Les lourdes portes de l'antichambre de la Mort se refermaient derrière moi, l'entretien avec le Prophète venait de prendre fin et je ne revenais toujours pas du don qui m'avait été fait quelques minutes plus tôt. L'effroyable cuirasse de la Pestilence s'était éveillée à nouveau pour atteindre mon cosmos, corrompant celui-ci sans que je ne puisse y faire quoique ce soit. Je ne pensais pas qu'une telle énergie pourrait se propager et s'emparer de la mienne avec tant de facilité, moi qui me vantais justement de ma maîtrise dans le domaine. Mais la, le niveau était tout simplement au dessus, et le néfaste fluide m'avait consumé en un rien de temps telle une maladie sans remède ni protection. Le Python solidement accroché à mon corps avait immédiatement relâché son étreinte, brisant ainsi le réel soutien qu'il m'apportait. L'espace d'un instant, mon corps s'était écrasé sous l'impuissance physique qui me rappelait mes tristes conditions humaines lorsque je ne disposais pas de l'appui d'une entité divine. La fumée mi noirâtre mi verdâtre, suffocante et envahissante s'était appropriée mon corps en matérialisant la cuirasse qui la symbolisait. La Pestilence. S'adaptant néanmoins à mes moyens, c'est sous la forme d'une lourde succession de plaques d’obsidienne reliées par des alliages épineux mais particulièrement solides qu'elle s'assemblait par dessus mes membres. Des joyaux et épines de jade apportaient à la fois esthétisme et dangerosité à l'ensemble relativement sombre. La cape qui l'accompagnait détenait quant à elle une couleur que je n'arrivais pas à définir. Une pâleur qui tirait sur le gris-vert, lourde et balayant le sol sur mon passage.
C'était une protection d’exception que je portais désormais.

C'était même bien plus que cela, mais pour l'heure je n'avais découvert qu'un aperçu de sa possible emprise sur moi en plus de l'aspect visuel qui avait remplacé mon ancienne cuirasse dorénavant libre de choisir un nouveau porteur. Je ne regrettais pas ce changement. Sans le soutien d'une protection divine je n'étais qu'un soldat blessé, et le Python n'avait finalement été qu'une passerelle vers un pouvoir bien plus grand encore. J'avais encore du mal à en revenir : Je faisais parti des quatre. Mais ma rencontre avec la Pestilence était loin d'être terminée, ça, je le ressentais. Quelque chose semblait vibrer dans l'air environnant alors que je traversais la seconde puis la troisième antichambre, le lien cosmique qui s'emparait de mon esprit s'intensifiait à mesure que j'approchais de celle de la terreur. Ma future demeure, celle dédiée à mon nouveau symbole. Je m’arrêtais devant les imposantes portes qui menait à celle-ci, tentant de faire le vide dans mon esprit perturbé par le trouble que me causait cette proximité avec l'imminence d'un pouvoir encore étranger, mais qui m'appelait bel et bien. Je poussai les portes qui me séparaient de mon nouveau destin afin de pénétrer dans l'antre de la Pestilence. J'y étais déjà passé à plusieurs reprises, ne serait-ce qu'aujourd'hui pour rencontrer Ephtal. Mais je la découvrais pour la première fois.

Instinctivement, je traversais la pièce pour atteindre le trône de ronces qui se situait en son centre, partiellement éclairé par les reflets émeraudes provenant du plafond et se mêlant à la brume ambiante. Effleurant le siège qui appuyait le règne du porteur de Pestilence en ces lieux, je constatais que les ronces ployaient sous la paume de ma main. Ma peau devenait pâle et mon corps se faisait plus fébrile, me forçant par conséquent à m'asseoir à la place du maître des lieux. Alors que je m'enfonçai dans le creux du trône épineux, un sentiment de fierté s'imposait parmi les inquiétudes qui s'éteignaient immédiatement. La confiance revenait, s'intensifiait même. Je ne pouvais retenir un ricanement alors que mon cosmos envahissait l'antichambre dans son intégralité, imprégnant le brouillard acide et assimilant son poison. Je me surprenais même à respirer sans le moindre gène ce que je tentai d’inhaler le moins possible lors de mes précédents passages. Et alors, je réalisais. Je réalisais que mon corps n'était plus un fardeau, que mes profondes blessures s'étaient allégées et que mes os brisés semblaient de nouveau solides. La cuirasse me faisait comprendre que son œuvre maladive sur l'environnement et sur les hommes pouvait me réparer, me renforcer, et même m'apporter plus que ce que je n'aie encore jamais possédé. En incarnant la terreur et en rependant son fléau, en corrompant les merveilles de ce monde pour les offrir à son Maître, je pouvais disposer d'une puissance sans égale. Si cela pouvait sonner comme des promesses vide de vérités, j’interprétai les murmures intimes de la Pestilence comme une valeurs sûre. Peut être pour flatter mon ego d'une part, mais surtout parce qu'elle m'avait choisie et que par conséquent, mon œuvre était la sienne. Mon succès était le sien.
En œuvrant pour elle, j’œuvrai pour moi.

Qu'il est bon d'enfin trouver sa place...

Je laissais ma nuque tomber en arrière, m'abandonnant au confort et à la sécurité des lieux. Peu à peu, je sentais mon esprit se perdre au milieu des pensées, des rêves, des envies et des projets accessibles ou non. Je savais aujourd'hui que la puissance était entre mes mains, et qu'il était temps de créer mes propres arcanes si je voulais m'imposer parmi les plus puissants des soldats divins. La Citadelle n'avait été que le berceau de Casshern du Python, mais il était grand temps de passer les portes d'obsidienne sous une nouvelle identité. L’identité du Cardinal de la Pestilence, du Corrupteur Divin... Mes yeux se fermaient afin de mieux pouvoir trouver le repos. Un long sommeil m'attendait, alors qu'une fumée noirâtre me préservait visuellement des alliés qui traverseraient ma nouvelle demeure, dans le cas ou la brume acide et étouffante ne suffirait pas. Au cours de ce sommeil, mon corps comme mon esprit allaient totalement s'imprégner de l'aura de cette entité qui m'avait choisi comme réceptacle vivant. A mon réveil, je savais que je serai changé à jamais. Marqué par la Pestilence et un des favoris d'Arès. Mon arrogance et ma fierté n'en sortaient que plus solides encore, je ne pouvais dire le contraire, mais ma ferveur et mon efficacité auxquelles mes défauts étaient liés s'accentuaient également.
Une nouvelle tâche m'était confiée, et seul le jugement futur d'Arès ou de son Prophète pouvait dire si mes agissements en tant que détenteur de la Pestilence seraient satisfaisants ou non. Mais pour ma part, plus aucuns démons intérieurs ne m’empêchaient d'affirmer que mes desseins seront synonymes de réussite. En hommage au Dieu de la Destruction, bien évidemment.