Balamer poussa un hennissement d'ennui qui tira le Prophète de son inconscience. Le destrier ne semblait apprécier que peu l'inactivité de son cavalier, que ce dernier pèse de tout son poids sur l'épaisse selle sculptée. Un fin filet de vent vient s'écraser sur la sueur couvrant le corps du Cardinal de la Mort, le rafraîchissant brusquement. Il inspire alors profondément tout en rouvrant lentement les yeux. Il ne lui faut qu'un court laps de temps pour que tous les faits lui reviennent en mémoire. Peu à peu il prend conscience des gardes qui l'entourent. Des soldats d'Arès et de Poséidon. De ceux qui n'étaient pas parvenus à l'utilisation du cosmos mais dont le nombre avait permis de ne pas perdre de temps avant d'atteindre les différentes maisons. Certains le regardent hébétés, d'autres se contentent d'aller d'un corps à l'autre, voir si d'aucun se trouvaient encore en état de respirer. Achever les ennemis et sauver les alliés qui pouvaient encore l'être.
Une nouvelle inspiration profonde, comme si ça l'aidait à récupérer plus rapidement. Et peu à peu, Ephtal retrouvait de ses capacités à sentir les cosmo-énergies aux alentours. Certaines louvoient simplement, leur combat s'étant arrêté. La Charybde est de celles-ci, l'informant donc que les efforts avaient fini par payer et que le Paon était donc tombé non loin du Taureau. La Pestilence et le Frelon sont dans un état similaire, même si ce dernier n'est plus que l'ombre de lui-même. Ce combat a dû être rude également...
Sa main se resserre plus fortement sur sa faux qui n'était plus que posée contre l'encolure de son blanc et puissant étalon. Ses mâchoires en font de même l'une contre l'autre. Un dernier affrontement secoue encore le Sanctuaire. Celui-ci ne se déroule pas bien haut dans la progression vers le Temple d'Athéna... Laquelle était-elle ? La sixième ou la septième maison peut-être ? Moins loin que lors de leur première invasion. Et l'on ne pouvait pas dire que les choses se passaient très bien. La Famine ne se portait pas au mieux. Non... Pire même, à peine quelques secondes plus tard... Frozia était tombée. Il ne fallait pas forcer sa chance... Perdre un seul fauve était devenu inacceptable. Pas pour si peu de résultats... Cela n'en valait absolument pas la peine !
Il tapa un unique coup du bout de sa faux contre le sol dallé. Une brise de cosmos y est insufflée, porteuse d'un message. Sa méthode était de s'adresser directement aux Cuirasses, dont l'âme était tant liée à son porteur que celui-ci ne pouvait pas l'ignorer. Le repli ! Un message clair et précis. Poursuivre la bataille n'était plus utile, et il leur fallait quitter le Sanctuaire au plus vite. Que ses fauves reviennent vers lui et qu'ils s'en aillent de cet endroit.
Toi ! S'adressant à un garde à la recherche de survivants. Trouve-moi un chien d'Athéna qui pourra encore faire la discussion... et charge-le en croupe. Fais vite, nous n'allons plus tarder à nous retirer !
Comme demandé, il se hâta. Le plus fidèle serviteur du Dieu de la Guerre et de la Destruction ne comptait pas partir sans un trophée... et tant qu'à faire, il espérait bien apprendre où pouvait bien se trouver le Grand Pope. À deux reprises il était venu en ce Sanctuaire, et à aucun moment le guide des Saints n'avait trouvé le temps de venir lui présenter ses salutations ? Non, ça devait forcément cacher quelque chose. Le Bélier, le Taureau... du menu fretin ! Des hommes qu'il pouvait écarter de sa route sans trop de souci s'il pouvait les confronter en face à face. Le dénommé Arsiesys les surestimait-il à ce point que pour ne pas vouloir s'occuper en personne du Prophète d'Arès ? Difficile d'y croire. Ou bien aussi peu compétent qu'Orpheus l'avait signalé ? À voir...
Le Légat d'ailleurs, revenons-y... Ephtal ne pouvait s'empêcher de penser au borgne à présent. Sans le désir de vengeance de ce dernier, Berserkers et Marinas se seraient portés ensemble sur ce Sanctuaire en cette nuit. Et il n'en resterait alors plus rien que des débris et des flammes... Selon lui, ils avaient manqué l'occasion d'en finir avec Athéna. Et tout ça pour titiller ces nordiques... S'il avait bien compris la volonté d'Orpheus de riposter à l'attaque qu'il avait subie, il n'en démordait pas moins à présent que c'était là un choix stratégique pitoyable. Avec un peu de patience, tout aurait été différent. Ce soir Athènes, demain Asgard... Il espérait en tout cas que cette expédition là n'ait pas tourné à l'échec, sans quoi tout ceci n'aurait servi à rien. Considérait-il d'ailleurs la visite au Sanctuaire comme une défaite ? Non, pas réellement... mais elle lui laissait un sévère goût amer. Ils ne s'en étaient pas mal sortis. Ils s'étaient bien battus, et avaient pris l'avantage dans la plupart des combats. Mais ils n'avaient pourtant pas pu aller bien loin dans leur conquête. Malgré les bilans positifs, ils avaient été repoussés... Mi-figue mi-raisin, dit-on.
Mais tout cela, il pourrait le ruminer sur la route. Car ses soldats arrivent et il va falloir se mettre en route. Un homme qui ne tarderait plus à devenir un cadavre venait d'être posé derrière lui, comme il l'avait réclamé. Pas certain qu'il puisse en tirer quelques informations... mais au moins il remplirait son rôle de trophée, dans le pire des cas. Pas le temps d'en chercher un autre en tout cas. La route pour la Citadelle infernale ne pouvait désormais plus attendre...