Cependant il le sentait... Narcisse avait peut-être percé son secret. Mais peu lui important à présent... Il savait, il le sentit... Narcisse ne reviendrai pas. Il avait beau lutter contre cette idée, rien n'y ferait... Au dehors la pluie tombait, les gouttes s'écrasant sur le sol de pierre, accompagnant l'état d'esprit de l'hermaphrodite. Après son premier maître Narcisse était le seul qui sache à son sujet... Il appréciait le contact des lèvres du gold saint et se détend finalement, osant timidement affirmer ce baiser en fermant ses yeux humides.

Une larme coule sur sa joue alors qu'il cherche malgré lui à retenir cet instant, à le préserver fort. Sa petite main vient se serrer dans celle du gold saint, ses doigts passant entre les siens naturellement. Le baiser se brise au bout de quelques secondes qui parurent de longues minutes à Dormin... une petite éternité. C'était son premier baiser... Et il était fier quelque part de l'avoir offert à son maître... non... son ami. Mais triste aussi... Leur visage s'écarte pour ne plus jamais être aussi proches. Ils restent là à se contempler l'un l'autre, la main de Narcisse dans sa nuque, ses doigts passant dans ses cheveux carmins. La main d'Andromède vient passer sur la joue du jeune homme pour la caresser, appréciant les traits de son beau visage aussi longtemps qu'il le pouvait encore, cherchant à graver cet instant dans sa mémoire. Car il n'y a bien que comme cela qu'il pourrait encore le retenir.

Le regard se quittent et leurs mains se détachent brisant la proximité des deux êtres. Dormin ne détache son regard de lui. Il a arrêté de sangloter, mais son regard reste humide. Il essaie de sourire mais si il y parvient ce dernier en dit long sur la tristesse et la résignation dont il fait preuve.


"Au revoir... Narcisse du Capricorne."


Il accepte le destin de Narcisse et ce que ce dernier leur impose. C'est trop bête... Le bronze saint porte sa main à son coeur qui se serre à chaque pas que le gold saint fait et qui l'emporte un peu plus loin de lui. Dormin s'avance jusqu'à l'entrée du temple pour suivre le gold saint du regard, appuyé contre un pilier. Il croise alors le regard de Narcisse une dernière fois... Il l'encourage d'un hochement de tête à partir en paix. C'était la dernière fois qu'ils se voyaient et son coeur se crispe à nouveau alors que de nouvelles larmes viennent mouiller ses yeux. Il fredonne alors une chanson de chez lui que lui inspirait l'instant. Comme pour accompagner le gold saint une dernière fois.


"Ecoute chaque goutte de pluie, des secrets murmurés sous la pluie. Comme par magie, cherchant quelqu'un pour entendre. Cette histoire ne serait-elle pas plus que ce que cache chacune de ces gouttelettes disparues ? Ne peut-on pas rester un peu ? C'est simplement dur de dire au revoir. Écoute la pluie qui pleure... Je reste debout seule dans la tempête. Soudainement doucement je dis non. Ne peuvent-ils pas rester pour toi car n'as pas beaucoup de temps. Ouvre tes yeux à l'amour autour de toi. Tu peux sentir que tu es seul mais je suis toujours ici avec toi.Tu peux faire tout ce dont tu as toujours rêvé. Rappelle-toi simplement d'écouter la pluie..."